Statut des fonctionnaires : les premières pistes du projet de loi sur leurs droits et devoirs


Notre système de justice n’est pas à la hauteur de notre pays



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Notre système de justice n’est pas à la hauteur de notre pays

 Par Laurence Junod-Fanget  |  06/04/2016, 15:15  |  752  mots

Laurence Junod-Fanget, Bâtonnière du Barreau de Lyon. (Crédits : DR)L'insuffisance du nombre de magistrats et de greffiers date de plusieurs années et la situation s'est fortement dégradée au sein de nombreuses juridictions. Ce déficit de ressources entraîne des délais très importants, trop importants, et insupportables pour les justiciables. Par Laurence Junod-Fanget, Bâtonnière du Barreau de Lyon.

Dimanche 3 avril dernier, Jean-Jacques Urvoas, Garde des Sceaux, confiait auJournal du Dimanche son malaise face au "risque que la machine judiciaire se grippe". Mais face à l'état d'urgence budgétaire actuel, il faut le dire, la machine est grippée, et depuis longtemps !



Manque d'effectif

En ma qualité d'avocat, de partenaire de justice, je ne peux que confirmer cette situation qui n'est pas nouvelle. Le manque d'effectif est un sujet récurrent. L'insuffisance du nombre de magistrats et de greffiers date de plusieurs années et la situation s'est fortement dégradée au sein de nombreuses juridictions. Ce déficit de ressources entraîne des délais très importants, trop importants, et insupportables pour les justiciables.

À Lyon, il faut actuellement huit mois pour être convoqué devant le juge aux affaires familiales dans le cadre d'un divorce. Le stock des dossiers en attente à la chambre de la famille équivaut à un an de contentieux. En matière de construction et de propriété intellectuelle, alors que le dossier est en état d'être plaidé, il faut attendre deux ans. Devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, il faudrait cinq ans pour remédier au retard (8 000 dossiers).

Derrière ces chiffres, ce sont des centaines de particuliers, sociétés, artisans qui sont dans l'attente d'une décision de justice. Les créations de postes ces dernières années restent bien en deçà des besoins. L'effectif des magistrats et des greffiers doit être réévalué à la hausse au regard du volume des dossiers.



Des actions pour agir

En ma qualité de Bâtonnière, si je me réjouis des bonnes relations entre le barreau et les magistrats, je ne peux que constater le manque de moyens mis à leur disposition. Des réunions régulières avec les chefs de juridictions permettent d'échanger de façon constructive, de nous concerter et de trouver des solutions pragmatiques.

Pour parler d'actions concrètes, des dispositions seront prises en concertation à l'occasion de la Coupe d'Europe de football (renforcement du dispositif de permanences garde à vue et de comparution immédiate par les avocats).

Nous n'attendons pas pour agir et pour faire avancer les choses. Les barreaux prennent à leur charge de nombreuses missions d'intérêt général.

Le Barreau est aussi force de proposition. Depuis trois ans, il a pris des initiatives pour développer et promouvoir les modes amiables de résolution des différends en lien avec les juridictions, notamment en organisant au sein du Palais de justice des consultations gratuites sur ces modes amiables. Le Centre de Justice Amiable des avocats, ouvert depuis le mois de juin 2014, informe les citoyens sur ces nouveaux outils.

Mais ne nous méprenons pas, les modes amiables n'ont pas pour vocation de pallier l'insuffisance de moyens de la justice et de désengorger cette dernière. Ces nouveaux modes de règlement des litiges répondent à un changement profond des mentalités et des désirs de nos concitoyens. Ils ne doivent pas empêcher le justiciable d'avoir recours au juge.



Paupérisation de notre système judiciaire

C'est une réelle opportunité qui doit être soutenue par l'État. Malheureusement, le projet de réforme de la Justice du XXIe siècle est pour l'instant "enterré". Notre système de justice n'est pas à la hauteur d'un pays comme la France. Il faut que l'État prenne des mesures financières pour remédier à la paupérisation de notre système judiciaire. Ce n'est pas aux citoyens, aux magistrats et ni aux partenaires de justice d'en supporter les conséquences.

