5.1.2 : Les statistiques météorologiques [R4, R8, R9]
Durant les 3 années de production de la centrale, j’avais en charge le parc d’instrumentation météorologique, et l’analyse des diverses données mesurées pour en évaluer l’impact sur le fonctionnement et les rendements de la centrale.
J’avais donc à ma disposition 6 stations météorologiques complètes, avec chacune un pyrhéliomètre à monture équatoriale automatique, une mesure normalisée de la température extérieure, une mesure de la vitesse et de la direction de vent. 5 de ces stations étaient réparties dans le champ d’héliostats, la 6ème en haut de la tour. Les mesures étaient archivées à un pas de 10 minutes.
Les études faites à cette occasion étaient surtout liées à la détermination de la disponibilité de la centrale (température trop basse, vent trop fort) et à la mesure de l’intrant solaire pour les calculs de rendement.
Sur les 3 années, malgré l’altitude du site (supérieure à 1600 m) très peu d’énergie solaire a été perdue par température extérieure trop basse (l’électronique des héliostats ne supportant pas les températures inférieures à – 10 °C). En fait, pendant la période suivie, on n’a perdu qu’environ 15 kWh par m2 (sur 1700 annuels) sur 3 jours ensoleillés du mois le plus froid de la période (janvier 1985, avec une température extérieure moyenne de –4,8 °C, et minimale de – 18 °C). En ce qui concerne l’année « de référence 1984 », il y a quand même 186 jours de gel, 75 jours à moyenne négative et 25 jours à maximum négatif. Pour de futurs projets en altitude, cette limitation en température est tout de même à vérifier, notamment au niveau de l’électronique et des systèmes de lubrification des moteurs des héliostats.
Un autre phénomène météorologique peut entraver la bonne marche d’une centrale solaire, et ce d’autant plus que les héliostats sont de grande taille (tendance actuelle pour diminuer les coûts) : la vitesse de vent. Malgré la mauvaise réputation du site, et des mesures parfois supérieures à 160 km/h, on a pu estimer la perte par impossibilité de faire fonctionner les héliostats à environ 30 kWh/m2 par an, soit moins de 2 % de l’ensoleillement direct reçu. Pour ce qui est des pertes thermiques en chaudière supplémentaires liées à la vitesse du vent, en fonction de sa direction et du fonctionnement de la centrale, on les a estimées en moyenne à environ 100 kW, soit à peu près 1 % de l’énergie incidente. Là aussi, pour d’autres types de chaudières (notamment cylindriques externes), ces pertes pourraient être plus importantes.
Pour ce qui est des mesures d’ensoleillement, elles nous ont permis, avec l’appui de la station d’Odeillo toute proche, de faire des bilans très précis sur la ressource solaire.
Ainsi, pour une moyenne attendue d’environ 1700 kWh/m2 an, on a mesuré, sur les 3 années, 1600, 1696 et 1865, ce qui fait une moyenne très légèrement supérieure aux prévisions. Quant aux valeurs maximales mesurées, elles furent souvent au-dessus des 1000 W/m2, 100 heures en 1984, 160 heures en 1985, le maximum ayant été de 1080 W/m2 en avril 1985). Pour ce qui est du nombre d’heure d’ensoleillement (supérieur à 120 W/m2), les prévisions étaient de 2400 heures par an. On a mesuré 2415, 2433 et 2610 heures pour les 3 années de fonctionnement de la centrale.
En plus de ces études statistiques, un certain nombre de résultats plus spécifiques ont été obtenus, notamment sur le trouble atmosphérique et sur la dissymétrie matin soir.
Le trouble atmosphérique, (sous la forme de trouble de LINKE) est très faible dans cette vallée de montagne sans industrie. En moyenne, nous avons mesuré une valeur autour de 4,3, soit une atténuation moyenne de 1 % dans le trajet moyen héliostat – récepteur. Pour les plus belles journées par décade, tout au long de l’année on a calculé une valeur de 2,3, et on a souvent mesuré des valeurs de trouble de 2. Si sur le site de Thémis, l’atténuation entre les héliostats et le récepteur est très faible, il n’en serait pas de même pour des champs plus grands et des atmosphères plus trouble (notamment au niveau de la mer).
Un autre phénomène sensible sur le site est, à part pour les mois d’hiver, la non symétrie des énergies arrivant avant et après midi solaire. Sur les 3 années de mesures, 55 % de l’énergie solaire est arrivée le matin (plus de 60 % pour les mois d’été), ce qui fait que le rendement optique du champ d’héliostat eut été amélioré par un décalage vers l’ouest de quelques degrés (favorisant le rendement optique le matin). Un calcul approché effectué pour le champ de Thémis démontrait que l’on pouvait ainsi améliorer de 2 % ce rendement optique. Ce phénomène est certainement à prendre en compte sur tout site où l’on voudrait implanter une centrale, alors qu’actuellement on préconise toujours un champ symétrique par rapport à un axe nord – sud.
Ces quelques résultats de travaux menés entre 1983 et 1986 sont toujours d’actualité, et démontrent l’importance d’une bonne connaissance a priori des conditions météorologiques, à la fois pour les calculs prévisionnels, les conditions limites d’utilisation et pour l’optimisation de l’implantation des champs d’héliostats.