I - Cadre référentiel, principes et moyens de la politique économique française
Après la seconde guerre mondiale, l’Etat Providence français ancre sa légitimité à intervenir dans le champ économique par le recours à l’économie dirigée, c’est-à-dire en pénétrant tous les champs de l’économie, au service de l’intérêt général et du bien-être collectif national (Joye, 2002). Ce dirigisme peut être assimilé à de l’interventionnisme systématique, fondé sur le commandement autoritaire et la planification. Les nouvelles exigences européennes en matière de politique économique, relatives à l’ouverture des frontières économiques et à l’internationalisation de la concurrence, atténuent cependant le caractère autoritaire de l’intervention publique, qui s’oriente vers l’instauration d’un système d’encadrement des comportements des entreprises et d’incitation en faveur du développement économique.
Ce principe d’intervention n’est pas considéré comme un obstacle au libre développement des intérêts économiques et de l’initiative privée. Le passage d’une conception du rôle de l’Etat comme « interférant à titre exceptionnel » (Massacesi, 1966) à une conception de l’Etat qui intervient de façon systématique dans le domaine économique traduit au contraire la maturité de l’économie de marché en France, notamment du point de vue de la technocratie étatique. La planification est présentée par les autorités publiques comme une nécessité pour le développement économique et comme l’alternative la plus libérale au « laisser-faire » classique des politiques économiques, adaptée au contexte historique de croissance de l’après-guerre. L’opérateur public étatique utilise ainsi des moyens techniques et conceptuels nouveaux pour assurer la réalisation des objectifs qu’il fixe, la création des conditions les plus propices à la croissance et la régulation d’ensemble du système économique national.
La répartition et la localisation des activités économiques dans l’espace sont des aspects centraux de la politique économique française durant les années 1960, en appui de l’implication directe de l’Etat dans le développement économique, sous la forme de subventions, d’aides financières et de prise de contrôle du capital des grandes firmes (voir infra). Il s’agit à la fois d’un objectif de rééquilibrage de l’appareil productif dans l’espace géographique national fortement centralisé, et d’un moyen d’intervention en faveur de l’expansion économique, permettant d’enclencher ou de renforcer les processus de développement selon le principe des pôles de croissance.
La politique économique française confère ainsi un rôle de plus en plus important au volet spatial de la régulation, afin de maîtriser les dynamiques de développement sur l’ensemble du territoire national, mais aussi de contribuer à créer un environnement spatial propice à la réalisation des objectifs par les entreprises, en facilitant la production d’avantages et d’économies externes territorialisés.
L’Etat se place résolument au service de l’intérêt des entreprises, au nom de l’intérêt général et de l’impératif d’expansion économique et industrielle du pays. Le principe de la concertation et de l’élaboration conjointe de la planification indicative avec les représentants du patronat et des travailleurs permet d’associer les forces vives du pays à la définition des orientations et des objectifs de la régulation économique, menée de façon très centralisée par les services de l’Etat. Il permet en outre dans une certaine mesure d’isoler la question économique du débat politique, consacrant ainsi le système de l’économie dirigée, à mi-chemin des conceptions libérales et keynésiennes de la régulation.
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