Voici les contributions de lecteurs à l'appel du Nouvel Observateur



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Pierre-Yves Bondiguel

Je pense que Ségolène Royal doit fonder son propre parti en s'entourant de sa "jeune garde" - jeune au sens soit de l'âge soit de la visibilité - (Piketty, Montebourg, Peillon, Rebsamen etc...) et fonder le socle de ce parti sur les grandes lignes directrices de son pacte présidentiel


le PS doit disparaître ; l'aile gauche du PS doit rejoindre les partis d'extrême gauche
je pense que c'est elle qui avait raison dans sa démarche et dans sa façon de concevoir la gestion des affaires publiques, mais qu'elle était en avance sur son temps, dans un pays resté assez ringard, phallocrate et rétrograde
Cordialement
P.Pérot

Bonjour,

 

Lecteur assidu de votre revue et partisan d'une option social-démocrate pour la refondation d'une gauche moderne, je souscris pleinement à la démarche que vous décidez de lancer.



 

Toutefois, avant d'avancer des pistes plus précises, il me semble nécessaire d'engager une brève réflexion.

 

Face à la complexité du monde, on constate avec une amère évidence un phénomène général de recourt à une pensée simpliste. Bien qu'incomplète, cette pensée rassure. De plus elle séduit tant sur le fond qu'au niveau de sa forme. Sans doute parce qu'elle propose un accès aisé à une pensée habituellement réputée complexe et par conséquent élitiste. Cependant, elle demeure illusoire. Les premiers enjeux auquel il faut répondre consiste donc à développer un discours limpide et facilement compréhensible, mais qui tienne compte malgré tout de la diversité culturelle de notre pays. Il me semble qu'il est préférable d'appréhender les citoyens en tant que "forces vives" d'une nation plutôt que sous l'angle de la peur de l'autre. La formation et l'éducation sont certainement les clés d'une telle vision de la société.



Dans cette perspective, la démarche participative engagée à gauche n'est que le point de départ d'un cheminement qui doit se poursuivre. En effet, les témoignages recueillis ne peuvent aujourd'hui être laissés de côté. Ils constituent une ressource qu'il est important de mettre à profit pour chacun. La refondation d'une politique alternative à celle du pouvoir en place a par conséquent toute sa place. Cependant, au-delà d'une simple résistance sans autre projet, c'est à travers une démarche de négociation qu'elle doit se jouer. Et cette négociation doit rassembler le maximum d'acteurs en présence, qu'ils émanent du milieu politique ou de la société civile. Ce qui nécessite d'arborer une posture ouverte sur le monde. Et je pense que c'est au centre gauche qu'elle doit se situer. Car c'est la meilleure place pour coordonner une aile vers un progrès social partagé.

 

En bref, la force de la candidate Ségolène ROYAL a été aussi sa plus grande faiblesse : parier sur l'intelligence des citoyens sans toujours leurs donner les clés de compréhension de sa démarche. Il ne s'agit pas de puiser chez chacun les compétences et la connaissance qui manque au candidat mais bien de remettre au goût du jour le plaisir d'échanger, de débattre pour s'apprendre mutuellement. C'est seulement à travers cette attitude ouverte de négociation avec l'autre que l'on brise les tabous et avance vers le progrès. C'est le fondement de la solidarité entre les peuples.



 

Enfin, il me semble que l'action politique s'articule autour de trois dimensions fondamentales et inséparables. Il s'agit donc d'un savant mélange entre :

- l'initiative citoyenne comme ressource et moteur de la dynamique d'un pays

- le monde de l'entreprise en tant que force de stimulation

- la puissance publique comme instrument de régulation d'une société

 

C'est l'action partagée entre ces trois éléments qui constituent la richesse de la vie politique à travers une confiance mutuelle.



 

Reste à convenir ensemble des dosages.


François-Xavier Helbert

Dans tous les cas pas avec Strauss-Kahn et Fabius !

Tous les deux ont déjà eu des postes (trop peut-être) importants.

Et tous les deux ont perdu les primaires !!!!!

Nous voulons des idées neuves avec des personnalités nouvelles pour mener les combats à venir.

Strauss-Kahn & Fabius ne sauront pas bâtir "une gauche efficace, une gauche crédible, une gauche concrète".

Strauss-Kahn & Fabius nous ont déçus du Socialisme.
Jean-Louis Conus

"Pour refonder la gauche, relancer la bataille culturelle"

par Frédéric FARAVEL,

secrétaire de la section PS de la plaine de France (canton de Luzarches),

membre du bureau fédéral du Val d'Oise du Parti socialiste,

membre du bureau du comité régional Île-de-France du Parti socialiste.

Courriel : fredericfaravel@wanadoo.fr – Blog : http://resistances95.over-blog.com/


La gauche française est en crise mais on aurait tort de penser que cette crise lui soit spécifique. Ses racines sont

internationales, communes à toutes les gauches occidentales, et le seul vrai tort de la gauche française est

d’avoir plus tardé que d’autres à mesurer l’ampleur des défis que lui lancent les changements du monde.

