182 Les producteurs de semences aimeraient bien, en principe, que les fermiers se conforment à leur consignes de refuges pour éviter une apparition de résistances qui leur seraient à la fois reprochées et nuisibles pour leurs ambitions commerciales. Les refuges doient représenter 50% dans le cas du coton et 20% pour les autres plantes. Une enquête de Market Horizons vient d'être réalisée (financée par la National Corn Growers' Association et un certain nombre de semenciers dont Monsanto) qui montre que 30% des fermiers ne respectent pas les consignes. Malgré celà aucune résistance n'est encore apparue, sauf dans certaines zones où Bacillus thuringiensis est pulvérisé depuis longtemps dans des cultures "biologiques". La non conformité de 30% des stratégies de semis fait sortir les prévisions de l'épure car il faudrait, en réalité, des aires de refuge plus grandes, et les normes actuelles ne sont valables que si 100% de fermiers suivent la règle. En réalité, il règne une grande confusion, car de nombreux fermiers ont utilisé les normes de l'an passé, et se croient en règle. De toute façon les semenciers se hâtent de mettre au point les plantes résistantes de seconde génération (voir le paragraphe 63). Ces dernières cumulent de multiples ∂-endotoxines dont les gènes sont commandés par des promoteurs inductibles ce qui permet de limiter la durée de la sélection d'individus résistants. A Dove; Nature Biotechnology 19 (APR01) 293-294.
La Vie des Sociétés
183 L'an passé le nombre de sociétés de biotechnologies cotées a crû d'un tiers dont 38% hors des Etats-Unis, malgré le déclin des "nouvelles technologies". On constate que 39 milliards de dollars, dont 20 milliards sous forme d'introductions et d'offres ultérieures d'actions, ont été levés en 2000, à comparer avec les 16 milliards de 1999 et 5 milliards annuels de 1996 à 1998. Nature Biotechnology 19 (MAY01) 391 et R Lahteenmdki et al.; p.407 412.###
C'est nettement l'effet de l'achèvement du séquençage du génome humain qui attire les investisseurs toujours impulsifs. Celera a levé 983 millions de dollars, Human Genome Sciences948 millions et Millennium Pharmaceuticals704 millions. Cela pourrait signifier que le marché reste sur sa lancée, et que cela va décroître. Pourtant, si on compare le premier trimestre des années précédentes on constate qu'en 1998 les sociétés de biotechnologie ont levé respectivement 148 et 95 millions de dollars et 245 millions de dollars en 2000. Les levées de fond étant quand même maintenant aléatoires. Les recherches ont été de 9,6 milliards de dollars en 2000 en accroissement de 18% sur 1999. Les compagnies font donc des efforts pour ne pas dépenser de façon excessive. Peu de compagnies (33%) ont gelé ou diminué leurs dépenses de R&D.
Les compagnies pharmaceutiques ayant été exclues à cause de leur taille, bien qu'elles soient de plus en plus impliquées dans les biotechnologies, les données sont quand même difficiles à interpréter. La première place va, ainsi, être prise par Monsanto l'an prochain vu qu'elle sera distinguable de American Home Products. Monsanto a eu un revenu de 5,5 milliards de dollars en 2000, malgré tous les remous.
Deux des neuf compagnies européennes bénéficiaires le sont pour la première fois. Ce sont Innogenetics (mais à la suite de vente de parts à Rhein Biotech). Rhein Biotech est également devenu bénéficiaire (grâce à l'acquisition l'an passé de Green Cross Vaccine).
184 Integration: Ernst & Young's Eighth Annual Life Sciences Report 2001 indique que les compagnies européennes de biotechnologie ont levé 6 milliards d'euros (5,3 milliards de dollars) et 39 compagnies ont mis sur le marché leurs actions pour la première fois. .
Les 1 273 compagnies américaines ont engendré 23,75 milliards d'euros de revenus l'an passé. Les 1 570 compagnies européennes ont engendré 5 milliards d'euros.
L'Allemagne, avec 330 compagnies, a pris la première place devant le Royaume-Uni avec 270, la France 180 et la Suède 170. Mais c'est le Royaume-Uni où les compagnies sont les plus solides avec la moitié des revenus européens. Les dépenses de recherche ont augmenté en Europe de 50%, avec des pertes grandissant dans les mêmes proportions. Le rapport remarque cependant que la biotechnologie européenne évolue trop lentement par rapport à ses concurrents américains. Les investisseurs américains mettent d'énormes sommes en jeu. La totalité de l'industrie biotechnologique européenne c'est seulement Amgen. La taille joue, car les sommes pour arriver en tête sont disponibles aux Etats-Unis, pas encore en Europe. Q Schiermeyer; Nature 411 (24MAY01) 404.
