La Russie accentue sa pression sur la Géorgie De notre correspondant à Moscou FABRICE NODÉ-LANGLOIS.
Publié le 03 novembre 2006
Actualisé le 03 novembre 2006 : 11h19
Moscou a annoncé hier un doublement du prix du gaz vendu à Tbilissi.
UN MOIS APRÈS la prise de sanctions par la Russie contre la Géorgie, sans précédent depuis l'indépendance de l'ancienne république soviétique du Caucase, Moscou a dégainé hier l'arme énergétique. Le monopole public Gazprom a annoncé à la Géorgie son intention de doubler le prix du gaz en 2007. L'entreprise a fait une offre à 230 dollars les 1 000 mètres cubes, soit le prix du marché européen, contre 110 dollars actuellement.
Début octobre, en représailles à l'arrestation de quatre officiers russes accusés d'espionnage par la Géorgie, pourtant rapidement relâchés, Moscou a rappelé son ambassadeur et interrompu toutes les liaisons aériennes directes avec Tbilissi, le transport ferroviaire ainsi que les échanges postaux, qui permettent aux centaines de milliers d'émigrés géorgiens d'expédier de l'argent au pays. La Russie a également lancé une chasse aux Géorgiens clandestins. Plus de 800 ont été expulsés.
L'annonce de Gazprom est une gifle pour le ministre géorgien des Affaires étrangères, Guela Bejouachvili, qui était justement hier à Moscou pour rencontrer son homologue russe, Sergueï Lavrov, et tenter de dénouer la crise. Les rapports entre l'ancien empire et son ex-vassal sont tendus depuis l'arrivée au pouvoir à Tbilissi, à la faveur de la « révolution de la rose » de novembre 2003, du très américanophile Mikhaïl Saakachvili. Les relations se sont envenimées en septembre, lorsque Tbilissi a confirmé sa volonté d'adhérer à l'Otan. Par ailleurs, depuis quinze ans, le statut des deux provinces géorgiennes séparatistes prorusses, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, empoisonnent le dialogue entre les deux capitales.
Guela Bejouachvili a tenté de calmer le jeu, devant un petit groupe de journalistes occidentaux qu'il a reçus à l'ambassade de Géorgie à Moscou. Il a assuré que l'augmentation du prix du gaz n'était pas une surprise et qu'elle n'avait pas figuré au menu des discussions avec Sergueï Lavrov. « J'aimerais tout de même voir la formule du prix, a commenté Guela Bejouachvili. Pourquoi passe-t-on de 110 à 230 dollars ? Si c'est politique, qu'on le dise clairement ! » Le diplomate géorgien s'est félicité d'avoir obtenu l'assurance de son homologue russe que le gaz et l'électricité ne seraient pas coupés cet hiver. Encore faut-il, a-t-il nuancé, que le contrat pour fixer le prix de 2007 soit effectivement signé, la déclaration de Gazprom n'étant qu'une « offre », selon les termes de la compagnie.
Situation précaire
En janvier dernier, pendant la crise du gaz entre l'Ukraine et la Russie, les livraisons de gaz russe à la Géorgie avaient été interrompues à la suite de deux mystérieuses explosions sur le principal gazoduc. La Géorgie, qui dépend à environ 80 % des importations de gaz russe, s'est trouvée brutalement plongée dans une situation précaire alors que l'hiver était exceptionnellement rigoureux. Guela Bejouachvili a assuré hier que son pays étudiait sérieusement des alternatives. Les voisins turcs et azerbaïdjanais sont les principales. Le ministre est récemment allé à Téhéran, qui avait déjà dépanné en début d'année ce petit État de 4,5 millions d'habitants qui consomme moins de 2 milliards de mètres cubes de gaz par an.
En début d'année, l'Ukraine, résolument tournée vers l'Otan et l'Union européenne, s'était vu imposer une augmentation brutale du prix du gaz. Si les arguments avancés par Gazprom sur la nécessité de porter les tarifs aux prix du marché relèvent d'une logique économique cohérente, les détracteurs du Kremlin remarquent que l'Arménie et la Biélorussie, alliées sûres de Moscou, bénéficient toujours des anciens tarifs préférentiels.
http://www.lefigaro.fr/international/20061103.FIG000000159_la_russie_accentue_sa_pression_sur_la_georgie.html
Rwanda : RFI balaye les doutes de Péan Mise en cause sur le traitement du conflit par l'écrivain, la radio a mené sa contre-enquête.
Par Christophe AYAD
QUOTIDIEN : vendredi 3 novembre 2006
Il y a un an, Pierre Péan déclenchait un tollé à Radio France Internationale (RFI), aujourd'hui la station lui répond. Dans son livre Noires fureurs, blancs menteurs (1), il mettait gravement en cause quatre de ses journalistes et, plus généralement, la réputation de la station publique en l'accusant d'avoir été, avant et pendant le génocide de 1994 au Rwanda, la «voix de Kagame», l'actuel président rwandais. Le volumineux ouvrage de Péan vise à démontrer qu'il n'y a pas eu de génocide des Tutsis au printemps 1994 et que les «massacres» qui ont eu lieu ont été sciemment provoqués par Paul Kagame, à l'époque chef du Front patriotique rwandais (FPR), la guérilla d'obédience tutsie. A l'évidence pour Péan, RFI, financée par le contribuable français, n'aurait jamais dû être que la «voix de la France», comme il le suggère dans l'intitulé du court chapitre qu'il consacre à la radio (2).
