Theocentrisme


saint Bonaventure Opuscule Itinéraire de l'âme à Dieu, 4, Opera omnia Lugduni 1668, XII, p.131 + +



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saint Bonaventure Opuscule Itinéraire de l'âme à Dieu, 4, Opera omnia Lugduni 1668, XII, p.131 + +


Il semble étonnant, alors que Dieu est si proche de nos âmes qu'il y ait si peu de personnes à contempler en elles-mêmes le Premier Principe. La raison en est facile à trouver : c'est que l'âme humaine, distraite par les sollicitudes de la vie, ne rentre pas en elle-même par sa mémoire ; obnubilée par des fictions, ne revient pas en elle-même par son intelligence ; séduite par les plaisirs faciles, ne se recueille d'aucune manière en elle-même par l'attrait de la douceur intérieure et de la joie spirituelle. Ainsi, totalement accaparée par les réalités sensibles, elle devient impuissante à revenir vers cette image de Dieu qu'elle est elle-même.

Et parce qu'il est inévitable, pour celui qui est tombé, de demeurer à terre là où il est tombé, si quelqu'un ne l'assiste en lui offrant son aide pour le relever, notre âme, tombée au milieu des choses sensibles, n'a pu se relever parfaitement, pour contempler ce qu'elle est et admirer l'éternelle Vérité demeurant en elle, qu'au jour où cette Vérité, ayant revêtu dans le Christ notre nature humaine, est devenue par elle-même une échelle, rénovant cette échelle ancienne qui avait été brisée en Adam.

Voilà pourquoi personne, si éclairé qu'il soit des lumières de la nature et de la science acquise, ne peut rentrer en soi-même pour s'y réjouir dans le Seigneur, sans la médiation du Christ, lui qui a dit : Moi, je suis la porte. Si quelqu'un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra aller et venir, et il trouvera un pâturage. Mais nous ne pouvons nous approcher de cette porte, qui est le Christ, à moins de croire en lui, de l'espérer et de l'aimer. Et donc, si nous voulons revenir à la fruition de la Vérité, pour ainsi dire au jardin du paradis, il nous faut y entrer par la foi, l'espérance et la charité du médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, qui est comme l'arbre de vie planté au milieu du paradis.

sainte Claire Lettre 3 à la bhse Agnès de Prague, SC 325,102:


Vraiment je puis me réjouir et personne ne pourrait me rendre étrangère à tant de joie, lorsque, tenant déjà ce que sous le ciel j'ai convoité, je te vois, soutenue par une merveilleuse prérogative de sagesse provenant de la bouche même de Dieu, supplanter d'une manière terrible et inopinée les astuces de l'ennemi rusé, l'orgueil qui perd la nature humaine, la vanité qui rend sots les cœurs humains ; et que je te vois embrasser, avec l'humilité, la force de la foi et les bras de la pauvreté, le trésor incomparable caché dans le champ du monde et des cœurs humains, par lequel on achète celui par qui tout a été fait de rien ; et pour utiliser les propres paroles de l'Apôtre même, je te considère comme une auxiliaire de Dieu même et celle qui soulève les membres succombants de son corps ineffable.

Qui donc dirait que je ne me réjouis pas de tant d'admirables joies ? Toi aussi, donc, réjouis-toi toujours dans le Seigneur, très chère, et que ne t'enveloppent ni l'amertume ni le brouillard, dame très aimée dans le Christ, joie des anges et couronne des sœurs ; pose ton esprit sur le miroir de l'éternité, pose ton âme dans la splendeur de la gloire, pose ton cœur sur l'effigie de la divine substance et transforme-toi tout entière par la contemplation dans l'image de sa divinité, afin de ressentir, toi aussi, ce que ressentent les amis en goûtant la douceur cachée que Dieu lui-même, dès le commencement, a réservée à ses amants.