Selon une étude de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (2014), la France consacre à sa justice 61 euros par habitant et par an. C'est bien en dessous de ce que font l'Allemagne (114 euros), l'Angleterre (96), la Belgique (89) ou encore l'Italie (77).

Notre pays se classe 37e sur 45 sur la base du budget de la justice rapporté à la population du pays et à la richesse mesurée par le PIB par habitant. La justice en France est donc toujours le parent pauvre de l'État.

Or, l'accès à la justice est aussi important que l'accès aux soins ou à l'éducation. L'État doit donner à la justice française des moyens décents et garantir ainsi nos valeurs fondamentales. C'est une question de démocratie.
Privatiser les aéroports de Lyon et Nice ne relève pas de l'intérêt général

 Par Alain Battisti  |  07/04/2016, 9:05  |  750  mots

d'écran)Selon Alain Battisti, Président de la Chambre Syndicale du Transport Aérien, membre de la FNAM, les privatisations des Aéroports de Lyon et Nice et Lyon relèvent d'une vision à court terme. Ces opérations seront surtout une excellente opportunité pour les investisseurs privés qui remporteront l'appel d'offres. Et pour cause : le taux de rentabilité de ces équipements est important, estime Alain Battisti.

La privatisation est nécessaire pour les finances publiques ! L'objectif est d'encaisser plusieurs milliards à travers la privatisation des concessions aéroportuaires. Il s'agit simplement d'un raisonnement de recherche d'expédients financiers à travers ces deux privatisations. Cela peut même s'apparenter à du "pseudo-libéralisme".



Logique financière

On est dans une logique purement financière, pas du tout dans une approche de développement ou de dynamisation des Territoires. Privatiser Lyon et Nice ne relève pas de l'intérêt général.

Quant à savoir qui va être retenu, on peut penser que c'est celui qui mettra le plus d'argent sur la table. Prenez l'exemple de Toulouse, l'investisseur chinois retenu était inconnu de tous, il n'avait aucune expérience aéroportuaire et il a disparu le jour de l'attribution de la concession.

A lire / Dossier : Aéroports de Lyon, la privatisation en marche

Un aéroport n'est pas une entreprise comme les autres. Rappelez-vous que le président Ronald Reagan, plutôt libéral, avait stoppé la privatisation des aéroports américains parce qu'il considérait qu'ils relevaient de l'intérêt général et qu'il s'agissait d'un monopole public que l'on allait transformer en monopole privé.

La "large" consultation des parties prenantes s'est faite sans les clients. Les compagnies aériennes ont été simplement exclues des échanges préalables !

Qu'est-ce qui justifie l'ouverture du capital ?

Nice n'a pas besoin d'investissements particuliers parce que tous ceux qui étaient nécessaires ont déjà été réalisés. Dans le cas de Lyon, il n'y a pas non plus d'obligations particulières d'autant que des investissements ont été réalisés pour des extensions de capacités qui sont d'ailleurs considérées comme inutiles aujourd'hui.

Que ce soit Lyon ou Nice, il n'y a aucune nécessité de rechercher des investisseurs pour assurer des investissements d'infrastructures.

Insistons sur un point : un aéroport, qui est en situation de monopole territorial, n'est pas une structure comme les autres. Aujourd'hui, vous pouvez prendre une autoroute payante en concession ou une nationale gratuite, dans le cas d'un aéroport vous n'avez pas le choix, on est donc face à un monopole public qui va être transféré à des intérêts privés, mais qui restera un monopole. Donc, la seule motivation de fond de ces deux opérations est de récupérer des recettes autres que fiscales.



Forte rentabilité

Pour les investisseurs, l'intérêt est avant tout économique puisqu'ils vont avoir un rendement tout à fait exceptionnel qu'ils n'auraient pas dans d'autres secteurs de l'industrie et en particulier dans le transport aérien.

