V. 6. 5. Développement des alternances temporelles
Comme nous l'avons montré dans la partie précédente, il est encore plus intéressant de voir comment les temps se combinent au sein d'une même production plutôt que de les observer de manière individuelle. Aussi, dans la suite de notre propos allons-nous nous pencher sur le nombre, la nature et les fonctions des principales alternances temporelles relevées dans nos données.
Changements de temps
|
3/4 ans
(N=14)
|
5 ans
(N=20)
|
7 ans
(N=12)
|
10/11 ans
(N=12)
|
Adultes
(N=12)
|
|
Index de fréquence
|
20
|
25
|
30.5
|
20.5
|
32.5
|
Nbre moyen/sujet
Cohorte A=Présent
Cohorte B=Passé
Cohorte C=Mixte
|
9
5,5
28
13,5
|
13
7,5
22
17
|
14
11,5
18
-
|
11
6
20
6
|
13,5
8,5
40,5
8
|
Tableau (28) : Index de fréquence et nombre moyen de changements de temps par sujet en fonction de l'âge.
Du point de vue quantitatif, il n'y pas beaucoup d'évolution en fonction de l'âge : l'index de fréquence ainsi que le nombre moyen par sujet n'augmente que légèrement entre 3/4 ans et 10/11 ans, voire même à l'âge adulte, ce qui infirme notre hypothèse de départ. Mais si l'on regarde la répartition des changements par cohorte, on se rend compte que les cohortes ancrées dans le passé ont un nombre moyen d'alternances temporelles beaucoup plus élevé que les autres cohortes, et ce, indépendamment de l'âge des sujets. Cette remarque explique du même coup les résultats quantitatifs, dans la mesure où les productions à ancrage passé sont les moins représentées dans l'ensemble de nos données. Lorsqu'un sujet choisi le présent comme temps d'ancrage, il réalise beaucoup moins d'alternances temporelles et par là même, insiste sur le caractère successif des événements. Le texte produit a moins de relief, les éléments qui le composent sont moins hiérarchisés.
Pour ce qui est de la nature des contrastes temporels dominants en fonction de l'âge, nos données ne révèlent que très peu de variations, comme on peut le constater sur le tableau page suivante.
Contrastes
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3/4 ans
(N=14)
|
5 ans
(N=20)
|
7 ans
(N=12)
|
10/11 ans
(N=12)
|
Adultes
(N=12)
|
|
Cohorte A
Cohorte B
Cohorte C
|
PR/PC
PR/IMP
PR/PC
|
PR/PC
PS/IMP
PR/PC
|
PR/PC
PS/IMP
-
|
PR/PC
PS/IMP
PR/PS
|
PR/PC
PC/IMP
PC/IMP
|
Tableau (29) : Contrastes temporels dominants en fonction du type de cohorte et de l'âge.
Les rares différences relevées dépendent en fait du temps dominant choisi par les sujets dans une tranche d'âge et de leur plus ou moins grand maintien tout au long de la narration. De plus, il faut tenir compte des variations individuelles au sein d'une même cohorte. Il en va de même pour les variations concernant les fonctions des alternances et le rôle attribué à chaque temps du verbe à l'intérieur du système. De grandes tendances apparaissent néanmoins de façon assez claire. D'une part, plus les enfants avancent en âge, plus les alternances auxquelles le chercheur ne trouvent de réelles motivations fonctionnelles, diminuent. D'autre part, nous observons que les jeunes enfants (3/4 ans et 5 ans) n'attribuent pas encore une fonction précise à un temps du verbe. Les événements de premier plan peuvent par exemple être encodés au présent ou au passé composé ou encore à l'imparfait au sein d'une seule et même production narrative. Cette tendance est plus nette dans les productions ancrées dans le passé ou à système mixte que dans celles ancrées au présent. Enfin, les changements temporels ont une portée de plus en plus large en fonction de l'âge des sujets. Les caractéristiques temporelles inhérentes aux verbes sont à l'origine des alternances temporelles chez les plus jeunes. Dans un deuxième temps, les alternances permettent de créer des contrastes interphrastiques locaux du type cause-conséquence. Plus les enfants avancent en âge, plus ils utilisent les changements de temps à des fins discursives, comme pour structurer le texte en parties distinctes (exposition versus développement) ou pour hiérarchiser les événements (premier plan versus arrière-plan).
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