Et laissant absolument de côté tous ceux qui, dans le monde trompeur et instable, séduisent leurs amants aveugles, aime totalement celui qui pour ton amour s'est donné tout entier, dont le soleil et la lune admirent la beauté, dont les récompenses et leur prix et leur grandeur sont sans fin ; je veux dire le Fils du Très-Haut, que la Vierge a enfanté sans cesser d'être vierge. Attache-toi à sa très douce mère qui a enfanté un tel Fils que les cieux ne pouvaient contenir.
porche tbeau Tamerlan (avec cénotaphe en retrait de son maître spi musulman) : « Heureux qui a refusé le monde avant que le monde le refuse ».
Bienheureuse Teresa de Calcutta (1910-1997), fondatrice des Soeurs Missionnaires de la Charité
Prayer : Seeking the Heart of God, avec Frère Roger (trad. La prière, fraîcheur d'une source)
« Son coeur est loin de moi »
Laisser l'amour de Dieu prendre entière et absolue possession d'un coeur ; que cela devienne pour ce coeur comme une seconde nature ;

que ce coeur ne laisse rien entrer en lui qui lui soit contraire ;

qu'il s'applique continuellement à accroître cet amour de Dieu en cherchant à lui plaire en tout et en ne lui refusant rien de ce qu'il demande ;

qu'il accepte comme venant de la main de Dieu tout ce qui lui arrive.


Imitation de Jésus-Christ 1,1, ed Vaticana 1982,3s:Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, dit le Seigneur. Ce sont les paroles du Christ. Par elles il nous avertit que nous devons imiter sa vie et ses vertus, si nous voulons être remplis de la vraie lumière et délivrés de tout aveuglement du cœur. Que notre occupation principale soit donc de méditer la vie de Jésus-Christ. La doctrine du Christ surpasse toutes les doctrines des saints, et qui en aurait l'esprit trouverait la manne qui s'y cache. Mais qu'arrive-t-il ? Beaucoup entendent fréquemment l'Évangile et sont peu remués parce qu'ils n'ont pas l'esprit du Christ.

Celui qui veut avoir une pleine et savoureuse intelligence des paroles du Christ, il faut qu'il s'applique à lui conformer toute sa vie. Que te sert de discuter profondément sur la Trinité, si tu manques d'humilité, par quoi tu déplais à la Trinité ? En vérité, les paroles profondes ne font pas le saint et le juste, mais une vie vertueuse rend cher à Dieu. J'aime mieux sentir la componction que d'en savoir la définition. Quand même tu saurais toute la Bible à la lettre et les dits de tous les philosophes, à quoi cela te servirait-il sans l'amour de Dieu et la grâce ?



Vanité des vanités, et tout est vanité, hormis aimer Dieu et ne servir que lui. Voici la suprême sagesse : par le mépris du monde tendre au royaume des cieux. Vanité donc de rechercher des richesses qui périront et de mettre son espérance en elles. Vanité de briguer les honneurs et de se pousser à une haute situation. Vanité de suivre les désirs de la chair et de désirer ce dont il faudra plus tard être sévèrement puni. Vanité de souhaiter une longue vie et d'avoir peu souci d'une bonne vie. Vanité de ne penser qu'à la vie présente et de ne pas songer à ce qui lui fera suite. Vanité d'aimer ce qui passe avec tant de rapidité et de ne pas courir où la joie éternelle réside. Souviens-toi fréquemment de ce proverbe : L'œil n'est pas rassasié de ce qu'il voit, ni l'oreille, remplie de ce qu'elle entend. Applique-toi donc à détacher ton cœur de l'amour des choses visibles et à te porter vers les invisibles. Car ceux qui suivent l'attrait de leurs sens souillent leur conscience et perdent la grâce de Dieu.
Irénée contre les hérésies 4,37, SC 100, 938: Le bien qui est en nous ne pourrait pas même être perçu par notre intelligence, s'il n'était pas le fruit de notre exercice. La vue non plus ne serait pas pour nous si désirable, si nous ne savions quel mal est la cécité ; la santé aussi est rendue plus précieuse par l'épreuve de la maladie, tout comme la lumière par le contraste des ténèbres et la vie par celui de la mort. Ainsi le royaume céleste est-il plus précieux pour ceux qui connaissent celui de la terre ; et plus il sera précieux, plus nous l'aimerons ; et plus nous l'aurons aimé, plus nous serons glorieux auprès de Dieu.

