L' acte psychanalytique



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Simplement, le discours de l’hystérique révèle la relation du discours du maître à la jouissance, en ceci que le savoir y vient à la place de la jouissance. Le sujet lui-même, hystérique, s’aliène du signifiant-maître comme étant celui que ce signifiant divise — celui, au masculin, repré­sente le sujet —, celui qui se refuse à s’en faire le corps. On parle à propos de l’hystérique de complaisance somatique. Encore que le terme soit freudien, ne pouvons-nous nous apercevoir qu’il est bien étrange? — et que c’est plutôt de refus du corps qu’il s’agit. A suivre l’effet du signifiant-maître, l’hystérique n’est pas esclave.

Donnons-lui maintenant le genre de sexe sous lequel ce sujet s’incarne le plus souvent. Elle fait à sa façon une certaine grève. Elle ne livre pas son savoir. Elle démasque pourtant la fonction du maître dont elle reste solidaire, en mettant en valeur ce qu’il y a de maître dans ce qui est l’Un avec un grand U, dont elle se soustrait à titre d’objet de son désir. C’est là la fonction propre que nous avons repérée dès long­temps, au moins dans le champ de mon école, sous le titre du père idéalisé.

N’y allons pas par quatre chemins, et réévoquons Dora — il faut bien — que je suppose connu par tous ceux qui sont là à m’entendre.

Il faut lire Dora et, à travers les interprétations contournées — j’emploie le terme exprès que Freud donne de l’économie de ses manœuvres —, ne pas perdre de vue quelque chose dont j’oserai dire que Freud le couvre de ses préjugés.

Je fais une petite parenthèse. Que vous ayez ou non le texte en tête, reportez-vous-y, et vous verrez ces phrases qui semblent à Freud aller de soi — par exemple, qu’une fille s’arrange toute seule de telles anicro­ches, voire, quand un monsieur lui saute dessus, qu’il ne faut pas encore faire des histoires, quand on est une fille bien, bien entendu. Et pourquoi? Parce que Freud le pense comme ça. Ou encore, ce qui va plus loin, qu’une fille normale n’a pas à être dégoûtée quand on lui fait

108 - une bonne manière. Ça semble aller de soi. Il faut bien reconnaître le fonctionnement de ce que j’appelle préjugé, dans un certain abord de ce qui est révélé là par notre Dora.

Si ce texte a gardé tout de même quelques-uns des repères auxquels j’essaie de vous rompre, vous verrez que le mot contourné que j’ai pro­noncé tout à l’heure, il ne vous paraîtra pas illégitime de le prononcer vous-mêmes. La prodigieuse finesse, astuce, de ces renversements dont Freud explique les plans multiples où se réfracte, à travers trois ou quatre défenses successives, la manœuvre, comme je l’appelle, de Dora en matière amoureuse, de faire écho à ce que Freud lui-même a désigné dans son texte de la Traumdeutung, peut-être vous fera-t-elle paraître que c’est d’un certain mode d’abord que dépendent ces contours.

Conformément à ce que j’ai énoncé au début de mon discours d’aujourd’hui sur le père, que la conjoncture subjective de son articula­tion signifiante reçoit une certaine sorte d’objectivité, pourquoi ne pas partir du fait que le père de Dora, point-pivot de toute l’aventure, ou mésaventure, est proprement un homme châtré, j’entends quant à sa puissance sexuelle? Il est manifeste qu’il est à bout de course, très malade.

Dans tous les cas, dès Studien über Hysterie, le père se fait lui-même d’appréciation symbolique. Après tout, même un malade ou un mourant est ce qu’il est. Le considérer comme déficient par rapport à une fonction à laquelle il n’est pas occupé, c’est lui donner, à proprement parler, une affectation symbolique. C’est proférer implicitement que le père n’est pas seulement ce qu’il est, que c’est un titre comme ancien combattant — c’est ancien géniteur. Il est père, comme l’ancien combattant, jusqu’à la fin de sa vie. C’est impliquer dans le mot de père quelque chose qui est toujours en puissance en fait de création. Et c’est par rapport à cela, dans ce champ symbolique, qu’il faut remarquer que le père, en tant qu’il joue ce rôle-pivot, majeur, ce rôle-maître dans le discours de l’hystérique, c’est cela qui se trouve précisément, sous cet angle de la puissance de création, soutenir sa position par rapport à la femme, tout en étant hors d’état. C’est là ce qui spécifie la fonction d’où ressort la relation au père de l’hystérique, et c’est très précisément cela que nous désignons comme étant le père idéalisé.

J’ai dit que je n’y allais pas par quatre chemins, je prends Dora, et je

109 - vous prie de relire le cas après moi pour voir si ce que je dis est vrai. Eh bien, M. K., que j’appellerai ici curieusement le troisième homme, com­ment s’ordonne ce qui, en lui, convient à Dora?

Je l’ai dit depuis longtemps, mais pourquoi ne pas le reprendre en s’en tenant à la définition structurale telle que nous pouvons la donner à l’aide du discours du maître ? Ce qui convient à Dora, c’est l’idée que lui a l’organe.

