Argotica Universitatea din Craiova, Facultatea de Litere arg tica revistă Internaţională de Studii Argotice



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), le privilège de rapporter leurs souvenirs vécus, par exemple les confidences de Claude Duneton sur sa scolarité, sur ses choix dictés par les soucis matériels. La chienne de ma vie (2007) donne un aperçu de cette vie difficile dans sa jeunesse.

De la même façon, donc, qu’il a rendu un hommage ferme mais lucide à Céline dans son ouvrage Bal à Korsör. Sur les traces de Louis-Ferdinand Céline (1994), il est temps de le remercier pour son rôle dans la défense du français.

Sa défense de quel français ? That is the question. Car Claude Duneton a beaucoup critiqué… le « français ».

Deux ouvrages, Parler croquant (1973) et La mort du français (1999) fournissent le fond de sa pensée sur la langue française, sur l’occitan, sur l’anglais, sur les langues françaises et l’orthographe, et enfin sur l’anglo-américain international. Ce sont les principaux ouvrages théoriques de Claude Duneton. Mais Bal à Korsör peut constituer une bonne introduction, de forme inattendue (un pèlerinage, en fait, sur les lieux d’exil de Céline au Danemark) et également très vivante, pour un non spécialiste.
Contre le français jacobin, colonisateur
Claude Duneton n’a cessé de « remettre à sa place » le français standard, le soi-disant français, en rappelant son origine géographique limitée, sa prédominance historiquement très récente et son caractère social très marqué.

Le français est la langue d’Ile-de-France, comme on s’en convainc en lisant dans la Préface du Petit Robert que la transcription phonétique des mots y est conforme à celle de la bourgeoisie d’Ile-de-France. Paris n’est pas la France. La France a été jusqu’à une époque récente la France des régions, où on ne parlait pas massivement le français.

La prédominance du français, d’origine historique et donc accidentelle (les aléas des luttes entre seigneurs pour la royauté et le prétexte de la lutte contre les hérésies cathares et albigeoises pour mettre au pas le Sud de la France), est si récente que jusqu’au début du XXe siècle, de 10 à 20% seulement des Français parlaient ce français. « La langue française n’est pas véritablement la langue des Français. » (La mort du français, 27)

Claude Duneton souhaite rappeler ces données afin d’établir la réalité de l’usage de la langue française et de souligner sa nature élitiste, socialement très marquée. La langue du peuple étant très différente de cette ancienne langue royale, le français est très clivant : il oblige à des choix qui manifestent telle ou telle appartenance sociale.

Les manuels de français ne s’en sont pas toujours rendu compte, qui demandent de trouver la version soutenue (en fait, implicitement, la version « correcte », la traduction noble) de certaines tournures familières comme « casser la croûte », expression populaire diabolisée. La traduction est tout bonnement impossible, puisque la différence entre « prendre une petite collation » et « casser la croûte » n’est pas une différence de registre, mais bel et bien de référent socialement identifiable (Parler croquant, 166).

Duneton est bien ici l’occitan qui proteste contre l’éradication de sa langue par les instituteurs de la République française. Il aurait pu être un défenseur passionné et exclusif de l’occitan quelques décennies plus tôt. Et, de fait, il a fait figurer des textes en occitan dans son anti-manuel de français. On sent, dans un épisode comme celui du « gode » (petite étendue d’eau, supérieure à la flaque, mais nettement inférieure à l’étang, et intraduisible en français) à quel point il a senti l’imposition du français comme une injustice et une absurdité, un acte d’autoritarisme bête : l’élève


apprenait à avoir honte, il apprenait le français. Et pourtant le gode, avec sa glace peu sûre, sa boue séchée autour, le vent d’hiver sur la gelée blanche (la brada), le gode, ce n’était pas l’étang ! Il avait glissé sur le gode, il n’avait pas glissé sur l’étang ! J’en suis sûr : j’y étais ! 