Le premier d’entre eux fut la fin, dès le milieu des années 1970, de la longue période de croissance qui avait

suivi la guerre. Durant ces « Trente Glorieuses », toutes les gauches, leurs électeurs comme leurs dirigeants,

s’étaient convaincues que le progrès social, réduction du temps de travail et de l’âge de la retraite, allongement

des congés payés ou extension des systèmes de protection, pourrait être quasiment indéfini. La gauche, c’était

cela, la constance amélioration de la condition salariale rendue possible par une croissance exceptionnelle et le

plein emploi mais, au moment même où François Mitterrand ramenait la gauche française au pouvoir auprès

deux décennies d’opposition, tout était déjà en train de changer.

À compter de 1976, partie de Californie, la révolution néo-libérale a surfé sur la revendication individualiste et

anti-fiscaliste des classes moyennes supérieures qui ne voulaient plus porter les efforts collectifs de solidarité.

Cette vague a rapidement porté Ronald Reagan puis Margaret Thatcher au pouvoir avant d'emporter tous les

autres gouvernements démocratiques droite et gauche confondues, sa déferlante étant facilitée par le blocage

du système antérieur.

La boom de la reconstruction achevé, la croissance s’est ralentie et parallèlement - les dates sont les mêmes -

de nouveaux pays ont entamé une révolution économique qui a ajouté à l’émergence du Japon, celle de la

Chine, de l’Inde, de la Corée, de tant d’autres pays asiatiques, bientôt rejoints dans leur envol par les anciens

pays communistes d’Europe centrale.

Non seulement l’Occident et ses salariés se sont trouvés confrontés à de nouveaux concurrents qu’ils n’avaient

pas vu venir, non seulement ces concurrents offrent des coûts de production imbattables car leurs salaires sont

dérisoires et leurs protections sociales inexistantes mais le temps est déjà passé où ils ne produisaient que des

chemises. Tous rattrapent à grands pas l’avance technologique de l’Occident et troisième changement de taille,

l’allongement de la durée de la vie a considérablement renchéri le coût des retraites et des soins.

Ces quatre changements ont totalement bouleversé le rapport de force entre le Capital et le Travail et contraint

l’Occident, entreprises et salariés, à des révisions déchirantes. La gauche est, dans ces conditions, à réinventer.

Les gauches sont plus nécessaires que jamais pour amortir la violence sociale de ces chocs mais c’est tout leur

logiciel qui est à changer, leurs stratégies d'alliance qui sont aujourd'hui dans une impasse, leurs références

historiques qui doivent s'élargir et leurs revendications qui ne peuvent plus être celles des « Trente Glorieuses »

et du monopole économique de l’Occident.



I - L'analyse de la campagne pour l'élection présidentielle de 2007 :

Lors de la campagne de l'élection présidentielle, nous avons assisté - malgré un traitement médiatique moins

caricatural (sans être suffisamment impartial) - à un véritable zapping politique dans lequel la Gauche n'a pas su

développer un véritable projet de société face à deux dangers majeurs :

➔les projets ouvertement nationalistes, xénophobes et réactionnaires de Le Pen et Villiers ;

➔le développement insidieux mais profond et réfléchi d'un projet réactionnaire et ultra-libéral du candidat

Sarkozy qu'il n'est plus possible de qualifier de républicain tant il a déconstruit les valeurs républicaines de

Liberté, d'Égalité et de Fraternité.

À titre d'exemple, la proposition de M. Sarkozy d'instaurer un « ministère de l'immigration et de l'identité

nationale » renoue avec une tentation politique plus contemporaine, qui avait saisi la droite dès 1984. Le Front

national, inspiré par les penseurs de la Nouvelle Droite, venait alors d'ériger la défense de l'identité française

menacée, en cheval de bataille. Le RPR et Valéry Giscard-d'Estaing lui emboîtèrent le pas en prônant une

réforme du code de la nationalité directement inspirée par Jean-Marie Le Pen. 20 ans après, Nicolas Sarkozy a

repris le flambeau, non sans avoir imperceptiblement franchi un cap. Cette fois, il brandit la menace sur

l'identité nationale non pour barrer l'accès à la nationalité française, mais pour empêcher l'entrée de certains

étrangers sur le territoire. Outre que la volonté de concevoir une politique migratoire n'a de pertinence qu'à

l'échelle européenne et certainement pas au niveau national, le nouveau président de la République oubliait au

passage que les valeurs républicaines dont il fait mine de se réclamer - égalité homme-femme, laïcité -, déjà

fermement protégées par la législation, sont loin de ne concerner que les étrangers. L'obligation de parler

français et de suivre une formation civique, elle, est déjà obligatoire pour l'obtention d'une carte de résident. La

texte de travail préfigurant une contribution collective sur la refondation de la gauche – fredericfaravel@wanadoo.fr –

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nouvelle antienne du candidat qu'était alors Sarkozy fut pourtant habilement choisie : elle pointe les divisions de

la gauche sur la question de l'assimilation, l'approbation, par une large partie de l'opinion publique, du lien entre

immigration et identité nationale inclut probablement des électeurs issus de l'immigration, soucieux de refermer

la porte derrière eux. Les enfants de ceux-là mêmes qui, récemment encore, étaient déclarés "inassimilables".

On pourrait reprendre au regard des trois valeurs qui forment la devise de la République française en quoi

chaque point de son programme et de ses discours déforment au point de le rendre méconnaissable le projet

républicain. Bouclier fiscal, réduction des effectifs du service public, réduction du périmètre des services

publics, contraintes sur le droit de grève, légalisation du travail au noir par la défiscalisation et l'exonération de

cotisations des heures supplémentaires, nouvelle loi sur l'immigration, caractère génétique des souffrances

psychiques, etc. Tout ceci contribue à la plus grave rupture dans l'histoire idéologique de la Droite française

depuis la Libération.

