Statut des fonctionnaires : les premières pistes du projet de loi sur leurs droits et devoirs


La Vie des idées : La législation d’exception peut-elle raisonnablement être adoptée dans l’urgence ?



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La Vie des idées : La législation d’exception peut-elle raisonnablement être adoptée dans l’urgence ?

François Saint-Bonnet : Le président de la République a évoqué deux choses : immédiatement, la prorogation de l’état d’urgence pour trois mois et le « toilettage » de cette loi, rapidement une révision de la constitution pour permettre d’agir « conformément à l’État de droit, contre le terrorisme de guerre ».

La prorogation pour trois mois ne veut pas dire que l’état d’urgence sera maintenu trois mois : le président peut décider d’y mettre fin avant. Il peut en outre y être contraint par le juge s’il s’abstient de le faire alors que la situation ne le justifie plus (jurisprudence du Conseil d’État de 2005). Le toilettage de la loi de 1955 est différent : il n’est jamais très bon de légiférer sur l’urgence dans l’urgence. Était-il absolument nécessaire d’assouplir les exigences relatives aux assignations à résidence et aux perquisitions en révisant la loi car cette célérité prive d’un débat serein et apaisé ? Était-il impératif de donner en contrepartie la fin du contrôle de la presse ? Il suffisait de ne pas activer cette disposition et de l’ôter ultérieurement de la loi.



La Vie des idées : Comment le droit peut-il prendre en charge la question du terrorisme sans passer par la législation d’exception ?

François Saint-Bonnet : Il faut s’efforcer d’identifier la spécificité du terrorisme djihadiste. Ces individus ne sont ni des délinquants ni des combattants « classiques ». Ils ne sont pas des délinquants car ils ne craignent pas la mort, ils la souhaitent même car elle est susceptible de leur apporter la gloire aux yeux de leurs frères. Or le délinquant « traditionnel » la craint : le voleur veut jouir du bien qu’il a soustrait, le violeur veut continuer à pouvoir le faire. Ce sont des délits ou des crimes que la société doit combattre. Elle pense pouvoir les empêcher de poursuivre cette activité en les menaçant de la peine de mort pour les crimes les plus graves jadis et naguère, de la détention longue aujourd’hui.

Tout le système pénal de la modernité repose sur cette logique que la peine de mort sans cruauté excessive est le summum de la répression possible. Lorsque l’on a affaire à des gens qui ne la craignent pas et qui l’anticipent avec des ceintures de bombes, c’est tout le système répressif des modernes, donc tout le droit pénal qui semble dérisoire les concernant. C’est pourquoi il semble qu’il faille sortir du droit pénal le traitement juridique du terrorisme et résister à la tentation d’une sorte de super droit pénal, ce que Günther Jacobs appelle le droit pénal de l’ennemi.

Les terroristes djihadistes ne sont pas non plus des combattants. Cette catégorie juridique renvoie aux conventions internationales relatives au droit de la guerre qui, tout en reconnaissant à certains le droit de tuer dans certaines circonstances, les soumettent à des conditions que l’on peut résumer par l’idée de loyauté : ne pas s’en prendre à des gens désarmés, sans uniforme, ne pas utiliser d’armes interdites, proportionner l’usage de la force, faire des prisonniers en les traitant dignement plutôt que de les éliminer, etc. Bref, il s’agit de reconnaitre dans le combattant de l’autre camp un « juste ennemi », un alter ego. Dans cette logique, le combat est jusqu’à un certain point « ritualisé ». La réalité n’est jamais en phase avec cet idéal, mais il posé parce qu’il a été pensé. Le terrorisme djihadiste ne ressemble en rien à ce combattant-là, lui qui tire sur des gens désarmés, qui les achève tandis qu’ils gisent et supplient, et qui se fait exploser lâchement lorsque le moment du combat survient.

Il ne faut donc pas tenter de rapprocher le combattant du terroriste djihadiste en inventant une catégorie telle que celle de « combattant illégal » imaginée par les différents Patriot acts de 2001. Bref, il ne faut pas déstabiliser les catégories lentement construites par la modernité, d’une part celle du droit pénal désormais enserré par des droits et libertés qui sont des motifs légitimes de fierté pour les démocraties modernes, d’autre part celle du droit des conflits armées également corseté par des normes contraignantes dues à un siècle et demi d’efforts de juristes et de dirigeants pétris d’humanité.