C'est donc pour nous que Dieu a permis tout cela, afin que, instruits de toutes manières, nous soyons désormais scrupuleusement fidèles en toutes choses et demeurions dans son amour, ayant appris à aimer Dieu en hommes doués de raison : car Dieu s'est montré magnanime en présence de l'apostasie de l'homme, et l'homme, de son côté, a été instruit par elle, selon la parole du prophète : Ton apostasie t'instruira (Jr 2,19). Ainsi Dieu a-t-il fixé toutes choses à l'avance en vue de l'achèvement de l'homme, et de la réalisation et de la manifestation de ses desseins, afin que sa bonté éclate et que sa justice s'accomplisse, que l'Église soit configurée à l'image de son Fils, et qu'un jour enfin l'homme en vienne à être assez parfaitement mûr pour voir et saisir Dieu.


Jean Cassien Conférence 3,6, SC 42,145:

Il nous faut parler maintenant des renoncements. La tradition des Pères s'unit à l'autorité des Écritures pour montrer qu'ils sont au nombre de trois. Les accomplir doit être toute notre étude. Le premier est corporel : c'est celui qui nous fait mépriser toutes les richesses et les biens de ce monde. Par le deuxième, nous renions notre vie passée, nos vices, nos passions de l'esprit et de la chair. Le troisième consiste à retirer notre esprit des choses présentes et visibles, pour contempler uniquement les choses à venir et ne désirer plus que les invisibles.

Qu'il faille les accomplir tous trois, c'est le commandement que le Seigneur faisait déjà à Abraham, lorsqu'il lui dit : Sors de ta terre, et de ta parenté, et de la maison de ton père. Sors de ta terre, c'est-à-dire : Renonce aux biens de ce monde et aux richesses d'ici-bas. Sors de ta parenté, c'est-à-dire : Renonce à ta vie et à tes habitudes d'autrefois, à tes vices aussi : toutes choses qui nous sont si étroitement unies depuis notre naissance qu'elles en ont contracté avec nous comme une sorte d'affinité, voire de parenté de nature, et qu'elles semblent en vérité de notre sang. Sors de la maison de ton père, c'est-à-dire : Bannis de tes regards tout souvenir du monde présent.

Désertant de cœur cette demeure temporelle et visible, nous portons nos regards vers celle où nous habiterons éternellement. Cet état sera le nôtre dès là que, vivant dans la chair, nous cesserons cependant d'agir selon la chair, pour militer au Seigneur, et qu'en toute vérité nous pourrons redire la parole du bienheureux Apôtre : Pour nous, notre cité est dans les cieux.



Le profit serait donc médiocre d'embrasser le premier renoncement, fût-ce avec une souveraine dévotion de foi, si l'on n'accomplissait le deuxième avec un soin pareil et d'une égale ardeur. Celui-ci réalisé nous donnera la possibilité de passer au troisième : sortis alors de la maison de notre premier père, nous n'aurons plus de regards que pour le ciel.
De imitatione Christi, 2, 12, 14; 3, 32, 1: Sii persuaso che tu devi vivere come chi sta per morire; e che quanto più uno muore a se stesso, tanto più comincia a vivere per Dio. Nessuno è atto a comprendere le cose di Dio se non si sarà sottoposto a tollerare per Cristo le avversità. Nulla vi è di più gradito a Dio, nulla vi è di più salutare per te in questo mondo, che patire volentieri per Cristo.

