Thèse Lyon 2


- Projet urbain et globalisation de l’action publique au service du développement économique



Yüklə 2,31 Mb.
səhifə110/139
tarix07.01.2022
ölçüsü2,31 Mb.
#91094
1   ...   106   107   108   109   110   111   112   113   ...   139

1- Projet urbain et globalisation de l’action publique au service du développement économique


La montée en puissance de la démarche stratégique dans l’action publique durant les années 1980 introduit la logique de projet urbain et/ou de développement comme nouveau concept opérationnel de mise en œuvre des politiques publiques sur le territoire, dans un contexte d’exacerbation de la concurrence au niveau local. Ce nouveau positionnement stratégique s’effectue également en interne, au sein même des services techniques de la COURLY. Il s’agit ainsi de développer et d’affirmer la sensibilité de l’organisme communautaire aux enjeux de la compétition territoriale et aux logiques d’action propres à la sphère économique, focalisées sur les approches qualitatives, la transversalité et la recherche de l’efficacité dans l’aménagement urbain.

Le partage des tâches est encore très étroit avec la municipalité lyonnaise. C’est à ce niveau que son d’ailleurs annoncés les grands principes de mise en œuvre des objectifs économiques : « hommes, finances, urbanisme, fiscalité et notoriété » (Noir, 1984, p.41). La méthode d’application de la politique économique est ainsi focalisée sur l’action indirecte et la démarche partenariale avec la sphère des entreprises, conformément à la doctrine d’intervention énoncée par l’adjoint aux affaires économiques de Lyon : « L’intervention économique de la ville de Lyon ne peut être qu’indirecte et viser à favoriser un environnement où s’épanouissent [les] deux principes de liberté et de responsabilité. Pas d’interventionnisme tatillon ni de dirigisme étroit mais une politique placée sous le signe de l’incitation et de la concertation. Il s’agit pour nous de créer un environnement facilitant le développement de la vie économique de Lyon et de mettre en place les conditions favorables à la synergie entre les acteurs du développement » (Noir, 1984, p.1).

La mise en place de nouveaux outils de gestion informatique, le développement du partenariat public/privé dans l’aménagement ou les services publics locaux, et l’augmentation de la communication entre les différents acteurs publics et les services communautaires constituent les éléments centraux du pari stratégique énoncé alors par les élus. « Cette période de sensibilisation des services et d’apprentissage des outils marque le début du partenariat de projet, le début d’évolution vers un travail de mise en commun des services de la COURLY »288. La réorganisation de l’organigramme et l’acculturation des services à de nouvelles méthodes de travail, plus transversales et callées sur une démarche de projet territorial, sont ainsi présentées comme des facteurs décisifs pour la modernisation et l’amélioration de l’efficacité de l’intervention publique communautaire. L’objectif de développement économique est toutefois implicite, en l’absence de compétence officielle en la matière.

Le facteur humain est très important pour comprendre la structuration interne des services communautaires et leur ouverture progressive aux logiques d’intervention inspirées de la démarche stratégique issue du monde des entreprises, également mises en œuvre lors du processus d’élaboration du SDAL conduit en parallèle (voir supra). En effet, le service d’urbanisme opérationnel de la COURLY289 devient la Direction Générale du Développement urbain (DGDU) sous la responsabilité de l’ingénieur – urbaniste M. Rivoire290 en 1984. Celui-ci occupe une place centrale dans le processus d’adaptation des compétences techniques communautaires aux enjeux du développement territorial stratégique, tant urbain qu’économique, en pilotant l’évolution des modes d’intervention et d’organisation de la COURLY durant la seconde moitié des années 1980 avec le soutien politique des principaux vice-présidents communautaires concernés291.

Il est également à l’origine du portage direct d’opérations d’urbanisme et d’aménagement par les services communautaires ou de leur concessions à des investisseurs privés, au détriment de la SERL, et de l’idée de développer des services techniques et opérationnels sous la forme de missions territoriales adaptées à la nouvelle logique de projet. Les services communautaires acquièrent ainsi progressivement un savoir-faire très solide dans le domaine de l’aménagement et de la conduite de projets urbains complexes, assimilables à une forme d’intervention économique indirecte créant un environnement spatial attractif pour les entreprises.

La dimension économique du projet urbain

La démarche de projet urbain est le pendant opérationnel de la démarche de planification stratégique, qui produit des projets de territoire et des projets de ville à l’échelle des agglomérations urbaines (voir supra). Elle émerge donc de façon massive dans les pratiques et les modes de faire de la puissance publique au cours des années 1980, parallèlement à la montée en puissance de l’enjeu économique au cœur des politiques urbaines.