Ça, Freud le perçoit, et il indique très précisément que c’est ce qui joue le rôle décisif dans le premier abord, le premier accrochage, si je puis dire, de Dora avec M. K. quand elle a quatorze ans, et que l’autre la coince dans une embrasure. Ça n’altère pas du tout les relations entre les deux familles. Personne ne songe, au reste, à s’en étonner. Comme dit Freud, une fille s’arrange toujours toute seule avec ces choses-là. Ce qu’il y a de curieux, c’est justement qu’il arrive qu’elle ne s’arrange plus toute seule, qu’elle mette tout le monde dans le coup — mais plus tard.

Alors, pourquoi le troisième homme ? Certes, c’est l’organe qui fait son prix, mais pas pour que Dora en fasse son bonheur, si je puis dire — pour qu’une autre l’en prive.

Ce qui intéresse Dora, ce n’est pas le bijou, même indiscret. Souvenez-vous de cette observation qui dure trois mois, et qui est tout entière faite pour servir de cupule à deux rêves. Le premier rêve, celui dit de la boîte à bijoux, en témoigne — ce n’est pas le bijou, c’est la boîte, l’enveloppe du précieux organe, voilà seulement ce dont elle jouit.

Elle sait très bien en jouir par elle-même, comme nous en témoigne l’importance décisive chez elle de la masturbation infantile, dont rien au reste ne nous indique dans l’observation quel était le mode, sinon qu’il est probable qu’il avait quelque rapport avec ce que j’appellerai le rythme fluide, coulant, dont le modèle est dans l’énurésie. Dans son histoire, on nous donne son énurésie pour induite sur le tard par celle de son frère, qui, d’un an et demi plus âgé qu’elle, était arrivé jusqu’à l’âge de huit ans affecté d’une énurésie dont elle prend en quelque sorte le relais sur le tard.

Ceci, l’énurésie, est tout à fait caractéristique, et comme le stigmate, si l’on peut dire, de la substitution imaginaire de l’enfant au père, justement comme impuissant. J’invoque ici tous ceux qui, de leur expérience

110 - de l’enfant, peuvent recueillir cet épisode, pour quoi il est assez fréquent qu’on fasse intervenir l’analyste.

A cela s’ajoute la contemplation théorique de Mme K., si je puis m’exprimer ainsi, telle qu’elle s’épanouit dans le séjour de Dora béante devant la Madone de Dresde. Cette Mme K. est celle qui sait soutenir le désir du père idéalisé, mais aussi contenir le répondant, si je puis dire, et du même coup en priver Dora, qui se trouve ainsi doublement exclue de sa prise. Eh bien, par là même, ce complexe est la marque de l’identifica­tion à une jouissance en tant qu’elle est celle du maître.

Petite parenthèse. Il n’est pas rien de rappeler l’analogie qu’on a faite de l’énurésie à l’ambition. Mais confirmons la condition imposée aux cadeaux de M. K. — il faut que ce soit la boite. Il ne lui donne pas autre chose, une boite à bijoux. Car le bijou, c’est elle. Son bijou à lui, indis­cret comme je disais tout à l’heure, qu’il aille se nicher ailleurs, et qu’on le sache. D’où la rupture dont j’ai marqué depuis longtemps la significa­tion, quand M. K. lui dit — Ma femme n’est rien pour moi. Il est très vrai qu’à ce moment-là, la jouissance de l’Autre s’offre à elle, et elle n’en veut pas, parce que ce qu’elle veut, c’est le savoir comme moyen de la jouis­sance, mais pour le faire servir à la vérité, à la vérité du maître qu’elle incarne, en tant que Dora.

Et cette vérité, pour la dire enfin, c’est que le maître est châtré.

En effet, si la jouissance unique à représenter le bonheur, celle que j’ai définie la dernière fois comme parfaitement close, la jouissance du phallus, le dominait, ce maître — vous voyez le terme que j’emploie, le maître ne peut dominer qu’à l’exclure —, comment le maître établirait-il ce rapport au savoir — celui qui est tenu par l’esclave — dont le béné­fice est le forçage du plus-de-jouir ? Le maître ne peut le dominer qu’à exclure cette jouissance.

Aussi bien, le second rêve marque-t-il que le père symbolique est bien le père mort, qu’on n’y accède que d’un lieu vide et sans communica­tion. Rappelez-vous la structure de ce rêve, la façon dont elle reçoit l’annonce par sa mère — Viens si tu veux, dit la mère, comme en écho à ce que Mme K. lui a proposé l’autre fois, de venir dans l’endroit où doi­vent se produire avec le mari de ladite tous les drames que nous avons énoncés, Viens si tu veux, ton père est mort, et on l’enterre —, et la façon dont elle y va, sans qu’on sache jamais dans le rêve par quel moyen elle

111 - parvient à arriver à un lieu dont il faut qu’elle demande si c’est bien là qu’habite monsieur son père, comme si elle ne le savait pas.