E se ti fosse lasciata libertà di scelta, ti converrebbe piuttosto desiderare di soffrire contrarietà per amore di Cristo, che esser deliziato da tante consolazioni; perché, così, saresti più simile a Cristo e più conforme ai santi; infatti il nostro merito e la perfezione del nostro stato non consiste nell'avere molte soavi consolazioni, ma piuttosto nel saper sostenere i grandi dolori e le avversità...

Figlio, tu non potrai mai possedere una perfetta libertà fino a quando non avrai rinnegato te stesso completamente. Sono incatenati tutti coloro che posseggono dei beni contro la povertà; coloro che sono egoisti, avari, curiosi, girovaghi, sempre alla ricerca di ciò che è piacevole, non di ciò che si riferisce a Gesù Cristo; quelli che sempre costruiscono e compongono un edificio che non si reggerà. Perirà infatti tutto ciò che non è nato da Dio. Ritieni bene questa massima, breve ma densa: Lascia tutto e troverai tutto.

Lascia la cupidigia e troverai la quiete. Rumina bene questa cosa nella tua mente e quando l'avrai penetrata capirai tutto.


Séraphim de Sarov (1759-1833), moine russe Entretien avec Motovilov (trad. DDB 1979, 1995 p. 181) « Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par dessus le marché » Mt 6,33. [Saint Séraphim et Motovilov se trouvent plongés dans une grande lumière et une grande douceur. Séraphim lui dit :] Mon ami, les hommes ont été créés pour que la grâce divine habite au plus profond de nous, dans notre coeur. Le Seigneur a dit : « Le Royaume des cieux est au-dedans de vous » (Lc 17,21). Par le Royaume des cieux, il entend la grâce du Saint Esprit ; ce Royaume de Dieu est en nous deux en ce moment. Le Saint Esprit nous illumine et nous réchauffe ; il emplit l'air de ses parfums, réjouit nos sens et abreuve nos coeurs d'une joie indicible. Nous expérimentons ce que dit l’apôtre Paul : « Le Royaume de Dieu n'est pas le manger et le boire, mais la justice, la paix et la joie, par l'Esprit Saint » (Rm 14,17)… Voilà, ami de Dieu, quelle joie incomparable le Seigneur a daigné nous accorder. Voilà ce que c'est que d'être « en la plénitude de l'Esprit Saint »… Humbles que nous sommes, le Seigneur nous a remplis de la plénitude de son Esprit. Il me semble qu'à partir de maintenant vous n'aurez plus à m'interroger sur la façon dont se manifeste dans l'homme la présence de la grâce de l’Esprit Saint… Quant à nos états différents de moine et de laïc, ne vous en souciez pas. Dieu recherche avant tout un coeur rempli de foi en lui et en son Fils unique, en réponse à laquelle il envoie d'en haut la grâce de l'Esprit Saint. Le Seigneur cherche un coeur rempli d'amour pour lui et pour le prochain -- c'est là un trône sur lequel il aime s'asseoir et où il apparaît dans la plénitude de sa gloire. « Fils, donne-moi ton coeur, et le reste, je te le donnerai par surcroît » (Pr 23,26). Le coeur de l'homme est capable de contenir le Royaume des Cieux. « Cherchez d'abord le Royaume des Cieux et sa vérité, dit le Seigneur à ses disciples, et le reste vous sera donné en plus, car Dieu votre Père sait que vous en avez besoin. »
Saint Ignace d’Antioche (?-vers 110), évêque et martyr Lettre aux Ephésiens, 13-15 Nous serons reconnus par nos fruits Efforcez-vous de vous réunir plus fréquemment pour rendre à Dieu actions de grâces et louange. Car, quand vous vous rassemblez souvent, les puissances de Satan sont abattues et son oeuvre de ruine détruite par l’unanimité de votre foi. Rien ne surpasse la paix, qui triomphe de tous les assauts que nous font les puissances célestes et terrestres. Rien de tout cela ne vous est caché, si vous portez à Jésus Christ une foi et un amour parfaits, qui sont le commencement et la fin de la vie : le commencement, c'est la foi, et la fin, la charité. Les deux réunies, c'est Dieu. Toutes les autres vertus qui mènent à la perfection découlent de ces deux premières. Nul, s'il professe la foi, ne pèche ; nul, s'il possède la charité, ne hait. « On connaît l'arbre à ses fruits » ; de même, c’est à leurs oeuvres qu’on reconnaîtra ceux qui font profession d'être du Christ. Car aujourd’hui l’oeuvre qui nous est demandée n'est pas une simple profession de foi, mais d'être trouvés dans la pratique de la foi jusqu'à la fin. Mieux vaut se taire et être, que de parler sans être. Il est bon d'enseigner, si celui qui enseigne agit. Nous n’avons qu'un seul maître, celui qui « a dit et tout a été fait » (Ps 32,9) ; même les oeuvres qu'il a faites dans le silence sont dignes de son Père. Celui qui comprend véritablement la parole de Jésus peut entendre même son silence ; c’est alors qu’il sera parfait : il agira par sa parole et se fera connaître par son silence. Rien n'est caché au Seigneur ; même nos secrets lui sont familiers. Faisons donc tout dans la pensée qu'il demeure en nous ; nous serons ainsi ses temples et lui-même sera en nous notre Dieu.
Marthe Robin Journal intime 21 juillet 1932

