IX Appel à la Sainteté.
Tel est le principal sujet de la Circulaire du 30 novembre 1879.
I. - OBLIGATION DE LA SAINTETÉ.
Soyez saints dans toute la conduite de votre vie, nous dit le Prince des Apôtres, comme celui qui vous a appelés est saint, selon qu'il est écrit : Soyez saints parce que je suis saint. (lie Pierre, 1, 15, 16.) Saint Paul n'est pas moins explicite : C'est la volonté de Dieu que vous soyez saints... Saint Jean, dans l'Apocalypse, écrit : Que celui qui est juste se justifie encore... La sainteté doit être le but suprême de nos efforts--. Toutes les créatures ont pour fin d'aider l'homme à devenir saint. Dans l'ordre surnaturel, pourquoi l'Incarnation, la Rédemption, l'Evangile, la grâce, les dons du Saint-Esprit, les Sacrements? Pour renouveler et sanctifier l'homme. Pourquoi l'Eglise, le Sacerdoce, la Prédication, les Ordres religieux ? Pour.; quoi le Verbe fait chair lui-même, Jésus-Christ? Pour procurer la sanctification des hommes. Pourquoi le ciel? Pour nous exciter à devenir saints, pour récompenser" éternellement ceux qui se seront faits saints: Pourquoi l'enfer? Pour nous forcer, en quelque sorte, à nous sanctifier, pour punir ceux qui n'auront pas voulu devenir saints. Pourquoi le Purgatoire? Pour achever de sanctifier les âmes.
La sanctification des âmes, la sainteté, voilà l'œuvre par excellence de Dieu opérant au dehors ; c'est le chef-d’œuvre de sa puissance, de sa sagesse et de sa bonté, agissant sur l'homme, avec l'homme et par l'homme.
II. - EXCELLENCE DE LA SAINTETÉ.
Point d'élévation comparable à l'élévation d'un homme à la sainteté, à la transformation d'une âme en Dieu, à la déification de l'homme par son union avec Dieu, par la participation à la nature divine. (II Pierre, I, 4.)
Un homme part du fond de l'exil, passe par les profondeurs du cachot et monte, monte, de degré en degré, jusque sur le premier trône de l'univers. Là, il commande en maître à un peuple immense il est servi par des armées incomparables, il domine sur sa nation, sur l'Europe entière et sur le monde ; des richesses immenses affluent dans Ses trésors : bagatelle que cette élévation ; jeu d'enfant que toute cette gloire ; pauvreté dans ces richesses, empire d'un jour. Devant lui, des abîmes ; derrière lui, la mort ; autour de lui, mensonge et déception. Rien pour le cœur, rien pour la conscience, rien pour l'éternité : tout aux sens, tout à la matière, tout au temps qui passe ; c'est le mot de Salomon : Vanité des vanités, et tout n'est que Vanité, hors aimer Dieu et le servir.
Mais, quand un homme, parti du néant, et, par delà le néant, des abîmes du péché, s'élève à la connaissance de Dieu, à l'amour de Dieu, à l'union avec Dieu, et monte ainsi, par degrés, jusqu'à la transformation en Dieu, voilà la seule vraie grandeur, la seule et véritable élévation. Quelle gloire, en effet, de devenir saint de la sainteté de Dieu, puissant de la puissance de Dieu, fort de la force de Dieu, riche des richesses de Dieu, heureux du bonheur même de Dieu !... Et tous ces biens, les posséder pour toujours ! C'est à cette perfection et à ce bonheur complets et éternels que nous convient, à la fois, et les voix des saints du ciel, et les voix des âmes du Purgatoire, et même les voix désespérées des réprouvés de l'enfer.
III. — VOIX DU CIEL.
Du sein des gloires éternelles et des félicités infinies, l'innombrable armée des saints nous crie à tous: O nos frères et nos amis, voyez où nous sommes parvenus et ce que nous avons fait pour y parvenir ! Ce que nous avons fait, vous pouvez le faire. Ne soyez pas assez ennemis de vous-mêmes, assez lâches, assez inconstants assez inconsidérés pour perdre une telle gloire, une telle grandeur, une telle fortune. Souffrez, mortifiez-vous vous-mêmes pour arriver où nous sommes.
IV. - VOIX DU PURGATOIRE
- Et les âmes détenues dans le lieu de l'expiation, que nous disent- elles?
Sanctifiez-vous, car rien d'impur, rien de souillé n'entrera dans le royaume des cieux. (Apoc-, XXI, 27.) Pendant que vous êtes dans là voie, payez vos dettes, faites pénitence, accordez-vous avec votre partie adverse (Math., y, 25) ; après la vie, plus de grâce, plus de miséricorde, il faut payer jusqu'à la dernière obole. (Ibid., v, 26.)