La défaite du 6 mai 2007 est pour la Gauche - toute la Gauche - sans appel. quelque soit le biais que l'on puisse

prendre, elle s'impose à nous et nous devons le reconnaître, sans chercher d'échappatoire. Ce n'est pas une

victoire en soi d'accéder au 2nd tour de l'élection présidentielle ; bien sûr nous pourrons toujours dire qu'après

l'humiliation du 21 avril 2002 nous avons panser quelques plaies, mais fondamentalement les causes du 21-Avril

n'ont toujours pas été corrigées. Il ne s'agissait pas non plus de déterminer qui détiendrait le leadership à

gauche entre "radicaux" et "réformistes", cette question n'a jamais été posée dans la campagne car elle n'avait

pas à l'être. La seule victoire eût été l'Élysée, la seule victoire eût été une nouvelle présidence de gauche. Il n'y

a pas eu d'adhésion au projet de la gauche contrairement à ce qui s'est passé à droite, où les électeurs ont

fortement adhéré au projet que leur présentait Nicolas Sarkozy. Au premier tour, les électeurs de gauche ont

cherché avant tout à empêcher l'élimination de la gauche quelques soient leurs sensibilités, au second tour ils

ont essayé d'empêcher Nicolas Sarkozy de devenir président de la République. Cette défaite politique majeure

s'inscrivait il est vrai dès le premier tour de scrutin le 22 avril dernier, le pire n'étant pas tant que les partis de

gauche - hors le Parti socialiste - fassent des scores faibles ou anecdotiques, mais plus généralement que le

score de la candidate socialiste ne doit son caractère élevé qu'à un vote massif des électeurs communistes,

verts, altermondialistes et d'extrême gauche en sa faveur motivé par la crainte d'une absence de la gauche au

second tour ; c'est donc un vote fondé en partie sur la peur et non totalement sur l'adhésion. Il est de même

incontournable que François Bayrou doit une bonne partie de son score à un ralliement de nombreux électeurs

socialistes ; nous sommes donc un jeu de vases communiquants qui démontrent un déportement de l'électorat

vers la droite, cela ne peut s'expliquer que par le fait que les valeurs culturelles de la gauche fléchissent dans la

société.

Quand on regarde les rares enquêtes qualitatives réalisées lors de cette campagne présidentielle, le bilan de la

campagne de Ségolène Royal semble assez difficile à faire pour ses électeurs acquis au premier puis au second

tour. Le nouveau modèle de leadership qu’elle a voulu proposer, à travers notamment le principe de démocratie

participative, censé valoriser la proximité et la participation, est assez peu mis en avant par les électeurs

comme s’il ne parvenait pas encore à convaincre totalement de sa pertinence. Par ailleurs, dans le contexte

socio-économique actuel, marqué comme nous l’évoquions précédemment par une certaine prise de conscience

d’un champ des possibles assez fortement réduit, l’exercice paraît de fait plus compliqué pour la gauche que

pour la droite. Dans ce contexte, à l’inverse d’un Nicolas Sarkozy, dont l’électorat s’approprie (voire répète

comme une litanie) les slogans ou autres phrases clés, l’électorat de Ségolène Royal restitue difficilement les

grands axes du programme de la candidate socialiste.

Ainsi, les électeurs valorisent dans la motivation de leur vote, d’une part, l’attachement aux valeurs

traditionnelles de la gauche (que certaines mesures comme l’augmentation du Smic et des petites retraites

peuvent représenter) ou la place accordée à certaines thématiques comme l’éducation (même si les fortes

incursions de François Bayrou en la matière brouille le message et les lignes de clivage gauche-droite). Les

électeurs mettent en avant, d’autre part, le parcours d’une femme, qui a su faire preuve de ténacité et de

résistance pour arriver jusque là ; autant de qualités que le débat du 2 mai vient sans doute confirmer. Le

modèle de leadership de Ségolène Royal avait surtout ceci de nouveau qu’il offrait la possibilité d’avoir pour la

première fois une femme à la Présidence de la République. Si elle était créditée très positivement d’une

capacité d’écoute et de proximité, Ségolène Royal - bien que sur un tout autre registre que son adversaire au

second tour - inquiétait néanmoins, par sa « versatilité » et ses hésitations, qui, pour les moins critiques,

témoignent d’un manque d’assurance, et pour les plus sévères, d’un manque de compétence.

Aucun mouvement politique n’arrive à conquérir et à conserver durablement le pouvoir pour réformer ou

transformer la société, sans avoir imposé ses thèmes et ses valeurs au sein du corps social. Antonio Gramsci1

avait appelé cette option «l’hégémonie culturelle du prolétariat», le mouvement ouvrier devait conquérir la

domination culturelle de la société avant d’accéder à la direction des affaires. Aujourd’hui, celui qui a

durablement compris cette réalité politique est Jean-Marie Le Pen ; ce dernier a par ailleurs clairement exprimé

l’intégration de cette tactique dans son corpus politique dès les années 1990. En effet, Le Pen n'a pas tort de

dire qu'il a vaincu moralement, au regard de cette droitisation générale et de la rupture avec le gaullisme et la

république de la droite conservatrice : Sarkozy et l'UMP ont clairement indiqué de quel côté ils faisaient pencher

1 leader des communistes italiens emprisonné par Mussolini.

texte de travail préfigurant une contribution collective sur la refondation de la gauche – fredericfaravel@wanadoo.fr –

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la balance. Contrairement à ce que disaient le matin du 23 avril les chroniqueurs nous n'assistons pas à la fin

d'une longue séquence lepéniste, la « lepénisation des esprits », dénoncée depuis 10 ans par Robert Badinter,

continue de s'étendre.