Avec une compagnie aérienne, vous obtenez un rendement de l'ordre de 1% par an alors que dans ce cas précis ils sont à peu près sûrs d'avoir des taux de rendement de 8 à 10 fois supérieurs avec un risque qui est absolument nul...

Aujourd'hui, les aéroports sont des machines à cash avec un trafic aérien qui est en croissance assurée sur le long terme et l'investisseur est, en outre, protégé par un contrat de régulation qui le garantit de toutes évolutions négatives.

C'est une situation qui ressemble beaucoup à celles des concessions autoroutières pourtant dénoncées par le gouvernement, il y a peu.

Le marché des lignes internationales est-il convaincant aujourd'hui ?

Aujourd'hui, la plupart des aéroports de province ont des droits de trafic non utilisés avec la Chine ou avec l'Amérique du Nord. Pourquoi ces droits ne sont pas utilisés ? C'est tout simplement parce que les compagnies aériennes chinoises et américaines ne voient pas de marché, y compris à partir des plus grandes villes de province pour exploiter un vol quotidien sur des routes directes ! Cela, malgré des flux très importants de trafic notamment vers l'Amérique du Nord.

Dans le cas des compagnies du Golfe, on est dans une approche commerciale de détournement de clientèle par ces compagnies qui souhaitent utiliser leur propre hub comme élément de conquête.

A ce sujet, on parle toujours des compagnies du Golfe mais celles qui "siphonnent" le plus de passagers en France vers les destinations internationales sont les compagnies aériennes turques. Certes, ce sont des approches commerciales légitimes mais peut-être fait-on preuve d'un peu trop d'angélisme à leur égard. Les conséquences de ces concurrences débridées, qui bénéficient de règles fiscales, sociales, environnementales plus favorables, sont la destruction lente et continue de l'emploi en France.

 

Auvergne Rhône-Alpes  : L. Wauquiez détaille les 75 millions d'économies

 Par Marie-Annick Depagneux  |  04/04/2016, 15:20  |  885  mots

Laurent Cerino/ADE)Le président LR de la Région a présenté, en fin de semaine dernière, les coupes prévues dans le train de vie de l'institution et la remise à plat des politiques régionales figurant au budget primitif 2016. Il annonce un retour aux subventions directes accordées aux entreprises et des aides sur mesure aux chômeurs, sous réserve d'un emploi à la clé.

Le compte est bon, sur le papier. Laurent Wauquiez, président LR de la région Auvergne Rhône-Alpes a détaillé, en fin de semaine, les 75 millions d'économies de fonctionnement inscrites au budget primitif 2016, qui sera débattu en séance plénière les 13, 14 et 15 avril prochains.



"Il faut tourner la page du gaspillage. C'est la première fois dans l'histoire de la région qu'un plan de cette ampleur sera mis en œuvre ", et "sans doute" une première "pour une région" a martelé le patron du conseil régional, fidèle à lui-même, devant la presse.

"Nous avons tout examiné ligne après ligne", a témoignéÉtienne Blanc, 1er vice-président, en charge des Finances.

Diviser par trois le nombre des directeurs

Le retour à l'exemplarité des élus, dont Laurent Wauquiez a fait son credo de départ, produit "5,8 millions d'euros" de dépenses en moins. Et il n'exclut pas d'arriver à "6 millions". S'ajoutent "5,1 millions d'euros" de baisse dans le train de vie de la collectivité et "6,1 millions de gains de productivité"attendus de la fusion des deux anciennes régions.

Est ainsi annoncée la division par trois des directeurs dont le nombre serait ramené à 18 ou 25. "Les départs se font en bonne entente", assure Laurent Wauquiez. Certains collaborateurs sont déjà partis, pour la Dreal en Paca, pour le ministère de l'éducation etc.

Lors du débat d'orientation budgétaire (DOB), en mars, il avait fustigé "sept échelons d'organisation administrative étouffant les agents".