LA VOIE SERAIT DE CONSTRUIRE EX NIHILO UN DROIT SPÉCIFIQUE APPLICABLE AUX TERRORISTES DJIHADISTES

La voie serait de construire ex nihilo un droit spécifique applicable aux terroristes djihadistes, droit qui ne polluerait ni le droit pénal (droit de la délinquance) ni le droit international (droit de la guerre). Cela suppose d’identifier avec des critères les plus précis possibles ces djihadistes qui nourrissent une telle haine pour la modernité afin de ne pas ouvrir un trop grand filet dans lequel pourrait être pris des gens qui n’ont rien à voir avec le terrorisme comme on a pu le déplorer aux États-Unis dans les années 2000. Cette identification passerait nécessairement par des mesures de surveillances assez intrusives, d’où la nécessité de contrôles juridiques et politiques renforcés. Si l’on augmente la puissance globale de l’État sur les individus, il faut « compenser » cette augmentation par celle du contrôle, lequel doit passer par des voies de recours efficaces, une vigilance accrue des juridictions qui contrôlent l’administration et par une société civile en éveil : presse, associations de défense des droits, organisations de magistrats, d’avocats, etc.

Ces critères identifiés, de quelles libertés des modernes pourrait-on priver ceux qui haïssent la modernité ?

Sans doute pas celles qui touchent à l’expression et à la communication. Ce n’est jamais en faisant comme si une idée n’existait pas, fût-elle odieuse et criminelle, qu’on la combat. C’est pourquoi la fermeture de sites internet djihadistes ou la pénalisation de la consultation habituelle de ces sites (loi du 13 novembre 2014) n’est pas nécessairement la bonne solution. Il est préférable d’éduquer sur ce qu’est le djihadisme dans son volet idéologique et d’expliquer les mécanismes propagandistes qui sont en œuvre. On ajoutera que c’est la force de la démocratie d’être prête à affronter des idées : elle doit mener ce combat. Et surtout ne pas offrir à ses ennemis le loisir de passer pour des victimes ou des martyrs de la liberté d’expression.

Sans doute pas davantage celles qui concernent les garanties procédurales et, de manière générale, la faveur donnée au juge, et spécialement au juge judiciaire. Plus on porte atteinte à des libertés, et plus le contrôle est nécessaire. On a coutume de dire en droit des libertés qu’il est préférable qu’un coupable soit en liberté plutôt qu’un innocent en prison, il faut encore le penser face à la menace terroriste, même si cela est difficile.

Sans doute pas non plus le droit de la nationalité. Priver un individu de son passeport français n’aura aucun impact sur quelqu’un qui déteste déjà la France : il ne se perçoit déjà plus comme un concitoyen. S’agit-il de satisfaire les « bons Français » que les « mauvais » ne soient plus parmi eux ? C’est sans doute une échappatoire rassurante et une sorte de cécité volontaire. Et cela prive de la perspective de faire de l’ennemi, via les programmes de « déradicalisation », un ami et un futur modèle.

En revanche, la question cardinale de l’habeas corpus, à savoir de l’impossibilité de détenir un corps, bref de retenir un individu, alors qu’il n’a pas commis de fait délictueux ou criminel, doit être posée. Et de même, la question du respect dû à la vie privée et donc de la surveillance d’une personne à son insu pour déterminer si elle entre dans la catégorie visée.

