5Le formaldéhyde, co-facteur de la réponse à l'allergène 5.1Le formaldéhyde comme co-facteur de la sensibilisation IgE dépendante
L'exposition concomitante à un allergène et à de faibles doses de formaldéhyde affecterait diverses fonctions immunes chez l'animal. Ainsi, dans un modèle expérimental de sensibilisation du cobaye à l’ovalbumine par inhalation, une exposition à des taux de 156 et 300µg.m-3 de formaldéhyde gazeux (8h/j pendant 5j) provoquait une augmentation significative de la sensibilisation à l’ovalbumine inhalée par rapport aux animaux contrôles non exposés à la substance chimique (Riedel et al, 1996). De même, une exposition à des concentrations de 2 000µg.m-3 de formaldéhyde (6h/j, pendant 10j) de souris, sensibilisées ensuite par instillation intranasale d’ovalbumine, provoquait une élévation du taux d’anticorps anti-ovalbumine. Lorsque la sensibilisation à l’ovalbumine était réalisée par voie intra-péritonéale aucune élévation des anticorps n'était observée, montrant ainsi que la facilitation de la sensibilisation aux allergènes nécessitait une voie d'entrée pulmonaire pour le polluant chimique et pour l'allergène (Tarkowski et al, 1995).
Ces données expérimentales semblent être confirmées chez l’homme par les résultats d’une étude épidémiologique chez 148 enfants âgés de 7 à 14 ans. Les concentrations de formaldéhyde ont été mesurées aux domiciles par des prélèvements passifs sur 4 jours dans la chambre de l’enfant, le salon, la cuisine et ce, 4 fois dans l'année. Parallèlement, des prick-tests cutanés à 12 allergènes environnementaux ont été effectués. Une plus grande fréquence de sensibilisation aux pneumallergènes domestiques a été retrouvée chez les enfants atopiques exposés au domicile à des concentrations de formaldéhyde supérieures à 50 µg.m-3 (Garret et al, 1999).
5.2Le formaldéhyde comme facteur aggravant de la réponse bronchique à l'allergène 5.2.1Données fondamentales
L'influence du formaldéhyde sur la réponse inflammatoire a été montrée in vitro. L'exposition au formaldéhyde d’une lignée cellulaire basophile pouvait déclencher la dégranulation de ces cellules (Collaco et al, 2004) de même qu'une libération accrue d’histamine par les mastocytes (Rumchev et al, 1992). Ces résultats mettent en évidence un lien entre le formaldéhyde et la réponse mastocytaire impliquée dans la physiopathologie de l'asthme.
Enfin, les mécanismes de l’effet d’une exposition au formaldéhyde sur la sensibilisation et la réponse bronchique à l’allergène ne sont pas connus mais pourraient résulter de l'influence du polluant sur la barrière du tractus respiratoire facilitant ainsi la pénétration des allergènes (Fló-Neyret et al, 2001). Parallèlement à cette action sur la réponse inflammatoire, le formaldéhyde modifierait, comme d'autres polluants, l'état et le fonctionnement des cellules épithéliales et endothéliales (Devalia et al, 1993a et b). Ainsi, une exposition au NO2 augmentait la perméabilité membranaire de cellules épithéliales (Devalia et al, 1993b) et la clairance mucocilière mesurée sur des épithélia de grenouille était diminuée après 60min d’une exposition à 2,5 et 5µL de formaldéhyde/L de solution (Fló-Neyret et al, 2001). De plus, l’exposition au formaldéhyde de cellules endothéliales de la muqueuse nasale provoquait une augmentation de la synthèse des molécules d’adhésion ICAM 1 et VCAM 1 impliquées dans les mécanismes d’adhésion et de recrutements cellulaires pendant les phénomènes d’inflammation allergique (Kim et al, 2002). Toutes ces modifications obtenues par une exposition au formaldéhyde permettraient de potentialiser la réponse à l'allergène lors de l'apparition des symptômes.
