VII Mort de S. S. le Pape Pie IX.
Le 11 février 1878, le R. F. Louis-Marie écrivait à ses Frères en ces termes :
Je ne viens pas vous annoncer la douloureuse nouvelle de la -mort du souverain Pontife Pie IX, elle est aujourd'hui connue .dans tout l'univers, auquel elle apporte une immense douleur; •mais je remplis un devoir d'amour et de reconnaissance, de piété -et d'affection filiale envers le Saint-Père défunt, en prescrivant à la Communauté, de l'avis du Régime, des suffrages particuliers, conformément à l'article 9 du chapitre VIII des Règles communes.
D'abord, M. T. C. F., nous nous associerons, dans chaque diocèse, aux offices, prières et suffrages qui seront ordonnés par les Ordinaires, pour honorer la mémoire de ce grand Pontife ; et, soit pour nous-mêmes, soit pour nos enfants, nous nous prêterons de notre mieux à rehausser l'éclat de ces offices solennels.
Il ne nous appartient pas de donner le récit ni de faire l'éloge d'un si grand Pontificat, de redire les vertus admirables de ce Pape incomparable, les merveilles de son règne, ses longues épreuves, sa constance héroïque, son invincible courage et tout ce qu'il a fait pour la gloire de Dieu, pour l'exaltation de la sainte Eglise, et pour le salut des âmes. Vous aurez ces récits édifiants, ces éloges si bien mérités, dans les Mandements de Nosseigneurs les Evêques, et vous vous ferez un bonheur et un devoir de les répéter entre vous et à vos enfants.
Ce qui nous appartient à nous, Petits Frères de Marie, c'est de reconnaître et d'honorer, dans le saint Pape Pie IX, un Bienfaiteur insigne et comme un second Fondateur de notre Congrégation. Nos Livres capitulaires et nos Circulaires sont remplis des faveurs spirituelles, des encouragements précieux et des Bénédictions apostoliques dont Sa Sainteté n'a cessé de nous combler, depuis que nous lui avons présenté nos Règles et que nous avons sollicité son approbation suprême, le 1ier mars 1858.
C'est le jour heureux où, avec le Très Révérend Frère François, alors Supérieur Général, nous eûmes le bonheur d'être reçus par Sa Sainteté, de déposer entre ses mains notre humble demande et de recevoir, pour nous-mêmes et pour vous tous, sa première Bénédiction. Oui, nous dit le Saint-Père, lorsque, prosterné à ses pieds, le Très Révérend Frère Supérieur Général le supplia de bénir tous les membres de l'Institut, oui, je les bénis très volontiers et je prie Dieu qu'il les remplisse tous de son Esprit, afin qu'ils s'édifient les uns les autres, qu'ils se sanctifient et qu'ils fassent beaucoup de bien parmi les enfants qui leur sont confiés.
C'est moi-même alors qui vous ai invités, en l'absence du T. R. F. François, demeuré à Rome pour poursuivre notre demande, à recueillir avec foi et respect, cette bénédiction du Saint-Père et les paroles toutes divines dont il l'a accompagnée. (Circulaire du 2 juillet 1858.)
Le Saint-Siège a mis cinq ans pour étudier nos Règles, nos Constitutions et tous les livres réguliers de l'Institut ; et c'est après cette étude et sur les observations du Chapitre général de 1862, que le 9 janvier 1863, dans la Sacrée Congrégation des Evêques et Réguliers, le Souverain Pontife, s'étant réjoui des accroissements rapides qu'avait pris l'Institut, des Petits Frères de Marie, et ayant parlé avec beaucoup d'éloge de tout le bien qu'il fait, a daigné le reconnaître et l'approuver définitivement, par un Décret spécial, comme Congrégation de vœux simples, sous le titre de Frères Maristes des Écoles, sous le gouvernement d'un Supérieur Général et, sauf la juridiction des Ordinaires, selon les prescriptions des Sacrés Canons et des Constitutions apostoliques.