185 La start-up Solexa de Cambridge pense révolutionner les techniques d'identification de SNPs (single nucleotide polymorphisms) en ramenant à quelques jours leur établissement pour un individu à une fraction du coût des techniques existantes. Ses fondateurs sont issus du Sanger Centre.La compagnie espère mettre au point d'ici deux ans un prototype qui serait l'équivalent de 20 Sanger Centre. Le principe de la technique consiste à déposer 100 millions de sondes ADN monobrin sur une seule plaque provenant d'un génome et une polymérase ajoute un seul nucléotide à la fois (avec un marqueur fluorescent lié). On note quelles sont les sondes qui ont fixé la fluorescence, on déshybride chimiquement, et on recommence. Celà revient à utiliser 100 millions de pistes en parallèle. http://www.solexa.co.uk et D Adam; Nature 411 (24MAY1) 402.Amersham Pharmacia Biotech serait également sur la même piste.
187 L'European Patent Office a révoqué le 30 Mai le brevet EP-0-258-017 B1 de la Taq polymérase à l'état naturel de Roche. C'est une bagarre de longue date à propos de feu cette poule aux œufs d'or (elle ne représente plus que 10% des ventes des Taq polymérases de la société bien que la Taq polymérase naturelle soit encore parfaitement adaptée à beaucoup d'utilisations). Bien sûr la société va faire appel, mais elle a sur le dos les mêmes difficultés aux Etats-Unis et en Australie. De plus cette décision pourrait affecter les polymérases recombinantes qui constituent maintenant l'essentiel des ventes.
Promega avait, dès le début, attaqué en avançant que les données brevetées étaient déja dans le domaine public aux Etats-Unis et en Russie, avant que Cetusbrevète l'enzyme. Roche ayant acquis Cetus, très certainement dans ce but, avait fait le forcing pour exclure les concurrents, ce qui s'est traduit par des augmentations de prix de cet outil indispensable signalées à l'époque dans ce bulletin (actuellement 0,5 dollar pour un seul génotypage, par exemple, soit pour certains centres importants 8% du budget). Les prix pourraient donc baisser sensiblement à l'avenir. On l'espère au moins.
La Politique
189 Un arrêt de la Federal Circuit Appeals Court decision proclamé le 29 Novembre dernier soulève des vagues dans le monde des biotechnologies. L'arrêt en question limite les recours pour infraction à la propriété industrielle basées sur l'équivalence fonctionnelle. Celle-ci signifie que deux produits sont équivalents s'ils fonctionnent de la même façon et aboutissent au même résultat. Jusqu'à présent cette doctrine évitait que des concurrents contournent le brevet en introduisant des modifications minimes ("insubstantial or small differences"). Or, dans le codage génétique, la dégénérescence introduit une infinité de variantes. La suppression de cette protection est d'autant plus grave pour les start-ups que la nouvelle pratique du PTO, mise en place en Mars 2001, de publier, 18 mois après son dépôt, toute demande de brevet laisse suffisamment de temps aux concurrents pour le tourner (voir le Bulletin d'Octobre 2000 au chapitre "Politique"). Or l'arrêt du 29 Novembre indique que la notion d'équivalence ne peut plus être invoqué si des éléments des revendications ont été volontairement restreints par le demandeur en cours de négociation avec le PTO, ou à la suite d'un rejet du brevet initial. La protection du brevet est donc seulement assurée pour les seuls éléments "littéralement" décrits. Les grandes compagnies pourraient donc utiliser cette voie pour rapidement répondre à la menace d'une petite compagnie innovante.
L'effet rétroactif de la décision risque d'être désastreux. Il existe des moyens de tourner cette nouvelle difficulté mais ils coûtent cher. La chose la plus simple est d'éviter les amendements aux revendications en restreigant l'ampleur des revendications (ce qu'en réalité tout le monde souhaite). Une autre est de multiplier les brevets (un peu selon la méthode japonaise). Les brevets rejetés seron annulés et reformulés sous une forme adéquate. Il y aura, là, un accroissement du travail, des agences de brevets et le coût de l'opération risque d'être sévère, surout pour les petites firmes.
