Section 2 : LA PLACE DU SYSTEME D’ACTEURS LYONNAIS DANS LA CONDUITE DE LA POLITIQUE ECONOMIQUE
Les enjeux politiques implicites des autorités centrales pour l’agglomération lyonnaise sont la maîtrise des choix locaux en matière d’aménagement du territoire et l’assurance de la bonne direction des affaires économiques locales, c’est-à-dire conformément aux orientations définies par le gouvernement et les principaux groupes industriels du pays. Pour mener à bien l’ambitieux dessein de l’aménagement du territoire au service du développement économique, les autorités centrales et les grandes entreprises ont besoin de la participation active des communes (et des départements dans une moindre mesure, ceux-ci étant plus tournés vers les intérêts ruraux et l’action sociale), afin qu’elles assurent la prise en charge financière et opérationnelle des efforts de relocalisation des activités économiques du centre vers la périphérie (création de ZI, infrastructures et équipements), de modernisation et de réalisation des infrastructures et équipements collectifs nécessaires dans l’agglomération.
Ils ont également besoin de la soumission, acceptée ou forcée, des entreprises et du patronat lyonnais aux objectifs et principes de la politique économique nationale, afin de ne pas compromettre sa mise en œuvre à l’échelle de l’agglomération lyonnaise. Le gouvernement central français ne veut pas gérer ni assumer seul la mission d’aménagement et d’équipement du territoire national au service du développement et de la croissance, mais il ne souhaite pas non plus laisser trop de champ libre aux structures locales à vocation économique, hormis celles sur lesquelles il exerce un contrôle, notamment financier, comme les CCI.
Le rôle des communes et des pouvoirs politiques locaux est relativement minimisé dans le contexte des années de croissance, caractérisé en France par un fort centralisme administratif, politique et économique, bien que teinté de libéralisme : globalement, l’Etat central impose ses orientations économiques et spatiales aux territoires locaux de façon hégémonique. Au niveau local, il n’y a ainsi pas véritablement de possibilité de conduire une politique économique, en dehors de l’aménagement et de la planification de l’espace, ni même de véritable légitimité d’intervention dans ce domaine. Les collectivités locales ont un pouvoir et des moyens limités dans le domaine de la régulation économique, car l’Etat central monopolise le système d’aides financières, tant en matière de soutien direct aux filières d’activités stratégiques qu’en matière d’incitation à la localisation.
Les organismes patronaux locaux jouissent en revanche de savoir-faire en matière de régulation économique, d’aménagement spatial et d’expertise, qu’ils placent au service des intérêts économiques et de l’intérêt général. Des structures représentants les intérêts économiques existent en effet au niveau local, dont le rôle et la raison d’être sont précisément la gestion et le développement des affaires économiques. Les organismes consulaires, les comités d’expansion et les organismes patronaux dans une moindre mesure (groupements interprofessionnels et syndicats de branche) sont particulièrement actifs dans l’agglomération lyonnaise, où ils assurent un rôle important dans la mise en place d’un système de d’expertise et de régulation économiques sur le territoire local. Ils représentent majoritairement les intérêts propres au petit et moyen capital industriel et tertiaire local, or ceux-ci s’avèrent être rapidement en contradiction avec ceux du grand capital industriel et bancaire en voie de concentration et d’internationalisation, dont l’Etat central se fait le porte-parole, du moins l’ambassadeur et l’avocat auprès des autorités politiques locales.
La volonté de moderniser l’appareil productif national et d’assurer un développement équilibré du territoire d’une part, la nécessité de contourner le clivage croissant entre les petit capital local et le grand capital extra local d’autre part, conduisent donc l’Etat à reconsidérer le rôle de l’échelon municipal dans le dispositif général de mise en application des grandes orientations du Plan, et à se détourner en partie des organismes patronaux lyonnais. Il s’agit de résoudre des problèmes de gouvernement et de régulation économique qui tendent à estomper la différence entre les affaires nationales et les affaires locales (Mabileau, 1994) tout en accentuant les divergences de vues au sein du patronat.
L’Etat central encadre et facilite la participation des collectivités locales à la conduite de la régulation économique au niveau local, en opérant une réorganisation institutionnelle profonde au sein de l’agglomération lyonnaise, destinée à renforcer la capacité de contrôle des autorités gouvernementales sur les initiatives locales de développement et de régulation territoriale. Le nouveau dispositif est censé faciliter la gestion et la mise en œuvre de la politique économique et d’aménagement nationale sur le territoire, notamment à travers la conduite d’opérations d’aménagement spatial à vocation économique (zones industrielles, zones d’activités, surfaces de bureaux) et à travers l’élaboration de nouveaux documents de planification urbaine.
I – Le rôle des structures patronales locales dans la régulation économique
Il s’agit pour le gouvernement d’imposer aux responsables politiques et économiques lyonnais les vues et les objectifs énoncés par le Plan, afin d’assurer la mise en cohérence de la planification territoriale et des politiques urbaines déployées au niveau local, avec les orientations de la politique nationale. En limitant le pouvoir d’orientation en matière de planification spatiale des structures de représentation des intérêts économiques locaux, les autorités centrales s’assurent que les principes du Plan sont respectés, assimilés et appliqués dans la métropole lyonnaise, et non contrés ou simplement contournés au profit de la satisfaction des intérêts du petit et moyen capital régional ou local sous l’influence des organisations économiques lyonnaises. L’Etat est ainsi contraint de durcir son attitude vis-à-vis des organes locaux de représentation des intérêts économiques, afin de contourner les divergences existant entre les petites et moyennes entreprises locales et les grandes firmes nationales ou internationales au sein du patronat lyonnais.
Si dans un premier temps (de 1945 à 1963 environ), l’Etat prend soin de laisser une certaine liberté d’initiative et d’orientation aux structures patronales locales pour contribuer à définir le développement économique régional, dans un second temps (de 1964 à 1972 environ), il reprend en main de manière assez dominatrice les perspectives d’expansion et de développement du territoire national, notamment en créant de nouvelles structures de gestion territoriale dans l’agglomération, associées aux collectivités locales ou directement rattachées à ses services. Il opte ensuite pour une stratégie d’alliance avec le patronat local et les instances du pouvoir politique municipal et départemental à partir des années 1970, en leur conférant une plus grande marge de manœuvre (Lojkine, 1974).
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