8 juin 2008, Journée mondiale des océans : Clair comme l'eau du Pacifique
Vu du ciel, le Pacifique intrigue... Au Sud-Est, au large de l’île de Pâques, dans une vaste région grande comme la Méditerranée, le bleu profond des eaux a pris une nuance indigo, presque violette. Hypothèse : la zone semble très pauvre en activité biologique. En 2004, plusieurs équipes du CNRS, regroupées le temps de la campagne Biosope – « Biogeochemistry and Optics South Pacific Experiment » –, sont allées voir ce qu’il en était vraiment. Leurs travaux viennent d’être publiés dans Geophysical Research Letters et Limnology and Oceanography. Ils confirment la singularité de ce drôle de Pacifique, et que c’est bien la pureté de ses eaux qui leur donne cette couleur particulière. Dans le sillage de l’Atalante, le navire d’exploration de l’Ifremer affrété par le CNRS, des chercheurs du Laboratoire de microbiologie, de géochimie et d’écologie marines (LMGEM) du Centre d’océanologie de Marseille (Centre CNRS / Université Aix-Marseille 2) et du Laboratoire d’océanographie de Villefranche (LOV) (Laboratoire CNRS / Université Paris 6), coordonnées par Hervé Claustre, du LOV, ont jeté leurs bouteilles de prélèvement à la mer pour évaluer les quantités présentes de carbone, de bactéries, de particules en suspension. Et immergé des radiomètres, capables de mesurer jusqu’à près de deux cents mètres la lumière du soleil qui a pénétré dans l’océan. Comme prévu, la mer s’est révélée vierge, ou presque, de cette matière organique colorée, capable d’absorber le rayonnement solaire : exit les fameux nutriments qui permettent d’ordinaire d’alimenter bactéries et plancton et de faire marcher la pompe à carbone vitale pour l’équilibre climatique de la planète. Jamais constatée ailleurs, cette pauvreté émerveille les scientifiques. « Une telle pureté optique est quasiment impossible à reproduire en laboratoire », explique André Morel, chercheur au LMGEM. « En principe, poursuit Marc Tedetti, du LOV, les océans sont enrichis de trois manières : par les apports des fleuves, près des côtes ; par les matières transportées dans l’atmosphère ; et par les remontées d’eaux profondes et riches en nutriments. Au large de l’île de Pâques, il n’y a rien de tout cela, ce qui en fait une région très pauvre en termes d’activité biologique. » Conséquence : du fait de la faible quantité de matière organique colorée, de particules en suspension et de phytoplancton, le rayonnement solaire pénètre très profondément, près de trois fois plus que dans les eaux déjà très pures de Méditerranée orientale. Et du coup, « ces eaux donnent un point de référence de l’activité biologique dans un milieu extrêmement éclairé », explique Richard Sempéré, le directeur du LMGEM. De quoi même se faire une idée de ce que furent les prémices de la vie dans les océans.
Denis Delbecq
Contact : Richard Sempéré, richard.sempere@univmed.fr
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Synchrotron : Les atomes bientôt vus aux rayons X
Pour scruter la matière en mouvement à l'échelle atomique, les chercheurs du monde entier rivalisent d'imagination. Une équipe franco-japonaise est tout près d'y parvenir avec des rayons X. Obtenir des rayons X si intenses et d’impulsions si courtes qu’ils pénétreraient au cœur de la matière et pourraient « filmer » les atomes en mouvement : tel est le rêve actuel de nombreux physiciens. Et l’équipe franco-japonaise de Marie-Emmanuelle Couprie et Toru Hara ne déroge pas à la règle. Dans cette quête, ces chercheurs ont récemment perfectionné un outil très prometteur : le laser à électrons libres. Grâce à lui, ils ont déjà réussi à produire des flashes ultraviolets intenses d’une grande précision. Or dans la grande famille des rayons, les ultraviolets sont les cousins les plus proches des rayons X (Les ultraviolets ont une longueur d'onde comprise entre 10 et 400 nanomètres. En dessous de 10 nanomètres, on entre dans le domaine des rayons X) . Autant dire que les scientifiques ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Ils souhaitent désormais réitérer la performance dans le domaine des rayons X, particulièrement intéressant pour accéder à la structure atomique de la matière mais aussi pour étudier le vivant… Ces travaux ont été publiés dans la revue Nature Physics. Les synchrotrons, des accélérateurs de particules, sont capables de générer des impulsions de plusieurs couleurs, courtes de quelques dizaines de picosecondes (1 picoseconde = 10-12 seconde) et très intenses. Ces sources de lumière dites de troisième génération permettent déjà d’explorer la matière en détail mais ne sont pas suffisantes : « Avec des rayonnements plus intenses, il devient possible d’identifier des espèces chimiques très diluées ou d’étudier, en une seule fois, des échantillons biologiques qui se dégradent au cours du temps, explique Marie-Emmanuelle Couprie, physicienne au synchrotron Soleil (Synchrotron français situé à Saclay, commun au CNRS et au CEA).. D’autre part, avec des impulsions plus courtes, on peut accéder à la dynamique des processus élémentaires : on peut voir, par exemple, comment une molécule se dissocie lors d’une réaction chimique. » Les lasers à électrons libres, sources de lumière de quatrième génération, peuvent justement produire des rayonnements plus performants : ils sont générés avec des faisceaux d’électrons accélérés à grande vitesse, dans des accélérateurs de particules, et amplifiés grâce à la lumière émise par les électrons eux-mêmes. En sortie, les lasers produisent des impulsions lumineuses d’une seule couleur, extrêmement courtes (quelques dizaines de femtosecondes : 1 femtoseconde = 10-15 seconde) et très intenses. Un défaut toutefois : la longueur d’onde et la durée de ces impulsions sont trop fluctuantes, pas assez précises. Or, ces caractéristiques sont importantes pour mieux comprendre les modifications qui s’opèrent au sein de la matière. Pour y remédier, Marie-Emmanuelle Couprie a donc imaginé un nouveau type de laser à électrons libres. L’idée : amplifier le faisceau d’électrons de départ non plus avec la lumière émise par les électrons mais avec un rayonnement extérieur, de très courte longueur d’onde, produit dans une cellule de gaz rare. Avec cette technique, testée pour la première fois au Japon, les chercheurs ont réussi à produire des flashes de couleur et de durée très précises dans le domaine de l’ultraviolet extrême (entre 23 et 160 nanomètres), sans qu’ils perdent de leur intensité. Prochaine étape : obtenir un rayonnement de longueur d’onde encore plus courte, pour pénétrer enfin dans le domaine des rayons X. En attendant, cette nouvelle source de lumière sera intégrée dans un futur projet français baptisé Arc-en-Ciel. Elle a aussi une place réservée auprès de certains lasers à électrons libres « classiques », dont le laser Flash, à Hambourg.