Par ailleurs les redevances pour licence risquent d'être sévèrement amputées, car les compagnies pharmaceutiques ou autres qui acquièrent ces licences seront moins assurées de la protection.
La Cour Suprême américaine est saisie et son arrêté est à suivre attentivement dans 9 mois. D Robertson; Nature Biotechnology 19 (MAY01) 394) et p.391.###
190 L'European Bioinformatics Institute (EBI) à Hinxton, après bien des anxiétés, liée à la tactique de la Commpission de ne plus investir dans les infrastructures, va recevoir 19 millions d'euros de la Commission Européenne sur les trois prochaines années. Le financement devrait également profiter au European Mouse Mutant Archive, à Rome, avec 4 millions d'euros.
Sur ce budget 4,3 millions d'euros devraient s'ajouter chaque année au financement de 8,4 millions d'euros de l'European Molecular Biology Laboratory (qui devrait, d'ailleurs, passer 11,4 millions en 2005) et environ 2 millions du Wellcome Trust.
Il y aurait également 6 millions d'euros pour constituer l'European Macromolecular Structure Database, contre-partie de l'US Protein Data Bank. D Butler et al.; Nature 411 (17MAY01) 229.
Après avoir affirmé qu'une bactérie modifiée pouvait entraîner un désastre écologique devant la New Zealand Royal Commission on Genetic Modification chargée de réfléchir sur l'avenir des organismes génétiquement modifiés et avoir suscité une vague d'articles à sensation comme celui dans l'Evening Post and Christchurch Press (02FEB01), intitulé "GM bacteria could kill all life—US Expert") l'auteur de la déclaration et le parti vert local ont admis que les faits n'étaient pas démontrés, et ont présenté des excuses.
Il s'agit d'une Klebsiella transformant les déchets végétaux dans le sol en alcool et enrichissant le sol en matières organiques, alors que la pratique de la combustion de ces déchets donne du CO2. L'affirmation étéait basée sur un travail d'une élève de l'Oregon State University publié dans Applied Soil Ecology qui affirmait que l'alcool tuaient les plantes et qu'il en résulterait un désastre global si on effectuait des essais au champ. Le chercheur responsable a admis que ses prévisions apocalyptiques n'étaient qu'une déduction de résultats de laboratoire. Une étude par le New Zealand Life Science Network a établi qu'un de ses articles cité par l'auteur lors de son témoignage n'existait pas. Il montrait que les Klebsiella planticola sauvages sont effectivement herbicides en dehors de toute transformation, mais est naturellement incapable de créer un désastre, et que les OGMs pouvaient avoir des effets non prévus ce dont tout le monde est conscient. En dehors des discussions sur la qualité des experts des deux camps cités réciproquement, c'est encore une fois l'exploitation hardie de résultats scientifiques qui est ici en cause. La réaction immédiate des scientifiques locaux est à souligner. L Fletcher; Nature Biotechnology 19 (APR01) 292.
192 Le gouvernement américain a financé un programme "Rapid Syndrome Validation Project" (RSVP) pour établir le "bruit de fond" des maladies dans le but de détecter rapidement toute anomalie qui pourrait être liée à une attaque par des armes biologiques.
Actuellement, ce sont les praticiens, dans leur secteur, qui notent ces anomalies, mais peu les transmettent et ils ne sont, d'autre part, pas armés pour détecter des maladies exotiques qu'ils ne rencontrent jamais. Il faut donc des semaines pour réaliser qu'il se passe quelque chose d'anormal.
Le mécanisme a un autre avantage, cette fois dans le domaine de la santé publique: tout diagnostic erroné de grippe est immédiatement corrigé, quand aucun autre cas n'est signalé au voisinage. Du coup une entreprise de santé du New Mexico va adopter la méthode qui lui évitera des dépenses inutiles de médicaments.
Le praticien n'a pas à faire un diagnostic, mais à signaler tout patient présentant un parmi six syndromes particuliers. Tout est transmis par Internet à un laboratoire du Sandia National Laboratory au New Mexico. Le système fonctionne depuis Novembre et a permis de détecter précocément deux épidémies naissantes d'hépatite, en demandant en retour une analyse pour identifier le virus.J Knight; Nature 411 (17MAY01) 228. On doit sûrement s'en occuper en Europe.