La Gauche doit faire face depuis 30 ans à une véritable bataille culturelle dont elle a tardé à mesurer l'ampleur

et la réalité. Elle peine à formuler un projet de société explicite, n'arrivant plus à définir un dépassement non

totalitaire et non collectiviste du capitalisme. Quelques soient leurs sensibilités les différentes composantes de

la Gauche, quand elles prétendent vouloir accéder ou participer au pouvoir, se bornent à dénoncer les méfaits

de la doctrine économique libérale, mais continuent pourtant à y rechercher les solutions pratiques. Ainsi la

Gauche toute entière est en échec et doit prendre le temps de reformuler ses options pour ne pas désespérer

ceux qui continuent à la suivre.

II - Remettre la Bataille culturelle au coeur des priorités de la gauche :

La Bataille Culturelle doit revenir au coeur du logiciel de la gauche si elle veut non seulement revenir au pouvoir

mais également transformer la société.

Nous n'avons pas subi en 2007 la même indifférence que nous rencontrions en 2002. Mais le malentendu constaté

alors n'a pas disparu : des candidats et des militants de gauche s'efforçant de convaincre ; des électeurs ne

s'intéressant le plus souvent qu'à ce que leur vote pourrait leur rapporter à eux. Plus personne pour restituer ses

difficultés dans un contexte global, pour se revendiquer d'un camp ou d'une classe. Nous avons récolté, sans

doute, ce que nous avons nous-même semé : individualisme et scepticisme. Si bien que le bilan de la gauche n'a

été lu qu'à l'aune des profits individuels qu'il a pu dégager pour chacun.

Cet éclatement de la demande sociale auquel nous avons voulu prêter les vertus d'une autonomie synonyme

d'émancipation individuelle, est en fait le produit venimeux de la libéralisation culturelle de la société. Elle

s'accompagne d'une culture délétère du non-conflit, du « zéro risque » ; d'accord pour le progrès collectif, tant

qu'il ne me nuit pas, et surtout qu'on ne me demande pas de me battre pour le faire avancer, tel est le nouveau

mot d'ordre de ceux qui ne pensent leur rapport à la société que sur le mode de la consommation… Aussi

paradoxal que cela puisse paraître, Nicolas Sarkozy en dressant une partie de la population contre l'autre, et

faisant croire aux membres de son auditoires ou à ses téléspectateurs, qu'ils ne seront justement jamais ces

« autres » (immigrés, chômeurs, oisifs, jeunes donc délinquants, fonctionnaires nantis que l'on remettra au

pas...), a pu duper son monde et donner à penser que l'on sortait du non-conflit et du « zéro risque ».

La crise sociale, le chômage de masse, les inégalités ont été instrumentés pour dresser artificiellement les

salariés les uns contre les autres. Les mots ont servi à découper le salariat en tranches : inclus ou exclus,

travailleurs modestes ou chômeurs assistés, actifs ou retraités, fonctionnaires ou salariés du privé. Ainsi la

compétition peut commencer. Au sein des salariés, entre salariés et chômeurs, entre générations, entre salariés

du public et du privé, entre retraités et actifs' les mots des libéraux ont ouvert la voix aux maux du libéralisme.

Nous refusons la prédominance de ce modèle culturel. Même au Parti socialiste, certains jugent cette victoire de

nos ennemis irrémédiable, ou pire, refusent de la voir. C'est ainsi qu'on nous propose de recentrer notre discours

vers de mythiques classes moyennes et supérieures, prétendument les plus actives politiquement, toute en

jurant ses grands dieux que oui bien sûr il faut reconquérir l'électorat populaire. Pour notre part, nous ne

renoncerons pas à porter les aspirations des classes populaires alors qu'en tous points leurs intérêts rejoignent

ceux des classes moyennes autour d'une question fondatrice du socialisme et de la gauche française, celle de la

juste répartition des richesses entre le capital et le travail.

Il faut revenir à l'essentiel. « La conquête du pouvoir politique est indissociable de la conquête de l'hégémonie

culturelle ». Rappelons-nous la référence explicite à Gramsci faite par Le Pen, il y a plusieurs années. Il faut

donc maîtriser la " culture ". La culture est la clé qui ouvre la porte du partage des valeurs et des idées. C'est ce

combat là que nous devons reprendre. Il nous faut le faire en refusant de nous laisser imposer par la droite la

hiérarchie des questions - et c'est en partie ce que nous n'avons pas su faire dans la campagne de 2007 cherchant

constamment à rattraper Sarkozy là où il voulait nous entraîner (identité, drapeau, sécurité, ordre, autorité...) -

, en refusant de recentrer notre offre politique sur la demande de la France qui vote, en refusant le

rabaissement de l'action politique à la satisfaction d'individualismes consuméristes.