O bienheureuse et béatifiante Trinité !

O bienheureuse et béatifiante Trinité ! Vous êtes l’éternel foyer de la Lumière et de l’Amour dont l’ardeur ne s’éteint jamais. Vous êtes le Feu consumant dont la flamme s’étend partout. Vous êtes la Lumière au dessus de toute lumière, le bien suprême et infini, la Beauté qui surpasse toute beauté. Vous êtes la paix et le repos des âmes ! …
Vous êtes l’Amour. Communier à la Trinité ! Quel honneur ! Quel bonheur ! Quelle ivresse ! Quel idéal de pureté ! Quel programme de vie ! Quel doux et ravissant mystère ! Passer sur la terre humble et silencieuse comme la Vierge, crucifié avec le Christ, cloîtrée dans la Trinité en méprisant le plaisir qui passe ; n’avoir dans son âme et dans son cœur qu’un seul désir, qu’une pensée, qu’une ambition : celle de fixer sa vie au dessus de tout ce qui passe… plus haut que ce qui meurt : dans l’Eternel Amour. (…)
Près de l’Immensité symbolisant l’Eternité, qu’il fait bon de déposer sa dépouille mortelle pour s’immerger dans la Divinité comme dans un océan sans rivage ! Cet abandon, qui fait de la volonté divine et de la nôtre une seule et même volonté dans l’Amour, est le plus complet des actes de foi. Il met l’âme dans un état de perfection, il la plonge dans un abîme de paix et de délices où elle participe à l’immuable, à la parfaite tranquillité de Dieu, toujours calme et toujours agissant. O mon Dieu, ô ma bien-aimée Trinité ! Qu’heureuse est l’âme qui sans jamais sortir de vous peut vaquer à la féconde action de la souffrance !  

 