Blessures. A sa sortie, l'ouvrage de Péan avait ravivé des blessures mal refermées : la couverture du génocide au Rwanda et de ses suites avait occasionné, dans la rédaction de RFI comme dans d'autres, des divisions importantes. La direction, sommée de réagir par la Société des journalistes, avait décidé de commanditer un audit sur la couverture du Rwanda, de 1990 à 1994.
Pierre-Edouard Deldique et Vanadis Feuille, respectivement journaliste mais pas au service Afrique et documentaliste à RFI, viennent de remettre leur travail qui conclut au caractère absolument «infondé» des critiques de Pierre Péan. Pour ce faire, les deux «auditeurs» ont écouté les 800 journaux Afrique répertoriés dans la base de données de la sonothèque couvrant la période du 2 octobre 1990 au 18 juillet 1994.
Ils en ont tiré un document de 716 pages comportant les références et le contenu de ces journaux, ainsi qu'un rapport de synthèse où ils répondent aux accusations visant RFI et les quatre journalistes incriminés. Il y apparaît ainsi que «les accusations de Pierre Péan sont, le plus souvent, portées de manière partiale et parfois légère» . De toute façon, la principale des accusations de Péan visant quatre journalistes de RFI reposait sur la révélation de l'origine tutsie de deux d'entre eux. Le livre de Péan est d'ailleurs poursuivi par SOS Racisme. On imagine les protestations qu'il aurait soulevées s'il s'était attaqué aux origines juives ou arabes de certains journalistes traitant du conflit israélo-palestinien. Sans compter qu'une troisième journaliste mise en cause n'a pas travaillé sur le Rwanda à l'époque du génocide... mais dix ans plus tard.
Fugacité. Pendant leur travail, Deldique et Feuille n'ont pas voulu rencontrer des journalistes de la rédaction, pour s'en tenir aux faits et à ce qui a été diffusé à l'antenne. Une attitude qui a pu susciter au départ quelques inquiétudes tant la radio est le média de la fugacité. Tout a été répertorié : les rediffusions, les coupes effectuées dans un sujet d'une diffusion à l'autre, etc. Tout au plus, les auteurs du rapport notent-ils une différence entre un lancement d'un reportage, qui parle de «troubles» et le reportage lui-même où il est question de «pogroms». Mais il est impossible de déceler une quelconque ligne politique dans un sens ou dans un autre. Dans la liste des intervenants, publiée en annexe, il apparaît ainsi que les organisations internationales et ONG, présentes sur le terrain, sont les plus nombreuses à l'antenne, loin devant le gouvernement rwandais ou le FPR.
Antoine Schwartz, le PDG de RFI, se dit «très satisfait» du rapport : «L'important, au-delà des cas soulevés par Péan, c'est la démonstration que RFI fait un travail honnête.» Il n'est cependant pas question de porter plainte en diffamation contre Péan, le délai étant largement dépassé et la façon dont ses accusations sont rédigées rendant l'issue d'un procès incertaine. Par le passé, RFI n'a pas seulement été attaquée par Péan : d'autres ont reproché à certains de ses journalistes d'avoir été trop favorables au gouvernement rwandais et à la France.
«On a tendance à confondre la position des journalistes et l'endroit où ils se trouvent, rétorque Schwartz. Prenez la guerre de cet été entre Israël et le Hezbollah ! Un journaliste ne dira pas la même chose selon qu'il est au Liban ou en Israël. C'était pareil pour le Rwanda.» Un argument qui laisse certains journalistes dubitatifs : «J'aimerais comprendre ce que cette étude mesure exactement, s'interroge une journaliste. La philosophie de tout ça, c'est un peu, comme dirait Godard : cinq minutes pour Hitler, cinq minutes pour les Juifs.» Au-delà du cas Péan, la démarche, qui n'a pas d'équivalent, offre un passionnant outil de travail pour qui s'intéresse à l'histoire récente du Rwanda et aussi à la fabrication de l'information radiophonique.
(1) Fayard/Mille et Une Nuits, 2005. (2) «RFI, voix de la France ou voix de Kagame», pp. 348 et suivantes.
http://www.liberation.fr/actualite/medias/214719.FR.php?rss=true
Génocide rwandais : la France accepte de donner à la justice des documents jusque-là secrets En France, la ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie a décidé de déclassifier un certain nombre de documents jusque-là gardés secrets. Il s'agit de documents relatifs au rôle de l'armée française, en 1994, dans le génocide qui s'est produit au Rwanda, dans la région des Grands Lacs en Afrique.
Une centaine de note des services secrets français pourront donc être étudiées par la Justice. Plusieurs Rwandais, rescapés du génocide, ont en effet porté plainte contre X pour "complicité de génocide et/ou complicité de crime contre l'humanité". Ils accusent les militaires français, entre autre, d'avoir commis eux-mêmes des exactions et laisser faire des miliciens hutus dans les massacres de populations tutsies. Près d'un million de personnes avaient été tués dans les massacres perpétrées au Rwanda, en 1994.
A l'époque, les troupes françaises s'étaient déployées sur place pour une opération humanitaire. Ces dernières années, les autorités politiques en France, ont toujours rejeté les demandes d'explication formulées par les responsables rwandais.
http://www.euronews.net/create_html.php?page=detail_info&article=388802&lng=2