XXVI
EN AVANT !
La nuit s’avançait quand Marcel aperçut en face de lui la masse sombre de la ville. L’ennemi maintenant était proche. Il lui fallait redoubler de précautions afin de n’être pas découvert.
Heureusement la berge envahie par les hautes herbes offrait une retraite facile au sous-officier. Il se fraya passage à travers les pousses, et immobile, retenant son souffle, il explora la rivière d’un œil attentif. Le long de l’autre rive, cinq canonnières étaient embossées. En se penchant, il distingua un peu en aval de sa cachette, deux autres navires.
– Cinq et deux font sept, murmura-t-il. J’en ai compté huit tout à l’heure, où est l’autre ?
Et curieux, comme un homme persuadé que la vie de braves marins dépend de ce qu’il verra, le jeune homme se prit à ramper, gagnant du côté des canonnières. Il arriva à leur hauteur. Ancrées à quelques mètres du rivage, elles se balançaient sur l’eau, entourées de petites lames qui se brisaient contre leur coque.
– Bateaux coulés, torpilles, redoutes, et pour finir, si un bâtiment français passe, les canonnières, fit encore Simplet ; quelle embuscade !
Mais, il avait beau regarder, le huitième navire siamois restait invisible. Tout en monologuant, le sous-officier faisait du chemin. Il dépassa les vaisseaux, reconnut l’endroit où le matin il s’était embarqué avec Yvonne. Le cœur serré, il continua cependant. Le bas du fleuve était masqué par un promontoire. Le courageux Français employa une demi-heure à le contourner. Sa patience devait être récompensée.
En effet, à la surface du fleuve, deux rangs de lanternes s’alignaient. Entre elles des pirogues se croisaient en tous sens, rayonnant autour d’une chaloupe, où elles semblaient venir à l’ordre.
Dalvan comprit. Les lumières indiquaient la passe libre, les embarcations procédaient à la pose des torpilles. Le piège tendu aux Français se développait sous les yeux de l’observateur. Il regardait de tout son être, établissant des repères afin de retrouver le chenal, notant dans son esprit les points où les torpilles étaient mises à l’eau.
L’opération touchait à sa fin, car la chaloupe regagnait le bord. Deux hommes en descendirent et disparurent dans une paillotte dressée à quelques pas du rivage. Mais si vite qu’ils y fussent entrés, Simplet avait reconnu la silhouette des personnages rencontrés dans le bois. Ils allaient encore machiner quelque trahison, ourdir une nouvelle trame.
Dalvan pressentit que sa présence à leurs côtés serait utile. Et quoique las, il rampa de nouveau, se traînant sur le sol, les coudes douloureux, les jambes ankylosées, poussé par le désir de savoir.
La paillotte était abandonnée depuis longtemps déjà. Les bambous de la charpente avaient fléchi en maint endroit, les murs de terre s’étaient crevassés, la toiture penchait. Des lianes, des arbustes, des ronces, lui faisaient une ceinture de verdure, comme si la nature, pressée d’effacer les vestiges du passage des hommes, avait pris soin d’ensemencer le terrain environnant. Évitant de produire le moindre bruit, de froisser les feuillages, retenant les cris de douleur que les crocs acérés des ronces faisaient monter à ses lèvres, il se faufila dans le fourré. Maintenant il était contre le mur même de la paillotte. Les fentes ne manquaient point. Il regarda ! Par le toit déchiré, des rayons de lune filtraient, éclairant l’intérieur d’une lueur incertaine. Les deux hommes étaient occupés à détacher leurs montures, remisées là lors de leur arrivée.
– Ainsi, disait l’Anglais, vous êtes certain que la canonnière envoyée à la rencontre des bâtiments français ne les rejoindra pas.
– Absolument. Mes ordres sont précis. Elle a dû mettre le cap au sud-est. Les Français arrivant par le sud-ouest…
L’Anglais eut un rire sonore.
– Parfaitement. Les ordres câblés de France ne parviendront pas à leur adresse et…
– La partie est gagnée, acheva Rolain.
