Université Louis Lumière Lyon 2 Faculté de Géographie, Histoire de l’Art, Tourisme


Essoufflement de la physiologie et des relations d’allométrie traditionnelles



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Essoufflement de la physiologie et des relations d’allométrie traditionnelles




De Reffye évoque alors une solution qui lui paraît aller dans le bon sens et qui peut lui suggérer une piste. Il s’agit de l’approche de J. Herb Beaumont, remontant à une publication déjà ancienne (1939) du Journal of Agricultural Research. De Reffye exhume cet article principalement pour justifier la nécessaire hétérogénéisation de la représentation de la plante. En 1939, J. H. Beaumont remplissait la fonction d’« horticulteur principal » auprès de la Hawaii Agricultural Experiment Station. Son but essentiel était de rationaliser une pratique alors anarchique sur l’île d’Hawaii afin de mener à des économies d’investissement substantielles : pour la culture du café, à la différence d’autres cultures fruitières, le rôle de la fertilisation n’était pas du tout maîtrisé, ni le recours à l’élagage ni enfin le rôle du climat et de ses variations1. Or, l’auteur y montrait qu’il était possible de prévoir la récolte par « l’accroissement global de l’arbre, en tenant compte de la récolte de l’année précédente »2 :
« Pour ce faire, Beaumont partage l’arbre (C. arabica) en trois zones : la zone des feuilles (celle des accroissements), la zone des fruits et enfin la zone dénudée sans fruit. La durée de chaque zone est d’environ une année. On passe progressivement d’une zone à l’autre par suite de la croissance continue de l’arbre. La méthode d’analyse utilisée est malheureusement trop imprécise (analyse de variance et régression linéaire). »3
Un tenant de l’analyse multivariée pourrait en effet penser à ce type de solution pour temporaliser une approche dont on a jugé auparavant qu’elle nous faisait perdre de l’information. Effectivement, qu’est-ce qui empêche l’analyse multivariée de prendre en compte la donnée « temps » aux côtés des autres données ? C’est d’ailleurs en ce sens que l’analyse multivariée peut sembler une technique universelle : elle paraît pouvoir intégrer tout type de paramètre. Mais, là encore, il faut noter que cette temporalisation de l’analyse n’acquiert de valeur pour de Reffye que parce que la représentation de l’arbre y a été en même temps spatialement hétérogénéisée en trois zones fonctionnelles différenciées. C’est pour lui l’essentiel. Avec cette partition en trois zones hétérogènes, le problème de la « distance » abstraite a donc été, non pas résolu, mais pour le moins atténué. C’est ce qui fait que cette solution va dans le bon sens. Toutefois l’analyse de variance y joue encore un rôle nivelant : elle demeure porteuse d’imprécisions. Autrement dit cette méthode est encore non opérationnelle pour l’agronome. Une fois de plus, les méthodes de l’analyse multivariée (l’analyse de la variance, la régression linéaire) sont rejetées car jugées inadaptées : ce qu’il faut c’est une précision plus grande dans l’évaluation des variables et de leurs dynamiques.

En outre, lorsque l’on revient sur le détail de l’article de J. H. Beaumont, il apparaît un autre acquis de valeur que de Reffye ne met pourtant pas en évidence dans sa propre étude mais qu’il n’a pas manqué de relayer dans son travail. En effet, une des tâches que s’était fixé tout d’abord Beaumont a consisté à trouver un moyen de sélectionner les facteurs pertinents parmi les nombreux possibles pour une étude de prévision de récolte adaptée au caféier. Or, dans son tableau de données, il avait mis en concurrence la croissance annuelle de l’arbre avec la section des rameaux verticaux. Pourquoi a-t-il d’abord fait intervenir ce facteur surfacique ? La réponse est évidente. Comme pour de Reffye lui-même dans son premier travail de 1974, cette idée lui a été naturellement suggérée par les recherches sur l’allométrie du végétal très fortement représentées dans les travaux d’horticulture et d’agronomie à partir des années 1925-1930, depuis les travaux de Huxley et Teissier1. Dans son inventaire initial, Beaumont cite pas moins de quatre articles s’inscrivant dans cette perspective. Or, rappelons que ce genre de travaux s’appuie principalement sur une approche physiologique axée sur le repérage de relations mathématiques globales et simples entre les dimensions du végétal ou de ses organes. Dans les enquêtes statistiques de l’époque, la circonférence du tronc ou des axes verticaux appartenait donc naturellement à la liste des facteurs impliqués. Par exemple, dès 1921, comme l’indique Beaumont lui-même, un auteur comme J. H. Waring, de la Société Américaine d’Horticulture, avait déjà tenté de mettre en évidence le rôle de la circonférence du tronc dans la production fruitière des pommiers. Or, dès son étude de 1939, Beaumont trouve que ce facteur est très peu corrélé à la production annuelle en fruits. C’est ce résultat qui sera donc retrouvé par de Reffye en 1974 alors même qu’il ignore sans doute encore le travail de Beaumont. En analysant les données de la station expérimentale de Hawaii par une méthode de régression simple puis partielle, Beaumont montre pour sa part qu’il est plus pertinent de s’en tenir à la croissance annuelle évaluée en nombre de rameaux par arbre.

Dans le cas de la production fruitière du caféier, dès 1939, il semble donc clair qu’il est plus important, dans un premier temps, de se référer à la morphologie qu’à la physiologie, à la croissance en longueur de l’arbre et à sa structure qu’à sa croissance en épaisseur. Or, même s’il ne le mentionne pas tel quel, ce résultat (qu’il avait lui-même retrouvé) a conditionné l’approche de de Reffye dans la mesure où, comme nous allons le voir, ce dernier va explicitement s’en tenir à la seule estimation de l’accroissement du nombre de rameaux pour évaluer la production en cerises. En effet, il ne s’autorise à négliger les facteurs physiologiques habituellement pris en considération que parce qu’auparavant Beaumont et lui-même ont montré qu’ils étaient faiblement corrélés à la production fruitière dans le cas particulier du caféier.

Pour ces deux dernières raisons (imprécision de toute analyse de variance, essoufflement des modèles allométriques), Reffye se décide donc à concevoir pour chaque arbre une représentation dynamique continue. Or un simple relevé annuel lui semble devoir encore trop contribuer à cette déperdition d’informations qu’il redoute. Sur une période d’une année, un grand nombre d’événements architecturaux interviennent selon un échéancier très enchevêtré. La seule manière de les prendre tous en considération consiste à « élaborer un modèle mathématique continu de la croissance du caféier »1. Ainsi aucun événement important de cette croissance et de cette architecture ne pourra échapper à l’agronome. Il faut donc comprendre que, dans le cas des caféiers, il n’y a pas de critère simple servant à prédire le comportement de l’arbre. Si l’on veut prédire un comportement, le seul marqueur valable est donc l’arbre lui-même, tout entier, pris dans son histoire morphologique. Ainsi ce qu’il faut, selon de Reffye, c’est donc bien considérer toute la vie de l’arbre puisqu’il est en perpétuelle évolution. Le modèle mathématique, à partir de ce moment-là, ne devra plus reposer uniquement sur les outils abstractifs standardisés de l’analyse statistique. C’est précisément là que la simulation va s’imposer.


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