Carte n°8 : Les conférences des maires du Grand Lyon
Zone hachurée : Couloir de la Chimie.
Source : www.entreprendre.grandlyon.com
Cependant, si la définition des territoires de développement économique ne pose pas de grande difficulté sur les communes de la périphérie, il n’en va pas de même dans le secteur central de la métropole. Pour la Conférence du centre (Lyon et Villeurbanne), la réflexion se poursuit pour adapter le dispositif à la complexité spécifique de cette portion du territoire communautaire, marquée par la grande variété des sites et des contextes économiques locaux. Il est possible de greffer le dispositif des pôles de développement économique sur celui des missions territoriales existant à Lyon, celles-ci constituant justement des structures intermédiaires territorialisées chargées de faciliter et de coordonner la mise en œuvre des actions au niveau local. Cela nécessite toutefois d’élargir leurs périmètres d’intervention respectifs, afin d’assurer une couverture totale du territoire central. Les missions territoriales s’inscrivent en effet dans des périmètres restreints de projet urbain correspondant à des quartiers. Porte des Alpes est la seule qui couvre un vaste territoire à cheval sur deux communes et peut donc servir de modèle éventuel à l’adaptation de ce dispositif dans la zone centrale.
Il reste enfin à régler la question de l’application du dispositif sur la commune de Villeurbanne, dont les services économiques municipaux agissent de manière relativement autonome par rapport aux services communautaires et municipaux lyonnais, particulièrement dans le champ de l’économie. La mise en place de la territorialisation de la politique économique du Grand Lyon est ainsi aussi freinée sur certaines Conférences, tant en périphérie que dans le centre, par l’absence ou l’inadaptation des structures à vocation économique mobilisables pour en assurer le portage (associations d’entreprises à vocation municipale trop limitées spatialement, structures communales trop limitées dans leurs thématiques d’intervention, conflits de légitimité avec les antennes de la CCIL…). Pour la Conférence du Centre, l’internalisation du portage du dispositif par les services du Grand Lyon est même envisagée en dernier recours, afin de contourner les difficultés de réorganisation des missions territoriales, voire de négociation sur le partage des tâches et du territoire avec les puissants services économiques municipaux de Lyon et de Villeurbanne ou avec ceux de la CCIL (voir infra, Section 3).
Avantages et limites du développement économique territorialisé
La mission des développeurs économiques et des animateurs territoriaux consiste à transposer la politique économique du Grand Lyon à l’échelle des territoires et à faire émerger ou à soutenir les initiatives et projets de développement locaux. Ils accompagnent les entreprises et les communes dans leur développement interne et dans la gestion des problèmes collectifs d’aménagement de l’espace urbain et d’amélioration de l’environnement des entreprises, en assurant l’interface stratégique entre les services centraux communautaires et les acteurs de terrain. Ils contribuent donc directement au renforcement des relations de proximité entre les pouvoirs publics qui conduisent la politique de développement économique dans l’agglomération, et les principales cibles de cette politique que sont les entreprises. Plus largement, ils facilitent les contacts entre acteurs économiques et partenaires institutionnels divers de la régulation économique territoriale.
Les développeurs assurent ainsi la liaison entre les besoins économiques du territoire et les services techniques du Grand Lyon ou des autres partenaires de la régulation économique. Ce sont les véritables nœuds du réseau d’acteurs de l’action publique en faveur du développement local, les charnières ou « chevilles ouvrières » chargées de faciliter la transversalité, la coordination et la mise en cohérence de l’intervention territorialisée. Ils constituent une interface pragmatique et nécessaire pour renforcer la visibilité et l’efficacité de la politique économique du Grand Lyon dans l’agglomération. Ils permettent en effet de mettre en application de façon très concrète les objectifs d’intégration fonctionnelle et de coordination des politiques publiques locales, à la fois au sein de l’action économique des différents services de la DAEI et au sein de l’action globale de l’ensemble des services techniques communautaires. Leur mission vise à favoriser, à terme, le rapprochement des logiques d’aménagement spatial, d’urbanisme et de planification urbaine avec les logiques de la régulation économique territoriale.
Cependant, la principale difficulté pour les développeurs est d’arriver à se positionner en « VRP » des grands instruments économiques ou urbanistiques développés par le Grand Lyon et ses partenaires, alors qu’ils n’en maîtrisent pas toujours les aspects techniques ou organisationnels. Une autre difficulté est d’agir au service du développement territorial et des entreprises, mais dans le respect de la libre concurrence et du marché : ils ne peuvent pas agir tels des consultants en économie, mais seulement détecter les besoins, mettre en relation et mobiliser les acteurs publics et privés autour de projets de développement, ce qui limite assez fortement leur champ d’action pour satisfaire les entreprises.
