L' acte psychanalytique



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97. AU-DELÀ DU COMPLEXE D'OEDIPE

LE MAÎTRE CHÂTRÉ


[p99]

Le signifiant-maître détermine la castration.

La science, le mythe, l’inconscient.

Dora et son père.

Œdipe inutilisable.

Il doit commencer à vous apparaître que l’envers de la psychanalyse, c’est cela même que j’avance cette année sous le titre du discours du maître.

Je ne le fais pas de façon arbitraire, ce discours du maître ayant déjà ses lettres de crédit dans la tradition philosophique. Néanmoins, tel que j’essaie de le dégager, il prend ici un accent nouveau du fait qu’à notre époque, il arrive à pouvoir être dégagé dans une sorte de pureté — et ce, par quelque chose que nous éprouvons directement, et au niveau de la politique.

Ce que je veux dire par là, c’est - qu’il enserre tout même ce qui se croit révolution, ou plus exactement ce qu’on appelle romantiquement Révolution avec un grand R. Le discours du maître accomplit sa révolution, en l’autre sens de tour qui se boucle.

Cette mise en valeur est un peu aphoristique, j’en conviens, mais elle est faite, comme l’aphorisme s’y destine, pour éclairer d’un flash simple. A son horizon, il y a ceci, qui nous intéresse, je veux dire vous et moi — il y a que ce discours du maître n’a qu'un contrepoint, c’est le dis­cours analytique, encore si inapproprié.

Je l’appelle contrepoint parce que sa symétrie, s’il en existe une — et elle existe —, n’est pas par rapport à une ligne, ni par rapport à un plan, mais par rapport à un point. En d’autres termes, il est obtenu par le bou­clage de ce discours du maître auquel je faisais référence à l’instant.

La disposition de ces quatre termes, les deux S numérotés, S et a, telle que je l’ai réinscrite la dernière fois, et dont j ‘espère que vous avez tous

100 - plus ou moins encore la transcription sur vos papiers, montre assez cette symétrie par rapport à un point, qui fait que le discours psychanalytique se trouve très précisément au pôle opposé du discours du maître.

1
Dans le discours psychanalytique, il nous arrive de voir certains termes qui servent de filum dans l’explication, celui du père par exemple. Et il nous arrive de voir quelqu’un tenter d’en rassembler les principales don­nées. Exercice pénible, quand il est fait à l’intérieur de ce qu’on attend, au point où nous en sommes, d’un énoncé et d’une énonciation psycha­nalytiques, c’est à savoir, à l’intérieur d’une référence génétique.

On se croit obligé à propos du père de partir de l’enfance, des identifi­cations, et c’est alors quelque chose qui peut vraiment aller à un extraor­dinaire bafouillage, une contradiction étrange. On nous parlera de l’iden­tification primaire comme étant celle qui lie l’enfant à la mère, et cela semble en effet aller de soi. Pourtant, si nous nous reportons à Freud, à son discours de 1921 qui s’appelle Psychologie des masses et analyse du moi, c’est très précisément l’identification au père qui est donnée comme pri­maire. C’est assurément bien étrange. Freud pointe là que, tout à fait primordialement, le père s'avère être celui qui préside à la toute première identification, et en ceci précisément, qu’il est, d'une façon élue celui qui mérite l'amour.

Ceci est bien étrange, assurément, à se mettre en contradiction avec tout ce que le développement de l’expérience analytique se trouve établir de la primauté du rapport de l’enfant à la mère. Etrange discordance du discours freudien avec le discours des psychanalystes.

Peut-être ces discordances sont-elles faites de confusion, et l’ordre que j’essaie de mettre par une référence à des configurations de discours en quelque sorte primordiales est là pour nous rappeler qu’il est strictement impensable d’énoncer quoi que ce soit d’ordonné dans le discours analy­tique, sinon à se souvenir de ceci. Pour être efficace, notre effort, qui est, nous le savons parfaitement, une collaboration reconstructive avec celui qui est dans la position de l’analysant auquel nous permettons, en quelque sorte, d’entrer dans sa carrière, cet effort que nous faisons pour

101 - extraire, sous la forme de pensée imputée, ce qui a été en effet vécu par celui qui mérite bien en l’occasion le titre de patient, ne doit pas nous faire oublier que la configuration subjective a, par la liaison signifiante, une objectivité parfaitement repérable, qui fonde la possibilité même de l’aide que nous apportons sous la forme de l’interprétation.

