« L’éveil d’une interface pour utilisateur »
Professeur :
Luc Lamontagne
Etudiant :
Geoffrey Souquière
Département d’Informatique et de Génie Logiciel
FACULTÉ DES SCIENCES ET DE GÉNIE
UNIVERSITÉ LAVAL
Introduction :
L’informatique, et plus largement les systèmes et les machines, sont aujourd’hui principalement considérés – et proposés par leurs concepteurs – sous l’angle de l'optimisation et de leur simplicité d’utilisation du point de vue des utilisateurs. L’utilisateur provoque un besoin en termes technologiques, c’est-à-dire l’envie d’un outil qui l’aide dans l’accomplissement de sa tâche finale. Mais il ne veut pas que les manipulations nécessaires pour utiliser l'outil le mobilisent trop cognitivement. L'utilisateur souhaite se consacrer le plus possible à l'activité finale qu'il veut réaliser à un moment donné et le moins possible aux activités intermédiaires pour y parvenir. La machine tend ainsi à disparaître sur le plan de la charge cognitive que les utilisateurs veulent bien lui accorder, même si sa matérialité physique reste bien sûr perceptible sur le plan physique. En 1980, Mark Weiser (Xerox Parc) propose d’appeler ce phénomène contemporain : « calm computing » ou encore « l’ordinateur évanescent ».
L’un des enjeux majeurs de l’ingénierie des interfaces qui intègre les relations Personne-Machine consiste à prendre en considération à la fois les innovations technologiques et leur potentiel, les caractéristiques et attentes des utilisateurs, mais aussi des dimensions éthiques telles que, par exemple, la protection de la vie privée.
Dans cet article, nous commencerons par rappeler dans un premier temps (1. L’évolution de l’ordinateur) les deux grandes phases d’évolutions technologiques de l’ordinateur. Nous constaterons dans un deuxième temps que l’avancée des technologies dites intelligentes (IA) nous confronte plus encore aux enjeux de connaître de l’intérieur le fonctionnement cognitif humain puisqu’il s’agit de le simuler, de l’anticiper et de l’accompagner. La prise en compte du contexte d’usage, des buts et motivations humains y est centrale pour identifier des profils différenciés d’utilisateurs.
Comment les interfaces adaptables et adaptatives représentent la suite logique de l’évolution des interfaces Personne-Machine et renforçant ainsi le problème de la sphère privée utilisateur ?
L’évolution de l’ordinateur
Schéma présentant les principales dates clefs traduisant l’avancé technique de l’ordinateur
Ce schéma est composé de deux parties :
- 1950 à 1985 : Cette époque est traduite par des innovations telles, que l’utilisation de l’ordinateur se voit complètement modifier, comme l’apparition du clavier et de la souris ou encore l’interface avec icône développée par Apple.
- 1985 à aujourd’hui : Cette période est traduite par le principe du « Kiss » (Keep It Simple, Stupid) ; c’est-à-dire créer une interface simple, complète, et facile d’utilisation ; mais aussi par l’amélioration de l’existant ; c’est-à-dire son optimisation.
L’optimisation de l’utilisation d’un ordinateur passe par son interface qui représente le lien entre l’Homme et la Machine. Depuis quelques années avec l’apparition de l’intelligence artificielle, les interfaces essayent de fonctionner en fonction du contexte d’utilisation, ou en d’autres mots, être capable d’adapter ses fonctionnalités par rapport à l’utilisateur.
Intelligence artificielle et l’avancé des technologiques de types intelligentes
Ici nous prendrons la définition de l’intelligence artificielle développée par Amal El Fallah Seghrouchni :
“L’intelligence artificielle peut être définie comme la science et l’ingénierie qui vise à élaborer des machines intelligentes. L’intelligence artificielle veut développer des processus similaires à la pensée humaine rationnelle ; c’est-à-dire un enchaînement d’évènements depuis la perception, l’analyse jusqu’à la réflexion et au final l’action.”