Oh ! que nous comprenons bien aujourd'hui ce que c'est que k péché véniel, quelle en est la grandeur, l'énormité, quelles en sont les suites épouvantables ! Que de tortures, de déchirements, de larmes et de regrets pour effacer une seule faute vénielle, nos distractions dans la prière, nos sensualités, nos vanités, nos désobéissances, nos négligences, nos impatiences, nos paroles inutiles, nos plus légers manquements !
Nos douleurs sont horribles, et cependant la honte et la laideur de nos fautes sont telles, que ciel s'ouvrît-il devant nous, nous ne voudrions pas y entrer avec ces monstrueuses difformités... 0 nos frères, ô nos amis, instruisez-vous par notre exemple, respectez la sainteté infinie de Dieu, tenez-vous purs de toute faute en son adorable présence, faites-vous saints devant le Saint des saints ; car porter le péché devant lui,' pire que la mort, pire que l'enfer, c'est le tourment des tourments.-. Craignez souverainement le péché, le péché qui sépare de Dieu, ne dût-il retarder que d'une heure la vision béatifique : ce retard est le supplice des supplices.
V. - VOIX DE L'ENFER.
Prêterons-nous aussi l'oreille aux cris qui s'échappent de ce gouffre? Père Abraham, répondit le riche, je vous supplie d'envoyer Lazare dans la maison de mon père où j'ai encore cinq frères afin qu'il les avertisse, de peur qu'ils ne viennent aussi eux-mêmes dans ce lieu de tourments. (Luc., xvi, 27, 28.) Ce n'est pas la charité, nous disent les commentateurs, c'est le pur égoïsme qui inspirait ce langage : le malheureux réprouvé tremblait que ses frères ne vinssent augmenter ses tourments en les partageant. C'est dans le même sens que nous devrons prendre et entendre les cris horribles des damnés.
O nos frères de la terre, ne venez pas où nous sommes! Ah ! plutôt laissez-vous arracher les yeux-.-, laissez-vous couper les pieds et les ; car la fumée de nos tourments s'élève dans les siècles des siècles... Nous souffrons cruellement dans ces flammes. Nos maux sont innombrables, notre perte est infinie; il n'y a plus de joie pour nous, plus de firmament, plus de terre, plus de ciel, plus de parents, plus d'amis... C'est une nuit éternelle, un dénuement absolu, un délaissement universel... Ici, il n'y a que pleurs et grincements de dents ; il n'y u que tortures, que désespoir... C'est la caverne de feu, c'est la prison perpétuelle ; c'est l'enfer, c'est l'éternité !
O nos frères, ne venez pas où nous sommes. Ecoutez les prophètes, pratiquez la loi, craignez la réprobation et craignez le péché qui y conduit. Embrassez tous les sacrifices, entreprenez tous les travaux, soyez persévérants, faites-vous -saints.-. Point de milieu : ou saint ou réprouvé, ou élu ou damné. Ne balancez pas, faites-vous saints. N'attendez pas, ne vous exposez pas, car c'est une chose effroyable que de tomber entre les mains du Dieu vivant. (Heb. X, 31.) Les vengeances de Dieu sont inévitables, sa colère est implacable. Ne lassez pas sa patience, souvenez-vous qu'il a l'éternité pour se venger et vous punir. O nos frères, profitez de notre malheur et ne venez pas l'accroître en le partageant.
CONCLUSIONS PRATIQUES.
Première conclusion. — Puisque le péché, le moindre péché même, est un si grand mal, un mal si terrible dans ses suites fuyons-le comme la mort, mettons toujours entre nous et le péché la plus grande distance possible. D'abord, entre nous et le péché mortel, toute la distance qui le sépare du péché véniel ; c'est-à- dire que nous devons éviter le péché véniel, même le plus léger, ne le commettre jamais de propos délibéré. Il faut même aller plus loin, étendre cette distance et la multiplier en évitant les simples défauts, les simples imperfections. Nous devons arriver jusqu'à redouter et à combattre l'ombre même du péché : les moindres dispositions, les moindres légèretés, les saillies d'humeur et de caractère, les curiosités, les duretés, les tristesses et jusqu'aux phis légers oublis.
Deuxième conclusion. — La deuxième conclusion est plus importante encore ; elle répond à cette parole de la Sainte Ecriture, Détournez-cous du, mal et faites le bien. (Ps. XXXIII, 15.) Nous n'avons pas seulement à éviter les peines temporelles du Purgatoire et les supplices éternels de l'enfer, en combattant de toutes nos forces et contre le péché véniel et contre le péché mortel c'est-à-dire à nous détourner du mal ; mais nous avons encore à nous rendre dignes du ciel, en multipliant nos bonnes œuvres, en pratiquant les vertus et en nous sanctifiant, c'est-à-dire que nous devons faire le bien, le faire toute notre vie et le faire le mieux qu'il nous sera possible.
Or, c'est le double fruit que nous assure notre saint état et c'est sur ce solide fondement que nous devons étudier et apprécier les grands avantages qu'il nous apporte.
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