Eh bien, dans la boite vide de cet appartement déserté par ceux qui, après l’avoir invitée, sont partis de leur côté au cimetière, Dora trouve aisément à ce père son substitut dans un gros livre, le dictionnaire, celui où l’on apprend ce qui concerne le sexe. Elle marque bien là que ce qui lui importe, fût-ce au-delà de la mort de son père, c’est ce qu’il produit de savoir. Un savoir, pas n’importe lequel — un savoir sur la vérité.

C’est ce qui lui suffira de l’expérience analytique. Cette vérité à quoi, précieusement, Freud l’aide — et c’est ce qui fait qu’il se l’attache —, elle aura assez de satisfaction de la faire reconnaître par tout le monde. Ce qu’il en était vraiment des rapports de son père à Mme K. comme des siens à M. K., tout ce que les autres ont voulu enterrer des épisodes pourtant parfaitement authentiques dont elle se faisait la représentante, tout cela s’impose, ce qui suffit pour elle à clore dignement ce qu’il en est de l’analyse, même si Freud ne parait point satisfait de son issue quant à sa destinée de femme.

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Il y aurait au passage quelques petites remarques à faire, qui ne sont pas vaines.

Par exemple, à propos du rêve des bijoux, où il s’agit que Dora s’en aille parce que l’incendie menace, Freud, s’arrêtant dans l’analyse, nous dit qu’il ne faut pas oublier que pour qu’un rêve tienne sur ses deux pieds, il ne suffit pas qu’il représente une décision, un vif désir du sujet quant au présent, il faut quelque chose qui lui donne son appui dans un désir de l’enfance. Et là, il prend la référence — on la tient d’habitude pour une élégance — de l’entrepreneur, l’entrepreneur de la décision, dans son rapport au capitaliste dont les ressources accumulées, le capital de libido, permettront à cette décision de passer en acte.

Ce sont des choses qui passent pour une métaphore. N’est-il pas amu­sant de voir que cela prend une autre valeur après ce que je vous ai dit de la relation du capitalisme à la fonction du maître? — du caractère tout à fait distinct de ce qui peut se faire du processus d’accumulation à la

112 - présence du plus-de-jouir ? — de la présence elle-même de ce plus-de-jouir à l’exclusion du bon gros jouir, le jouir simple, le jouir qui se réalise dans la copulation toute nue ? N’est-ce pas précisément de là que le désir infantile prend sa force ? — sa force d’accumulation au regard de cet objet qui fait la cause du désir, à savoir ce qui s’accumule de capital de libido de par, précisément, la non-maturité infantile, l’exclusion de la jouissance que d’autres appelleront normale. Voilà qui donne tout d’un coup son accent propre à la métaphore freudienne quand il se réfère au capitaliste.

Mais d’autre part, si de son courage lucide Freud s’est trouvé porter au terme un certain succès de Dora, pourtant, disons-nous, sa maladresse à retenir sa patiente ne s’en indique pas moins.

Qu’on lise ces quelques lignes où, malgré lui en quelque sorte, Freud indique je ne sais quel trouble qui est, ma foi, bouleversant, pathétique, à se dire que peut-être, à lui montrer plus d’intérêt — et Dieu sait qu’il lui en porte, toute l’observation en témoigne —, il aurait sans doute réussi à lui faire pousser plus loin cette exploration dans laquelle on ne peut pas dire qu’à son aveu même, il ne l’ait pas conduite sans erreur.

Dieu merci, Freud ne l’a pas fait. Heureusement qu’en donnant à Dora ces satisfactions d’intérêt à ce qu’il ressent comme sa demande, demande d’amour, il n’ait pas pris, comme il est d’usage, la place de la mère. Car une chose est certaine, n’est-ce pas à cette expérience, si tant est qu’elle ait pu infléchir son attitude dans la suite, que nous devons le fait que Freud ait constaté — et les bras lui en tombent, il s’en décourage — que tout ce qu’il a pu faire pour les hystériques n’aboutit à rien d’autre qu’à ce qu’il épingle du Penisneid ? Ce qui veut dire nommé­ment, quand on l’articule, que cela aboutit au reproche par la fille fait à la mère de ne l’avoir pas créée garçon, c’est-à-dire au report sur la mère, et sous forme de frustration, de ce qui, dans son essence significative, et telle qu’elle donne sa place et sa fonction vive au discours de l’hystérique au regard du discours du maître, se dédouble en, d’une part, castration du père idéalisé, qui livre le secret du maître, et, d’autre part, privation, assomption par le sujet, féminin ou pas, de la jouissance d’être privé.

Et pourquoi Freud s’est-il trompé à ce point ? — alors que si l’on en croit mon analyse d’aujourd’hui, il n’y avait littéralement qu’à brouter ce qu’on lui offrait dans la main ? Pourquoi substitue-t-il au savoir qu’il

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a recueilli de toutes ces bouches d’or, Anna, Emmie, Dora, ce mythe, le complexe d’Œdipe?

L’Œdipe joue le rôle du savoir à prétention de vérité, c’est-à-dire du savoir qui se situe dans la figure du discours de l’analyste au site de ce que j’ai appelé tout à l’heure celui de la vérité.




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