3- Le temps de l’officialisation (1992-1998)
En donnant la compétence de développement économique au Grand Lyon en 1992, la Loi ATR ouvre une nouvelle ère de pouvoir au niveau intercommunal dans l’agglomération lyonnaise, non seulement politique (voir supra) mais également technocratique et fonctionnel. Les années 1990 sont en effet marquées au sein de l’organigramme communautaire par la montée en puissance rapide d’une nouvelle direction technique chargé des questions économiques et internationales, dont les missions et les effectifs ne cessent de croître au fil du temps.
La parenthèse SODERLY
La première mesure de mise en application de la nouvelle compétence économique au sein du Grand Lyon est toutefois, paradoxalement, la création d’une nouvelle entité extérieure aux services communautaires, en collaboration avec des sociétés financières privés et la CCIL : la Société de Développement Economique de la Région Lyonnaise (SODERLY). Cette société anonyme d’économie mixte locale (SAEML) a pour objet de « mener toutes actions d’aménagement et de construction en vue de la réalisation, sur le territoire de la COURLY, de projets concourrant au développement des fonctions supérieures de l’agglomération lyonnaise, dans le cadre des compétences des collectivités locales actionnaires »245.
Concrètement, la SODERLY assure une mission essentiellement financière, de portage foncier et immobilier des implantations d’établissements ou d’entreprises jugés stratégiques d’un point de vue économique, pour le compte de la COURLY et dans la continuité des actions de prospection et de promotion territoriale de l’ADERLY. Ses actionnaires sont le Conseil régional Rhône-Alpes, le CGR, la COURLY246, la CCIL, la Société Lyonnaise de Banque, le Crédit Lyonnais – Développement économique et la Société Dumez Immobilier investissement (DUMINVEST – groupe Lyonnaise des Eaux). Elle est présidée par J. Moulinier, vice-président communautaire chargé des implantations tertiaires et administratives ; J. Chemain et R. Maury représentent la CCIL et l’ADERLY au conseil d’administration247. Elle est hébergée dans les locaux de l’ADERLY situés au sein de la CCIL et bénéficie des moyens humains et techniques de ces deux structures (voir infra, Section 3).
Initialement créée pour faciliter l’accueil d’Euronews dans l’agglomération248, elle s’empare également des dossiers du maintien / décentralisation de l’Institut Pasteur et de l’implantation de la Compagnie des Signaux – Technique Informatique249 à Lyon en 1995, souhaitées à Gerland ou à proximité pour enrichir le technopôle autour de l’ENS. Elle permet ainsi de prolonger les actions de développement des fonctions supérieures de recherche et des activités technologiques dans l’agglomération, initiées au milieu des années 1980 par l’ADERLY dans le cadre du Plan d’Actions Technopole et de la politique d’internationalisation de la métropole. Elle n’exerce ainsi ses missions que pour des travaux structurants d’un point de vue économique sur le périmètre communautaire, sans toutefois concurrencer les opérateurs publics ou privés intervenant dans les parcs d’affaires, les zones d’activités et les zones industrielles de l’agglomération.
Cependant, son capital s’avère insuffisant pour couvrir les investissements fonciers et immobiliers nécessaires aux ambitions de ses créateurs. De plus, un recours judiciaire de l’opposition contre les délibérations régionales et communautaires bloque la signature du bail entre la SODERLY et Euronews dès 1992250, s’appuyant sur le fait que le Grand Lyon ne peut pas signer de bail avec des entreprises puisqu’il n’a pas officiellement la compétence économique. Les statuts de la SODERLY stipulent en effet qu’elle ne peut intervenir que sur les champs de compétences avérés des collectivités actionnaires. Or, aucune délibération du conseil communautaire n’officialise cette compétence, ce qui va poser d’autres problèmes, notamment dans la négociation de la répartition des tâches entre la DAEI et les municipalités membres du Grand Lyon au début des années 2000 (voir infra).
Le territoire couvert par l’action de la SODERLY, trop restreint pour la Région et le CGR, pose également problème, tout comme le caractère trop « affairiste » de son Conseil d’administration, mêlant représentants des pouvoirs publics et sociétés financières privées. En outre, Le Grand Lyon jouit désormais d’une plus grande lisibilité et de nouveaux moyens d’action plus directs, grâce au développement des services économiques en interne. Elle disparaît donc en 1997, après quelques réflexions sur les possibilités de fusion – absorption de ses missions de développement et d’ingénierie de projet par la SERL, dans le cadre du projet de restructuration des SEM d’aménagement de la COURLY251.
La Direction des Affaires Economiques et Internationales
L’autre action significative de mise en application de la loi ATR est en effet la création de la Direction des Affaires Economiques et Internationales (DAEI) du Grand Lyon en 1993. Ce nouveau service économique concrétise de façon beaucoup plus visible et technocratique que la SODERLY la légitimité institutionnelle communautaire à intervenir de façon officielle et plus directe dans le champ de l’économie sur le territoire.