L’intelligence artificielle a provoqué de nombreuse recherche dans le domaine informatique notamment sur des processus pouvant traduire la pensée humaine, et ainsi interprété un contexte d’interaction. D’une façon plus générale et schématique, Tarpin-Bernard définit ce contexte par un espace de conception qui répond à six questions : Pourquoi, Qui, Quand, Quoi, Comment et Où ?
Plus tard, en 2008, L.Tamine interprète le contexte utilisateur (répondant à la question Qui ?) selon quatre catégories :
-
Contexte démographique : préférences liées aux conventions d’usage
-
Contexte psychologique : l’état psychique de l’utilisateur sur l’interface
-
Contexte cognitif : prendre en compte les connaissances et les centres d’intérêt de l’utilisateur
-
Contexte social : préférences et informations partagées avec une certaine communauté
Ses différents contextes déterminent le modèle utilisateur ou encore le profil utilisateur, qui sera utilisé par le système pour modifier son interface. Ces interfaces se nomment interface adaptative et adaptable. Les systèmes adaptables donnent à l’utilisateur la possibilité de personnaliser lui-même l’aspect de l’interface via une configuration manuelle ; tandis que les systèmes adaptatifs agissent d’eux-mêmes sur le système sans concertation préalable avec l’utilisateur (généralement).
L’adaptabilité d’un système est la capacité de réorganiser sa structure en fonction de contraintes internes ou externes en temps réel et en ligne.
L’interface « mixte » le mélange de l’adaptabilité et de l’adaptatif
Salber et Coutaz (1993) développent la notion du Magicien d’Oz. En outre un humain aide l’utilisateur en effectuant les opérations que la machine n’a pas effectuées pendant une tâche utilisateur. Ici, l’humain qui aide l’utilisateur est considéré comme un expert dans le domaine dans la mesure où il arrive à prédire les futures actions que l’utilisateur veut faire à un instant t. L’idée serait, ainsi, de matérialiser cet humain par un système expert (à base de règles). Le système développé est unique, c’est-à-dire qu’il ne peut pas s’adapter sur des interfaces trop diverses. Par exemple, si un système expert est développé sur une interface de type modification d’image, il ne pourra pas être utilisé sur une interface de traitement de texte ; pour la simple raison qu’il n’y a pas de lien entre les différentes fonctions de l’interface et que les tâches utilisateurs sont trop différentes.
Brusilovsky, Kobsa et Nejdl (2007) définissent le profilage comme étant un utilisateur obtenu par les informations système. Étant donné que les systèmes sont reliés (généralement) à internet, pour des questions de mise à jour notamment, il est possible d’utiliser les profilages enregistrés par ces systèmes et, ainsi, les exploiter et en tirer certains profils types, via le Big Data. Et par la suite envoyer une mise à jour au système, adaptée à l’utilisateur. Pour respecter les envies utilisateurs il serait judicieux que ce dernier ait accès à différentes versions du système.
La rétention temporelle correspond aux différentes fonctionnalités que l’utilisateur retient après un certain temps de non-utilisation du système. Si on enregistre cette rétention temporelle dans une base de données, prenant en paramètre le jour d’utilisation et les raccourcis clavier utilisés (dans l’ordre d’utilisation); on peut savoir quelles sont les fonctionnalités les plus souvent utilisées par l’utilisateur.
Pour créer une interface « mixte » (mélange de l’interface adaptable et adaptative), il faut matcher les différentes techniques citées précédemment. En effet, le « matching » correspond à ce qu’on peut appeler le degré de pertinence des informations récupérées et donc juger l’utilité d’un changement à faire dans l’interface. Ce changement peut se caractériser par l’ajout, la suppression ou encore la modification d’une fonctionnalité. La suppression consiste à délaisser dans l’affichage les fonctions non utilisées par l’utilisateur pour alléger l’interface. L’ajout peut correspondre à l’interprétation du Magicien d’Oz, où le système expert interprète la fonctionnalité utilisateur pour la rajouter dans l’affichage. La modification est l’interprétation des profilages, de la rétention temporelle et du Magicien d’Oz, pour optimiser une fonction qui existe déjà en facilitant son accès ou encore ça performance.
