Thèse pour l’obtention du diplôme de Docteur de l’Université Paris VII spécialité : Géographie


Chapitre 3 Le projet d’acteur comme concept



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Chapitre 3

Le projet d’acteur comme concept

pour l’appréhension de l’innovation sociale.

Dans ce chapitre, nous voulons poser l’hypothèse que le projet, comme discours et action dotés d’intention, constitue un concept privilégié pour l’appréhension des dynamiques de l’innovation sociale, mais plus encore, l’un des vecteurs privilégiés de l’innovation, dans le sens où il constitue véritablement la construction d’un mode de modification de la situation dans laquelle l’individu ou le groupe est engagé.

La démarche de rappropriation de l’inscription sociale et territoriale des acteurs par l’innovation passe en effet avant tout par la construction d’une parole, ce que constitue pleinement le projet, qu’il soit individuel ou collectif. En cela, et comme l’innovation, le projet peut véritablement constituer un mode d’appréhension, de pratique, et de changement du territoire par les acteurs.

1 Le projet comme source privilégiée d’information.


L’innovation sociale en tant que pratique presque-déjà réalisée est particulièrement difficile à saisir. Ainsi ne se donne-t-elle à voir qu’à travers la pratique sociale agie, ou à travers le souhait, la volonté de changement énoncés sous la forme d’un projet singulier. L’innovation n’est perceptible qu’en acte...ou en projet.

Action/création et projet nous sont accessibles indifféremment à travers la parole des acteurs. Le discours en effet, qu’il soit le récit des pratiques effectives des acteurs, ou celui des projets - que ceux-ci soient réalisables, réalisés un jour, ou non - nous informe avant tout sur les origines de l’innovation sociale. Le projet comme l’action révèlent en effet la ou les situations sociales complexes dans lesquelles l’acteur est inséré, dans lesquelles il se représente être inséré, dans lesquelles il a envie de dire être inséré. La parole révèle ainsi le rapport social au territoire de l’acteur/informateur.

C’est ainsi que le projet d’action révèle ce que veut l’acteur, que le passage à l’acte se fasse ou non. Il évoque en effet tout à la fois l’évaluation de la situation personnelle de l’acteur, les moyens d’action qu’il se reconnaît, et ceux qu’il s’octroît pour modifier la situation dans laquelle il est engagé. L’action, comme projet en acte, révèle ce même système complexe de représentations, mais dans un temps différent, celui de l’innovation en acte. Dans un mouvement réflexif peuvent être alors évoquées l’adéquation ou la non-adéquation avec le projet initial, et partant, la réévaluation de certaines représentations antérieures à la réalisation du projet.

L’énoncé des projets d’acteurs, projets réalisés ou à mettre en œuvre, sera ainsi notre principale source d’information, à travers la parole des individus et des groupes. Peu nous importe que les pratiques rapportées soient effectives, projetées, imaginées, exagérées ou fantasmées : elles révèlent un désir d’action transmis par la parole. Ce désir d’action, formulé dans la situation d’interlocution, nous parle du rapport social de l’acteur au territoire, et des modes de modification envisagés.

En outre, cette parole comme construction de sens opérée par les acteurs ne se réduit pas à la parole d’un seul. Ainsi, l’informateur qui fait le récit de sa vie passée et présente ne dévide-t-il pas uniquement une chronologie des événements vécus, mais s’efforce de donner un sens au passé, à la situation présente et à la période qui les sépare123. « Nul doute qu’en cherchant dans son histoire à trouver une signification à sa conduite et à son itinéraire personnels, l’interlocuteur n’aide le chercheur à s’avancer sur la voie de la découverte ou de l’affinement des hypothèses d’explication de l’évolution du groupe et de toute la communauté124 ». Il s’agit véritablement d’une co-construction de la réalité sociale et, pour cette étude, territoriale : le chercheur initie un discours par un questionnement imprégné de ses hypothèses ; l’informateur répond à cette pré-construction de la réalité, par une construction qui lui est propre, etc.

L’innovation a été définie comme une ré-appropriation des situations complexes dans lesquelles sont engagés les acteurs. Son apparition s’inscrit au sein d’une relation/tension entre la rationalité et la détermination des divers systèmes, et la capacité et la volonté d’auto-organisation des acteurs. L’acteur dans la construction de son discours auprès du chercheur ne fait pas autre chose qu’évaluer - pour lui - cette capacité d’auto-organisation et le poids des divers systèmes initiant, favorisant, empêchant son action.


2 Le projet, vecteur privilégié de l’innovation.


Le projet, comme innovation presque-déjà-là, formulation de l’action souhaitée ou à venir, est riche d’informations sur les représentations des acteurs, l’évaluation de leur situation et de leur environnement social et territorial. C’est ainsi, entendu comme projet d’action ou récit de projet, qu’il constitue le mode d’appréhension privilégié des dynamiques de l’innovation sociale.

Mais plus encore qu’une parole délivrée qu’il nous est précieux et commode de recueillir, il est également l’un des vecteurs privilégiés de l’innovation sociale. Il constitue véritablement la construction d’un mode de modification de la situation dans laquelle l’individu ou le groupe est engagé. Par la mise en place - la mise en mots - de projets, les acteurs « innovateurs » ou porteurs de projet cherchent à modifier les conditions (extérieures et intérieures) par lesquelles ils ont été antérieurement « pluri-institués en des places et des situations différentes au cours du temps125 ». Cela revient à modifier leur inscription sociale et territoriale, c'est-à-dire leurs pratiques et leurs représentations, en agissant personnellement à partir d’une appréciation du système social et territorial dans lequel ils sont insérés. L’innovation est ainsi réalisée par des personnalités qui l’ont définie en projets, puis qui « posent des actes pour tenter de remanier leurs milieux en y créant de nouvelles structures qui les transforment126 ».

Le projet personnel est une tentative de construire un « lien d’interdépendance et/ou de réciprocité entre structures individuelles et sociales127 », de construire une territorialité en accord avec les ambitions personnelles de l’acteur. Il est construction sémantique, prise de conscience de la situation dans laquelle l’acteur est engagé, prise de conscience partielle ou totale, toujours dépendante de l’information à la disposition des acteurs, qui initie la volonté de modification de la situation ou de création d’une nouvelle.


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