Tantôt complémentaire, tantôt concurrente de la MDE et de l’ADERLY, elle est chargée de s’occuper de l’approche stratégique de la politique économique communautaire, de la définition des appuis à apporter aux entreprises existantes, des politiques de filières, de la réflexion sur l’urbanisme commercial, de la coordination des actions avec les autres organismes impliqués dans le développement économique local (AGURCO, CCIL, ADERLY) et de la sensibilisation des services communautaires aux besoins et contraintes des entreprises.
La DAEI fait partie des services opérationnels du Grand Lyon, qui regroupent les différentes missions techniques de l’aménagement et de la gestion du territoire communautaire. La professionnalisation du fonctionnement de la nouvelle direction, majoritairement constituée de techniciens formés aux logiques du management et du développement stratégique, est cependant destinée à favoriser l’efficacité économique de ses interventions, qui visent l’attraction, le développement et l’implantation des entreprises sur le territoire (voir infra, Section 2). Des objectifs de qualité, d’identification et de différenciation sectorielle ou géographique des projets motivent également cette démarche d’encadrement de l’action communautaire en faveur du développement économique.
La DAEI se charge de faire se rencontrer l’offre de sites d’accueil de l’agglomération et les demandes des entreprises porteuses de projets, empiétant sur les prérogatives de la MDE, ainsi que sur celles de l’ADERLY (voir infra, Section 3). Elle s’empare également de l’accompagnement et l’accueil des nouvelles installations d’établissements dans l’agglomération, s’inscrivant dans un rapport ambigu de complémentarité concurrentielle avec l’association pour le développement économique : il devient de plus en plus difficile d’attribuer la réussite d’une implantation à l’une ou l’autre des structures, que chacune revendique dans son bilan d’activités252.
Elle se saisit enfin de la problématique industrielle et environnementale, en élaborant une Charte d’implantation d’installations classées253 et en s’engageant dans la réalisation d’une Eco-ZI254 localisée sur le site à vocation économique de Porte des Alpes (voir infra, Section 2), en collaboration avec la DRIRE, la CCIL et le GIL. Plus largement, La DAEI investit l’ensemble du champ de la concertation avec les acteurs économiques (syndicats professionnels, artisanat et PME/PMI, grandes entreprises de service public, CCIL, ADERLY) et du dialogue avec les entreprises, empiétant progressivement sur les missions et rôles dévolus aux organismes économiques locaux au sein du système d’acteurs local de la régulation économique territoriale (voir infra, Section 3).
En 1995, la DAEI organise la mission d’accueil des projets des entreprises autour de deux ébauches de services : Entreprises et Projets. Elle change de direction en 1996, mais poursuit les mêmes missions. En 1997, l’organisation interne est encore modifiée pour s’adapter aux nouvelles orientations politiques et stratégiques données à l’action économique communautaire par la mandature de R. Barre (voir supra). Elle s’enrichit notamment d’un nouveau service chargé du marketing territorial, tandis que le service des projets opérationnels se voit confier la gestion du nouveau Plan Technopole, qui occasionne le développement d’actions en faveur de l’innovation et des filières technologiques255. Elle développe également les fonctions d’études (études des besoins des entreprises et analyse de marchés, identification des filières d’activités et des fonctions économiques) et de coordination / concertation.
Le rôle de la DAEI se trouve ainsi considérablement renforcé à la fin des années 1990 : accueil et accompagnement des projets des entreprises, aide à la décision pour l’exécutif politique (information économique et veille conjoncturelle et structurelle, renseignement sur les entreprises de l’agglomération, évaluation de la politique économique et définition de la stratégie d’agglomération). Elle escamote toujours plus le rôle de l’ADERLY, qui ne devient qu’une simple agence de promotion territoriale et de prospection agissant essentiellement à l’extérieur de l’agglomération, et n’ayant qu’une mission subalterne de sous-traitance par rapport aux services économiques communautaires (voir infra, Section 3). Si la DAEI est censée organiser les relations entre l’organisme communautaire et l’ADERLY (Côté cour, côté jardin, 1996), elle agit dans les faits plutôt dans le sens d’une substitution de ses services à ceux de l’association de développement économique local.
Le volet opérationnel des projets couvre aussi un large panel d’actions prises en charge par la DAEI, par filières256 et fonctions prioritaires (activités technopolitaines et sites stratégiques) ou de façon plus thématique (créations et villages d’entreprises, emplois de proximité, équipements structurants). Elle assure plus globalement la mise en lisibilité du potentiel de localisation disponible pour les firmes sur le territoire, en replaçant les différents projets urbains stratégiques au service du développement économique et en veillant à la prise en compte des besoins des entreprises dans les opérations d’aménagement et d’urbanisme de l’agglomération.
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