Innombrables sont les récits du monde



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II. 2. Matériel

Les narrations ont été produites à partir d'un livre d'images sans texte "Frog, where are you ?" (Mayer, 1969). Ce petit livret, dont les images sont données dans l'Appendice 2 du Volume II, comprend quinze images en noir et blanc, et retrace les aventures d'un petit garçon en compagnie de son chien, à la recherche de leur grenouille fugueuse. On peut résumer l'histoire brièvement de la manière suivante : un petit garçon, un chien et une grenouille, vivent heureux ensemble. Une nuit, alors que le petit garçon et le chien dorment, la grenouille sort de son bocal et s'échappe. Le lendemain, le petit garçon et le chien découvrent la fuite de la grenouille et décident d'aller à sa recherche dans la nature. Pendant cette recherche, les deux compagnons connaissent bien des mésaventures : le petit garçon se fait mordre le nez par une taupe, pendant que le chien, qui a fait tomber un nid de guêpes se fait poursuivre par l'essaim tout entier ; le petit garçon effrayé par une chouette, tombe d'un arbre ; les deux amis sont projetés par un cerf dans une mare. Finalement, ils retrouvent leur grenouille dans une mare, et heureux, ils rentrent chez eux, en emmenant leur/une grenouille avec eux.

Le choix de ce matériel a été guidé par plusieurs raisons. La "Grenouille" possède bien entendu comme tout matériel expérimental des avantages et des inconvénients. Commençons par ses avantages.

Premièrement, de nombreuses études translinguistiques de portée internationale (Bamberg, 1987 ; Berman, 1988 ; Berman & Slobin, 1994 ; Kail & Hickmann, 1992 ; Marchman, 1989 ; Nakamura, 1993 ; Ragnarsdottir, 1987, 1991 ; Verhoeven, 1993 ; entre autres) sur l'acquisition des langues et de la compétence narrative travaillent à partir de ce livret. Les données de ces recherches sont donc comparables et permettent de tirer des conclusions sur les universaux du langage, mais également sur les spécificités de chaque langue étudiée. Ainsi, il nous est possible de comparer les résultats obtenus dans d'autres langues avec nos propres résultats en français. Mais les données sont également comparables sur une plus petite échelle, c'est-à-dire entre sujets de même langue maternelle mais à des âges différents. En effet, un autre avantage de l'utilisation de cette tâche narrative est lié au fait que tous les sujets ont la même tâche à accomplir, ce qui est un bon moyen de contrôler le contenu de l'expression, sans vraiment en influencer la forme ; condition indispensable à la réalisation d'un travail aussi bien translinguistique que développemental.

Deuxièmement, l'histoire de la "Grenouille" présente toutes les caractéristiques d'une narration issue de la culture occidentale "typique". Au début, les deux protagonistes ont un problème, la perte de la grenouille. Pour résoudre ce problème, ils vont être mêlés à toute une série d'activités qui constituent autant d'épisodes avant la résolution du problème. Ces caractéristiques assurent une certaine validité écologique à la tâche à accomplir, puisque nos sujets sont régulièrement soumis à un tel genre narratif dans leur vie quotidienne. En effet, dès le plus jeune âge, les enfants ont l'habitude d'écouter leurs parents leur raconter des histoires sur la base d'images sans texte, et ce, principalement dans les classes moyennes favorisées des pays occidentaux (Ninio & Bruner, 1978). "Raconter une histoire est une activité qui suit une ligne de développement bien délimitée à l'intérieur de la culture principale" (Bamberg, 1987:20, notre traduction20). De plus, les sujets qui fréquentent l'école maternelle et surtout primaire, traitent ce genre discursif dans les activités comme la compréhension ou la production orales de récits, la lecture ou l'expression écrite.

