X. Effets des droits et des licences sur les aptitudes des radiodiffuseurs et des câblodistributeurs à exploiter leurs signaux
193 Comme on l’a souligné précédemment, les radiodiffuseurs et les câblodistributeurs ne possèdent ni ne contrôlent les droits sur le contenu de leurs signaux. Cela a des répercussions sur le projet de traité. La présente section se concentre sur les droits inhérents au signal et sur les effets que ces droits ont sur l’aptitude des radiodiffuseurs à chercher à tirer profit des utilisations ultérieurs de leurs signaux.
Droits et licences liés à un flux de signaux radiodiffusés
194 Le droit d’auteur lié au contenu est distinct des droits connexes sur le signal radiodiffusé ou câblodistribué porteur du contenu. Il y a des différences de traitement du contenu et du signal comme il existe des justifications différentes pour les droits liés aux signaux radiodiffusés, indépendantes du droit d’auteur sur le contenu sous jacent.
195 Comme on l’a vu précédemment, le modèle d’entreprise appliqué à la radiodiffusion et à la câblodistribution fait intervenir une variété de partenaires qui coopèrent à la création de valeur. Cette constellation de partenaires fait jouer un ensemble de relations entre radiodiffuseurs et câblodistributeurs, fournisseurs, sources de revenus et clients66. Les fournisseurs extérieurs de programmes et les droits à ces programmes sont deux des éléments les plus importants pour la propriété intellectuelle.
196 Le projet de traité a pour but de faire reconnaître légalement l’ensemble des droits connexes dans les transmissions radiodiffusées et câblodistribuées. Il n’accorde pas de droit d’auteur ou de droits connexes aux organismes de radiodiffusion ou de câblodistribution sur le contenu de leurs signaux, mais la protection des droits apparentés à l’utilisation et à la diffusion de leurs émissions au public.
197 L’élaboration de droits apparentés aux signaux a pour but d’assurer une protection contre l’exploitation non autorisée de l’investissement technique, financier et administratif (temps, effort, énergie et ressources) que les radiodiffuseurs et les câblodistributeurs consacrent à planifier, produire, programmer et diffuser leurs signaux. Les organismes de radiodiffusion et de câblodistribution jouissent d’une protection en reconnaissance de leur exploit technique et structurel ainsi que leur investissement économique.
198 L’objet de la protection du projet de traité est la transmission radiodiffusée ou câblodistribuée67, et non pas le contenu transmis. De nombreux pays de par le monde reconnaissent que les organismes de radiodiffusion et de câblodistribution détiennent un droit de propriété sur les signaux porteurs de contenu radiodiffusé, indépendamment du droit d’auteur sur le contenu lui même. Ces droits de propriété visent à doter les radiodiffuseurs de mécanismes propres à les protéger de l’utilisation parasite de leur investissement en temps, compétences et effort dans le travail qu’ils font dans la télévision et la radio.
199 Le projet de traité cherche à se fonder sur les droits existants des radiodiffuseurs et câblodistributeurs pour étendre la protection à la transmission simultanée ou différée par un type quelconque de droits de retransmission et de droits postérieurs à la fixation. Cet ensemble de droits comprend les droits d’autoriser : a) la retransmission “par un moyen quelconque”, y compris la retransmission par câble; b) la fixation des émissions; et c) les droits postérieurs à la fixation. Ces derniers droits recouvrent : “la communication au public”; la distribution de fixations d’émissions; la reproduction de fixations d’émissions;
et la “mise à la disposition” du public des fixations pour une retransmission interactive sur l’Internet (sauf dans le cas de diffusion sur le Web, qui peut ou non être incluse dans le projet de traité).
200 Enfin, le droit à des signaux porteurs de programme avant radiodiffusion ou câblodistribution (par exemple, des signaux envoyés par liaison de télécommunication à des radiodiffuseurs ou câblodistributeurs pour qu’ils les utilisent dans leurs émissions) fait partie de l’ensemble des droits considérés.
201 La Convention de Rome et l’Accord sur les ADPIC confèrent le droit de retransmission ou de rediffusion en tant que droit d’autoriser ou d’interdire appliqué uniquement aux retransmissions sans fil. La transmission par fil– c’est à dire les retransmissions par câble – est exclue du champ de ces textes. Cela s’explique par le fait que la télévision par câble en était encore à ses débuts lors de l’adoption de la Convention de Rome et par refus d’étendre la protection lors des négociations de l’Accord sur les ADPIC. En termes pratiques, un organisme de radiodiffusion gratuite ne jouit pas de la protection légale (conférée actuellement par le droit international) lorsque ses signaux radiodiffusés sont transmis sans autorisation par câble. Il en de même de la retransmission non autorisée par réseaux informatiques.
202 Le projet de traité tend à combler ces lacunes en définissant le droit de retransmission comme un droit autorisant ou interdisant la retransmission d’un signal “par n’importe quel moyen”, y compris par câble ou par réseaux informatiques. Cela en soi ne confère pas aux organismes de radiodiffusion ou de câblodistribution un avantage inéquitable par rapport aux titulaires du droit d’auteur sur le contenu et aux titulaires de droits connexes, dont les droits sont protégés par les traités de l’OMPI relatifs à l’Internet (à savoir le Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur (WCT) et le Traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT).
203 La définition du droit de retransmission comme un droit d’autoriser ou d’interdire “par n’importe quel moyen” prend tout son sens dans le contexte des émissions non autorisées. Par exemple, en 2008, lors des Jeux olympiques, la transmission non autorisée de manifestations sportives était générale et s’est soldée par 453 cas d’atteinte en ligne aux droits68. Auparavant, la Caribbean Broadcasting Union/Caribbean Media Corporation s’était heurtée à des difficultés à faire valoir ses droits exclusifs et sous licences lors des Jeux de 1996 et avait abandonné son action en vue d’obtenir une injonction contre un radiodiffuseur de la Trinité car il lui eût été impossible d’obtenir gain de cause avant la fin des Jeux69.
204 Au cours de la saison 2007 2008, on a signalé un total de 364 sites de diffusion non autorisés parmi les quatre grandes ligues européennes de football, et la majorité de ces sites étaient liés à une diffusion de pair à pair non autorisée70. L’aptitude à distribuer sur
l’Internet des émissions sportives permet un accès rapide et facile à des émissions sportives exclusives, ce qui fait peser une grave menace à la fois sur les organisations sportives et sur les radiodiffuseurs71.
205 À la différence de l’Accord sur les ADPIC et de la Convention de Rome, le projet de traité cherche à étendre la “radiodiffusion” à la transmission de signaux cryptés lorsque l’organisme de radiodiffusion offre ou consent à ce que soit offert au public un moyen de décryptage. Cette formulation est calquée sur le Traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT), qui protège les droits connexes des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes. Par conséquent, les signaux cryptés entrent également dans le champ de la protection du projet de traité. Ce traité définit la “radiodiffusion” comme “la transmission sans fil de sons ou d’images et de sons, ou des représentations de ceux ci, aux fins de réception par le public”. L’expression “représentations de ceux ci” couvrirait la possibilité de protéger des signaux sous forme analogique ou numérique et cryptés ou non. Cette même interprétation s’applique à la “distribution par câble”.
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