"C'est une période assez étrange où chacun se regarde en chiens de faïence, glisse un fonctionnaire. Et comment va t-il s'y prendre pour maintenir la paix sociale ?"

Contracts en direct

Le deuxième champ d'économies, avec 36 millions d'euros envisagés, s'applique à l'ensemble des politiques régionales.



"Nous avons été frappés par une quantité de processus administratifs trop lourds", a répété Laurent Wauquiez.

Pour exemple, les contrats territoriaux :



"Il n'est plus question que sur un euro que nous versons, 40 centimes aillent au financement des emplois (258 au total) que les syndicats intercommunaux devaient créer pour les faire fonctionner".

En matière de politique de la Ville, la Région ne veut plus passer par l'ANRU devenue trop pesante, mais contractualiser directement avec les villes et les intercommunalités.



"Je ne paie pas les trains qui ne roulent pas"

Eu égard à la SNCF, le numéro 2 du parti LR manie le bâton : "Je ne paie pas les trains qui ne roulent pas." Guillaume Pepy, le patron de la compagnie nationale, recevra ainsi la note de la dernière grève.

En incluant les pénalités qui seront réclamées en cas de retard des TER et la renégociation de la convention actuelle arrivant à échéance à la fin de l'année, le nouvel exécutif espère pas moins de 6,6 millions d'euros de dépenses en moins sur ce poste !

Le président a aussi décrété une diminution de 4,2 millions d'euros des crédits à l'international : "Nous ne sommes ni le quai d'Orsay ni une agence de voyages d'élus", tonne Laurent Wauquiez. Est également évoquée la fusion des deux centres régionaux de tourisme ainsi que des agences économiques.



L'emploi et la formation professionnelle

"Un budget, c'est fait pour fixer nos priorités. On augmente tout ce qui peut avoir un effet de levier sur l'emploi", insiste le président Wauquiez.

Martial Saddier, vice-président délégué aux entreprises et au développement économique, met en avant "le grand retour à des aides directes aux entreprises avec un conventionnement exigé".

Le premier bénéficiaire aura été le groupe Aubert & Duval pour une subvention de 1,2 million d'euros.



Lire aussi : Aubert & Duval va tripler sa capacité de superalliages

Également en ligne de mire pour effectuer des économies, la refonte des marchés de la formation professionnelle. Le président de la Région compte bien mener ses propres expérimentations, refusant le plan formation proposé par le président de la République.



"On ne mettra pas un euro dans le plan Hollande dévoilé le 18 janvier dernier. Nous ferons du sur mesure. S'il faut payer un permis de conduire à un jeune, nous le ferons, à condition qu'il y ait un job à la clé", assène Laurent Wauquiez.

Préférence régionale

La relance "ambitieuse" de l'investissement, soutenue par les économies réalisées en fonctionnement,  s'établit à 897 millions d'euros. Soit une hausse de 100 millions (en prévisionnel).

Il devrait générer l'équivalent de "17.000 emplois" dans les entreprises avec une clause de préférence régionale. Quatre domaines sont mis en avant : le développement numérique (46 millions + 39 %), la sécurité des populations (vidéo protection), les lycées y compris privés (262 millions budgétisés en hausse de 5 millions) et les infrastructures avec un retour sur les routes.

"Contrevérité"

Lors de la séance du 17 mars consacrée au DOB, Jean-François Debat, président du groupe socialiste, démocrate, écologiste et apparenté, et ex-vice-président aux Finances a qualifié de "contrevérité" l'inversion de la tendance en matière d'investissement.



"Quand vous prévoyez 4 milliards d'investissement sur le mandat, c'est moins que nous", avait-il objecté. Et d'ajouter : "Vos économies ne sont que des redéploiements."

