25.2
V. J. M. J.
Grugliasco, le 25 décembre 1925.
Fête de la Nativité de Notre-Seigneur.
Mes très chers Frères,
Je viens, à l'occasion de la solennité de Noël et du renouvellement de l'année, vous souhaiter la paix que Jésus est venu apporter au monde comme les anges le chantèrent en cet-te nuit bénie : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ».
C'est en lisant le magnifique sermon de Bourdaloue sur la Nativité de Jésus-Christ que j'ai éprouvé un vif désir de la réalisation de ce vœu pour chacun de nous. Et c'est à la sûre et profonde doctrine de l'illustre prédicateur que j'emprunte les quelques développements qui vont suivre.
Il débute ainsi : Voilà en deux mots les deux fruits de la naissance du Sauveur : la gloire à Dieu et la paix aux hommes ; la gloire à Dieu à qui elle est due par justice, et la paix aux hommes à qui Dieu la donne par grâce ; la gloire à Dieu qui la possède comme un bien propre, et la paix aux hommes qui la désirent comme le plus cligne objet de leurs vœux.
Sans doute, il n'est pas question de la paix extérieure et temporelle dont le monde jouissait à la naissance de Notre-Seigneur ; si désirable soit-elle, il y aurait quelque ironie, de la cruauté même à en parler à notre époque de troubles, de révolutions, de guerres et de persécutions. Maintenir la paix des nations, éteindre le feu des guerres et de dissensions qui les consument ; c'est l'affaire de cette Providence générale qui gouverne le monde. Le Seigneur fient ce bienfait en réserve pour les peuples pour le moment qu'il s'est choisi, et lorsqu'ils l'auront mérité par la soumission à ses lois.
La paix que Jésus-Christ veut nous procurer par sa sainte naissance, c'est la paix avec Dieu par la pénitence qu'il fait déjà pour nous dans l'étable de Bethléem ; la paix avec nous-mêmes par l'humilité et le détachement des biens de la terre qu'il nous enseigne en choisissant une crèche pour son berceau ; la paix avec nos frères par la douceur, par la tendre charité dont il nous donne le plus parfait modèle. Ainsi l'Enfant-Jésus a vérifié dans sa personne cette prédiction du prophète qui ne pouvait convenir qu'à sa personne : « Un enfant nous est né ; il sera appelé l'admirable, le Dieu fort, le père du siècle à venir, mais par-dessus tout le prince de la paix.» (Isaïe, X, 6)
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C'est un principe de religion incontestable que, comme pécheurs, nous étions enfants de colère, ennemis de Dieu et incapables par nous-mêmes de nous réconcilier avec lui. Il nous fallait donc un médiateur qui, venant au monde avec un pouvoir légitime, négociât entre Dieu et nous cette importante réconciliation, un médiateur qui offrît à Dieu la plénitude de la satisfaction qui lui était due, et en qui l'homme trouvât la plénitude de la rémission et de la miséricorde dont nous avions besoin. Or, que voyons-nous dans l'étable de Bethléem? Dans la personne d'un, Enfant-Dieu, la miséricorde de Dieu incarnée ; et en même temps, par le plus surprenant de tous les miracles, la justice de Dieu authentiquement vengée et rigoureusement satisfaite.
Voici donc, poursuit Bourdaloue, l'idée naturelle que nous devons avoir de ce mystère, telle que l'avait saint Paul lorsqu'il écrivait : « C'est Dieu qui était dans le Christ se réconciliant le monde, n'imputant plus aux hommes leurs péchés » (2 Corinth. V, 19). Jésus-Christ 'était dans la crèche offrant à Dieu, comme souverain prêtre de la loi de grâce, le sacrifice de son humanité sainte ; et Dieu était dans Jésus-Christ acceptant ce sacrifice pour réparation de toutes les impiétés, de tous les blasphèmes, de tous les sacrilèges, de tous-les scandale, de toutes les profanations qui devaient se commettre dans le monde. Jésus-Christ était dans la crèche humilié et anéanti ; et Dieu était en Jésus-Christ se dédommageant par lit de tous les attentats que l'orgueil des hommes devait former contre sa gloire, de tout ce que leur ambition, leur vanité, leur jalousie devait produire dans le monde d'injustices et de désordres. Jésus-Christ était dans la crèche rendant à son Père les premiers hommages de cette obéissance qui devait s'étendre jusqu'à la mort de la croix ; et Dieu était dans Jésus-Christ vengé par là de tous les mépris que les hommes devaient faire de sa loi, de tout ce (tue l'insolence du libertinage devait leur inspirer contre la soumission qui lui est due. Jésus-Christ était dans la crèche immolant sa chair virginale par les misères d'une extrême pauvreté ; et Dieu était en Jésus-Christ se faisant justice par là de tout ce que la sensualité et la mollesse, l'excès du luxe, l'amour du plaisir, l'abus des délices de la vie devait causer de corruption dans les mœurs, de toutes les impudicités et de tous ces vices abominables que saint Paul défend de nommer. En un mot, Jésus-Christ était dans le monde faisant pénitence pour nous ; et Dieu était en Jésus-Christ agréant cette pénitence ; mais en même temps, nous la proposant pour modèle de celle qu'il attend de nous ; car ne nous faisons pas illusion, si la naissance du Sauveur nous assure la paix avec Dieu, c'est à la condition que nous unirons notre pénitence à celle de l'Enfant-Dieu comme le supplément de ce qui manque aux souffrances de Jésus-Christ ; et pour cela elle doit être sincère, fervente et sévère. Malheureusement, notre pénitence n'est-elle pas sou vent imparfaite„ tiède et languissante? Nous nous écoutons, nous nous ménageons, nous voulons accorder notre pénitence avec les douceurs de la vie ; nous consentons bien à l'accepter, mais à la condition qu'elle ne crucifie pas la chair, qu'elle n'humilie pas l'esprit, qu'elle ne contrarie pas nos aises, qu'elle n'exige aucun renoncement. Mais une telle pénitence est vaine ; elle outrage Dieu au lieu de l'apaiser ; bien loin de calmer la conscience, elle la déchire de remords ; et au lieu de faire cesser les inquiétudes, elle provoque, et avec raison, de nouvelles alarmes.
Quelle lumière cette doctrine ne projette-t-elle pas, mes chers Frères, sur notre vie parsemée de croix, de peines, de souffrances, c'est-à-dire de pénitences ? Quels avantages pour nous si nous savions les accepter en conformité avec les souffrances et la pénitence de Jésus-Christ pour nous ! Heureux état, s'écrie Bourdaloue, état préférable à toutes les fortunes du monde que celui de l'âme qui peut, en toute sincérité, se dire : « Je suis en paix avec Dieu ». Bénissons le Seigneur, qui par le bienfait de notre profession religieuse, a mis à notre disposition toutes les facilité et tous les moyens propres à arriver à cette pais et nous y maintenir.
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