De plus, par le même Décret, ont été confirmées pour cinq ans, par manière d'essai, les Constitutions de l'Institut, contenues dans l'exemplaire annexé audit Décret. Ce sont ces Constitutions qui s'élaborent depuis quinze ans, et que le Saint-Siège, toujours si sage dans ses divines lenteurs, continue, pour plus d'expérience, à nous laisser à titre d'essai. Vous savez que le dernier Chapitre général les a suivies avec un soin extrême, et qu'en se réservant de soumettre ses observations sur quelques points, il a voulu qu'elles fussent appliquées et pratiquées, pour tous les autres, dans toute la Congrégation.
Voilà la grande faveur que je vous ai annoncée par notre Circulaire du 29 juin 1863, en prescrivant à tous les prières et témoignages de reconnaissance qu'elle demandait.
Ici, le R. F. Supérieur rappelle sa visite au Souverain Pontife au mois de juin 1869 et une autre en juillet 1875, et les faveurs obtenues en ces circonstances ; puis il prescrit les prières à faire dans l'Institut, soit par rapport au Pontife défunt, soit à l'occasion de l'élection future de son successeur.
VIII
Instruction sur l'Enfer et sur la malheureuse Eternité. Moyens de s'en préserver.
Cette instruction est contenue dans la Circulaire du 8 décembre 1878, laquelle rappelle d'abord que, dans la réunion du Chapitre général de 1863, la pensée fut suggérée à tous les Capitulants de se placer en face de la malheureuse éternité, pour arrêter leur choix, et ne prendre pour Supérieur général et. pour Assistants que des hommes de foi et de zèle, qui fussent comme une barrière vivante et infranchissable entre nos religieux et le péché, entre nos religieux et la damnation.
Au Chapitre général de 1876, la même pensée fut rappelée à tous les Frères capitulants ; et cette mission pour les supérieurs d'être toujours comme sur le chemin de l'enfer, pour en barrer le passage à tous leurs inférieurs, fut donnée comme le devoir particulier de tous, Supérieur général, Assistants et Directeurs.
La pensée de l'enfer fréquemment rappelée, et entrée bien avant dans l'esprit et dans le cœur, est propre à prévenir bien des découragements, à fixer bien des inconstances, à empêcher peut-être de lamentables défections.- Qui, bien pénétré de cette redoutable vérité de l'enfer, pourrait trouver la vocation religieuse trop pénible, la règle trop difficile, les Supérieurs et les Directeurs qui en exigent l'observation, trop sévères, les sacrifices des vœux et les travaux de l'enseignement trop durs ?
Ici, le R. F. Louis-Marie rappelle la manière saisissante dont l'un des prédicateurs des dernières retraites, le P. Raccurt prêchait sur l'enfer. Ce Père craignait toujours de laisser tomber les chrétiens dans l'enfer, après la mort, pour ne les avoir pas assez effrayés, pendant la vie, de ces supplices épouvantables et éternels. Apprenant que le R. F. Louis-Marie se proposait d'envoyer à ses Frères une instruction sur l'enfer, il l'en félicita et, entre autres choses, lui dit que le Bienheureux Labre, après avoir quitté ses parents, ne leur écrivit que deux fois et ne leur fit qu'une seule recommandation :
Craignez l'enfer et faites en sorte d'être du petit nombre des élus. — Ayez soin surtout de votre salut et de l'éducation de mes frères et sœurs, veillez sur leur conduite. Pensez aux flammes éternelles de l'enfer et au petit nombre des élus. »
Qu'est-ce que l'enfer? Il est tout entier dans ces paroles mêmes de Jésus-Christ : Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel- {Match., xxv, 41.) C'est la séparation et la malédiction même de Dieu : Retirez-vous de moi, maudits ; c'est le supplice du feu : Allez au feu ; c'est l'éternité des peines : Allez au feu éternel.
I - PREMIER SUPPLICE DU RÉPROUVÉ :
LA SÉPARATION DE DIEU, LA MALÉDICTION DE DIEU,
LA PERTE DU CIEL
Cette peine, dit saint Jean-Chrysostome, est plus grande que Celle de mille enfers réunis ; elle est, dit saint Bernard, aussi grande que Dieu lui-même
Eternellement, le réprouvé se dira : J'ai perdu mon Dieu, le souverain bien, je l'ai perdu par ma faute, je l'ai perdu pour un rien, je l'ai perdu pour toujours. Me voilà séparé de Dieu, maudit •de Dieu, haï de Dieu. Jamais je ne le verrai, jamais je ne le posséderai. Ce beau ciel que mon Sauveur m'avait acquis au prix de tout son sang, je me le suis ravi à moi-même par l'excès de ma folie ; un autre occupe la place qui m'était préparée.
