L’entreprise Lumière.
Plan :
I/ Le rêve d’un père.
II/ L’empire industriel.
a) Entrée en bourse et mise en place du conglomérat.
b) Les clés du succès.
c) Le départ des frères.
III/ Les studios Lumière : l’aventure cinématographique.
I/ Le rêve d’un père.
La famille Lumière est d’origine très modeste. Antoine Lumière, le père, devient orphelin à 14 ans lorsque ses deux parents meurent du choléra. Devenu peintre, il s’installe dans un premier temps à Besançon où il se marie et a trois enfants : Auguste, Louis et Jeanne, puis à Lyon.
Il fonde alors, rue de la Barre, un studio de photographie relativement prospère et poursuit son activité. Les deux frères sont alors élèves du lycée technique « La Martinière » à Lyon. Cependant, ce n’est que lorsque l’ingénieur belge Van Monkhoven invente ses plaques photographiques que l’aventure débute réellement. Ces plaques, alors révolutionnaires pour l’époque, permettaient en effet de préparer à l’avance les dites plaques et de les stocker en vue d’une utilisation ultérieure.
Antoine, décelant en cette innovation un potentiel remarquable, s’attelle alors en à reproduire le procédé. Il installe un atelier dans le sous sol de son studio et tente pendant de longs mois à y parvenir. Cependant, c’est son fils louis, qui, à 17 ans, réussit non seulement à copier les plaques Belges mais les améliore en créant des plaques plus faciles à produire et qui ne nécessitent pas de lavage. Antoine lumière, convaincu du succès de cette innovation, rassemble des fonds et achète un terrain à Monplaisir (pas de taxes charbon/verre) en 1882 pour 50000F avec pour projet d’y fonder une usine. Cependant, cet achat conséquent porte la famille Lumière à une situation économique proche de la faillite.
Louis lumière améliorera plus tard encore la plaque, permettant cette fois au photographe de prendre des photos instantanées. La production, qui est jusqu’alors artisanale, ne suffit plus à satisfaire la demande de plus en plus nombreuse des clients. Ce sont ces plaques (répondant au nom d’étiquettes bleues), qui permettront de sauver l’entreprise de la faillite et d’en assurer la prospérité pendant plusieurs années.
Les débuts industriels de la famille Lumière sont héroïques. Les enfants de la famille travailleront de 12 à 14 h par jour dans l’atelier de leur père, produisant les dites plaques, ne prenant que de brèves pauses aux heures des repas. La famille entière est investie dans ce projet, l’échec signifiant la ruine. Cependant, le vent finit par tourner et c’est ainsi que le 5 janvier 1884, la société Antoine lumière et ses fils est fondée. Elle fait, lors de sa première année de fonctionnement 500000F de bénéfices.
II/ L’empire industriel.
a) Entrée en bourse et mise en place du conglomérat.
La société Lumière va ainsi prospérer jusqu’à ce qu’en 1892, l’expansion de l’entreprise est telle que le statut d’entreprise en nom propre ne suffit plus. La Société Anonyme Antoine Lumière et ses fils est alors fondée avec un capital de départ de 3 millions de francs (somme colossale pour l’époque). Le développement de l’entreprise est parfaitement remarquable. En effet, aux vues du contexte économique de méfiance des milieux bancaires et de l’étroitesse des marchés (très forte concurrence nationale et internationale), il est difficilement concevable qu’une telle explosion ait pu avoir lieu.
Fort d’un potentiel commercial et industriel conséquent, l’entreprise fait son entrée en bourse en 1896. Elle sera à l’origine, lors de sa première année de 2,7 millions de francs de chiffre d’affaire (soit à peu de choses près, son capital de départ).
