STRUCTURE DU CORPS SUBTIL.
Le philosophe sânkhyaniste Patanjali - qu'il ne faut pas confondre avec le grammairien, très antérieur - a systématisé, au IVme ou Vme siècle après Jésus-Christ, dans ses Yoga Sutras ou Yoga-darshanas, le Raja-Yoga qui, par interférence avec les techniques du Hatha-Yoga, donnera lieu pratiquement à un Yoga généralisé aux pratiques les plus périlleuses
Tous les yoguins (même ceux qui réprouvent le Hatha-Yoga et, même, les bhaktas) pratiquent, peu ou prou, le yoga dit classique de Patanjali.
La technique du yoga classique est basée sur la métaphysique des dix énergies vitales, dont la principale est le souffle vital, ou Prâna167. Pratiquement, on réduit ces énergies à deux : le prâna : froid, associé à la respiration, couleur rubis, rouge-sang et l'apâna : chaud, associé à l'excrétion : bleu noir168 .
« Le milieu de la bouche et le nez, le cœur, la région du nombril, le gros orteil, telles sont les demeures du Souffle vital (Prâna). L'énergie excrétive (Apâna) circule, ô Brahmane, dans l'anus, les organes sexuels, les cuisses et les genoux ».
Seule, nous dit Alain Daniélou, l'autoscopie interne :
«la vision intérieure pratiquée par les yoguins a pu déceler, jusqu'ici, la forme, la position, la couleur et le fonctionnement des centres subtils..., de la structure du corps subtil et des principales artères du corps subtil, mais cela ne veut pas dire que l'on ne puisse arriver à les connaître par d'autres voies. Ces centres étant non des abstractions, mais des foyers d'énergie réellement existants .
Sur les 72.000 artères subtiles enracinées dans le Centre de la Racine (Mulâdhâra chakra) d'où elles vont se répandre dans tout le corps, trois sont d'une importance capitale : l'artère Idâ, blanche, qui monte à gauche, correspond au principe lunaire, et l'artère Pingalâ à droite, rouge brillant, au principe solaire. Au milieu, l'artère centrale Sushumnâ, brillante comme une raie de lumière, (aux qualités combinées du Soleil, de la Lune et du Feu) monte droite à l'Ouverture Principielle (le Brahmarandhra) au-dessus du milieu des sourcils, où elle se réunit avec Idâ et Pingalâ.
Cet ensemble des trois artères a été symbolisé par les Grecs dans le caducée d'Hermès (Mercure = l'intermédiaire) soit deux serpents de feu enroulés, en sens inverse, autour d'un bâton 169. Or (d'après la vision subtile) l'énergie monte, rouge et lumineuse, hélicoïdalement autour de la colonne vertébrale, pour redescendre, violette et sombre, hélicoïdalement, en sens inverse. Le caractère dit électrique, c'est-à-dire repoussant, est attribué à la montée, le caractère magnétique attirant, à la descente. La révolution est d'une demi-minute d'après le Paramhansa Yogananda dans le Kriya-Yoga ; d'autres évaluations sont au contraire de 18 à 24 minutes. Leadbeater lui, parle d'une heure ?…
Le long de l'artère centrale Sushumnâ se trouvent les six centres ou nœuds, ou lotus, ou roues, ou chakras qu'elle traverse en subissant une sorte d'étranglement et l'objet principal de la pratique du Laya-Yoga ou réintégration par la fusion (c'est-à-dire : l'éveil de l'énergie enroulée Kundalini) est de faire sauter ces nœuds pour que l'énergie de la base puisse monter librement le long de l'artère centrale.
« Ce n'est que lorsque l'Energie-enroulée se dresse que les centres des lotus sont éclairés et que les couleurs apparaissent clairement. Seuls, ceux qui ont atteint la vision supra humaine peuvent voir toutes les couleurs et toutes les lettres qui se trouvent dans tous les centres ».
Au moment de décrire ces centres, constatons que l'accord est loin d'être parfait selon les époques et les tantras. Bien plus, il apparaît bien que l'éveil du deuxième chakra : le Centre-support-du-souffle-de-vie ou Svâdhisthâna, à la racine du pénis, n'appartenait pas à la tradition antique. C. W. Leadbeater va jusqu'à « déplorer l'éveil d'un centre de ce genre, à cause des dangers sérieux qui en résultent ». De son côté, le jnânin Siddheswarananda place le second chakra dans la région ombilicale, donc vers le « Centre en forme de bulbe ». Remarquons que ce centre pénien est en relation avec le « phénomène de contraction » du diaphragme pelvien ; qu'il est né en quelque sorte du « geste de la vulve » ; qu'il n'est point mentionné en d'anciennes traditions ; qu'il est la conséquence de la pulsation du muscle releveur de l'anus pressant sur les vésicules séminales, donc d'un véritable « pompage » qui augmente les sécrétions séminales. Ne nous étonnons point si certains occidentaux ont été conduits à la folie sexuelle et au suicide - dans l'entourage du démoniaque Gurdjieff, par exemple.