Marcel frémissait de rage. Des ordres du gouvernement français étaient confisqués. Quels étaient les ordres ? Les conspirateurs triaient leurs chevaux au dehors. Et soudain, le jeune homme sentit comme une odeur de musc, il perçut un piétinement dans les herbes.
Brusquement il se retourna. À deux pas de lui, la gueule béante d’un crocodile se montrait avec son râtelier de dents aiguës. Dalvan empoigna son revolver, mais une réflexion l’arrêta :
– Si je tire, on me découvre, et alors mes camarades de la flotte sont perdus.
L’animal fit un pas. Son souffle fétide arrivait jusqu’au sous-officier. Ses yeux verts luisaient. Il avait faim. Une seconde, un siècle d’angoisse s’écoula. Un petit cri plaintif se fit entendre. C’était le lapin blanc qui, terrifié, les oreilles rabattues, la croupe bombée, se pressait contre son compagnon de quelques heures.
Menaçant, le crocodile ouvrit la gueule. Mais prompt comme la pensée, Marcel enleva Jeannot et le jeta entre les formidables mâchoires du monstre. Celles-ci se refermèrent sur leur proie. Le saurien disparut dans le fourré, puis l’eau du fleuve résonna sous le choc d’un corps lourd.
– Qu’est-ce que c’est que ça ? cria dans le silence la voix de l’Anglais.
– Rien, riposta l’organe de Rolain, un crocodile qui prend ses ébats.
Et les sabots de deux chevaux sonnèrent sur la terre. Dalvan s’était relevé, les tempes mouillées de sueur.
– Brrr ! murmura-t-il, la vilaine bête ! sans Jeannot…
Et déjà remis de son émotion :
– Je n’aimais pas le lapin, conclut-il, désormais j’adorerai même la gibelotte !
Tout bruit s’était éteint. Le piège tendu, les Siamois s’étaient dispersés. Simplet sortit avec précaution de sa cachette. Plus un homme en vue. L’eau du fleuve, moirée par la lune, coulait déserte. Au long de la rive, des pirogues étaient amarrées, mais les rameurs les avaient abandonnées. Ils dormaient sans doute en rêvant à la victoire assurée.
Bientôt Marcel sauta dans une des embarcations. Les pagaies étaient posées sur les bancs. Doucement il détacha l’esquif et s’abandonna au courant, se maintenant dans l’ombre de la berge. Une heure après, ayant passé inaperçu sous les canons des redoutes, il atteignait l’extrême-pointe de l’estuaire du Meïnam. Et là, harassé, il dissimula la pirogue dans les joncs géants, puis s’étendant au fond, il ferma les yeux et s’endormit.
Le jour vint. Et avec lui le réveil et la souffrance. La faim tordait les entrailles du sous-officier. Sortir de sa retraite, impossible. Il aurait été découvert, signalé, poursuivi, pris. Un soleil ardent ruisselait en cascade de feu. Mâchonnant des tiges de jonc pour leurrer son appétit, le jeune homme demeura tout le jour sous cette ardente averse.
La tête brûlante, les yeux troubles, il scrutait l’Océan. Vers quatre heures, il eut un cri de joie. Tout là-bas, au fond de l’horizon, des points noirs se montraient, couronnés d’un panache de fumée. Il en compta trois. Les points grandirent, devinrent distincts. C’étaient les navires français. Alors le sous-officier oublia tout, ses fatigues passées, le danger présent. Il saisit les rames, guida la pirogue hors du fourré aquatique, et se mit à nager vigoureusement vers la haute mer.
Des cris partirent des redoutes, des balles ricochèrent sur l’eau. Mais son allure n’en fut pas ralentie. Il allait, secoué maintenant par la houle, approchant de la barre qui formait un rempart liquide devant lui. D’un maître coup d’aviron, il enleva l’embarcation, franchit l’obstacle et fila droit sur le plus rapproché des steamers, au grand mât duquel flottait la flamme du commandement.