En qualité de religieux, j'étais appelé aux premières places du Paradis. Je pouvais y parvenir aisément, j'avais pour cela tous les moyens désirables ; tant d'autres se sont sauvés dans le monde et moi je me suis damné dans la religion... Qu'eût-il fallu pour éviter cette réprobation? Veiller sur moi, me contraindre quelques jours, garder mes règles et mes vœux. Tant d'autres l'ont fait à côté de moi, pourquoi ne l'ai-je pas fait comme eux ?... Vains regrets ! Il fera et refera ces réflexions avec une amertume, une douleur, une rage, un désespoir et un dépit toujours nouveaux.
Pendant notre vie d'ici-bas, nous faisons aussi ces réflexions ; mais nous les faisons légèrement, rapidement, avec une demi- attention ; en enfer, elles sont sérieuses, profondes, senties, mais inutiles ; et ici, elles nous seraient si salutaires si nous les faisons bien !
Esaü était un enfant d'une grande maison, un brillant héritage lui était destiné ; mais il le vendit pour un plat de lentilles. O pécheurs, voilà votre image. Vous êtes des enfants de Dieu, les héritiers du ciel, et vous ne faites aucun cas de ce riche héritage.
Puisque le grand tourment des damnés est la perte de Dieu, la séparation de Notre-Seigneur Jésus-Christ, attachons-nous à ce bon Maitre de manière à pouvoir, comme le grand Apôtre, défier toutes les créatures de nous séparer de lui.
Demandons à Notre-Seigneur, avec foi, confiance et amour, la grâce d'être préservés de la damnation éternelle et de toutes les causes de damnation ; demandons-le-lui par cette prière admirable, les Litanies de son saint Nom, que nous récitons tous les matins ; soyons attentifs à lui demander de nous délivrer de tout mal, de tout péché, de sa colère, des pièges de Satan, du démon impur, de la mort éternelle, etc. ...
II — DEUXIEME PEINE DES RÉPROUVÉS :
LE SUPPLICE DU FEU
Ici, nul besoin de peintures d'imagination ; il suffit de citer ce que Dieu a dit de l'enfer Qui de vous pourra habiter dans un feu dévorant? Qui de vous subsistera dans les ardeurs éternelles? (Isaïe, XXXIII, 14.) C'est aussi la fournaise ardente où Jésus-Christ nous avertit que seront jetés ceux qui commettent l'iniquité : Et ils les jetteront dans la fournaise ardente : c'est là qu'il y aura des pleurs t des grincements de dents ! (Math., xiii, 42, 13.).
L'Ancien et le Nouveau Testament s'unissent pour nous révéler et nous préciser les supplices de l'enfer ; et le Nouveau Testament, loi de grâce et d'amour, ne fait qu'enchérir sur l'Ancien. C'est une chose effroyable, dit saint Paul, de tomber entre les mains du Dieu vivant. (Hébr-, x, 31.)
Quel religieux peut croire à l'enfer. penser à l'enfer, méditer l'enfer, et se lasser de son état, de son dévouement, de ses sacrifices? En faisant l'acte de foi sur l'existence de l'enfer, n'essayons pas de nous faire un enfer adouci ; mais prenons-le tel que nous le donnent les Saintes Ecritures, tel que nous le fait connaître Jésus-Christ lui-même. Ici, le R. F. Louis-Marie cite de nombreux passages de l'Ancien et du Nouveau Testament établissant la vérité, l'horreur et l'éternité de l'enfer.
A cette sentence de l'Ecclésiaste : L'homme ne sait s'il est digne d'amour ou de haine, saint Bernard s'écrie qu'il tremble de tous ses membres et que les cheveux lui dressent sur la tête; et nous, nous ne tremblerions pas, nous continuerions à ne vivre que de légèretés, de dissipation, de négligences, de péchés peut-être! Faisons appel à notre foi; à notre raison, réfléchissons.