1) Refonder le contrat social autour de valeurs collectives :

Les raisons de la défaite du 21-Avril étaient contenus dans la défection de la très grande majorité de l'électorat

populaire, si cette défection a été partiellement résorbée elle reste majeure dans les couches salariés

populaires « non précaires ». Bref Nicolas Sarkozy est élu président de la République parce qu'il a réussi à faire

croire aux ouvriers et aux employés qui ont encore un travail qu'on peut « gagner plus en travaillant plus » - on

ne reviendra pas ici sur l'inanité de ce slogan. Cette contradiction forte continue de toucher directement notre

raison d'être et notre identité de gauche. Car le socialisme n'a de sens - aujourd'hui comme hier - que si son

projet de société porte l'espoir d'une émancipation du monde du travail. Contrairement à une idée reçue, les

ouvriers et les employés continuent de constituer la grande majorité de la population active. Mais les ouvriers et

employés d'aujourd'hui ne sont plus ceux d'hier. Les mutations du capitalisme, le développement du chômage et

de la précarité, les changements du travail lui-même et de son organisation, sont passés par là. La fin du

communisme et l'incapacité des socialistes à protéger le monde du travail contre le développement de

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l'insécurité sociale aussi.

Derrière les défaite électorales de 2002 et 2007, il y a un considérable recul de la conscience d'appartenir au

même monde et d'avoir une communauté d'intérêts face au capitalisme. Rien n'est plus important pour la gauche

que de travailler à mettre fin au clivage entre « les uns », qui travaillent et en vivent mal, et « les autres », qui

vivent, au mieux tout aussi mal, des revenus de la redistribution. L'enjeu politique mais aussi - et surtout -

idéologique est là : reconquérir le terrain gagné par la progression du chacun pour soi.

Le plein emploi doit rester la première de nos priorités. Il est la condition du vivre ensemble. Participer à la

production des biens et des services, et en recevoir en retour un revenu, est une condition sine qua non de

l'appartenance à la même société. C'est un enjeu social en dehors duquel la Gauche n'a plus de raison d'être. Il

nous faut réaffirmer que tous les chômeurs sont des salariés privés d'emploi, qu'ils doivent tous pouvoir

prétendre à en trouver un et qu'ils doivent, en conséquence, relever des mêmes institutions et des mêmes

mécanismes sociaux.

Il est tout aussi urgent de mettre fin à la distinction entre les politiques de développement économique et les

politiques sociales. Aux uns les Chambres de commerce et d'industrie, la création d'emploi, la recherche et

l'innovation. Aux autres la réparation des dégâts : l'action sociale, la lutte contre les exclusions, les associations

d'insertion.

La protection sociale constitue un outil de redistribution et de justice auquel nous sommes farouchement

attachés. Sa réforme et son renforcement doivent passer par une démocratisation avec l'élection par tous les

assurés des instances qui gèrent la sécurité sociale. Le système de santé ne soit plus uniquement reposer sur la

rémunération à l'acte des professions médicales, son équilibre financier doit être assuré par une contribution

encore accrue des revenus du capital. Enfin le paritarisme ne doit plus être l'apanage des seules organisations

syndicales et patronales jugées après la seconde guerre mondiale, représentatives mais intégrer les nouveaux

syndicats ainsi que les organisations mutualistes.

Notre objectif doit être de permettre l'émancipation de tous dans le travail. Il s'agit de rendre tout leur poids

aux garanties collectives liées au contrat de travail. En ce sens une de nos priorités doit être de défendre

l'acquis des 35h face aux remises en cause violentes de la droite. Quand on accuse les 35h d'avoir dégradé le

pouvoir d'achat des plus modestes, nous devons savoir dire qu'au lieu d'incriminer la loi , c'est à la faiblesse des

salaires dans notre pays qu'il faut s'en prendre, car c'est elle qui suppose que les salariés recoure aux heures

supplémentaires pour mener une vie décente, alors même que les patrons ne sont pas en mesure de fournir les

plans de charge suffisant pour ces heures supplémentaires virtuelles, et que la droite n'a cessé de baisser la

rémunération de ces heures supplémentaires. Le recours aux contrats précaires, aux temps partiels, la

flexibilité, doivent être combattus : les 35h ne peuvent pas être un prétexte à la dégradation des conditions de

travail.

2) Remettre la culture et l'éducation populaires au premier plan de nos outils :

Si l'exigence de formation et d'information, indispensable à la constitution de son opinion et de sa conviction,

semble aujourd’hui virtuellement satisfaite, il est essentiel de poser un regard critique sur le mode de

fonctionnement des divers médiateurs de cette formation et de cette information.



2.a. L a crise des médias :

Les médias doivent pouvoir exprimer un pluralisme d'opinions contradictoires. Cette exigence est de fait de

moins en moins respectée. La constitution de groupes de communication de taille internationale - le plus

souvent liés à des intérêts industriels également internationaux, principaux fournisseurs de la commande

publique -, leur soumission à des impératifs de rentabilité, les conduisent à offrir ce qui flatte plus que ce qui

dérange, ce qui plaît plus ce qui suscitent la réflexion.

Le combat pour la liberté d'opinion est un combat historique de la gauche. Dans l'opposition ou au pouvoir, la

gauche s'est, de façon constante, toujours battue pour faire progresser les bases institutionnelles de la liberté

de la presse. Il serait dangereux que la force de ses intentions dans ce domaine fléchisse aujourd'hui, parce que

les enjeux seraient moins bien clairement perçus, alors que la situation présente des menaces réelles et

croissantes pour les libertés publiques.

