1Le Formaldéhyde responsable d'une sensibilisation IgE dépendante.
La recherche d'IgE spécifiques permet d'objectiver une éventuelle sensibilisation IgE dépendante au formaldéhyde. Seuls deux sujets parmi 30, présentant des symptômes ORL et exposés à des inhalations de formaldéhyde en milieu professionnel, avaient des RAST positifs pour le formaldéhyde (Wilhelmsson et al, 1987). Sur un échantillon de 37 ouvriers exposés au formaldéhyde, la recherche des IgE pour le formaldéhyde était négative chez tous les sujets bien que l’interrogatoire clinique ait permis de différencier les signes cliniques selon les effets du formaldéhyde sur les patients : pas d’effet oculaire ou respiratoires (9 patients), effet irritant probable, défini par une absence de temps de latence d'apparition des symptômes et une irritation des muqueuses (14 sujets), effet irritant certain (14 sujets), possible effet allergique (4 sujets) (Grammer et al, 1990). Ainsi, ces anticorps sont inconstamment retrouvés dans des populations symptomatiques et exposées professionnellement au formaldéhyde. A fortiori, lorsque des études épidémiologiques ont cherché à mettre en évidence des IgE chez des sujets exposés professionnellement au formaldéhyde mais non symptomatiques, comme des anatomo-pathologistes, les résultats étaient tous négatifs (Salkie, 1991; Wantke et al, 2000; Kramps et al, 1989).
En considérant de faibles taux d'exposition au formaldéhyde dans les milieux intérieurs, comme les écoles ou les domiciles, la recherche d'une éventuelle sensibilisation à ce polluant dans des populations ciblées a aboutit à des résultats contradictoires. Wantke et coll concluent à une possible sensibilisation dans des milieux intérieurs clos non industriels puisque l’analyse du sérum de 62 enfants âgés de 8 ans de trois écoles différentes (exposition à des taux de formaldéhyde de 90 ; 82,6 et 51,6µg.m-3) avait révélé des taux détectables d’IgE pour le formaldéhyde chez 24 enfants (RAST de classe 2,0, chez 3 enfants et de classe intermédiaire fixée de 1,3 - 1,9 par les auteurs chez 21 enfants). Toutefois, les taux d’IgE spécifiques n’étaient pas corrélés aux symptômes (Wantke et al, 1996). Par contre, les résultats d’études menées au Japon chez des asthmatiques ne retrouvaient pas cette sensibilisation. Dans une population de 80 adultes asthmatiques, la recherche d’IgE spécifiques était principalement négative (inférieure à 0,35 kUA.L-1), seuls 2 sujets présentaient des IgE quantifiables avec des taux de 0,81 et 2,99 kUA.L-1 avec pour cette valeur plus élevée un biais du fait de l’exposition professionnelle au formaldéhyde du sujet (Baba et al, 2000). De même, l’étude de 122 enfants asthmatiques et 33 non allergiques a mis en évidence de faibles taux d’anticorps détectables (0,42 et 0,46 kUA.L-1) uniquement chez 2 enfants asthmatiques (Doi et al, 2003).
Ainsi, la sensibilisation au formaldéhyde existe, comme le confirme la recherche d’IgE spécifiques positive chez des sujets exposés professionnellement. Néanmoins, un modèle expérimental murin n'avait pas révélé de production d'IgE spécifiques du formaldéhyde, ne permettant pas de confirmer sa capacité à induire une sensibilisation en lien avec des symptômes respiratoires (Hilton et al, 1996). Le formaldéhyde, du fait de son faible poids moléculaire pourrait jouer le rôle d'haptène et nécessiter de se lier à une protéine porteuse pour déclencher une réponse immune d'hypersensibilité (Imbus, 1985). Toutefois si la sensibilisation au formaldéhyde existe, elle est relativement peu fréquente en regard de l’utilisation très répandue de cette substance en milieu professionnel. Pour des valeurs d'exposition moindre comme en milieu intérieur non industriel, la prévalence de sensibilisation au formaldéhyde définie par la détection d'IgE semble également peu élevée (Wantke et al, 1996; Baba et al, 2000; Doi et al, 2003).