Ce concept d’action publique, adapté à la fois de l’architecture et de la gestion managériale, est apparu à la fin des années 1960 à Bologne. Il correspond à une logique post-moderne de production de la ville, définie en opposition au productivisme fonctionnaliste moderne qui caractérise les Trente Glorieuses et en réaction aux logiques d’aménagement et d’équipement intensif de la croissance économique, conduites de façon technocratique et autoritaire par un pouvoir politique éloigné des réalités concrètes du territoire. Plus que le fruit d’un modèle pseudo-scientifique, il est ainsi le produit d’un choix politique de positionnement libéral de l’action publique (Tomas, 1998).

Le projet urbain est également une nouvelle méthode d’intervention sur la ville, plus flexible et participative, respectueuse de l’identité des territoires, de leur histoire et de l’esprit des lieux – ce que certains nomment le génie du lieu (Rey, 1998). Elle s’avère être plutôt adaptée au traitement de la ville en crise, et plus précisément au traitement des morceaux de la ville touchés par les dysfonctionnements ou l’obsolescence. « L’histoire récente du projet urbain est indissociable de celle de la friche industrielle » (Tomas, 1998, p.25), comme de celle des friches urbaines de façon plus générale.

Le projet urbain apparaît ainsi comme une méthode permettant de gérer l’existant, de procéder au renouvellement des fonctions et des usages des territoires urbains laissés à l’abandon, notamment ceux ayant une vocation économique plus ou moins ancienne (zones industrielles de première génération essentiellement, situées dans les quartiers péricentraux et/ou à proximité des gares et des ports), afin de contribuer à leur réinsertion dans un processus marchand et dans le fonctionnement général de la ville.

En effet, le contexte de crise économique instaure non seulement un rapport de concurrence nouveau entre les territoires, mais également une nouvelle logique de valorisation compétitive et différentielle de l’espace dans la manière de concevoir l’action publique en faveur du développement local. Celle-ci répond au processus de valorisation / dévalorisation des espaces qui est à l’origine de l’inégalité et de la compétition entre les territoires, mais elle contribue aussi assez fortement à son accentuation. Evolutions du contexte et des modalités de l’action publique concourent ainsi à donner aux territoires locaux une dimension nouvelle de ressource économique à valoriser, notamment à travers le déploiement de démarches de projets urbains de développement, de régénération (Chaline, 1999) ou de restructuration.

Le recours au management stratégique dans la conduite de l’action publique en faveur du développement économique introduit en outre l’usage du marketing et son application à l’aménagement du territoire local (Masson, 1998). Cette technique confère un rôle accru à l’image urbaine (Rey, 1998), pour satisfaire aux stratégies d’attraction des investisseurs et de remise sur le marché des localisations des morceaux de ville délaissés par les acteurs économiques. Le projet urbain, malgré ses racines puisant dans une philosophie politique tout autant opposée à l’urbanisme fonctionnaliste qu’à « l’a-urbanisme libéral » (Rey, 1998, p.46), se trouve ainsi progressivement placé au service de la mise en œuvre des politiques urbaines transversales à portée globale, issues de l’imprégnation stratégique et de l’acculturation aux enjeux économiques des pouvoirs publics locaux.

Le vocable de « projet urbain » est en effet conféré à la quasi-totalité des opérations d’aménagement et d’urbanisme ayant une vocation économique plus ou moins importante, lancées dans l’agglomération lyonnaise à partir de la seconde moitié des années 1980. Elles correspondent pour la plupart d’entre elles aux différents sites stratégiques pour le développement économique local, localisés à proximité immédiate du centre ville de Lyon et identifiés comme tels par le SDAL. Il en va ainsi notamment de la Cité Internationale, du nouveau quartier technopolitain de Gerland, de la restructuration urbaine du quartier de Vaise lancée au milieu des années 1990 (Jouve, Linossier, Zepf, 2003), comme des opérations plus récentes du Confluent et du Carré de Soie (Villeurbanne – Vaulx-en-Velin) (voir cartes n°2 et 3).

A l’exception de l’opération de Porte des Alpes, également récente mais consistant en un projet d’aménagement situé sur des terrains anciennement agricoles, donc vierges d’urbanisation (voir infra), toutes ces opérations emblématiques de renouvellement urbain ont en commun de concerner des zones urbaines péricentrales occupées jusque là par de vastes emprises industrielles et urbaines plus ou moins désaffectées (Linossier et alii, 2004a). Celles-ci représentent le « syndrome le plus évident d’une dévitalisation des économies urbaines » (Chaline, 1999) et correspondent au changement de rationalité survenu dans la localisation des activités productives ou logistiques au sein des métropoles. Il s’agit de recréer des quartiers intégrés dans le fonctionnement de la métropole en leur conférant notamment une nouvelle vocation économique, grâce à une orientation stratégique vers l’accueil d’activités tertiaires, technologiques ou ludiques à forte valeur ajoutée (NTIC, loisirs marchands, etc.). Des effets de leviers économiques importants sont attendus de l’implication des acteurs privés dans la conduite des opérations (voir infra).