Du fait de l'exigence de court terme de l'information, les médias tendent à opérer un traitement biaisé du réel :

vision des évènements toujours négative et catastrophiste, culte de l' « image brute », sur valorisation du « fait

divers » au détriment des évolutions de fond de la société, substitution du commentaire à la présentation des

faits, dérives qui conditionnent profondément la vision du monde des téléspectateurs et ont des conséquences

graves sur la formation de leurs opinions politiques. Cette situation est encore aggravée par l'exigence de

rentabilité, qui mène au nivellement par le bas des programmes, au détriment de toute finalité culturelle ou

éducative. La responsabilité de la gauche est de reprendre le combat pour la démocratisation de l'espace public.

Aujourd'hui, le combat n'est plus à mener contre la menace de censure par le pouvoir d'État, mais contre

l'emprise de grands capitalistes comme Bouygues ou Pinault-Printemps-La Redoute, qui détiennent à la fois le

pouvoir économique et le pouvoir médiatique. Que l'on garde à l'esprit l'histoire italienne récente, pour

comprendre les menaces qu'une telle situation comporte...

La gauche doit se battre pour promouvoir un réel service public d'information, renforcer les obligations pesant

texte de travail préfigurant une contribution collective sur la refondation de la gauche – fredericfaravel@wanadoo.fr –

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sur les chaînes, en faisant en sorte que le CSA renforce son rôle de contrôle, et ne se contente pas d'être le

simple arbitre de la libre concurrence entre les médias. Il faut également lutter contre la collusion d'intérêts,

par exemple en limitant la participation de groupes bénéficiant de la réalisation de commandes publiques au

contrôle d'activités médiatiques. À titre d'exemple, il est nécessaire d'interdire aux heures de programmation

pour l'enfance et le jeune public les plages publicitaires ; de même pour qu'une télévision publique joue

réellement son rôle sans avoir à tenir compte des intérêts de diffusion et de programmation des annonceurs elle

ne doit être financée que par de l'argent public et pas par la publicité.

Enfin, il est maintenant possible grâce à Internet de ne plus simplement " subir " l'information sélectionnée par

les faiseurs d'opinion mais de se constituer son propre accès au savoir. Une de nos priorités doit être de

permettre une démocratisation effective de l'accès à Internet. L'émergence d'expériences comme la télé libre

peut éventuellement nous inspirer et doit être encouragée ; le système économique récupérant rapidement

chaque nouvelle initiative quelque soit son origine, il est impératif de multiplier les canaux de diffusion pour

garder proportionnellement une capacité d'émission autonome la plus forte et la plus durable possible. De même

concernant la presse écrite, la réduction terrifiante de la diversité des opinions publiées, la situation financière

et la dépendance économique de journaux comme Libération ou même L'Humanité, doivent nous interroger en

toute urgence ; s'il est vraisemblable qu'une presse de parti à l'ancienne soit désuète, il y a nécessité à faire

émerger une presse alternative et indépendante qui puisse faire vivre la pluralité d'expression et la qualité dans

les contenus d'information.

2.b. L a crise de l'éducation :

Dans un monde de plus en plus complexe, nous devons permettre à chacun de se doter des meilleurs outils pour

comprendre. Certains voudraient que l'école se réduise à ses fondamentaux : lire, écrire compter. D'autres

souhaiteraient ne lui assigner qu'une finalité économique. L'enjeu est aujourd'hui tout autre.

L'éducation a pour mission d'émanciper des déterminismes culturels, économiques et sociaux , et de favoriser,

par l'esprit critique et les capacités d'expression, une perpétuelle et large autonomie des individus. Il s'agit de

doter les citoyens d'outils pour analyser et comprendre le monde. Repenser la laïcité s'inscrit dans cette optique.

Cette laïcité s'inscrit dans un contexte nouveau et doit donc être renouvelée : il s'agit de promouvoir sans

concession l'esprit critique face aux diffusions du modèle consumériste. À la fin du XIXème siècle, il fallait libérer

les consciences des prêches du dimanche. Aujourd'hui n'est-il pas nécessaire de les libérer des nouveaux

prêcheurs de la tranche horaire 19h00-21h00 ? Impulser une mobilisation des consciences, s'interroger sur la

marche du monde, sur le devenir de chacun plus que sur la mise en concurrence des marques et des logos : voilà

aujourd'hui l'enjeu que doit relever l'éducation.

L'école doit retrouver dans un projet progressiste, socialiste et démocratique trois fonctions essentielles qu'elle

a peu à peu perdue :

➔elle doit donner à voir et à critiquer, elle apprend à distinguer savoir et certitudes, elle apprend le doute ;

➔elle doit transmettre une mémoire et une histoire,des modes culturelles, et permet au jeune citoyen

d'inscrire la réflexion dans une épaisseur temporelle pour en retirer les leçons du passé ;

➔elle doit former un espace « fictif » à l'image de la société politique elle-même pour permettre à l'enfant de

comprendre et de maîtriser l'abstraction de la société politique.