Déployer son mouchoir, l’agiter, fut la première pensée du sous-officier. Sa manœuvre attira l’attention des navires. Ils stoppèrent. Une chaloupe mise à l’eau se dirigea bientôt vers la pirogue. Vingt minutes plus tard, Marcel sautait sur le pont de la canonnière qui marchait en avant.
– Quel est ce bâtiment ? demanda-t-il.
– L’Inconstant, accompagné de la Comète et du Jean-Baptiste Say.
– Qui commande à bord ?
– C’est moi, fit un officier portant les insignes de capitaine de frégate.
Il dardait son regard clair et froid sur le jeune homme. Celui-ci ne baissa pas les yeux.
– Je suis le capitaine Bory, à qui vous vouliez parler, sans doute.
– Sans doute, capitaine, car depuis vingt-quatre heures, caché dans les roseaux du rivage, je guette votre arrivée… sans avoir rien à me mettre sous la dent du reste.
L’officier parut frappé de la réponse.
– De quoi s’agit-il ?
– Simplement de vous signaler une embuscade.
Et à grands traits le sous-officier raconta ce qu’il avait vu et entendu. Le marin écoutait sans faire un mouvement. Seules, les contractions de sa face brune et énergique dénotaient l’intérêt qu’il attachait à ce récit. Quand Dalvan eut fini, il lui serra la main.
– Merci, monsieur.
C’était la seconde fois qu’un représentant de la France adressait ces mots au voyageur.
– Votre nom ? reprit le capitaine Bory.
– Marcel.
– C’est un prénom cela ?
– Je n’en ai pas d’autre, au moins jusqu’à nouvel ordre.
L’officier s’inclina :
– Je n’insiste pas.
Il se retourna vers son second, qui attendait ses ordres à quelques pas.
– À la timonerie. Appelez à bord le lieutenant de vaisseau Dartige de Fournets et le capitaine Gicquel.
Puis s’adressant à Marcel :
– Les commandants de la Comète et du Jean-Baptiste Say qui m’accompagnent. Nous allons tenir conseil. Veuillez y assister. Vos renseignements seront précieux.
Il regarda le ciel qu’envahissaient de lourds nuages gris.
– Il va pleuvoir, murmura-t-il pensif. La nuit sera obscure. Qui sait !
Marcel s’éloigna et se promena sur le pont. Les matelots dévisageaient cet inconnu, qui apparaissait brusquement pour apporter des nouvelles assurément graves, puisque les signaux appelaient les commandants de la flottille sur l’Inconstant. Mais aucun ne lui adressa la parole. Chez ces hommes de devoir, accoutumés à l’obéissance passive, la curiosité n’est point indiscrète. Leur commandant savait de quoi il retournait, c’était suffisant. Il donnerait, le moment venu, les ordres nécessaires, eux les exécuteraient et tout serait dit. C’est cette insouciance du péril, cet abandon complet de leur existence à leurs officiers qui expliquent l’héroïsme déconcertant, l’audace inouïe de nos marins.
Cependant un quartier-maître vint avertir Simplet qu’on l’attendait dans la cabine du commandant.
Penchés sur une carte de l’embouchure du Meïnam, les trois officiers s’entretenaient vivement. À l’entrée du voyageur ils se turent, et le capitaine Bory lui demanda :
– Monsieur Marcel, voulez-vous répéter à ces messieurs ce que vous m’avez rapporté tout à l’heure ?
– Volontiers.
– Allez lentement. Nous suivrons sur la carte.
Alors, Simplet rappela les incidents de son retour vers Paknam. Il dit la rencontre des canonnières, de l’armée siamoise, la conversation de Rolain avec l’Anglais, puis sa course à travers la nuit, sa station au coude du fleuve, d’où il avait vu les bateaux placer les torpilles. Ici, les officiers l’arrêtèrent.
– Savez-vous lire une carte ?
– Parfaitement.
– Alors, tenez. Voici le cours du fleuve, la presqu’île dont vous parlez… Où étiez-vous le plus exactement possible ?
Dalvan se pencha sur le plan.