Son expansion fulgurante aidant, la société engage une démarche de concentration des fournisseurs (papeteries, moulins, entreprise Montgolfier, verreries, industries chimiques) qui viennent s’ajouter aux quatre pôles de production déjà existant (l’usine Monplaisir étant la plus connue). Dans le même temps, elle engagera diverses procédures économiques visant à leur assurer un quasi-monopole dans le domaine photographique, d’abord à une échelle régionale puis nationale. C’est ainsi qu’elle fusionnera avec Planchon en 1902 puis avec Jougla en 1911 pour devenir l’UPI (Union Photographique Industrielle). Toutes ces démarches ont alors permis au conglomérat d’accroitre son influence dans le domaine photographique et de conforter sa position d’entreprise majeure à l’échelle nationale.
b) Les clés du succès.
L’entreprise s’appuie sur un tissu relationnel très dense. En effet, l’entreprise, malgré son envergure est restée très familiale. Les postes de décision sont confiés à des membres de la famille ce qui assure un contrôle de la famille sur l’entreprise et de la « bonne foi » des décideurs.
Les frères lumières s’entourent de connaissances, notamment avec lesquelles ils ont fait leurs études (Planchon …). L’influence de l’effervescence industrielle et intellectuelle dans laquelle est plongée la région Lyonnaise n’est pas non plus à négliger. En effet, notamment par leur implication dans les activités de la « nouvelle bourgeoisie industrielle lyonnaise » (l’aéronautique club et automobile club), les frères entrent en lien direct avec les plus grands industriels de la région. Ils organisent notamment de somptueuses réceptions au château Lumière, tout cela leur permettant notamment de disposer de relations « utiles ».
La Première guerre mondiale est une période de prospérité pour lumières. Ceux-ci vendent des papiers et plaques photographiques à l’état français qui seront utilisés pour les photos aériennes. De plus, les usines chimiques utilisées normalement pour la préparation des émulsions produiront de poudre et des armes pour l’armée française.
c) Le départ des frères.
Un employé du crédit lyonnais qui a visité l’entreprise en 1906 a dit des frères lumières « Les frères lumières sont des techniciens et chercheurs de valeur mais leur connaissances financières sont à peu près nulles. » En effet, bien que s’étant fortement investi dans le rêve de leur père, les frères n’étaient en effet pas particulièrement intéressés par l’industrie ou le commerce.
C’est ainsi qu’en 1920, Auguste et louis quittent la direction de l’entreprise pour se concentrer sur la recherche, la direction étant alors assurée par Henri Lumière. Cependant, la concurrence internationale (Pathé, Edison …) devient de plus en plus rude et pousse finalement Henri à réorienter une partie de l’activité de l’entreprise dans de nouveaux domaines industriels, notamment dans les domaines de la fibre textile.
Le départ des frères s’accompagne d’une perte conséquente en termes de potentiel d’innovation (qui représentait l’atout majeur de l’entreprise), ceci s’ajoutant à la concurrence internationale et à la conjoncture économique et politique très peu favorable (krach boursier).
Multipliant les partenariats, alliance avec CIBA (suisse) et Ilford (UK), la société lumière tend doucement mais irrémédiablement vers sa fin jusqu’à ce qu’en 1976, l’usine Lyon Monplaisir ferme. Bien que de nombreux pôles de production subsistent sous de nos jours sous le nom de la société Ilford France, il est légitime de considérer la fermeture de l’usine avec laquelle tout a commencé, comme la fin de l’empire Lumière.
Conclusion
Au final, on peut retenir de l’entreprise lumière sa formidable expansion à travers le monde et les innovations majeures qu’elle a pu apporter aux domaines dans lesquels elle a choisi d’investir (chimie, cinéma, photographie, médecine, acoustique …). Cependant, elle est aussi l’empreinte de la difficile adaptation de découvertes purement scientifiques à une application industrielle (production de masse, commercialisation….). De ses débuts héroïques à sa fin silencieuse, c’est avant tout par les frères lumières, leur investissement dans ce projet et leur ingéniosité, qu’a vécu l’entreprise et bien que disparue, l’héritage culturel majeur qu’elle laisse et son évolution hors du commun en ont fait l’un des complexes industriels majeur du XX° dans la culture populaire.
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