Principales caractéristiques du système de gestion Evolution et efficacité des pratiques de terrain
Le système décrit ci-avant repose en grande partie sur la mise en œuvre sur le terrain des pratiques d’optimisation, obligation de moyen et non de résultat, et de ce fait difficile à contrôler. Des doses proches des limites seraient la preuve de l’échec du système. Sur ce plan, les chiffres disponibles montrent au contraire qu’il a fonctionné. Qu'il s’agisse de l'industrie nucléaire ou du travail en milieu hospitalier, la V.L.E. actuelle n'est approchée que dans des conditions rares, qui relèvent de l'incident.
L'exposition des travailleurs par irradiation peut être mesurée individuellement, grâce à un "dosimètre". Les statistiques ne peuvent aujourd’hui être établies avec précision, et c’est un des enjeux actuels que de construire un système national de recueil. Sur les 250 000 personnes surveillées en France une synthèse OPRI/IPSN de 1997 a montré que la majorité des travailleurs ainsi surveillés est employé dans le secteur médical (près de 140 000), puis dans le secteur nucléaire (près de 65 000). Le secteur des industries non nucléaires diverses, (chimie, quand on utilise des matières radioactives, soudure au thorium, mais surtout contrôle non destructif par rayons gamma), n’est cependant pas négligeable: près de 22 000 personnes. Il ne faut non plus oublier l’enseignement et la recherche (près de 15 000). Dans un proche avenir, les personnels navigants des compagnies aériennes, exposés aux radiations de la haute altitude, vont être aussi suivis. La nouvelle directive européenne sur la radioprotection indique en effet que leurs doses annuelles, qui sont de l’ordre de 2 mSv/an, doivent être considérées comme “ attribuables à l’activité humaine ”. Même dans le secteur considéré comme le plus exposé, celui des prestataires itinérants de l’industrie nucléaire la dose moyenne reste de l’ordre de 3,5 mSv, plus élevée que la moyenne globale, mais nettement inférieure à la Valeur Limite d’Exposition. En 1997, restaient un peu plus de 400 personnes avaient reçu une dose excédant 20 mSv par an, c'est à dire la dose maximale admissible pour un travailleur du nucléaire à partir de l’an 2000. Elles travaillaient en majorité dans le secteur de l'industrie nucléaire, avec toutefois un peu plus de 100 personnes dans le secteur médical. Ce nombre a décru ces dernières années était encore de 1000 personnes en 1995.
Autre point positif, en dépit de difficultés d'appréhension, la gestion simultanée des expositions dus aux pratiques et à l'irradiation naturelle, celle des travailleurs du public et des patients s'est avérée possible. Ainsi, face au Radon, la quasi totalité des pays européens a défini une ligne de conduite, même si certaines politiques nationales sont plus ambitieuses que d'autres [MASSUELLE 96]. Quant aux expositions des patients lors d’examens de radiodiagnostic, la nouvelle directive européenne doit permettre de profiter de l’expérience des pays les plus avancés.
Quoique les doses moyennes aient toujours été nettement inférieures aux V.L.E., le développement de l’optimisation a été lent. La formulation du principe, en 1976, était déjà le résultat d'une maturation des idées qui s'est étalée sur une période importante. La réflexion sur sa mise en oeuvre n'a pas eu de portée pratique immédiate. Ainsi les premiers travaux ont porté sur le "valeur monétaire de l'homme Sievert", transposition de la question de la valeur de la vie humaine. Ce n'est qu'après un certain nombre d'études de cas, rétrospectives puis prospectives, que l'approche a été appliquée aux grands chantiers "dosants" d'EdF et des autres électriciens à la fin des années 80. Le changement des générateurs de vapeur peut être considéré comme une étape clé dans la généralisation de l'approche ALARA.
Il faut remarquer que ces "bonnes pratiques" ne sont pas aussi répandues qu'il le faudrait, et que, là où elles le sont, elles ont requis plus d'une décennie avant d'être appliquées [HUBERT 1994]. La maîtrise des expositions des patients a vu des efforts plus inégaux et les doses dues au radiodiagnostic en Europe vont de 1,65 mSv (France) à 0,3 mSv (Pays-Bas) [UNSCEAR 1994]. Il semble qu’il y ait là un gisement de réduction de dose avec 99 000 hSv pour lesquels une réduction d'un facteur 2 au minium paraît à portée avec des coûts très faibles. Au sein du milieu hospitalier, la gestion prévisionnelle des doses commence à se mettre en place sur des thèmes très particuliers (interventions chirurgicales sous rayonnement par exemple). Dans l'industrie non nucléaire, les démarches d'optimisation paraissent très rares. Vu d'un autre angle, il faut aussi constater que l'approche et surtout ses implications pratiques ne sont pas comprises de l'ensemble des acteurs de l'entreprise ou des autorités. Evaluer l'obligation réglementaire que constitue le principe d'optimisation reste un exercice nouveau, pour lequel il existe peu de précédents ou de références [HUBERT 1993].
Des progrès restent à faire pour construire améliorer l’adéquation des efforts de radioprotection aux enjeux dosimétriques. L’effort de réduction des doses, de contrôle et d’expertise est plus important sur les travailleurs exposés ( pour 100 hSv) ou sur le public autour des installations (de l’ordre de 60 hSv) que sur le radon (environ 70 000 hSv) ou le radiodiagnostic (presque 100 000 hSv).
Un enseignement important de l’examen de ce que l’on appelle la “ radioprotection opérationnelle ” est la relative lenteur des évolutions. Elle démontre qu'une règle de gestion des risques, même bien acceptée dans le principe, ne se met pas en œuvre du jour où elle est édictée. Le système complet de gestion des risques, la circulation de l'information, ses règles opérationnelles, ses méthodes de travail et ses outils doivent être adaptés, et assimilés par tous les acteurs pour permettre son application.
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