Là, en tel point de liaison, nommément celui, tout à fait premier, du S1 au S2, là est possible que s'ouvre cette faille qui s’appelle le sujet. Là, les effets de la liaison, en l’occasion signifiante, s’opèrent. Que ce vécu qu’on appelle plus ou moins proprement pensée se produise ou non quelque part, là se produit quelque chose qui tient à une chaîne, exacte­ment comme si c’était de la pensée. Freud jamais n’a rien dit d’autre quand il parle de l’inconscient. Cette objectivité, non seulement induit, mais détermine cette position, qui est position de sujet, en tant que foyer de ce qui s’appelle les défenses.

Ce que j’avance, ce que je vais annoncer de nouveau aujourd’hui, c’est qu’en s’émettant vers les moyens de la jouissance qui sont ce qui s’appelle le savoir, le signifiant maître non seulement induit, mais détermine, la castration.

Je vais revenir sur ce qu’il faut entendre par signifiant-maître, en par­tant de ce que nous avons avancé à ce propos.

Au départ, assurément, il n’y en a pas. Tous les signifiants s’équiva­lent en quelque sorte, pour ne jouer que sur la différence de chacun à tous les autres, de n’être pas les autres signifiants. Mais c’est aussi par là que chacun est capable de venir en position de signifiant-maître, très précisé­ment en ceci, que c’est sa fonction éventuelle que de représenter un sujet pour tout autre signifiant. C’est ainsi que je l’ai défini de toujours. Seu­lement, le sujet qu’il représente n’est pas univoque. Il est représenté, sans doute, mais aussi il n’est pas représenté. A ce niveau, quelque chose reste caché en relation avec ce même signifiant.

C’est là autour de quoi se joue le jeu de la découverte psychanalytique. Comme –n’importe quoi d’autre, il n’est pas sans avoir été préparé. Il a été préparé par cette hésitation — qui est plus qu’une hésitation —, cette ambiguïté, soutenue sous le nom de dialectique par Hegel, quand il se trouve poser au départ que le sujet s’affirme comme se sachant.

Hegel ose partir, en effet, de la Selbstbewusstsein dans son énonciation la plus naïve, à savoir que toute conscience se sait être conscience. Et pourtant

102 - il tresse ce départ avec une série de crises — Aufhebung, comme il dit —, d’où il résulte que cette Selbstbewusstsein elle-même, figure inau­gurale du maître, trouve sa vérité du travail de l’autre par excellence, de celui qui ne se sait que d’avoir perdu ce corps, ce corps même dont il se supporte, pour avoir voulu le garder dans son accès à la jouissance, autre­ment dit l’esclave.

Comment ne pas essayé de rompre cette ambiguïté hégélienne? Comment ne pas être conduit dans une autre voie de tentative, à partir de ce qui nous est donné de l’expérience analytique ? — à laquelle il s’agit toujours de revenir pour la mieux serrer.

Plus simplement, il s’agit de ceci, qu’il y a un usage du signifiant qui peut se définir de partir du clivage d’un signifiant-maître avec ce corps dont nous venons de parler, le corps perdu par l’esclave pour ne devenir rien d’autre que celui où s’inscrivent tous les autres signifiants.

C’est de cette sorte que nous pourrions imager ce savoir que Freud définit de le mettre dans la parenthèse énigmatique de l’Urverdrängt — ce qui veut dire justement ce qui n’a pas eu à être refoulé parce que ça l’est depuis l’origine. Ce savoir sans tête, si je puis dire, est bien un fait politi­quement définissable, en structure. A partir de là, tout ce qui se produit par le travail — je l’entends au sens propre, plein du mot produire —, tout ce qui se produit concernant la vérité du maître, à savoir ce qu’il cache comme sujet, va rejoindre ce savoir en tant qu’il est clivé, Urverdrängt, en tant qu’il est et que personne n’y comprend rien.

Voilà qui, je l’espère, n’est point pour vous sans écho — sans que vous sachiez d’ailleurs si cet écho vient de droite ou de gauche. Cela se structure d’abord dans ce qu’on appelle le support mythique de certaines sociétés. Nous pouvons les analyser comme ethnographiques, c’est-à-dire comme échappant au discours du maître, pour autant que celui-ci com­mence avec la prédominance du sujet, en tant qu’il tend justement à ne se supporter que de ce mythe ultra-réduit, d’être identique à son propre signifiant.