 

Plaidoyer pour la loi El Khomri : ne ratons pas cette occasion !



samedi 9 avril 2016

Avec son autorisation, nous vous proposons la réflexion de Christian Thuderoz, publiée le 5 avril dans « The Conversation », sur le projet de loi Travail. Christian Thuderoz est sociologue de l’entreprise et de la négociation à l’Insa de Lyon. Il propose ci-dessous une autre façon de lire ce projet, à partir de la reconnaissance des acteurs salariés et du développement de la négociation collective.

Dans une dizaine d’années, vers 2026, quand nous relirons ce qui s’écrivait au printemps 2016 à propos de la loi El Khomri, nous serons surpris. Nous nous étonnerons des commentaires produits à ce moment de l’histoire sociale française.

Petit rappel : il y a trente ans, les lois Delebarre (1986) et Seguin (1987) proposaient de dépasser le cadre hebdomadaire de durée du travail pour permettre aux entreprises de faire face aux variations d’activité. Quelques années plus tard, la loi de décembre 1993 entérinait le principe d’annualisation du temps de travail. Celle de janvier 2003 donnait la priorité aux accords de branche sur certaines dispositions réglementaires. Celle de mai 2004 affirmait le principe de l’accord majoritaire et ouvrait la possibilité d’un accord d’entreprise dérogatoire. Elle fut suivie des lois de 2005 et 2008 : elles permettaient aux entreprises de fixer elles-mêmes, par accord d’entreprise, les modalités du contingent et de rémunération des heures supplémentaires. La loi du 20 août 2008 prévoyait, en matière d’aménagement du temps de travail, la primauté de la convention ou de l’accord collectif d’entreprise sur la convention ou l’accord de branche ; elle renforçait également le principe de l’accord majoritaire.

Est-ce bien raisonnable ?

Pourquoi cette énumération ? Parce qu’à chaque étape de ce nécessaire travail législatif de régulation sociale, de mêmes voix, un tantinet assourdissantes, se font entendre. Que disent-elles ? Qu’il s’agit de « lois de régression sociale », d’une « casse du droit du travail », de mesures de « dérèglementation libérale », etc. Depuis trente ans, donc, la France, imperturbable, droite et gauche mêlées, maltraiterait ses salariés et son Code du travail, offrirait sans cesse des cadeaux aux patrons, et s’inclinerait, soumise, devant la finance mondiale… La loi El Khomri ne serait que le dernier épisode d’un même feuilleton. Est-ce bien raisonnable de raisonner ainsi ?

La relecture, aujourd’hui, des commentaires produits en 1984, 1986, 1993, 2006, 2008, etc., à propos de ces lois, montre deux choses : la catastrophe sociale à chaque fois annoncée n’a pas eu lieu ; et de nouvelles pratiques de régulation sociale ont été expérimentées.

Les chiffres de la conflictualité sociale, et les nouvelles formes qu’elle adopte, prouvent que, bon an mal an, la résistance des salariés aux décisions managériales, quand ils perçoivent celles-ci comme attentatoires à leurs intérêts, ne semble guère se réduire significativement ; on peut donc estimer, même si cet indicateur ne reflète qu’imparfaitement la réalité des rapports sociaux dans l’entreprise, qu’il n’y a pas eu, tout au long de ces trente dernières années des signes manifestes d’une plus grande servitude des salariés, ou des preuves notoires de dissymétrie flagrante dans les rapports de force locaux. Ceux-ci, depuis qu’existe l’entreprise en tant que lieu institué de production, ont toujours été, au fil des opportunités, de la conjoncture économique ou des habiletés de chaque camp, marqués par des équilibres sans cesse renouvelés.