5.2.2Données épidémiologiques
Chez l’homme, une étude épidémiologique transversale cas-témoins sur 192 enfants âgés de 6 mois à 3 ans confirmait le rôle de l’exposition précoce aux polluants chimiques intérieurs comme facteur de risque d’asthme chez le jeune enfant. Des prélèvements, réalisés en hiver et en été dans la chambre et le salon de chaque logement, donnaient des concentrations moyennes de 30,2 et 27,5 µg.m-3, respectivement. Les enfants exposés à des taux de formaldéhyde 60µg.m-3 avaient un risque augmenté de 39% de développer un asthme comparé aux enfants exposés à des taux plus faibles (Rumchev et al, 2002). De plus, une étude longitudinale en milieu scolaire sur une période de 4 ans (1993-1997) a mis en évidence une relation entre les taux scolaires de formaldéhyde et l’incidence du diagnostic d’asthme, en dépit de taux mesurés relativement faibles (< 5 – 72 µg.m-3). En effet, parmi les enfants sans antécédents d’atopie, c'est à dire non atopiques au commencement de l'étude en 1993, l’incidence du diagnostic d’asthme posé entre 1993 et 1997 était plus importante en présence de concentrations plus élevées de formaldéhyde dans la salle de classe, OR de 1,7 (IC 95% : 1,1 – 2,6) versus 0,6 (IC 95% : 0,3 – 1,3) pour les enfants déjà atopiques en 1993 (p< 0,05) (Smedge et al 2001).
5.2.3Données expérimentales chez l'animal
Le rôle de l’exposition au formaldéhyde dans l’apparition des symptômes bronchiques a été étudié chez le cobaye. Des instillations intranasales répétées (3/sem pendant 6 sem) d’une solution de formaldéhyde (0,1 et 1,0%) associée à une sensibilisation active à l’ovalbumine (OA) provoquaient une augmentation dose dépendante de la bronchoconstriction induite lors d’un test de provocation à l’ovalbumine. Ce modèle montrait également que l’exposition répétée au formaldéhyde potentialisait la production d’IgG anti-OA, mais ne modifiait pas l’hyperréactivité non spécifique (Kita et al, 2003).
En cas d'exposition concomitante à un allergène, le formaldéhyde semble également exacerber la réponse éosinophilique lors de la réaction bronchique à l'allergène. Ainsi, des souris sensibilisées par voie intrapéritonéale à Dermatophagoïdes farinae (Der f) ont été exposées à un aérosol de 0,5% de formaldéhyde (1/sem, pendant 4 sem) avant de subir une instillation intra-trachéale de Der f (Sadakane et al, 2002). Une aggravation de l’inflammation éosinophilique a été observée chez les souris exposées au formaldéhyde et à l’allergène avec une augmentation locale du taux et de l’expression d’IL 5 et de RANTES par rapport aux souris contrôles exposées uniquement à l'allergène. De plus, l’analyse histopathologique des tissus pulmonaires montrait une infiltration éosinophilique plus intense chez ces souris par rapport aux souris ayant reçu soit l’allergène seul, soit le formaldéhyde seul (Sadakane et al, 2002).
A la lumière des données de la littérature, il apparaît que le formaldéhyde peut être un facteur potentialisateur de la réponse à l’allergène. Cependant, aucun travail expérimental n’a cherché à démontrer l’effet du formaldéhyde à des taux rencontrés dans l’environnement intérieur chez des sujets atopiques asthmatiques. C’est pourquoi nous avons envisagé d’apprécier l’effet potentialisateur de l’inhalation préalable de formaldéhyde par une exposition standardisée à 100 µg.m-3 pendant 30 minutes lors d’un test de provocation bronchique à l’allergène de Dermatophagoides pteronyssinus chez des patients asthmatiques sensibilisés.
Nous présenterons dans un premier temps les résultats de mesures réalisées dans des micro-environnements intermédiaires (hall de gare, parking, centre commercial…) ainsi que l'étude des différents paramètres visant à déterminer les sources d'aldéhydes. Dans un second temps, nous détaillerons l'étude cas-témoin de la mesure des aldéhydes au domicile d'une population asthmatique allergique et d'une population témoin. Puis, une comparaison des méthodes d'analyse du formaldéhyde par spectroscopie infra-rouge et HPLC/UV sera présentée pour des prélèvements réalisés dans des bibliothèques. Enfin, après avoir détaillé la mise en œuvre d'une exposition standardisée au formaldéhyde dans une chambre expérimentale, son application lors d'un protocole de recherche clinique sera exposée par les résultats de l'étude de l'influence de l'inhalation de faibles doses de formaldéhyde sur la réponse bronchique aux allergènes d'acariens chez des sujets asthmatiques.
Dostları ilə paylaş: |