C’est en quoi je vous ai indiqué la dernière fois ce qu’a de nature affine à ce discours la mathématique, où A représente lui-même, sans avoir besoin du discours mythique à lui donner ses relations. C’est par là que la mathématique représente le savoir du maître en tant que constitué sur d’autres lois que le savoir mythique.
103 – Bref le savoir du maître se produit comme un savoir entièrement autonome du savoir mythique et c’est ce qu’on appelle la science.

Je vous en ai indiqué la dernière fois la figure dans une rapide évocation de la thermodynamique et, plus loin, de toute unification du champ phy­sique. Celle-ci repose sur la conservation d’une unité qui n’est rien qu’une constante, toujours retrouvée dans le compte — je ne dis même pas dans la quantification — d’une manipulation de chiffres, soit définie de telle sorte qu’elle fasse apparaître en tout cas cette constante dans le compte. Voilà ce qui seulement supporte ce qui est appelé, au fondement de la science physique, l’énergie.

Ce support tient à ceci, que la mathématique n’est constructible qu’à partir de ce que le signifiant peut se signifier lui-même. Le A que vous avez écrit une fois peut être signifié par sa répétition de A. Or, cette posi­tion est strictement intenable, elle constitue une infraction à la règle, au regard de la fonction du signifiant, qui peut tout signifier, sauf assuré­ment lui-même. C’est de ce postulat initial qu’il faut se débarrasser pour que s’inaugure le discours mathématique.

Entre les deux, de l’infraction originelle à la construction du discours de l’énergétique, le discours de la science ne se soutient, dans la logique, qu’à faire de la vérité un jeu de valeurs, en éludant radicalement toute sa puissance dynamique. En effet, le discours de la logique propositionnelle est, comme on l’a souligné, foncièrement tautologique. Il consiste à ordonner des propositions composées de telle sorte qu’elles soient tou­jours vraies, quelle que soit, vraie ou fausse, la valeur des propositions élémentaires. N’est-ce pas se débarrasser de ce que j’appelais à l’instant le dynamisme du travail de la vérité ?

Eh bien, le discours analytique se spécifie, se distingue de poser la question d’à quoi sert cette forme de savoir, qui rejette et exclue la dynamique de la vérité.

Première approximation – elle sert à refouler ce qui habite le savoir mythique. Mais excluant celui-ci du même coup, elle n’en connaît plus rien que sous la forme de ce que nous retrouvons sous les espèces de l'inconscient c’est-à-dire comme épave de ce savoir, sous la forme d’un savoir disjoint. Ce qui sera reconstruit de ce savoir disjoint ne fera d’aucune façon retour au discours de la science, ni à ses lois structurales. C’est dire qu’ici, je me distingue de ce qu’en énonce Freud. Au discours

104 - cours de la science, ce savoir disjoint, tel que nous le retrouvons dans l’inconscient, est étranger. Et c’est justement en cela qu’il est frappant que le discours de l’inconscient s’impose. Il s’impose exactement de ceci que j’énonçais l’autre jour sous cette forme dont il faut croire que, pour l’employer, je n’en trouvai pas de meilleure — qu’il ne déconne pas. Si con qu’il soit; ce discours de l’inconscient, il répond à quelque chose qui tient à l’institution du discours du maître lui-même. C’est cela qui s’appelle l’inconscient. Il s’impose à la science comme un fait.

Cette science faite, c’est-à-dire factice, ne peut méconnaître ce qui lui apparaît comme artefact, c’est vrai. Seulement, il lui est interdit, juste­ment, d’être science du maître, de se poser la question de l’artisan, et ceci fera le fait d’autant plus fait.