Chaque DRH, chaque délégué syndical, sait que ce rapport de forces est fluctuant, et que l’asymétrie des ressources des partenaires, juridiquement avérée et codifiée, n’est pas toujours celle que l’on croit… Certains « acquis » ont été supprimés par ces lois, nul doute à cet égard ; mais des avancées sociales indéniables ont été opérées ; elles figurent dans ces mêmes lois. De sorte que lire cette trentaine d’années sous le seul œil de la « régression sociale » semble un peu court…

Une négociation collective d’entreprise en plein essor

Dans le même temps, un apprentissage majeur s’est opéré : le regard porté en France sur la négociation collective d’entreprise s’est modifié ; celle-ci s’est accrue en nombre s’est élargie à de nombreux sujets. Les chiffres sont éloquents, pour qui veuille prendre en considération, sur longue durée, l’histoire sociale française. Certes, un tiers seulement des salariés, toutes tailles d’entreprise confondues, sont couverts par un accord d’entreprise. Mais cela renvoie à la structure des emplois en France et au nombre important de salariés travaillant dans de petites entreprises.

N’oublions pas, en effet, qu’un peu moins de la moitié du nombre total des salariés français travaillent dans des entreprises de plus de 49 salariés – et ces entreprises ne sont que 35 000, sur plus de 3 millions et demi décomptées par l’INSEE ! Autrement dit : la poursuite de la progression du nombre d’accords signés dans les entreprises passe par l’invention et l’expérimentation de mécanismes pour institutionnaliser une négociation formelle dans ces espaces productifs, plus enclins au règlement informel des litiges. Des indicateurs appropriés sont d’ailleurs à définir pour saisir la réalité de cette régulation conjointe quotidienne dans les TPE, les ETI et les PME.

Pour l’autre moitié des entreprises, la réalité d’un essor des pratiques de négociation peut difficilement être contestée : 33 800 accords d’entreprise signés et 14 200 textes ratifiés par référendum en 2010 ; 35 600 et 11 450 en 2014. Soit, depuis plusieurs années, près de 48 000 textes conventionnels négociés dans les entreprises assujetties. N’oublions pas qu’en 1982 ce chiffre total était de… 2100 accords, puis de 6400 en 1992, puis 18 000 en 2002 (avec les lois Aubry), puis 20 200 en 2006, etc. ! Progression lente, mais désormais irréversible. La loi El Khomri ne fait que nourrir et renforcer ce dialogue social local.

Pourquoi, alors, s’opposer à un dialogue de proximité ? Pourquoi craindre ce surcroît de régulation au niveau de l’entreprise, là où les problèmes se posent, donc là où ils seront mieux résolus ? La réticence française à négocier dans l’entreprise, au plus près des réalités productives et organisationnelles, s’explique, entre autres facteurs, par des considérations politiques et stratégiques.

Beaucoup, syndicalistes comme dirigeants, entendent privilégier des niveaux de régulation – l’interprofessionnel et le professionnel – qu’ils croient plus facile à gérer ou contrôler, du fait de majorités syndicales de circonstances et de meilleures possibilités de verrouiller la concurrence. D’autres misent plutôt sur le niveau de l’entreprise, en pariant sur l’affaiblissement syndical. D’autres, encore, ne fuient pas leurs responsabilités et ne lisent pas les espaces productifs comme de purs lieux de domination ; s’ils sont parfois cela, ils ne sont pas que cela.

D’où, simultanément, en ces lieux, des politiques sociales prolixes et différenciées – puisqu’adossées à des problématiques économiques différenciées d’entreprise – et une frilosité à entrer résolument dans l’âge de la négociation d’entreprise, à construire des accords-cadres interprofessionnels, renvoyant aux branches et aux entreprises le soin d’en décliner les détails, et un déficit d’originalité dans les dispositifs négociés ici ou là, chacun sécurisant sa signature et limitant son engagement.

Qu’on le craigne ou non, ce mouvement de décentralisation du social et d’abaissement à l’entreprise du niveau pertinent de régulation socio-économique est irrémissible. Il correspond à l’air du temps et aux exigences d’autonomie et d’affirmation citoyenne du principe de subsidiarité : pourquoi s’en remettre à des tutelles éloignées et peu informées pour traiter de problèmes socialement situés ? Pourquoi préférer une réglementation générale à des règles locales, réputées, par expérience, mieux appropriées ?



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