Depuis 1945, le niveau de protection de nos libertés n’a jamais cessé de croître tandis que fléchissait celui des menaces, spécialement après la chute du mur. On en est arrivé à penser que ce niveau élevé de protection était immuable. On évoquait même la théorie du « cliquet » pour décrire le fait que la protection juridique des libertés progressait toujours et ne régressait jamais. Ce temps n’est plus. Les libertés ont un prix qu’ont payé fort cher ceux qui ont résisté dès 1940 ou qui ont pris le maquis par la suite. Un prix en vies humaines ou un prix en libertés. Le système juridique des modernes repose sur la sortie de l’état de nature décrit par tous les philosophes comme un état d’insécurité « insupportable » et sur le fait de confier à l’État le soin de garantir la sécurité des individus qui ont renoncé à la violence, c’est la condition même du possible épanouissement des droits fondamentaux. L’équilibre entre sécurité et libertés est nécessairement mouvant et il est sans cesse « actuel » : il peut être réévalué démocratiquement à condition toutefois de sortir rapidement de l’émotion et des arguments d’autorité et de renouveler ceux de la raison.




Qu’est-ce que la République ?

À propos de : Samuel Hayat, 1848, Quand la République était révolutionnaire. Citoyenneté et représentation, Seuil.

par Manuel Cervera-Marzal , le 29 octobre 2015 Mots-clés Télécharger l'article

La République est une idée complexe qui oscille entre deux héritages, modéré et révolutionnaire. Samuel Hayat revient sur cet antagonisme cristallisé dans la Révolution de 1848.

Recensé : Samuel Hayat, 1848, Quand la République était révolutionnaire. Citoyenneté et représentation, Paris, Seuil, 415 p., 24€.

En mai 2015, le changement de nom de l’UMP, rebaptisé « Les Républicains », suscita la protestation de plusieurs intellectuels. L’historien Jean-Noël Jeanneney reprocha à Nicolas Sarkozy cette « indigne captation d’héritage » tandis que le philosophe Marcel Gauchet pria l’ancien président « d’ajouter un adjectif » au nom de son nouveau parti [1]. Objet de luttes politiques, la République constitue également un terrain d’investigation central et régulièrement réinvesti dans le champ intellectuel [2]. Néanmoins, les travaux proprement historiques se font rares. À cet égard, l’ouvrage du politiste Samuel Hayat vient combler un manque.

En revenant aux fondements historiques de la tradition républicaine, l’auteur opère une relecture originale des controverses politiques et intellectuelles soulevées lors de l’insurrection de 1848. Cette « révolution oubliée » [3], coincée entre celles de 1789 et 1870, est pourtant riche d’enjeux. Que recouvrent les idées de peuple, de gouvernement, de liberté, de représentation et de citoyenneté ? Comment différents acteurs s’affrontent-ils pour tenter d’imposer leur propre conception de chacun de ces termes ? D’où proviennent ces affrontements et quelle trace ont-ils laissée ?

Telles sont les questions qui guident la réflexion de Samuel Hayat. Plus qu’un récit factuel des évènements, l’auteur met en œuvre une histoire conceptuelle et sociale de l’idée républicaine. L’ouvrage, qui se focalise sur les débats publics ayant eu lieu à Paris entre février et juin 1848, n’apporte pas de sources inédites. Mais il donne aux connaissances déjà établies une véritable profondeur philosophique en montrant comment la révolution de 1848 opère une rupture fondamentale dans l’histoire de l’idée républicaine.

Les deux faces de la République : modération et insurrection

Comment caractériser la période qui s’étend de l’abdication du roi Louis-Philippe le 24 février 1848 à l’installation de la nouvelle Assemblée nationale le 4 mai suivant ? Le récit dominant assimile cette séquence à une « transition » entre deux régimes, la monarchie de Juillet et la Seconde République. Or, explique Samuel Hayat, assimiler la République à un simple changement du personnel étatique et de ses procédures de sélection revient à occulter un fait fondamental : la période en question ne contient pas une mais plusieurs conceptions de la République. Au delà de l’affrontement entre partisans du roi et promoteurs du suffrage universel, la césure fondamentale de 1848 sépare, à l’intérieur même du camp républicain, ceux qui défendent un gouvernement représentatif adossé à un libéralisme économique et ceux qui luttent pour le règne du peuple et le socialisme. Tandis que la majorité du Gouvernement provisoire valorise la séparation entre la société et l’État – seulement reliés par des mécanismes de représentation –, les ouvriers organisés imbriquent le social dans le politique car ils y voient deux dimensions indissociables d’un même projet révolutionnaire.