L’Open Source, ou encore l’approche communautaire, ne pourra être que plus bénéfique pour mettre en place ce type d’interface. En effet, c’est un retour « client » sur les fonctionnalités développées ; si le changement effectué est bien pertinent ? De plus, la communauté peut mette en avant des fonctionnalités que le système n’aurait pas trouvées, ou qui serait souhaitable d’approfondir.
La mise en place de ces techniques ne fait pas l’unanimité, dans la mesure où l’exploitation des données peut toucher la vie privée utilisateur.
L’exploitation de donnée, la controverse de la sphère privée utilisateur
Cette interface mixte marche principalement par un logiciel permettant de récupérer les données utilisateurs pour ensuite les interpréter. Cependant une interface qui a besoin d’information pour s’adapter mais qui prend ces informations dans un domaine où il n’a pas « juridiction » pose problème. En effet, où commence et s’arrête la vie privée de l’utilisateur, est-ce que le logiciel ne traite-t-il pas des informations de types sensibles ? L’interface devient alors envahissante. D. Wright, S. Gutwirth, M. Friedewald, Y. Punie et E. Vildjiounaite, dans Safeguards in a World of Ambient Intelligence, développent cette idée de sphère privée et des dangers que peuvent apporter ce type de technologie dans notre société. Ses différents auteurs imaginent les « pires scenarios », et créent des théories permettant de maximiser ces technologies et minimiser leur impact négatif, en développant la sécurité utilisateurs.
Vers une modification du corps humain : CerePlex W
Depuis 2010, des expérimentations sont faites sur les interfaces de types neuronales. L’idée est de créer un système capable d’être contrôlé par la pensée utilisateur. En d’autres mots la souris, et le clavier sont remplacés par une puce qui permet de relayer la pensé utilisateur au système. En 2015, la société nord-américaine Blackrock Microsystems propose un boitier d’interface neuronale : « CerePlex W ». Lorsque le boîtier reçoit les signaux électriques en provenance des neurones, le CerePlex W les amplifie pour les convertir en données numériques qui sont ensuite transmises par liaison sans fil à un récepteur, qui répercute, à son tour, l’information sur un appareil. Cependant le débit pour traiter l’information est bien loin de la rapidité du cerveau humain.
Implantation du CerePlex W sur le cerveau
Bibliographie :
L. TAMINE : De la recherche d’information orientée système vers la recherche d’information orientée contexte : Verrous, contributions et perspectives. Hdr, Université Paul Sabatier, Toulouse III, 2008.
David Wright, Serge Gutwirth, Michael Friedewald, Yves Punie, and Elena Vildjiounaite. Safeguards in a World of Ambient Intelligence. Berlin/Dordrecht: Springer Science, 2008
Salber D., & Coutaz J. (1993). A Wizard of Oz Platform for the Study of Multimodal Systems. In INTERCHI’93 Adjunct Proceedings, Amsterdam, S. Ashlung, K. Mullet, A. Henderson, E. Hollnagel, T. White Eds., ACM New York Publ.
Brusilovsky P., Millan E. (2007). User Models for Adaptive Hypermedia and Adaptive Educational Systems, In: Brusilovsky P., Kobza A., Nejdl W. (Eds). The Adaptive Web, Methods and Strategies of Web Personalization, Springer.
HDR (Habilité à diriger des recherches): Tarpin-Bernard F., (Décembre 2006) Interaction Homme-Machine Adaptative. Université Lyon I et INSA de Lyon.
Thèse de Doctorat : Pruvost G., (février 2012) Modélisation et conception d’une plateforme pour l’interaction multimodale distribuée en intelligence ambiante. Université Paris-Sud École Doctorale d’Informatique de Paris-Sud.
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