Ainsi, les projets urbains dont il est question ici cumulent des objectifs primaires d’incitation à l’augmentation ou au retour de l’investissement économique privé sur des portions clairement définies du territoire local, et des objectifs secondaires d’amélioration de la position concurrentielle de la ville sur le marché des localisations économiques, définis à l’échelle plus large de l’agglomération urbaine. Ils s’inscrivent donc dans une stratégie de marketing territorial et urbain destiné à séduire les acteurs économiques, qu’ils soient investisseurs immobiliers (promoteurs – constructeurs notamment) ou entrepreneurs. Ils correspondent clairement à une instrumentalisation de l’aménagement spatial et de l’urbanisme au service du développement économique local concurrentiel.

La mise en œuvre opérationnelle des projets urbains stratégiques

Jusqu’au début des années 1990, la difficulté de définir une stratégie cohérente et globale de régulation économique territoriale, en l’absence de compétence communautaire officielle en la matière, est contrebalancée par l’utilisation de l’urbanisme et de l’aménagement comme des moyens indirects de favoriser le développement de activités économiques, essentiellement tertiaires dans la ville centre et industrielles dans le reste de l’agglomération. Les quelques zones d’activités de Lyon dédiées exclusivement aux entreprises industrielles par le SDAU de 1978 (Gerland et Vaise) sont ainsi progressivement réorientées vers l’accueil des activités tertiaires ou technologiques face à la pérennisation de la crise et à la désindustrialisation massive qui l’accompagne.

D’une manière plus générale, les principaux sites stratégiques identifiés par le SDAL font l’objet de démarches de projet urbain à vocation économique, visant la refondation des bases productives de l’agglomération : soit autour des activités tertiaires, technologiques ou marchandes (y compris autour des loisirs marchands) dans les zones péricentrales, soit autour des activités industrielles, technologiques et logistiques modernisées, dans les grandes zones d’activités situées dans la banlieue Est de Lyon (à Porte des Alpes notamment). Les opérations les emblématiques sont ainsi situées sur les sites technopolitains (Gerland), le Quai A. Lignon292, Vaise, le Confluent et la Part Dieu (prolongement du centre directionnel tertiaire autour de la gare TGV) (voir cartes n°4 et 5).

La COURLY gère l’urbanisme et l’aménagement en lieu et place des communes, mais confie le plus souvent la réalisation des ZAC à la SERL, bras exécutant historique des pouvoirs publics locaux en matière d’aménagement spatial, d’urbanisme et de réalisations d’équipements collectifs (voir supra, 2ème Partie, Sections 2 et 3). Au cours des années 1980, les opérations d’aménagement urbain de l’agglomération293 sont ainsi pilotées en régie directe par les services techniques de l’urbanisme de la COURLY, concédées à la SERL ou à des opérateurs privés. Le service des Activités économiques et Concessions institué en 1984 s’occupe d’ailleurs expressément des relations avec les acteurs économiques privés qui participent à des opérations d’aménagement (industriels, grands groupes financiers, promoteurs immobiliers) (voir infra, Section 3).

Le développement des compétences internes de la COURLY en matière de maîtrise d’ouvrage d’aménagement conduit cependant à une situation assez conflictuelle, où le donneur d’ordre empiète de plus en plus sur les savoir-faire de son principal bras exécutant opérationnel. Prétextant le déficit financier chronique de nombre d’opérations, les responsables communautaires dessaisissent donc la SERL des principales réalisations urbanistiques à vocation économique à la fin des années 1980, pour les conduire en régie directe ou les confier à des acteurs privés. Ce divorce opérationnel entre la SERL et la COURLY permet aux services communautaires de l’aménagement urbain (DGDU) de récupérer la conduite d’un grand nombre d’opérations d’urbanisme dans l’agglomération et de développer encore plus leur savoir-faire en matière de conduite de projet.

Toutefois, les lourdeurs techniques et financières inhérentes à la conduite des opérations d’aménagement urbain en régie directe, comme les difficultés de gestion urbanistique liées à leur concession à des opérateurs privés plus soucieux de la rentabilité immédiate de leurs investissements que de la réussite fonctionnelle des opérations (voir infra, Section 3), conduisent les autorités communautaires à renouer avec les services de la SERL au milieu des années 1990. En outre, la survenue du krach immobilier en 1992-1993, résultant de l’éclatement de la bulle spéculative initiée à partir de 1985-1986 notamment autour du marché pléthorique de bureaux dans les grandes villes, n’est pas totalement étrangère à cette décision.


Yüklə 2,31 Mb.

Dostları ilə paylaş:
1   ...   106   107   108   109   110   111   112   113   ...   139




Verilənlər bazası müəlliflik hüququ ilə müdafiə olunur ©muhaz.org 2024
rəhbərliyinə müraciət

gir | qeydiyyatdan keç
    Ana səhifə


yükləyin