L’ouvrage reconstitue pas à pas le déroulement des évènements. À chaque étape intervient une multiplicité d’acteurs aux identités mouvantes et poreuses. Les démarcations idéologiques et les alliances stratégiques ne cessent d’évoluer. Les idées sont prises dans le jeu des rapports de force, et réciproquement. Le récit chronologique qui se déploie en sept chapitres entend démontrer l’hypothèse suivante : au cours de la révolution de 1848 se cristallisent progressivement deux conceptions antagoniques de la République.

La première prétend rompre avec la monarchie de Juillet. En réalité, elle se contente de substituer le suffrage universel (masculin) au suffrage censitaire. Ce bouleversement considérable des règles du jeu électoral laisse pourtant intacts les principes du gouvernement représentatif sur lesquels était fondé le règne de Louis-Philippe. En effet, à bien y regarder, la « République modérée » promue par Lamartine reconduit le refus de l’intervention de l’État dans l’économie, l’indépendance des représentants et l’exclusion politique des représentés. Face à ces défenseurs de la modération se dressent les partisans de la « République démocratique et sociale », comme l’anarchiste Pierre-Joseph Proudhon et le socialiste Pierre Leroux. À leurs yeux, ni le Gouvernement provisoire ni l’Assemblée constituante n’ont mené à bien le projet d’égalité sociale porté par les insurgés de février. La révolution est à pousser à son terme, voire à réaliser une deuxième fois. Sans quoi la République demeurera un vain mot.



Représentants et représentés

L’affrontement entre la République modérée et la République démocratique et sociale est en germe dès le début des années 1840, voire dès la Révolution française. Il se cristallise progressivement au cours du printemps 1848, puis il explose le 15 mai 1848 à Paris. La veille au soir, le climat est extrêmement tendu. Trois éléments se conjuguent : le refus du Gouvernement provisoire d’apporter son aide au peuple polonais insurgé, la répression sanglante d’une émeute à Rouen et la décision de repousser d’une semaine une fête pour laquelle de nombreux gardes nationaux de province étaient montés à la capitale. Le 15 mai, ce cocktail de mécontentements provoque l’invasion de l’Assemblée nationale par des manifestants. Ils se font ensuite violemment réprimer et la Garde nationale rétablit l’ordre en arrêtant plusieurs dirigeants du mouvement clubiste.

Cette journée riche en rebondissements a donné lieu à de multiples interprétations. Samuel Hayat n’y voit ni un complot (anarchiste ou conservateur) contre les autorités, ni une conséquence de la question polonaise. L’invasion de l’Assemblée constitue plutôt un acte de transgression qui est à lui-même sa propre fin, au sens où cet acte vise à « forcer l’Assemblée à délibérer sur certains sujets (la Pologne, Rouen, l’organisation du travail), et dans des conditions déterminées (à la demande et/ou sous la surveillance des manifestants) » (p. 278). En définitive, cette invasion soulève l’enjeu suivant : l’Assemblée nationale a-t-elle vocation à écouter le peuple ou, au contraire, à parler à sa place ? Autrement dit, les représentants du peuple détiennent-ils le monopole de la légitimité républicaine ou partagent-ils leur droit de parole avec les citoyens ordinaires ?

Aucune des forces en présence ne nie la nécessité de doter la nation de représentants politiques. Mais à une interprétation exclusive de la représentation – les représentants ont l’exclusivité des affaires publiques – s’oppose une interprétationinclusive de la représentation – qui permet la cohabitation entre l’action parlementaire et la participation citoyenne. L’option défendue par les républicains modérés correspond globalement à ce que Bernard Manin a décrit comme le principal pilier doctrinal du gouvernement représentatif : les citoyens ont le droit deconsentir au pouvoir (en votant pour qui ils veulent), mais pas d’y accéder [4].



Les institutions de la citoyenneté : Gouvernement provisoire, Garde nationale et Commission du Luxembourg

Derrière ces deux idées de la représentation s’affrontent également deux approches de la citoyenneté et de ses modes d’exercice. Les vainqueurs du 15 mai, pour qui la République se réduit à l’instauration du suffrage universel, défendent une citoyenneté exclusive (le pouvoir des représentants exclut celui des représentés), unitaire (le citoyen existe sous la seule figure de l’électeur) et abstraite (le citoyen est un être universel dénué de caractéristiques spécifiques comme sa profession ou son sexe).