Les autoritarismes se satisfont toujours de l'inculture et du développement de sous-cultures à défaut

d'endoctrinement. Il n'y a de citoyens qu'instruits et donc critiques. Pour avancer sur ce terrain, au regard de la

politique menée depuis 5 ans par la droite (notamment sous le ministère Robien) et aux vues du projet de

société développé par le candidat Sarkozy, nous voyons déjà se profiler une école républicaine de nom dont le

seul objectif serait désormais utilitariste sans aucune autre ambition que de faire des écoliers de futurs

consommateurs et de futurs salariés exploités soumis docilement à la précarité. Nous sommes donc convaincus

qu'une réelle unité d'action doit se construire entre une gauche progressiste et l'ensemble des acteurs du milieu

éducatif. En effet nous ne pouvons nous permettre de regarder se dégrader la situation et de constater les

dégâts résultants des politiques de droite mais également agir par l'intermédiaire des organisations

professionnelles et syndicales d'enseignants, des syndicats étudiants et lycéens, des mutuelles, des organisations

de parents d'élèves mais nous devrons également agir en commun avec les mouvements d'éducation populaire

pour ne pas baisser les bras concernant une population nombreuse qui a été quitté le milieu scolaire ou

universitaire.

Le système éducatif contribue à reproduire les inégalités existant dans la société : on assiste aujourd'hui à une

stagnation, voire à une régression de la démocratisation de l'accès à l'enseignement et aux diplômes ! D'un côté,

l'accès aux diplômes les plus prestigieux est de plus en plus réservé à une élite, qui détient un savoir « secret »

ultra-discriminant, celui de « l'orientation » : elle sait quelles sont les bonnes filières, les bonnes classes

préparatoires, les bonnes options. D'un autre côté, au moins 60 000 élèves sortent chaque année du système

scolaire sans aucun diplôme.

Il faut s'attaquer au noyau dur des élèves en situation d'échec, en se donnant les moyens d'apporter à chaque

problème que rencontre un élève une réponse adaptée. Certains tendent à penser qu'il existe des élèves

« irréductibles » à l'acquisition des savoirs, qu'il faudrait exclure pour préserver les autres. Accepter cette

texte de travail préfigurant une contribution collective sur la refondation de la gauche – fredericfaravel@wanadoo.fr –

http://resistances95.over-blog.com/ - 5/9

fatalité, c'est renier l'exigence d'égalité. L'inégalité et l'acceptation du déterminisme commencent dans les têtes

des enfants.



2.c. L a crise de la culture :

Le goût, l'art et plus largement la culture sont largement, non pas révélation mais héritage et acquisition. La

distribution inégale du capital culturel est inacceptable au même titre que l'inégalité sociale ou économique. Le

Service public n'a pas seulement pour vocation de panser les plaies économiques et sociales vitales, il doit aussi

se donner pour mission l'émancipation des individus et la construction collective du sens. Un service public de la

culture favorise la création en reconnaissant le rôle des artistes dans la cité : interroger et transformer notre

regard sur le monde, et permettre à chacun de développer son expression artistique et culturelle quels que

soient sont origine ou son territoire.

Aujourd'hui la culture est considérée comme un bien de consommation parmi d'autres. Les libéraux nous disent

en effet que le marché a démocratisé les biens culturels, qui deviennent ainsi populaires et accessibles à tous.

Certes la culture dominante n'est plus celle de la bourgeoisie mais celle de la télévision et d'Hollywood, c'est-àdire

celle de l'uniformisation, de la consommation, de la reproduction des rapports sociaux et non de

l'émancipation. Le problème n'est pas l'existence de ce marché mais le fait que seuls peuvent s'en émanciper s'ils

le souhaitent ceux dont le capital culturel leur permet d'avoir accès au théâtre et non seulement à Universal

music. Un service public de la culture c'est donc la reconnaissance de toutes les cultures et l'éducation populaire

qui permet de les faire circuler en dehors des rapports du marché.



2.d. L a crises Partis politiques et notamment du Parti socialiste :

Pour éclairer ses choix, le citoyens ne doit pas simplement être en mesure de comprendre le monde qui

l'entoure, il doit inscrire sa réflexion dans un cadre de référence idéologique, à un projet de société. Telle était

la fonction des partis. Mais de plus en plus confinés à un rôle de sélection des candidats, ils ont perdu une part

de leur mission de construction de projets d'avenir à partir de repères idéologiques identifiés. Transformés en

machines électorales, ils risquent de perdre leur substance militante. Ainsi se confirmeraient les intuitions

formulées par Robert Michels (sociologue d'origine allemande, 1876-1936) sur l'existence de des partis à

développer au sein même des démocraties des caractères oligarchiques.

De fait, les militants d'origine populaire se font rares, ce qui s'explique aussi par la généralisation, au sein du PS,

d'une "culture du débat" pourtant positive mais qui valorise avant tout la réflexion collective et la "libre

expression" - peu spontanée - des militants. Or cette "intellectualisation", en faisant appel aux ressources

culturelles personnelles, en technicisant le débat et en dévalorisant le rapport populaire au parti, fait de remise

de soi et de loyalisme, favoriserait la relégation des militants les plus modestes.

On touche là une autre contradiction difficilement dépassable des différents partis de la gauche : le monde et la

politique se complexifie mais, face à cela et face à la généralisation de la « culture du débat » qui marque une

avancée démocratique indéniable et qui n'a pas d'équivalent dans les autres partis français ou européens, le

Parti socialiste n'a mis en place aucune structure de formation adaptée (à la différence du PCF des années 1950)

à son public populaire ou moyen et à la hauteur des attentes politiques ; le loyalisme n'est pourtant pas

l'apanage des militants issus des milieux populaires qui seraient par ailleurs déstabilisés par la "culture du

débat", depuis 1946 aucune majorité dirigeante socialisme n'a directement été remise en cause par sa base, le

légitimisme atteint une forte proportion des débatteurs et technocrates de section, ce qui permet de

s'interroger sur la profondeur d'un certain nombre de débats tenus dans le PS.