Troisièmement, l'histoire de la "Grenouille" présente la richesse et la longueur idéale pour un travail à plusieurs niveaux d'analyse. Nos sujets ont, en effet, à réaliser une narration impliquant les interactions de plusieurs personnages dans une série de situations très diverses, lesquelles peuvent être rassemblées dans des épisodes. Les narrateurs se voient donc soumis à la nécessité de représenter des états de choses complexes, c'est-à-dire qu'ils doivent verbaliser des unités de sens composées de séquences de plusieurs actions et/ou d'états. Ces séquences doivent être reliées entre elles en un tout de signification : la quête d'un objet précieux (dans notre cas, la continuité thématique concerne la recherche d'une grenouille). Les locuteurs ne peuvent donc se contenter d'une simple succession d'énoncés, mais il leur faut regrouper des énoncés en une hiérarchie d'unités. En d'autres termes, il leur faut réaliser un discours dans lequel est assuré aussi bien la cohérence locale (entre deux propositions qui se succèdent), la cohérence épisodique (regroupement de phrases en paragraphe), que enfin, la cohérence globale (récit dans son ensemble). L'histoire de la "Grenouille" nous permet donc de travailler aussi bien sur la macrostructure que sur la microstructure des textes produits. Cette caractéristique est importante, dans la mesure où nos buts sont, d'une part d'examiner le développement de la capacité à établir ainsi qu'à maintenir une continuité thématique chez nos sujets, et d'autre part, d'analyser la façon dont ils se réfèrent aux participants de l'histoire ainsi qu'à leurs actions et/ou états, aussi bien à un niveau local que plus global. Enfin, non seulement ce livret est un bon moyen de savoir comment se développe la capacité des enfants à structurer une narration en épisodes et événements mais aussi comment ils apprennent à manipuler la perspective afin de présenter ces événements.

Quatrièmement, nous choisissons la "Grenouille" plutôt qu'un conte connu des enfants, tel que Le Petit Chaperon Rouge, qui présente une structure narrative claire, afin d'encourager les enfants à construire leur propre trame.

Enfin, les images peuvent servir de soutien aux jeunes enfants. En effet, notre propos n'est pas de tester la mémoire des sujets, mais leur capacité à construire une narration cohérente à l'aide des outils disponibles dans la langue. Ce sont tous ces avantages qui nous ont conduit à utiliser cette tâche narrative.

Mais bien entendu, comme toute tâche quasi-expérimentale, elle présente un certain nombre d'inconvénients. Le plus important est lié au prédécoupage de l'histoire en images. En effet, le livret se compose d'images fixes, ce qui a pour conséquence d'induire un prédécoupage de l'histoire selon les images, prédécoupage qui ne correspond pas nécessairement aux épisodes (cf. l'épisode du cerf qui recouvre les images 9a à 12a). Cette caractéristique liée à la tâche et au matériel rend possible la production image par image. Une telle représentation des états de choses image par image peut servir de support à la structuration du discours et par là même masquer un défaut de compétence narrative, dans la mesure où la narration implique "normalement" la verbalisation d'informations complexes en un tout cohérent grâce aux moyens linguistiques offerts par la langue. On peut considérer que dans une situation de conversation, le travail d'énonciation est fait étape par étape, unité d'information après unité d'information (un problème est de déterminer ce qui constitue une étape ou une unité d'information). Après chaque étape, le narrateur réalise un "feed-back" cognitif afin de contrôler ce qu'il vient de dire mais également afin de préparer la génération de l'étape suivante et de prévoir le lien cohésif qui constitue les unités plus larges. Dans un récit en images, par contre, ce "feed-back" est rendu non-nécessaire, dans la mesure où chaque image peut constituer un support référentiel suffisant pour assurer au discours une certaine continuité narrative trompeuse, le locuteur donne une concaténation d'éléments isolés à la place d'un enchaînement de relations logiques entre événements. De plus, les images fixes donnent souvent lieu à l'encodage verbal d'états et de résultats plutôt qu'à celui d'actions. Toutefois, il ne faut pas accorder à ce prédécoupage une influence trop grande sur la constitution de la narration, puisque les sujets les plus jeunes utilisent les images comme éléments de soutien pour produire leurs narrations (une action après l'autre, liée séquentiellement par et ou et pis), mais ils montrent aussi que dès le début, ils sont capables, et de traduire les représentations picturales statiques en productions dynamiques, et d'exprimer explicitement les relations entre des actions que l'on peut déduire à partir de deux ou plusieurs images. Avec l'âge, les sujets sont de plus en plus aptes à produire des narrations plus complexes qui sont aussi plus décontextualisées.


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