Les défenseurs de la République démocratique inaugurent au contraire une forme de citoyenneté inclusive (la représentation politique est associée à la participation directe des citoyens), plurielle (le citoyen endosse tour à tour le rôle de sujet de droit, de combattant, d’ouvrier et de délibérant) et sociale (les citoyens sont définis par leur activité politique, mais aussi par leurs appartenances sociales). Cette citoyenneté « révolutionnaire » permet à la liberté de se déployer sur la scène politique. Néanmoins, rappelle Samuel Hayat, cette scène reste essentiellement nationale et masculine, puisque les étrangers et les femmes sont exclus de la citoyenneté au printemps 1848.

L’oscillation permanente entre citoyenneté inclusive et citoyenneté exclusive n’est pas qu’une affaire d’idéologie. Les conflits doctrinaux prennent corps dans l’ensemble des institutions chargées d’incarner la République. L’incertitude est immense quant à la mission qui incombe aux institutions nées de l’insurrection. Le Gouvernement provisoire formé le 24 février est-il une administration territoriale chargée de rétablir l’ordre dans la capitale afin de préparer sereinement les élections de l’Assemblée constituante, ou est-il au contraire une autorité révolutionnaire chargée de transformer en profondeur des relations socio-économiques inégalitaires ? La Garde nationale parisienne est-elle un outil de répression entre les mains de l’État, ou est-elle le peuple en armes défendant ses aspirations révolutionnaires, fût-ce contre la volonté de l’État ? La Commission du Luxembourg créée le 28 février pour lutter contre la misère se cantonne-t-elle à offrir aux ouvriers un simple lieu de discussion, ou peut-elle passer à l’action et remplir le rôle d’organisation politique centralisée du mouvement ouvrier ? Seule la victoire finale des modérés mettra un terme à ces tensions en consacrant la prééminence du gouvernement représentatif sur la citoyenneté active.

Ainsi, un des principaux apports de cette étude est de remettre en question l’assimilation généralisée entre élection et représentation. En effet, entre le 24 février et le 4 mai 1848, les nombreuses institutions susmentionnées parlent et agissent au nom des citoyens, mais aucune ne peut se prévaloir d’avoir été formée par une élection nationale. Dans le prolongement des travaux de Hanna Pitkin [5] et Michael Saward [6], Samuel Hayat invite à prendre en compte les formes non élues de représentation politique.

Les potentialités émancipatrices de la République

Un autre argument essentiel de l’ouvrage est que l’affrontement proprement politique entre républicains modérés et radicaux se superpose in fine à une opposition de classe entre bourgeois et ouvriers. Mais des articles, des pétitions, des pamphlets et des proclamations suffisent-ils à démontrer le soubassement économique de ce conflit politique ? C’est ici que le choix méthodologique de départ se fait le plus ressentir puisque, en privilégiant une histoire des idées [7] qui délaisse pratiquement tout recours à l’histoire sociale, l’auteur se prive des moyens d’établir une correspondance entre les doctrines politiques et le profil sociologique de ceux qui agissent en leur nom.

Cependant, l’ouvrage de Samuel Hayat remplit son ambition principale : exhumer la face cachée – ou plutôt vaincue puis occultée – de la République. Certes, bien des changements ont affecté nos institutions au cours des cent cinquante dernières années. Mais, laisse entendre l’auteur, les principes qui les sous-tendent n’ont pas fondamentalement changé. Indépendance des représentants, séparation entre État et société, négligence de la question sociale, exclusion des étrangers, réduction du citoyen au statut de spectateur et règne des capacités demeurent peu ou prou l’horizon idéologique de notre République.

Pourtant, la tradition des vaincus n’a pas entièrement disparu. Elle se réactive épisodiquement sous la figure du « mouvement social », qui ne cesse de rappeler la République à ses promesses d’émancipation.



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