(Parler croquant, 209-210)


Mais Claude Duneton (il nous explique dans le même livre cette particularité : 11-12) a été en réalité, par hasard (suite à un séjour en hôpital à Paris), très tôt en contact avec la langue française, qui est devenue sa seconde (il dit même sa première) langue maternelle. Et son combat s’est situé finalement à l’intérieur du français plutôt que pour ses langues régionales.

Contre l’école, outil de cette politique

Claude Duneton en veut à l’école d’avoir été le vecteur de ce colonialisme linguistique unificateur. Elle a puni des enfants, elle a imposé une normalisation appauvrissante qui, conjointement, travestit la réalité, qui en donne une image socialement fausse.

Dans La chienne de ma vie (2007, 17-18), il se moque du caractère romantique farfelu des énoncés scolaires, en contradiction totale avec la dure réalité de la vie des paysans :
À l’école, il fallait écrire : “ L’attelage avançait d’un pas lent et majestueux ”, c’était joli. » Mais en réalité : « Les vaches attelées, il fallait les battre à coups d’aiguillade sur le dos pour les faire marcher, en criant très fort “ Ha ! Ha ! ” »
Il critiquait de même la fenaison de Madame de Sévigné dans Parler croquant (66-67). Se sentant trahi, il n’a pas non plus de mots assez durs pour les héros artificiels qu’on veut lui donner, « Fabrice du Dingo » et « La comtesse Machin » (Korsör, 101) : « on m’a raconté des mensonges, sous prétexte que j’étais jeune et sans moyen de m’informer ». De même, dans un de ses romans (Marguerite devant les pourceaux, 1991), Marguerite, victime du système scolaire, réfugiée dans le silence et la violence, ne peut faire valoir ses qualités et ses compétences professionnelles et atteindre le succès qu’en dehors de l’école et même de son pays.

Alors, comment imposer soi-même un enseignement idéologiquement inconvenant, irrespectueux de la population ? Claude Duneton a enseigné pendant vingt ans tout de même, mais a affiché fortement ses motifs d’insatisfaction et plaidé ainsi pour une évolution du système. Un combat, donc, également. Il n’était pas homme à se retirer sur la pointe de pieds.

C’est donc Je suis comme une truie qui doute (1976), l’Anti-manuel de français à l’usage des classes du second degré (1978) (avec Jean-Pierre Pagliano), qui dénonce la norme littéraire et linguistique et la censure des documents proposés aux élèves, et enfin À hurler le soir au fond des collèges. L’enseigne-ment de la langue française (1984) (avec Frédéric Pagès). Laissons aux revues de didactique cette occasion de qualifier plus longuement son engagement énergique dans ce domaine.

Le peuple, dépouillé de sa langue, a perdu son identité et ne peut plus se défendre (Korsör, 112). « Le pauvre, dépouillé de sa voix, sans réplique, sans mots — sans argot, donc sans haine… Et forcément les restos du cœur » (108), pendant que les écrivains commerciaux répandent une langue aseptisée (110).

Les « intellectuels » ne sont pas en reste, qui méprisent le peuple et sa langue. L’épisode ancien, rapporté également dans Bal à Korsör (73-75), de la rencontre de Duneton avec le philosophe Gabriel Marcel est représentatif de cette attitude :
Il riait de sa trouvaille critique, bien à l’aise : “ C’est cela : Céline sent l’ail. Et je n’aime pas l’ail ! ”... C’était tranché : il m’expliquait, en clair, le philosophe, que Céline suintait de langage populaire affreux et qu’il avait, lui, horreur du populo, personnellement ! Il me disait, en gros, à moi, dans les yeux, bien carrément : “ Je te méprise ! ”... Je souriais. Il faut sourire... Vous n’allez pas prendre un si vieux mec au colback, dans un jardin ami, parmi les fleurs très odorantes, les abeilles vaillantes qui susurrent des mélodies aux murs de pierre... J’ai dit : “ Je comprends, monsieur ”... Serviteur et maître. Je saisissais, en effet. 


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