C. Kerneiz - dont les « vulgarisations » occidentales sont considérées comme criminelles par les swamis - est obligé de constater : « Les premières entités qui se manifestent grâce à cette médiumnité sont les entités para-sexuelles. L'étudiant est assailli de visions, hanté d'auditions »170, malheur à lui s'il se laisse « charmer », comme dirait J. P. Sartre, par les images hypnagogiques résultant de sa surpression sexuelle.
Aussi Kerneiz ne conseille-t-il pas la continence absolue pour éviter l'explosion, tout en cherchant à accumuler une « source considérable de force dont les hormones caractéristiques sont les manifestations physiques ».
Sans identifier les plexus et les chakras, le célèbre « voyant » de Madras, Leadbeater déclare, lui, que le second chakra est le chakra splénique, en liaison avec la rate ; le troisième, le chakra du plexus solaire, au-dessus du nombril ; le quatrième, le chakra du cœur en liaison avec le plexus cardiaque ; le cinquième, le plexus pharyngé; les sixième et septième : corps pituitaire et glande pinéale, sont en liaison avec le plexus carotidien 171. Le chakra du sommet, le centre coronal (coronarium) s'éveille en général le dernier. Les « vibrations » de ces centres s'accroissent depuis la base jusqu'au vertex et suivant les proportions suivantes : 4, 6, 10, 12, 16, 96, 972 - les deux centres supérieurs ne sont donc pas de même « espèce » que ceux du bas. .
D'après Alain Daniélou (qui pratique les yogas tantriques), au-dessus du Centre de la base, nous avons le dangereux Svâdhishtanâ chakra ; puis le lotus du nombril : Nâbhi-padma ; le Centre du son spontané : Anâhata chakra entre les sourcils - projection horizontale de l'hypophyse. Enfin, au vertex, à la couronne de la tête, c'est le lotus-aux-mille-pétales : Sahasrâra. Notons que ce dernier est aussi appelé Kailasa : « La Montagne du Plaisir, où éternellement présent réside le Dieu des Dieux, l'Archi-Seigneur, le Suprême Shiva ».
Les hindous comparent tous ces chakras ou roues à des lotus brillants, un occidental dirait plutôt des volubilis. Certains apparaissent à des sensitifs, dans l'obscurité, comme de véritables corolles superficielles qui sont reliées par des tiges lumineuses, à la moelle épinière et non au système sympathique. Notons que leur connaissance, en état de « perception subtile » n'était point ignorée de l'Occident au XVIIme siècle, comme le montrent les révélations du luthérien J. G. Gichtel - disciple de Jacob Boehme 172.
Celui-ci, comme les hindous, entendit cinq jours de suite : « le son interne qui resplendissait dans ses yeux » 173. Il eut la « vision » de son propre cœur entouré trois fois par un serpent, puis au centre de son cœur, Jésus debout comme il est décrit dans l'Apocalypse (1.13-15). Il s'écria : « Seigneur »! et le serpent fut pulvérisé avec une commotion telle qu'il crut son corps réduit en morceaux... Particulièrement intéressante, pour nous, est la figure de cet ouvrage représentant « l'homme terrestre naturel ténébreux » avec les sept centres - le deuxième correspond bien à la rate - auxquels Gichtel attribue des planètes en exacte conformité avec le Ciel de Dante, c'est-à-dire dans le sens ascendant : lune, mercure, vénus, soleil, mars, jupiter, saturne. La vision d'un chien fidèle « qui court en s'enroulant » en sens inverse du Serpent entourant le cœur montre la ressemblance non l'identité, de la connaissance de notre visionnaire avec celle des hindous 174. Gichtel voit le sacrifice des convoitises inférieures : luxure, paresse, colère, et des convoitises supérieures : orgueil, avarice, envie, à l'Amour qui réside dans le cœur. Il voit la contraction des convoitises et l'entrée dans le Château en un mouvement d'enroulement mais non l'ascension par la Verge du Mérou, comme chez les hindous.
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