– C’est aisé, fit-il après un rapide examen. Voici la paillotte où le seigneur Rolain et son ami l’Anglais avaient abrité leurs chevaux. Elle se trouvait à une centaine de mètres à gauche de mon observatoire.
Et marquant de l’ongle un point sur la carte :
– J’étais ici.
Les marins échangèrent un regard de satisfaction.
– Bien ! s’écria le capitaine Bory ; placez-vous par la pensée à l’endroit que vous désignez et dites dans quelle direction étaient placés les feux qui, à votre avis, bordaient le chenal libre.
Marcel tressaillit. Il considéra ses interlocuteurs. À leurs yeux brillants, à je ne sais quoi d’éclatant dans leurs physionomies, il comprit que déjà, dans leur esprit, avait germé la volonté de franchir les obstacles accumulés devant eux. Ce qu’ils lui demandaient c’était la route à suivre. Un instant il se recueillit, hésitant presque à assumer la lourde responsabilité qui lui venait des circonstances. Une erreur pouvait entraîner la perte des navires, la mort des braves gens qui les montaient. Mais le souvenir lui revint net, précis. Il avait gravé dans son cerveau tous les détails de la scène nocturne.
Et lentement, il traça une ligne partageant le Meïnam en deux parties inégales.
– Ce doit être cela, firent les officiers.
Simplet les regarda.
– Oui, expliqua le capitaine Bory, le chemin habituel des bâtiments est plus rapproché de la rive gauche. Ils ont songé à tout, ces bons Siamois, même à déplacer le chenal. Une seule chose leur a échappé : c’est qu’un homme de cœur pouvait se cacher dans la nuit pour surprendre leur guet-apens.
Et sans laisser au jeune homme le temps de répliquer.
– Avant de regagner votre pirogue, continua-t-il, ne désirez-vous rien de nous ?
Dalvan sursauta :
– Regagner ma pirogue !
– Oui, nous sommes décidés à tenter l’aventure. Le pavillon français ne peut pas être tenu en échec par des Siamois. Mais il n’est pas nécessaire de vous entraîner dans le danger, puisque après tout vous n’appartenez pas à nos équipages.
Le sous-officier fit la grimace, puis :
– Vous m’avez prié de vous dire si je ne désirais rien de vous ?
– En effet.
– Eh bien, je désire deux choses.
– Voyons ?
– La première, rester à bord de l’Inconstant.
Et comme les marins esquissaient un geste.
– Oh ! je sais bien, dans la marine vous avez le mépris des terriens. Bien sûr, nous n’allons pas sur l’eau aussi bien que les matelots, mais pour aller au feu…
Les officiers se mirent à rire.
– Soit, vous restez à bord. Et votre seconde demande ?
– Ma seconde ? Ah oui ! faites-moi donner à manger, je tombe d’inanition.
Un peu après, tandis que le lieutenant Dartige de Fournets et le capitaine Gicquel retournaient à leurs bâtiments respectifs, Dalvan dévorait un biscuit sur lequel s’amoncelait une tranche de bœuf conservé. Il mangeait sur le pouce, sans façon, ayant obstinément refusé de quitter le pont. Il voulait voir. Voir autant que possible, car la nuit venait. De plus, une pluie fine commençait à tomber, crépitant sur les lames.
Soudain une colonne de fumée s’échappa des tuyaux de la machine, l’hélice battit les flots, et l’Inconstant piqua droit vers l’estuaire du Meïnam, suivant le Jean-Baptiste Say qui était passé en tête. La Comète venait la dernière.
Au même instant, le bateau-phare, situé en avant de l’îlot de Chedi-Pak-Nam, s’allumait, et les rayons de son feu blanc éclairaient la marche des croiseurs français. La côte se noyait d’ombre. Et c’était émouvant de songer que, dans l’obscurité, des canons chargés étaient prêts à vomir des obus sur ces navires, qui filaient sans souci des dangers échelonnés sur leur route. On atteignit la barre.
