Entretien Rosaline Corinthien, INSA Rouen, Directrice Adjointe des Ressources Humaines du Groupe ENGIE en charge du développement des Talents et des Cadres Dirigeants.
(Entretien réalisé par Sandra Edouard-Baraud, Executive Coach & Transformation officer)
Rosaline, après un parcours INSA Rouen 1996, spécialité thermodynamique, enchaîne avec un master à l’Ecole nationale supérieure du pétrole et des moteurs. Des études peu courantes, à l’époque, même encore maintenant, pour une femme.
En 1999, elle obtient, au sein de Fuchs, son premier poste managérial, à la tête d’une équipe masculine expérimentée. Très vite, on lui confie la responsabilité de Fuchs Europe. Elle est alors une jeune femme qui débute sa carrière professionnelle. Sa nomination provoque des remous auprès des collaborateurs plus séniors, qui ne comprenent pas cette promotion. Toutefois, elle aborde cette mission avec humilité et est très vite reconnue pour ses succès, sa capacité à structurer, qui se traduit entres autres, par une rationalisation des produits.
Rosaline est mariée avec un homme qu’elle a rencontré sur les bancs de l’INSA. Son mari travaille pour Total qui lui confie des missions à Trinidad et Tobago (T&T). Après concertation, le couple décide d’y partir et Rosaline démissionne pour accompagner son époux. Sur place, elle prend un poste de consultante pour CEED (Cabinet d’Étude Expert en Diagnostique) et crée un groupe d’experts dédiés au méthanol.
3 ans plus tard, la mission T&T est finie et Total offre plusieurs positions à son mari, dans des pays très intéressants, Costa Rica, Porto Rico, la Guadeloupe. Fidèle à leur équilibre de vie professionnel/personnel, le couple décide d’un commun accord de décliner ces offres et de rentrer pour que Rosaline puisse continuer sa carrière.
En 2006, de retour en France, Rosaline actionne son réseau. Elle trouve rapidement du travail et devient analyste pour le CRE (Commission de Régulation de l’Energie). Ce poste lui fait découvrir un univers nouveau, pour lequel les capacités de concertation et d’arbitrage prennent le pas sur le management technique. Elle doit en effet porter des décisions collégiales, écrire des comptes rendu et défendre sa position face à d’éminents experts de l’Industrie. Ce poste constitue une étape pivot pour la suite de sa carrière.
Puis en 2009, changement de cap. Rosaline devient Chef de projet pour la construction d’une centrale à cycle combiné à Bayet (France). Etre femme lui sera utile pour apaiser le dialogue avec les contractuels Italiens et Suisses ! « On n’attendait pas de moi de maitriser tous les sujets, mais de prendre du recul par rapport aux acteurs en présence. Il faut accepter de lâcher prise, de ne pas tout savoir. Accepter le droit à l’erreur. En tant qu’ingénieure, le lâcher prise sur les questions techniques est contre-intuitif ! Il faut également accepter la problématique générationnelle, réussir à créer le dialogue en ayant conscience de nos ressemblances, au-delà du diplôme. La question la plus importante pour moi restait : « Qu’est-ce que j’apporte dans le collectif ? »
Mais quand la Centrale est finie, nous sommes en 2011 et la catastrophe de Fukushima est passée par là.
À nouveau Rosaline active son réseau qui s’est énormément élargit avec son poste à la CRE. Alors vient la rencontre avec Engie, à travers un poste en Chine, en févier 2012. Nouvelle concertation au sein du couple, elle confirme un poste à Pékin et sa famille qui reste en France pour finir l’année scolaire. Les mois de séparations seront très difficiles pour tout le monde.
Rosaline apprendra beaucoup de cette mission chinoise, même si au début, on a tendance à la prendre pour l’interprète pendant les réunions ! Suivant sa méthode habituelle, Rosaline aborde son poste avec humilité, elle apprend la culture, en restant à l’écoute des collaborateurs et en passant beaucoup de temps sur le terrain. Une visite de Mr Gérard Mestrallet, numéro 1 d’Engie, la met dans les spots lights. Tout se passe bien jusqu’au 1er Mars 2014.
Ce jour-là… « L'assaut mené samedi soir vers 21 h 30 par un commando armé de couteaux sur des passagers de la gare de Kunming, la capitale du Yunnan, dans le sud-ouest du pays, a plongé la Chine dans l'horreur. Vingt-neuf personnes sont mortes dans cette attaque et près de 130 ont été blessées. » Rosaline et sa famille se trouvaient dans la gare et sont traumatisés par cette expérience, en particulier sa fille de 10 ans. Ils tentent de rester en espérant mettre cet épisode derrière eux. Cependant ils se rendent vite compte que leur fille n’arrive pas à l’oublier et ils réfléchissent très sérieusement avec le soutien d’Engie à l’étape suivante.
En 2015, Isabelle Kocher est la directrice d’Engie depuis quelques mois. Elle a lancé une grande transformation dans laquelle la mixité dans les postes de directions est l’un des piliers. Elle nomme Rosaline au siège pour s’occuper de la stratégie, la communication et la RSE d’une des Business Unit. Des thématiques qui posent la question du sens, de la place de l’humain, et de celle de l’entreprise dans une société qui évolue.
Pour Rosaline, c’est une transition, sa première expérience d’un poste régalien. Elle doit apprendre à changer la culture, impulser une nouvelle orientation, sans « faire ».
Enfin, en 2018, Rosaline devient Directrice Adjointe des Ressources Humaines du Groupe ENGIE en charge du développement des Talents et des Cadres Dirigeants.
Elle définit le leadership pour Engie, suivant 4 valeurs : Audace, Bienveillance, Ouverture et Exigence. Il s’agit de favoriser la mise en relation compétences et besoins, en cassant les silos. Elle lance des projets transversaux et ouvre les réseaux au-delà d’Engie en associant BNP, Orange, etc.
Pour finir, quelques témoignages de Rosaline sur son équilibre de vie privée/pro : penser à s’aménager régulièrement des plages de temps, des moments qui nous font du bien, pour se ressourcer et éviter le risque de burn-out, s’assurer que le couple et la famille ont la place dont ils ont besoin. Il est important au sein du couple de définir des priorités de carrières de chacun. Le mari de Rosaline a refusé 3 affectations de Total après leur expatriation en Trinidad et Tobago. Cela aurait pu avoir un impact négatif sur sa carrière, mais ils ont décidé de donner priorité à l’équilibre des deux carrières.
Dostları ilə paylaş: |