La formation des ingenieurs

UN CURRICULUM À BASE DE COMPÉTENCES COUPLÉ À UNE APPROCHE

PÉDAGOGIQUE PAR PROJETS

Jean-Marie DIRAND, Gérard LACHIVER, Daniel DALLE , Richard THIBAULT et René HIVON*

Département de Génie électrique et de génie informatique - Faculté de génie

*Département de Pédagogie - Faculté d’Education

UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE

La conception de curriculum à base de compétences en ingénierie est plutôt récente. Cependant cette approche par compétences est déjà utilisée au niveau collégial dans les formations professionnelles mais également au niveau universitaire dans la formation médicale.

Dans cette communication nous voulons mettre l’accent sur l’apport des énoncés de compétences dans la planification et la mise en œuvre de curricula en génie électrique et en génie informatique. Nous pensons que cette approche est riche de promesses pour réformer et gérer la formation des ingénieurs. L’accent est sur le « produit » - quelle sorte d’ingénieur doit être produit – plutôt que sur le processus de formation.

LA SITUATION ACTUELLE

En ingénierie, le marché du travail, les entreprises s’attendent à ce que les finissantes et les finissants d’un programme de formation d’ingénieurs démontrent des compétences. Bien que toutes les écoles d’ingénieurs produisent des ingénieurs aptes à démontrer certaines compétences exprimées, reconnues ou pas, il demeure que l’adéquation entre les besoins du marché et les objectifs de formation est loin d’être parfaite. Nous pensons que la raison principale à ce manque est que les compétences de base ou finales sont inappropriées ou pas assez rigoureuses.

Harden ⁹ exprime ainsi le rôle des compétences dans la conception d’un curriculum en médecine (traduction libre) :

«à l’image du plan de l’architecte qui influence la méthode de construction d’un immeuble et le choix des matériaux requis, mais qui sert aussi comme outil de contrôle tout au long du processus de construction, il est impératif d’avoir des indications claires et précises sur les compétences finales («exit outcomes») que le programme est censé développer chez les personnes qui y sont inscrites.»

Dans le cas d'un programme de formation d'ingénieurs, il est donc nécessaire de répondre clairement aux questions suivantes:

• 
  Quelle sorte d’ingénieur est formé dans le cadre d’un programme?
  
• 
  Quelles sont les compétences acquises tout au long du processus de formation?
  
• 
  Quels éléments de compétences, d’habiletés (de capacités) doit avoir l’ingénieur, incluant ceux de compétences interpersonnelles et intrapersonnelles?
  
• 
  Est-ce que l’ingénieur doit être engagé dans tous les aspects éthiques, sociétaux de la profession?
  

Un énoncé des compétences à acquérir dans un programme permettra de répondre à ces questions.

DÉFINITION DU CONCEPT DE COMPÉTENCE

Le terme «compétence» est utilisé communément et est assimilé à tort soit à un objectif, soit à une performance potentielle ou soit à un savoir-faire.

Essayons de cerner mieux ce concept en empruntant de Perrenoud ¹⁰ cette définition plus exigeante:«de réserver la notion de compétences à des savoir-faire de haut niveau, qui exigent l'intégration de multiples ressources cognitives dans le traitement de situations complexes. Ce qui suggère immédiatement qu'une compétence peut-être décomposée en composantes plus spécifiques, «les éléments de compétences» dans la terminologie du collégial québecois, les «capacités» dans d'autres approches. Quels que soient leurs noms, on reconnaîtra que la somme de ces composantes n'équivaut pas à la compétence globale… le tout est plus que la simple réunion des parties…

... la compétence évoque le schème piagétien, structure invariante de l'action qui permet , au prix d'accommodations mineures, de faire face à une variété de situations semblables. La différence est que le schème est une totalité constituée qui sous-tend un seul geste ou une seule opération mentale, alors que la compétence est investie dans une entreprise plus complexe, mobilisant de multiples ressources cognitives d'ordres différents : schèmes de perception, de pensée, d'action, intuitions, suppositions, opinions, valeurs, représentations construites du réel, savoirs, le tout se combinant dans une stratégie de résolution de problèmes au prix d'un raisonnement, d'inférences, d'anticipations, d'une estimation des probabilités respectives de divers éléments, d'un diagnostic à partir d'un ensemble d'indicateurs, …»

Nous pourrions citer d’autres définitions mais, de manière synthétique, nous avons retenu pour l’ingénierie cette définition :

Une compétence, c'est:

• 
  un système de connaissances déclaratives (le quoi) ainsi que conditionnelles (le quand et le pourquoi) et procédurales (le comment);
  

• 
  organisé en schémas opératoires;
  

• 
  qui permettent, à l'intérieur d'une famille de situations, non seulement l'identification de problèmes, mais également leur résolution par une action efficace.
  

Soulignons que toute compétence intègre plusieurs connaissances qui peuvent être transversales.

LA CONCEPTION DU CURRICULUM CONDUITE PAR LES COMPÉTENCES

Traditionnellement le concept de curriculum comporte deux parties le contenu (ce que les étudiants doivent apprendre) et l’évaluation dont le mécanisme est conçu pour vérifier si le contenu a bien été assimilé par les étudiants. À ce concept viennent se greffer les méthodes d’apprentissage et par raffinement les objectifs d’apprentissage.

Pour atteindre ces différents composants, avec en toile de fond omniprésente les compétences, nous avons procédé en plusieurs phases.