2Le formaldéhyde responsable d'asthme professionnel
La responsabilité du formaldéhyde dans le déclenchement d'un asthme professionnel a été mis en évidence principalement au sein de certaines professions plus exposées comme le personnel hospitalier, les menuisiers, les imprimeurs, le personnel de menuiseries fabriquant ou manipulant les panneaux de bois agglomérés,…( Chan-Yeung et al, 1994, Lemière et al, 1995; Burge et al, 1985). Le diagnostic a reposé sur la réalisation de tests de provocation au formaldéhyde. Dans un premier temps, des tests réalistes ont été effectués dans des chambres d’exposition où le sujet reproduisait le geste qu’il fait au travail dans son environnement professionnel. Ainsi, certains tests consistaient à manipuler de la sciure de bois aggloméré, d’autres à peindre des surfaces avec du formaldéhyde liquide (Cockroft et al, 1982; Hebdrick et al 1982; Gannon et al 1995; Burge et al, 1985). Cependant l’inconvénient majeur de cette méthodologie reste l’ignorance des concentrations inhalées précises du composé. Dans un second temps, des expositions au formaldéhyde gazeux ont été réalisées dans des chambres d’exposition utilisant des techniques de génération diverses. La plus fréquente était le chauffage d’une solution liquide de formaldéhyde. Les concentrations ciblées et obtenues étaient toujours données sous forme de moyenne, sans indications des fluctuations des concentrations de formaldéhyde pendant l’exposition (Leroyer et al, 1999). L'utilisation par Lemière et coll d'un générateur de Balmat modifié pour produire du formaldéhyde gazeux, à des concentrations constantes dans le temps dans une colonne fonctionnant en circuit fermé, a permis un suivi temporel des concentrations pendant l'exposition du patient (Lemière et al, 1996). Cette équipe a mis en évidence lors de test de provocation au formaldéhyde une discordance entre les réactions aux différentes formes de formaldéhyde (vapeur, particules solides). Ainsi, un sujet réagissait au formaldéhyde associé à de fines particules solides tandis qu'une exposition à du formaldéhyde vapeur ne provoquait pas de bronchoconstriction (Lemière et al, 1995). Ces tests de provocation ont été principalement décrits dans des études détaillant des cas observés isolés de sujets suspectés d’asthme professionnel au formaldéhyde. Seule une étude épidémiologique chez 230 ouvriers exposés professionnellement au formaldéhyde et suspectés de présenter des symptômes respiratoires à cette substance a pu objectiver la fréquence relativement faible d’asthme professionnel du à cette substance chimique (Nordman et al, 1985). Des tests de provocation ont été réalisés en exposant les sujets à deux concentrations : 1 200 µg m-3 et 2 500µg m-3 pendant 30 min dans une chambre expérimentale. Parmi les 230 ouvriers, 11 ont présenté une réaction positive (diminution du Débit Expiratoire de Pointe de plus de 15% par rapport à la valeur de base) pour une exposition à 2 500µg m-3 et 1 sujet après l’exposition à 1 200 µg m-3. Ainsi, les tests positifs au formaldéhyde signent l’existence d’asthme professionnel à cette substance chimique, mais ce type d'asthme est relativement peu fréquent. En France, l’Observatoire National des Asthmes Professionnels (ONAP) basé sur le signalement volontaire a dénombré, sur les 4 010 cas d’asthme professionnel recensés de 1996 à 2002, 5,6% signalés à l’exposition aux aldéhydes (glutaraldéhyde et formaldéhyde). Cette étiologie d’asthme correspondait à 3,5% des asthmes masculins et 9% des asthmes féminins (Kopferschmitt-Kubler et al, 2003).
Enfin, une étude longitudinale sur une population de 164 ouvriers exposés professionnellement au formaldéhyde et 129 sujets témoins non exposés a été effectuée sur 6 ans de suivi. Une courbe débit-volume était mesurée chaque année. La moyenne de décroissance du VEMS était comparable dans les 2 groupes, 42mL par an dans le groupe des exposés et 41mL par an dans le groupe contrôle. Les auteurs n’ont pas mis en évidence d’augmentation des symptômes respiratoires ou d’accélération de la décroissance du VEMS chez les ouvriers exposés par rapport aux témoins (Nunn et al, 1990).
Dostları ilə paylaş: |