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Supériorité de l’anglais sur le français



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Supériorité de l’anglais sur le français

Si l’apprentissage de l’anglais a été pour Claude Duneton accidentel (il lui a été imposé par le Brevet et il a dû l’apprendre seul pour commencer), cette langue l’a passionné et il l’a enseignée, puis traduite occasionnellement. Est-ce par hasard qu’il a traduit un livre de Groucho Marx, à l’humour absurde et au langage subversif ?

Duneton, dans sa comparaison entre français (classique) et anglais (dès Parler croquant, ce thème est très présent), donne sa préférence à l’anglais. Sérieusement, pour des raisons objectives, reconnues par les linguistes.

Ainsi, quand il déclare que l’ordre des mots et d’énoncé des idées est plus naturel en anglais écrit qu’en français écrit (144-146) et quand il conteste le caractère « logique » du français (73-74), il rejoint sur ce point l’avis de grands linguistes contemporains (par exemple Claude Hagège).

Moins clivant que le français, l’anglais se voit attribuer un caractère plus « démocratique » que le français (Parler croquant, 164-165).

L’anglais a également gardé son neutre, ce qui lui permet de ne pas se poser le délicat problème (morphologique) de la féminisation des noms (disons plus exactement de la création de noms féminins correspondant à des noms masculins de fonction, de métier) (Pierrette qui roule… : Les terminaisons dangereuses (2007)).

Plus économique, plus naturel, plus démocratique, l’anglais est clairement jugé supérieur au « français », pas au français populaire, certes, qui lui ressemble pour l’ordre des mots mais au français écrit ou oral sophistiqué venu de la Cour du roi de France. L’anglais, outre l’affection que Duneton lui porte, sert de nouvelle arme pour critiquer le « français » savant et pour plaider en faveur du français populaire.
Le français de Claude Duneton
Le français pratiqué dans la grande littérature est un français « de classe », de la noblesse puis de la haute bourgeoisie. Un français sacralisé et appauvri.

C’est dans le même esprit que les spécialistes de l’orthographe (parmi lesquels Nina Catach, dont Les délires de l’orthographe (1989) mériteraient d’être réédités) ont dénoncé le traitement malhonnête de l’orthographe, modernisée pour faire croire à sa stabilité éternelle.

Duneton dénonce l’absence de la langue du peuple dans les classiques (elle est réduite aux paroles des paysans ridicules chez Molière). La vraie langue française, avec ses registres et ses variantes nombreuses, dont la langue du peuple et l’argot, « cette langue à merveilles n’a pas résisté à l’Instruction publique : elle n’a tenu véritablement que jusqu’aux années cinquante dans son esprit d’origine » (Korsör, 106).

La langue du peuple, « avec ses trésors d’humour, ses facettes multiples, son chatoiement maudit d’inventions à rire » (ibid.), il veut lui rendre non pas ses lettres de noblesse mais son origine populaire, chaleureuse, imaginative, forte.

De toutes façons, argumente-t-il, (Le bouquet des expressions imagées, avec Sylvie Claval, 1990, 5) :

Il ne serait guère raisonnable de décider aujourd’hui si jeter son bonnet par-dessus les moulins est une manière du parler “ vulgaire ” ou simplement familière, ou bien si elle est devenue essentiellement littéraire. 


Sa position, son conseil, le sens des outils qu’il propose, c’est donc de « piocher » dans ces richesses indifférenciées, de renoncer à les classer socialement, de les rendre à tous :
Nous ne donnons aucun étiquetage, par conséquent, et mêlons dans une joyeuse pagaille ce qui est du recherché, du précieux même, du châtié ou du littéraire, ou bien au contraire ce qui appartient au domaine très familier (parfois grossier) avec toutes les nuances d’argot, ancien et moderne. C’est au lecteur de faire son tri, s’il le peut. Il choisira selon ses habitudes, son éducation, sa culture ou ses sentiments personnels, qui ne sont pas nécessairement ceux de son voisin. 
Liberté, jeu sur les variations possibles. Le contraire de la norme unique imposée d’en haut.

Voici, à titre d’exemple sans prétention, un petit hommage linguistique que j’ai composé à partir d’expressions issues du Bouquet.


La mort de Claude
Il est allé de vie à trépas,

il y a laissé ses houseaux.

Il a rendu l’âme,

il s’est cassé le cou,

il est mort au lit d’honneur.

Il a payé son tribut à la nature,

rendu le dernier soupir,

il a perdu la vie,

il va rendre le cimetière bossu ;

il a passé le pas,

pris congé de la compagnie,

il a troussé ses chausses,

il y a laissé le moule du pourpoint ;

il a plié bagage,

il est allé ad patres,

il s’est laissé répandre,

il a achevé sa carrière.

Il a laissé ses guêtres.

Il a fait la cabriole.
On ne le perçoit pas aisément, parce qu’elles ont gardé une fréquence très variable, mais ces expressions sont présentées ici dans l’ordre chronologique de leur attestation, chaque siècle, du XVe au XIXe, étant représenté par une « phrase » limitée par un point. Il restait encore (outre quelques formes non retenues ici) une page d’expressions du XIXe et 8 expressions du XXe siècle…

Une richesse époustouflante, une variété qui ouvre des horizons… illimités. Et l’impression (c’est du moins un sentiment que je partage pleinement avec Claude Duneton) d’avoir été un peu volé, grugé, affaibli dans sa propre langue. Bref, si le français est plus riche, les Français seront plus fins, plus subtils, plus libres de s’exprimer…

Pour participer à ce combat, Claude Duneton n’a pas adopté une démarche d’étymologiste (j’allais dire d’entomologiste, même si j’apprécie beaucoup la science étymologique) ni de savant de cabinet. Ses œuvres, depuis La puce à l’oreille (1978), ont visé à la diffusion des curiosités de la langue. Comment permettre aux Français curieux de leur langue (cela, on ne peut pas le leur contester !) de mieux la maîtriser ? Eh bien, Claude Duneton a choisi de s’adresser à eux de façon claire, simple, amusante, enrichissante, de les intéresser à l’histoire de ces expressions dans des ouvrages accessibles. Il est passé de l’enseignement au grand public.

La puce à l’oreille est une « anthologie des expressions populaires (avec leur origine) », le Bouquet une « encyclopédie thématique des locutions figurées de la langue française ». Collecter, rassembler, mettre à la disposition du public, du peuple donc, toute sa langue, et de façon à la lui faire comprendre encore mieux. L’aider à la maîtriser. À reprendre sa langue en main, si je puis dire.

Il faut d’ailleurs noter que la plupart des ouvrages de Claude Duneton sont quasiment des dictionnaires de « langue vivante », des « méthodes à Mimile », comme disaient Alphonse Boudard et Luc Étienne en 1970. Il s’agit de renforcer le français langue vivante contre sa version normalisée.

Ainsi, le Guide du français familier (1998) est rédigé dans le sens français > français familier et non l’inverse : il apprend à parler en français familier. Vous voulez dire que vous êtes en colère, voilà ce que vous pouvez dire en français, etc. Vous voulez vous réapproprier la langue française, voilà les outils que je vous propose. Les mots sont classés par thème, par besoin de communication, comme dans un dictionnaire analogique (des idées par les mots).

Même les ouvrages historiques, si on les reconsidère, visent à une « remotivation » des expressions figurées encore vivantes, ce qui favorise leur emploi plus profond et plus intelligent, ce qui les renforce pour mieux affronter l’avenir.




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