Le français de Claude Duneton
Le français pratiqué dans la grande littérature est un français « de classe », de la noblesse puis de la haute bourgeoisie. Un français sacralisé et appauvri.
C’est dans le même esprit que les spécialistes de l’orthographe (parmi lesquels Nina Catach, dont Les délires de l’orthographe (1989) mériteraient d’être réédités) ont dénoncé le traitement malhonnête de l’orthographe, modernisée pour faire croire à sa stabilité éternelle.
Duneton dénonce l’absence de la langue du peuple dans les classiques (elle est réduite aux paroles des paysans ridicules chez Molière). La vraie langue française, avec ses registres et ses variantes nombreuses, dont la langue du peuple et l’argot, « cette langue à merveilles n’a pas résisté à l’Instruction publique : elle n’a tenu véritablement que jusqu’aux années cinquante dans son esprit d’origine » (Korsör, 106).
La langue du peuple, « avec ses trésors d’humour, ses facettes multiples, son chatoiement maudit d’inventions à rire » (ibid.), il veut lui rendre non pas ses lettres de noblesse mais son origine populaire, chaleureuse, imaginative, forte.
De toutes façons, argumente-t-il, (Le bouquet des expressions imagées, avec Sylvie Claval, 1990, 5) :
Il ne serait guère raisonnable de décider aujourd’hui si jeter son bonnet par-dessus les moulins est une manière du parler “ vulgaire ” ou simplement familière, ou bien si elle est devenue essentiellement littéraire.
Sa position, son conseil, le sens des outils qu’il propose, c’est donc de « piocher » dans ces richesses indifférenciées, de renoncer à les classer socialement, de les rendre à tous :
Nous ne donnons aucun étiquetage, par conséquent, et mêlons dans une joyeuse pagaille ce qui est du recherché, du précieux même, du châtié ou du littéraire, ou bien au contraire ce qui appartient au domaine très familier (parfois grossier) avec toutes les nuances d’argot, ancien et moderne. C’est au lecteur de faire son tri, s’il le peut. Il choisira selon ses habitudes, son éducation, sa culture ou ses sentiments personnels, qui ne sont pas nécessairement ceux de son voisin.
Liberté, jeu sur les variations possibles. Le contraire de la norme unique imposée d’en haut.
Voici, à titre d’exemple sans prétention, un petit hommage linguistique que j’ai composé à partir d’expressions issues du Bouquet.
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