Ce sont les pratiques les plus ordinaires du militantisme (tractage, collage) qui sont dévalorisées (et la vague

d'adhésion et la campagne présidentielle n'ont pas invalidé malheureusement cette conclusion) mais aussi les

dimensions collectives et identitaires de l'appartenance partisane (nuits de collage d'affiches, fêtes de sections)

qui se perdent. Étonnamment, le PS semble tolérer, voire encourager, un militantisme distancié - et plus encore

depuis quelques mois. La conséquence en est que la dimension cynique des comportements prend une place

prépondérante au sein du parti, où le militant est un loup pour le militant. Un univers « hobbesien » donc, où

l'on "e s'aime pas, ou peu, et où rapporter les prises de positions des militants aux positions dans l'espace

partisan relève d'un quasi-réflexe.

Le cynisme en politique ne date pas d'aujourd'hui, mais la nouveauté est que la concurrence touche toute la

communauté militante, du sommet jusqu'à la base, et que la "lutte pour les places", contrairement à d'autres

milieux militants y est peu déniée. Mais malgré cela, le Parti socialiste, et même au-delà à gauche, rencontre

les plus grandes difficultés à se renouveler, à renouveler ses candidats, à rajeunir ses cadres, à s'identifier à la

population dont on brigue les suffrages. Les candidatures de jeunes militants sont découragées, la parité est

régulièrement utilisée par les élus quinquagénaires ou sexagénaires blancs pour écarter les jeunes hommes ou

les jeunes femmes dont les qualités et les ambitions pourraient gêner à court terme. Alors que Tony Blair - qui

n'est pour nous absolument pas un modèle idéologique - s'apprête à quitter le pouvoir dans quelques semaines,

à 54 ans : qui ne constate pas que c'est à cet âge que les leaders de la gauche prétendent eux accéder aux

responsabilités ! Qui n'a pas vu que ceux, qui sont venus expliquer sur les plateaux des télévisions et des radios

en 1995 et 2002 les raisons de nos défaites et leurs propositions pour la rénovation de la gauche, étaient à

nouveau présents sur ces mêmes plateaux pour tenir les mêmes propos le 6 mai 2007 !

texte de travail préfigurant une contribution collective sur la refondation de la gauche – fredericfaravel@wanadoo.fr –

http://resistances95.over-blog.com/ - 6/9

Ce sont les liens rompus avec l'ensemble des réseaux sociaux et la faible implantation du PS qui accroissent la

volatilité de l'électorat socialiste, condamnant le PS à faire fluctuer sa ligne idéologique. Cela éclaire aussi les

raisons de l'usage intensif des sondages si déterminant dans la désignation interne du candidat socialiste en

novembre 2006 : Faute de réseaux puissants irriguant la société, les élites socialistes - et toutes tendances ou

sensibilités confondues - sont de fait conduites à s'appuyer sur des formes de production non "mobilisée" de



l'opinion publique comme les sondages. Les sondages suscitent de vifs débats. La controverse a plusieurs

versants dont le principal concerne leur validité comme outil de mesure de l'opinion publique. Selon certains, ils

ne sont qu'un artefact. Ainsi, dans un article resté célèbre, Pierre Bourdieu déclare que « l'opinion publique

n'existe pas »2. Cette critique repose sur plusieurs arguments :

➔Les sondages interrogent les gens sur des questions qu'ils ne se posent pas. On leur impose donc une

problématique ;

➔La situation d'enquête est une injonction à formuler un avis. Par exemple, si on vous interroge sur l'extension

des compétences de la CSCE, il se peut que vous n'ayez aucun avis, ou que vous ignoriez ce qu'est la CSCE.

Dans tous les cas, il sera plus légitime et plus pratique de donner une réponse, que d'avouer votre ignorance

ou votre indifférence ;

➔Les réponses données seront d'autant plus artificielles qu'elles sont formulées sans enjeu réel pour les

enquêtés. Ainsi s'expliquent les écarts entre les sondages préélectoraux et les résultats effectifs ;

➔Alors que l'opinion est l'expression collective de groupes, de rapports sociaux, de jeux d'acteurs, etc., les

sondages en font une simple addition de réponses individuelles ;

➔L'agrégation statistique des jugements individuels revient à postuler que toutes les opinions se valent. C'est

faire fi du fait que certaines personnes ou certains groupes ont plus de motivation et d'influence que d'autres.

Ainsi, selon cette approche, les sondages créent de toutes pièces une opinion factice et trompeuse : la « vraie »

opinion est celle qui s'exprime collectivement dans un champ de forces sociales3.

Et ce n'est sans doute pas non plus un hasard si la vision socialiste minore de fait et de plus en plus toute

conflictualité sociale pour se nourrir avant de travaux sociologiques sur l'individu et les valeurs postmatérialistes

(François de Singly, Marcel Gauchet) - et ce en contradiction flagrante avec l'objet des partis de

gauche - qui dessinent des individus "entrepreneurs de leur propre vie", selon l'expression d'Alain Ehrenberg qui

fait florès.



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