Thèse Lyon 2


Section 2 : LA STRATEGIE COMME MODALITE DE REGULATION ECONOMIQUE TERRITORIALE



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Section 2 : LA STRATEGIE COMME MODALITE DE REGULATION ECONOMIQUE TERRITORIALE


Cette deuxième section s’attache à analyser les ingrédients et les contenus de la politique économique locale mise en œuvre dans l’agglomération lyonnaise, c’est-à-dire l’aspect méthodologique et conceptuel de la régulation économique territoriale pilotée par les pouvoirs publics communautaires. Il s’agit ainsi essentiellement de cerner les différents modes de faire mobilisés depuis les années 1980 pour favoriser le développement économique au niveau local, afin de mettre en évidence deux des caractéristiques des nouvelles politiques publiques locales (Balme, Faure, Mabileau, 1999) : la flexibilisation de l’action publique et la minimisation du poids du politique au profit de nouveaux types d’intervention, notamment économiques (voir supra, 1ère Partie, Section 3).

Le mouvement d’acculturation progressive des acteurs lyonnais de la régulation économique territoriale aux méthodes du management stratégique, amorcé dès la survenue de la crise économique (voir supra, 2ème Partie, Section 3), se poursuit et s’intensifie en effet à partir des années 1980. Le pragmatisme propre à la sphère des acteurs économiques (entreprises, organismes patronaux) se diffuse au sein des structures publiques en charge du développement économique local. L’intervention économique devient l’objet central des politiques urbaines dans l’agglomération lyonnaise, conduisant à une soumission de celles-ci, notamment dans les champs en plein développement de l’aménagement spatial, de l’urbanisme et de la planification urbaine, à l’enjeu global de la compétition économique et de la concurrence territoriale.

Ce virage néolibéral implique non seulement une intégration fonctionnelle des politiques sectorielles pour satisfaire l’impératif de compétitivité métropolitaine (Jouve, 2005), mais il se traduit également par une plus grande flexibilité de l’action publique dédiée au développement économique. La politique économique locale connaît d’importantes fluctuations d’orientation entre 1980 et 2005, qu’il s’agit également de mettre en évidence et d’analyser. De la même façon, le nouveau mode d’organisation territorialisé de la mise en œuvre de la politique qui émerge au début des années 2000 reflète une certaine propension à la flexibilité de l’action publique, découlant des approches managériales. Plus généralement, le recours récurrent à la sous-traitance et au partenariat dans la conduite de la régulation économique territoriale dénote une volonté explicite de la part des pouvoirs publics locaux de reproduire les modes de faire du monde des affaires, tout en palliant le manque de compétences spécifiques de leurs services techniques.

Nous analysons d’abord l’avènement du management stratégique et l’acculturation des pouvoirs publics à ses méthodes de gestion de l’action publique en faveur du développement économique dans l’agglomération lyonnaise, notamment à travers la conduite d’un nouvel exercice de planification permettant la soumission effective de l’ensemble des politiques urbaines locale à l’impératif de compétitivité économique. Nous abordons ensuite les différentes étapes de l’intégration fonctionnelle des politiques urbaines au service du développement économique, découlant de l’approche stratégique. Elles traduisent les hésitations en matière d’orientation de l’action, entre une approche classique et relativement bien maîtrisée techniquement du développement économique, qui passe par l’aménagement du territoire et l’urbanisme, et une approche plus nouvelle et exploratoire, qui favorise plutôt les logiques qualitatives de filières et d’animation du milieu local.


I - L’avènement de la méthode stratégique durant la décennie 1980


Les bouleversements survenus dans le couple régime d’accumulation / mode de régulation à partir du milieu des années 1970 (voir infra, 1ère Partie, Section 1) ont des répercussions importantes sur les modalités d’intervention des collectivités locales. Ils obligent en effet les pouvoirs publics locaux à opérer des choix en matière de régulation économique, notamment entre politique de grands équipements et opérations d’urbanisme ou d’aménagement plus légères, mais aussi à développer leur capacité d’expertise dans le champ de l’économie pour adapter l’action économique aux enjeux de développement économique du territoire local. Ils sont ainsi amenés à définir les nouveaux objectifs et moyens stratégiques d’un développement économique territorial plus qualitatif, adapté au nouvel environnement concurrentiel qu’impose le contexte économique d’ensemble.

L’enjeu de la régulation économique territoriale et de la gestion des territoires urbains se déplace notamment de la logique de l’aménagement et de la production d’équipements en contexte de croissance vers la logique de la création de valeur et de la production d’avantages comparatifs territorialisés en contexte de crise. Il s’agit désormais pour les autorités publiques locales de promouvoir un environnement économique attractif pour les entreprises, de différencier qualitativement le territoire local par rapport à ses concurrents et de positionner la ville sur le marché des localisations de firmes. L’enjeu européen et plus largement le défi de la mondialisation débouchent ainsi sur l’adoption d’une nouvelle démarche stratégique et globale d’intervention économique au tournant des années 1980 et 1990.

Les municipalités et l’organisme communautaire sont donc confrontées à un problème de méthode face au nouvel impératif de développement économique qui émerge au début des années 1980 : les élus et les techniciens doivent renoncer aux habitudes de travail construites durant les années de croissance (régulation et structuration de l’économie locale, par simple programmation spatiale de surfaces d’activités et d’équipements, gestion technique des services publics locaux) et trouver de nouvelles modalités de définition de la régulation économique territoriale (Biarez, 1983). Ils font également face à la nécessité de dépasser les simples actions d’incitation au développement économique par l’environnement des entreprises, très indirectes car relevant de la réalisation d’équipements lourds, ainsi que de l’urbanisme et de l’aménagement de l’espace dans une moindre mesure, afin de définir une stratégie de régulation économique territoriale fondée sur des interventions, non seulement plus directes et mieux adaptées au contexte de crise, mais aussi moins coûteuses financièrement et plus qualitatives.


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