Jean Tauler (vers 1300-1361), dominicain à Strasbourg Sermon 51 (trad. Cerf 1991, p. 412 rev.) Notre Seigneur disait que ses disciples étaient heureux à cause de ce qu'ils voyaient (Lc 10,23). A y regarder de près, nous devrions être tout aussi heureux, car nous voyons Notre Seigneur Jésus Christ plus parfaitement que les disciples tels que saint Pierre ou saint Jean. Eux, ils avaient sous les yeux un homme pauvre, faible, souffrant, mortel, alors que grâce à notre foi sainte et précieuse nous connaissons, nous, un Dieu grand, digne d’adoration, puissant, Seigneur du ciel et de la terre et qui de rien a fait toute la création. A bien considérer cela, nos yeux, oui, nos âmes, trouvent leur bonheur éternel.       Mes chers enfants, les grands théologiens et les docteurs de l'école discutent la question de savoir quel est plus important et plus noble: la connaissance ou l'amour. Mais nous, nous parlerons plus volontiers de ce que disent les maîtres de vie, car quand nous arriverons au ciel, nous verrons bien alors la vérité de toutes choses. Notre Seigneur n'a-t-il pas dit: « Une seule chose est nécessaire »? Quelle est donc cette chose unique qui est si nécessaire? Cet unique nécessaire, c'est que tu reconnaisses ta faiblesse et ta misère. Tu ne peux rien revendiquer; par toi-même tu n’es rien. C'est à cause de cet unique nécessaire-là que Notre Seigneur a subi une angoisse telle qu'il en a sué du sang. C'est parce que nous n’avons pas voulu reconnaître cette seule chose-là, que le Seigneur a crié sur la croix: « O Dieu, mon Dieu, comme tu m'as abandonné ! » (Mt 27,46) Oui, il fallait que le sauveur, notre unique nécessaire, soit complètement abandonné par tous les hommes.       Cher enfant, laisse tomber tout ce que moi-même et tous les maîtres avons pu enseigner, toute vie active, toute contemplation, toute haute considération, et étudie seulement cette chose unique, de telle sorte qu'elle te soit accordée, et tu auras bien travaillé. C'est pourquoi Notre Seigneur disait: « Marie a choisi la meilleure part », oui, la meilleure de toutes. En vérité, si tu pouvais l'obtenir, tu aurais tout obtenu: non pas une part de bien, mais tout.


Sainte Thérèse d'Avila (1515-1582), carmélite, docteur de l'Église Chemin de perfection, ch. 28 (trad. OC, Cerf 1995, p.806 rev.) « Celui qui a fait l’extérieur n’a-t-il pas fait aussi l’intérieur ? » Si j'avais compris, comme je le fais maintenant, qu'un si grand Roi habite ce petit palais de mon âme, il me semble que je ne l'aurais pas si souvent laissé seul. Quelquefois, du moins, je me serais tenue en sa présence, et surtout j'aurais pris soin que son palais soit moins sale. Quelle chose admirable ! Celui qui remplirait de sa grandeur mille mondes et bien davantage, se renfermer dans une si petite demeure ! Il est vrai, d'une part, qu'étant souverain Seigneur, il apporte avec lui la liberté, et de l'autre, qu'étant plein d'amour pour nous, il se fait à notre mesure. Sachant bien qu'une âme débutante pourrait se troubler en se voyant, elle, si petite, destinée à contenir tant de grandeur, il ne se fait pas connaître immédiatement ; mais, peu à peu, il agrandit sa capacité à la mesure des dons qu'il se propose de placer en elle. C'est le pouvoir qu'il a d'élargir ce palais de notre âme, qui me fait dire qu'il porte avec lui la liberté. Le point capital, c'est de lui en faire un don absolu et de le vider complètement, afin qu'il puisse garnir et dégarnir à son gré, comme dans une demeure qui lui appartient. Notre Seigneur a raison de vouloir qu'il en soit ainsi ; ne nous y refusons donc pas. Il ne veut pas forcer notre volonté, il reçoit ce qu'elle lui donne. Mais lui ne se donne entièrement que lorsque nous nous donnons entièrement nous-mêmes. La chose est certaine, et si je vous la répète si souvent, c'est qu'elle est très importante. Tant que l’âme n’est pas toute à lui, déblayée de tout, il n’agit pas en elle. Du reste, je ne sais pas comment il pourrait le faire, lui qui aime tant l'ordre parfait. Si nous remplissons le palais de gens vulgaires et de toutes sortes de babioles, comment le souverain pourra-t-il y trouver place avec sa cour ? C'est déjà beaucoup qu'il veuille bien s'arrêter quelques moments au milieu de tant d'encombrement.
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