Notre-Seigneur, venu sur la terre pour sauver l'homme et le délivrer de l'enfer, nous montre à toutes les pages de l'Évangile combien son divin Cœur est préoccupé du désir de nous délivrer de ces maux affreux de l'enfer. A tout propos il revient sur cette terrible vérité et presque toujours avec les mêmes termes. La Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ nous dit, mieux que tout le reste, quels tourments attendent les réprouvés, c'est-à-dire Les pécheurs obstinés, impénitents et maudits. Dieu ne pouvait nous révéler d'une manière plus épouvantable la puissance infinie de sa colère.
Quel amour et quelle reconnaissance nous devons à Jésus pour la miséricorde doublement infinie dont il a usé envers nous, en nous délivrant, par ses souffrances, des supplices éternels et infinis de l'enfer, et en nous méritant, à la place, les biens éternels et infinis du paradis ! Avec quelle ardeur nous devons nous attacher aux pas du divin Rédempteur dans la voie douloureuse du Calvaire ! Contre -le double enfer du corps et de l'âme, couvrons-nous de la dévotion aux Plaies de Jésus, de la dévotion à son sang adorable, à toute sa douloureuse Passion et au chemin de la Croix.
III -- TROISIÈME PEINE DU REPROUVE:
ÉTERNITÉ DE SON SUPPLICE
Chose remarquable, presque jamais Dieu ne parle des supplices de l'enfer sans dire qu'ils sont éternels. Etre dans le feu pour une éternité, pour n'en sortir jamais, c'est un supplice qui doit nous glacer d'effroi. Quand le réprouvé aura brûlé dans ce feu cruel au- tant de millions d'années qu'il y a d'étoiles au ciel et de feuilles sur les arbres ; autant de millions de siècles qu'il est tombé de gouttes de pluie sur la terre depuis le commencement du monde, et qu'il en tombera jusqu'à la fin ; autant de milliards de siècles qu'il faudrait d'atomes pour remplir l'espace immense de la terre au ciel, le damné se dira avec horreur : Tout ce que j'ai payé à la justice de Dieu ne diminue rien de la dette qui me reste.
Une pensée bien terrible, c'est que celui qui sera damné pour un seul péché mortel souffrira tous ces tourments épouvantables et plus qu'on ne pourrait jamais dire ; mais celui qui sera damné pour deux péchés mortels souffrira le double ; celui qui sera damné pour trois souffrira le triple ; celui qui sera damné pour vingt, trente, quarante, cinquante, cent, mille, souffrira ces tourments vingt fois... mille fois redoublés. Quel sort se préparent donc ces malheureux qui ajoutent chaque jour crimes sur crimes, qui avalent l'iniquité comme l'eau
Mais y aura-t-il beaucoup de réprouvés dans l'enfer? Dût-il n'y en avoir qu'un seul, que nous devrions tous trembler d'être ce malheureux. Souvent il faut nous demander où nous allons, si nous ne marchons pas avec les relâchés et les négligents; si nous ne sommes pas dans la voie qui aboutit à la perdition, la voie de la tiédeur, la voie des péchés véniels volontaires.
Religieux et enfants de Marie, nous avons déjà embrassé l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le pour sa gloire et le salut des enfants, comme le premier moyen d'échapper au plus grand supplice de l'enfer, la perte du ciel, la séparation de Jésus- Christ.
Contre les feux de l'enfer, la peine du sens et toutes les horreurs de cet affreux séjour, nous avons embrassé la croix, la dévotion à la Passion, aux Plaies sacrées et au Sang adorable du divin Rédempteur. Nous voulons le suivre, tous les jours de notre vie, dans la voie douloureuse du Calvaire, dans la pratique du Chemin de la Croix.
Contre tout l'enfer et sa malheureuse éternité, recourons à un troisième moyen, la dévotion et la confiance en Marie, l'amour et l'imitation de cette bonne Mère, le- recours continuel en sa toute-puissante protection. Attachons-nous à notre sainte vocation à la vie et à la mort; car nous savons sûrement que si nous persévérons fidèlement jusqu'à la fin dans notre saint état, dans nos pratiques de piété envers Marie ; si nous restons fidèles à nos Règles et à nos Vœux, nous ne tomberons pas dans les abîmes de l'enfer.
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