– Ils ne veulent pas tirer, se dit Marcel, ils pensent que leurs torpilles suffiront.
Il achevait à peine que des éclairs sillonnèrent la rive gauche, bientôt suivis de détonations assourdies. Aussitôt les batteries de la rive droite tonnèrent. À son tour l’îlot Chedi s’embrasa. Et le Jean-Baptiste Say, atteint dans ses œuvres vives, alla s’échouer à la côte.
L’Inconstant et la Comète ne s’arrêtèrent point pour lui porter secours. Les minutes étaient comptées. On ne pouvait espérer réussir qu’en surprenant l’ennemi par la rapidité des évolutions. La voix du capitaine Bory s’éleva :
– Forcez les feux !
Les cheminées lancèrent des tourbillons de fumée noire, la membrure du navire vibra sous la rotation accélérée de l’arbre de couche, l’hélice se tordit sous les eaux et le croiseur embouqua la passe. Les batteries faisaient rage. Comme un tonnerre continu les canons grondaient. Un ouragan de fer s’abattait autour de l’Inconstant. Il fallait se hâter plus encore.
– Maître mécanicien, cria encore le capitaine, forcez la vapeur !
– Impossible, capitaine, maximum de pression.
– Chargez les soupapes !
Après cet ordre, un silence ; puis sous les coups sourds des pistons, les plaques de couche sautaient avec des tintements métalliques, et tous ces bruits, unis au sifflement de la vapeur, couvraient le fracas de l’artillerie.
Un ronflement, un choc, un éclatement. Dans une gerbe de feu, la canonnière parut un instant, puis tout rentra dans l’ombre. Un obus venait de tomber à quelques pas de Marcel, tuant trois hommes. Et le vaisseau eut comme un sursaut. Toutes les pièces avaient fait feu en même temps. C’était la première riposte des Français. On atteignait l’extrémité de la passe. On allait retrouver la rivière libre d’embûches. La zone la plus dangereuse était franchie.
Mais un remous épouvantable se produisit. Une vague énorme, géante, monta à dix mètres de haut, secouant les eaux ainsi qu’une commotion volcanique. Une torpille avait sauté à l’arrière de l’Inconstant. Sous l’effort de la lame, le steamer pivota sur lui-même, se plaçant en travers du courant.
– La barre à tribord… toute ! rugit le capitaine Bory.
Et soudain, comme un cheval ramené par un habile cavalier, l’Inconstant se relève et reprend sa course folle. Il va, couronné de vapeurs noires que les étincelles sèment de rubis, il va crachant les obus. Dans l’ombre une silhouette se dessine. C’est une canonnière siamoise qui s’est mise en travers du fleuve pour arrêter l’élan des navires français. L’Inconstant ne se détourne pas. Un choc épouvantable a lieu, et le vaillant vapeur continue sa charge héroïque, après avoir coupé de son éperon l’avant du vaisseau ennemi qui s’engloutit lentement.
Intimidée, la flotte siamoise n’ose poursuivre les braves bateaux qui ont accompli un des plus beaux faits d’armes de la marine française.
Hors de portée des forts, les canonnières ralentissent leur allure échevelée. Ils n’ont plus rien à redouter. Il y a bien encore une redoute à Paklet, à quelques kilomètres plus haut, mais on ne l’a pas mise en état. À quoi bon ? Les prévisions les plus pessimistes n’admettaient pas que les Francs arriveraient jusque-là. Et l’Inconstant, ayant dans son sillage la Comète qui n’a été atteinte par aucun projectile, mouille à Bangkok, en face du Consulat français. Deux cent quinze marins de Gaule tiennent sous une menace de bombardement une ville de trois cent mille habitants.
Et tandis que ces braves se réjouissent, Marcel, accoudé au bastingage, considère la cité des Thaï ; il regarde la foule qui grouille sur les plates-formes des maisons flottantes, ahurie de la venue des Francs. Doucement, il se dit :
– C’est ici que ma chère petite Yvonne est prisonnière. Il s’agit de la retrouver maintenant que j’ai sauvé les autres !
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