Le système d’acteurs lyonnais se trouve donc profondément déstructuré par l’intervention autoritaire de l’Etat et de ses services centraux et déconcentrés dans le domaine de la régulation économique et de l’aménagement du territoire au cours des années 1960. Les structures de représentation des intérêts économiques lyonnais perdent leur légitimité à produire l’expertise économique et territoriale au niveau local. Elles sont placées dans une position de subordination aux intérêts des grands groupes industriels nationaux et internationaux, imposée par la technocratie étatique, et sont en grande partie contraintes de renoncer à leur capacité de participation au processus décisionnel de la planification économique et de l’aménagement spatial.
Les pouvoirs publics locaux et les responsables politiques lyonnais subissent eux aussi le joug de l’Etat centralisé et dirigiste. Ils subissent non seulement l’importante réorganisation institutionnelle et territoriale de l’agglomération urbaine imposée par le pouvoir central, mais également la vision très techniciste et dominatrice de l’administration et du gouvernement français concernant la gestion de la croissance et la manière dont l’intervention publique dans le champ de l’économie doit être organisée, conduite et pensée au niveau local (Prager, 2004). La COURLY apparaît comme une institution qui, si elle consacre l’émergence du niveau intercommunal dans la gestion territoriale et l’ébauche d’un pouvoir politique d’agglomération, permet surtout une mise en application plus aisée de la politique économique et d’aménagement du territoire voulue par l’Etat pour la métropole lyonnaise, et accessoirement le renforcement du pouvoir de la ville centre sur ses périphéries.
L’appui technique et opérationnel apporté à cette dynamique de centralisation par la SERL et l’ATURCO, véritables courroies de transmission de l’expertise et des méthodes rationnelles de la technocratie étatique, permet cependant aux acteurs politiques et économiques locaux de bénéficier plus ou moins directement du transfert de savoir-faire opéré par le niveau central vers le niveau local dans la cadre de la mise en œuvre de la politique nationale. Ces derniers peuvent ainsi développer leurs compétences en matière d’interventionnisme économique, ne fut-il qu’indirect, en participant à leur niveau à l’effort d’accompagnement du développement et de la modernisation des structures productives et tertiaires, et d’amélioration de l’insertion du territoire local dans le fonctionnement de l’économie nationale.
L’aménagement de surfaces d’activités équipées pour les entreprises industrielles ou de services, la réalisation d’infrastructures de transport modernes et la construction de grands équipements à vocation économique constituent les principaux leviers mobilisés par les acteurs lyonnais de la régulation économique et territoriale à la fin des années 1960. Cette démarche essentiellement indirecte, matérielle et quantitative, est imposée par l’Etat qui garde par ailleurs le monopole de l’intervention directe et financière dans le fonctionnement de l’économie. Elle s’avère toutefois limitée, voire même inadaptée et insuffisante, dès lors que la croissance ralentit et que l’économie bascule dans un nouveau régime de crise plaçant les territoires locaux en concurrence les uns avec les autres.
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