Le travail collectif et transversal entre les développeurs et les autres services du Grand Lyon nécessite encore un profond changement des mentalités, de la culture et des habitudes techniques, tant du côté de l’aménagement que du côté du développement économique. Par exemple, la DAF doit penser à interpeller le développeur quand une entreprise manifeste de l’intérêt pour une localisation, et les urbanistes territoriaux de la DGDU doivent intégrer les développeurs dans l’exercice de la planification ou la conduite des opérations d’aménagement. A l’inverse, les développeurs doivent penser à recourir aux services techniques ou aux outils de développement économiques transversaux mis en place par le Grand Lyon et ses partenaires pour répondre aux demandes des entreprises ou des communes. Ils ont aussi très souvent une vision très économique et managériale, mais une assez faible sensibilité aux questions relatives à l’aménagement de l’espace, à l’urbanisme ou à la planification. Les propositions de l’audit concernant la réorganisation de la compétence économique dans l’agglomération (KPMG, 2003) vont d’ailleurs dans ce sens : la territorialisation doit permettre la concertation entre l’échelle locale et les services centralisés du Grand Lyon, notamment avec la DGDU, les services de la voirie et de la propreté pour la gestion des zones d’activités.
L’organisation territorialisée du développement économique dans l’agglomération présente aussi certaines limites d’un point de vue plus politique, qui renvoient à la tentation hégémonique et dominatrice du Grand Lyon au sein du système d’acteurs local de la régulation économique territoriale. Les élus communautaires et les services centraux de la DAEI tiennent en effet à conserver le pilotage politique du dispositif d’animation territoriale et l’encadrement technique global de la mission des développeurs. Ils reproduisent en cela l’approche technocratique et fortement centralisée développée par l’Etat français durant les Trente Glorieuses (Béhar, 2000), la logique décisionnelle descendante primant encore largement sur la logique ascendante de projet dans l’organisation de la territorialisation de la politique économique du Grand Lyon.
Le système de suivi du dispositif territorialisé est ainsi organisé selon une double hiérarchie, technique et politique :
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Entre les comités techniques locaux (rassemblant les représentants des services municipaux, ceux de l’antenne de la CCIL et des autres organismes, associatifs notamment, impliqués dans le suivi opérationnel sur chaque territoire) et les services centraux de la DAEI (coordination des différentes actions dans le cadre de la conduite de la politique économique à l’échelle communautaire) ;
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Entre les comités de pilotage locaux (élus municipaux et responsables des structures partenaires) et le niveau central de validation politique (élus communautaires et responsables de la DAEI), qui monopolise le volet décisionnel de la régulation économique territoriale à travers le contrôle des tableaux de bords et des programmes d’intervention.
Les pôles de développement locaux sont intégrés dans le dispositif global d’intervention économique du Grand Lyon comme des espaces d’action collective, sorte de guichets uniques territoriaux censés permettre la coordination de la régulation économique locale dans une logique descendante (mise en application de la politique économique communautaire sur le territoire local), mais aussi l’émergence de projets communs selon une démarche plutôt ascendante. Ce dernier aspect tarde cependant à se concrétiser, en raison du manque de motivation des élus municipaux ou des associations locales, qui se trouvent quelque peu écrasés par la domination politique et technocratique du Grand Lyon.
La territorialisation de la politique économique ne permet pas encore une totale implication des maires des communes dans la définition de la stratégie de développement local. Elle est d’autant plus freinée que l’instauration de la TPU au niveau communautaire diminue assez fortement l’intérêt d’accueillir des activités économiques sur leur territoire pour les municipalités. Le renouvellement des documents réglementaires de planification urbaine à travers l’élaboration du SCOT et du PLU de l’agglomération lyonnaise est en revanche censé offrir une occasion de mobiliser les responsables politiques locaux. Si le contenu du second n’est qu’une reprise du POS de 2001 annulé pour vice de procédure, le premier constitue une bonne opportunité pour favoriser l’émergence de véritables projets de développement économique territorial.
Une réflexion stratégique sur les Plans de Développement Territorial (PDT) est en effet lancée par l’Agence d’urbanisme dans le cadre de l’élaboration du PADD du SCOT. Ils doivent permettre de mettre en cohérence les différents volets des politiques urbaines et d’associer les acteurs publics de chaque Conférence à la définition du projet de développement (Agence d’urbanisme, 2005). Toutefois, les diagnostics économiques de chaque territoire sont réalisés de façon centralisée par l’OPALE : ce sont les techniciens spécialisés de l’Agence d’urbanisme de l’agglomération qui assurent la veille cartographique et statistique de l’économie à l’échelle des Conférences pour le compte du Grand Lyon, ce qui ne va pas forcément dans le sens d’une plus grande implication des acteurs locaux.
Le Grand Lyon s’appuie donc sur la mission d’interface des développeurs et animateurs pour imposer ses choix d’action économique aux territoires locaux et sa domination politique à ses partenaires institutionnels : il recherche avant tout le leadership décisionnel en matière de régulation économique territoriale (voir infra, section 3). Les développeurs jouent ainsi le rôle d’amortisseur, de « tampon » absorbant les tensions et conflits entre les municipalités, la CCIL et le Grand Lyon. Toutefois, le technocratisme centralisé du Grand Lyon s’inscrit en porte-à-faux avec le recours au pragmatisme libéral et la double recherche de flexibilité et de transversalité dans l’intervention économique, qui justifient pourtant la mission des développeurs, inspirée de la gestion stratégique des entreprises (Bouinot et Bermils, 1995) et des principes d’action définis par l’ARADEL321 pour mieux coller aux attentes des entreprises.
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