Le terme “ constructiviste ”, qui apparaît dans tous les discours, projets et rapports pédagogiques, dans toutes les présentations théoriques de l’apprentissage et dans tous les milieux pédagogiques, n’est plus aujourd’hui, selon Duffy et Cunningham (1996), qu’un “ slogan, un cliché et même une banalité ” (p. 170). Ce terme recouvre une multiplicité de significations qui dissimulent bien souvent un vide théorique ou qui, en tout cas, renvoient à une multiplicité de points de vue (Philips, 1995). Il apparaît donc indispensable, non seulement de clarifier la notion, mais encore d’expliciter les fondements communs qui sont à la base de l’ensemble du paradigme et qui permettent seuls d’analyser la pertinence des designs et des environnements d’apprentissage qu’ils inspirent, mais aussi de comprendre l’effet des nouvelles technologies sur l’évolution du paradigme.
Selon ces mêmes auteurs, deux idées fortes sont communes à tous ces points de vue. Tout d’abord, l’apprentissage est conçu comme un processus de construction des connaissances, et non pas comme un processus d’acquisition des connaissances. Ensuite, les activités d’enseignement sont des activités d’aide à la construction des connaissances et non pas des activités de transmission des connaissances. La plupart des auteurs qui ont analysé ce paradigme et ont rendu compte des designs qu’il a inspirés se sont attachés à examiner la façon dont l’apprentissage et la cognition sont distribués dans les environnements, plutôt qu’à décrire la façon dont les connaissances sont construites et stockées dans la tête de l’individu (Cunningham & Knuth, 1993). Cependant, ce paradigme a donné lieu à deux types d’approches bien distinctes, mais souvent confondues dans les modèles et les designs qui sont à la base des environnements d’apprentissage (Hannafin, Hannafin, Land & Oliver, 1997).
L’approche constructiviste individuelle, dérivée de la théorie piagétienne et qui se concentre sur l’activité du sujet, conçoit la construction des connaissances comme un ensemble de processus d’“ assimilation ” des informations nouvelles aux schémas anciens. Les connaissances nouvelles qui en résultent constituent les nouveaux objets de pensée sur lesquels les sujets s’appuient pour agir (Piaget, 1977). Von Glaserfeld (1995) a analysé le rôle des partenaires qui, dans l’activité du sujet, facilitent la cassure du “ puzzle ” de connaissances antérieures, constitutives des schémas, et qui contribuent ainsi à construction des connaissances nouvelles. Les travaux sur le conflit socio-cognitif et son rôle dans l’assimilation individuelle des connaissances aux schémas antérieurs rentrent dans ce cadre (Doise & Mugny, 1984 ; voir Dillenbourg, Baker, Blaye & O’Malley, 1995).
L’approche socioculturelle inspirée des travaux de Vygotski, Leontiev et Bakhtine (voir Wertsch, 1985) et qui met l’accent sur le contexte socioculturel de la cognition conçoit la connaissance comme le résultat d’une co-construction. On imagine aisément le succès d’un tel principe qui peut facilement servir de base et de justification théorique à de nombreux designs pédagogiques et à de nombreux environnements d’apprentissage compatibles avec le travail de la classe. Malgré le scepticisme provoqué par certaines faiblesses de ces modélisations (Braden, 1996), cette approche a cependant ouvert la voie à la constitution de nombreux cadres théoriques qui ont pour point commun de concevoir l’apprentissage comme une activité située socialement (“ Situated cognition ”, voir Brown, Collins & Duguid, 1989 ; Anderson, Reder & Simon, 1996 ; Lave & Wenger, 1991 ; McClellan, 1996) et ancrée dans la réalité quotidienne (Bransford, Sherwood, Hasselbring, Kinzer & Williams, 1990). Cette approche ne s’inspire pas uniquement des théories cognitivistes, elle s’appuie aussi sur des courants très forts de la philosophie des sciences (Kitcher, 1990) qui conçoit l’activité cognitive comme une activité distribuée ou partagée socialement dans le but d’étendre les ressources cognitives individuelles (Pea, 1993).
Malgré la tentative de certains auteurs pour rendre complémentaires et unifier ces deux grandes approches (Cobbs, 1994) – souvent confondues dans les designs instructionnels et sous la pression des environnements qu’ils inspirent –, Duffy et Cunningham (1996) jugent contradictoire la position qui consiste à concevoir la construction des représentations des connaissances du monde comme résultant d’une activité abstraite et formelle telle que la conçoit Piaget, et celle qui conçoit les processus d’apprentissage comme des processus insérés dans les pratiques socioculturelles et collectives. Ce sont ces pratiques d’action sur le réel, qui en transformant les représentations de ce réel, sont responsables de la (re)construction des connaissances. Cette idée apparemment simple renvoie en réalité à des conceptions philosophiques et épistémologiques (Jonassen, 1991) que la pression des concepteurs d’environnements d’apprentissage oblige à prendre en compte sous peine de tomber dans le simplisme et l’applicationisme béat. En effet, le monde dont il s’agit, n’est pas simplement le monde réel, ni le monde expériencé comme certains spécialistes des sciences cognitives ont tendance à le concevoir, il est le monde de la complexité. L’apprentissage est une activité de construction des connaissances du monde de l’individu qui implique une activité “ sémiotique ” (Cunningham, 1992 ; Dinter, 1999 ; Seel, 1999) qui va au-delà de l’expérience immédiate et individuelle du sujet. Pour Deely (1982), c’est par le(s) langage(s) que les individus s’engagent dans ce type particulier de construction collective d’un monde façonné par la culture, c’est-à-dire par la collectivité (Lave & Wenger, 1991).
De nombreuses données ont confirmé la plus grande efficacité de l’apprentissage collaboratif sur l’apprentissage individuel (Dillenbourg, Baker, Blaye & O’Malley, 1995 ; Teasley & Roschelle, 1993)
L’analyse des principes qui définissent les grands paradigmes de l’apprentissage ne suffit pas pour clarifier les fondements des systèmes d’aide à l’apprentissage qu’ils ont inspirés, ni pour comprendre les effets des tic sur l’évolution de ces théories. C’est pourquoi, à partir de l’analyse des principes qui définissent ces paradigmes, il nous semble important de rendre compte des principaux types de designs ou de modèles d’enseignement qui s’inspirent explicitement ou implicitement de ces paradigmes.
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