Très tôt après la dernière guerre — j’étais déjà né depuis longtemps — j’ai pris en analyse trois personnes du haut pays du Togo, qui y avaient passé leur enfance. Or, je n’ai pu, dans leur analyse, avoir trace des usages et croyances tribaux, qu’ils n’avaient pas oubliés, qu’ils connaissaient, mais du point de vue de l’ethnographie. Il faut dire que tout était fait pour les en séparer, étant donné ce qu’ils étaient, ces coura­geux petits médecins qui essayaient de se faufiler dans la hiérarchie médi­cale de la métropole — nous étions encore au temps colonial. Ce qu’ils en connaissaient donc du niveau de l’ethnographe était à peu près celui du journalisme, mais leur inconscient fonctionnait selon les bonnes règles de l’Oedipe. C’était l’inconscient qu’on leur avait vendu en même temps que les lois de la colonisation, forme exotique, régressive, du discours du maître, face du capitalisme qu’on appelle impérialisme. Leur inconscient n’était pas celui de leurs souvenirs d’enfance — ça se touchait —, mais leur enfance était rétroactivement vécue dans nos catégories famil-iales - écrivez le mot comme je vous l’ai appris l’année dernière. Je défie quelque analyste que ce soit, même à aller sur le terrain, de me contre­dire.

Ce n’est pas la psychanalyse qui peut servir à procéder à une enquête ethnographique. Cela dit, ladite enquête n’a aucune chance de coïncider avec le savoir autochtone, sinon par référence au discours de la science malheureusement, ladite enquête n’a aucune espèce d’idée de cette réfé­rence, parce qu’il lui faudrait la relativer. Quand je dis que ce n’est pas par la psychanalyse qu’on peut entrer dans une enquête ethnographique,

105. j’ai sûrement l’accord de tous les ethnographes. Je l’aurai peut-être moins en leur disant que, pour avoir une petite idée de la relativation du discours de la science, c’est-à-dire pour avoir peut-être une petite chance de faire une juste enquête ethnographique, il faut, je le répète, non pas procéder par la psychanalyse, mais peut-être, si cela existe, être un psy­chanalyste.

Ici, au carrefour, nous énonçons que ce que la psychanalyse nous permet de concevoir n’est rien d’autre que ceci, qui est sur la voie que le marxisme ouvrait, à savoir que le discours est lié aux intérêts du sujet. C’est ce que Marx appelle dans l’occasion l’économie, parce que ces inté­rêts sont, dans la société capitaliste, entièrement marchands. Seulement, la marchandise étant liée au signifiant-maître, ça ne résout rien de le dénoncer ainsi. Car la marchandise n’est pas moins liée à ce signifiant après la révolution socialiste.


2

Je vais maintenant écrire en toutes lettres les fonctions propres du dis­cours, telles que je les ai énoncées.


Signifiant-maître  savoir

sujet jouissance


Cette mise en fonction du discours est définie par clivage, précisément par la distinction du signifiant-maître au regard du savoir.

Dans les sociétés appelées primitives en tant que je les inscris de n’être pas dominées par le discours du maître - je le dis pour qui voudrait en savoir un peu plus long —, il est assez probable que le signifiant-maître est repérable d’une plus complexe économie. C’est bien à quoi confinent les meilleures recherches, dites sociologiques sur le champ de ces sociétés. Réjouissons-nous, d’autant plus de ce que ce n’est pas par hasard, que le fonctionnement du signifiant-maître soit plus simple dans le discours du maître.

Il y est entièrement maniable de ce rapport S1 à S2 que vous voyez là

106 - écrit. Dans ce discours, le sujet se trouve lié, avec toutes les illusions qu’il comporte, au signifiant-maître, alors que l’insertion dans la jouis­sance est le fait du savoir.

Eh bien, j’apporte cette année ceci — ces fonctions propres du dis­cours peuvent trouver des sites différents. C’est ce que définit leur rota­tion sur ces quatre places, que vous ne voyez ici désignées d’aucune façon en lettres, mais seulement par ce que j’appelle à l’occasion en haut, à gauche, en bas et à droite.

J’ajoute, un peu sur le tard, pour éclairer ceux qui les auront désignées de l’effet de leur petite jugeote, qu’ici, c’est par exemple le désir, et de l’autre côté, le site de l’Autre. Là se figure ce dont j’ai parlé, dans un registre ancien, au temps où je me contentais d’une pareille approxima­tion, en disant que le désir de l’homme, c’est le désir de l’Autre.

La place à figurer sous le désir est celle de la vérité. Sous l’Autre, c’est celle où se produit la perte, la perte de jouissance dont nous extrayons la fonction du plus-de-jouir.


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