Le Maroc va se doter d’une autorité pour la parité hommes-femmes Avec la création dans le courant de l’année d’une autorité pour la parité et la lutte contre les discriminations, le Maroc agit en pionnier dans le monde arabo-musulman.
13/1/16 - 09 H 06
http://wwwla-croix.com /Actualite/Monde/Afrique/Le-Maroc-va-se-doter-d-une-autorite-pour-la-parite-hommes-femmes-2016-01-13-1403789?&PMID=42aade1f2b19c34152cdfad0b6a10bb2
Hervé BOUTET/DIVERGENCE
Des femmes descendent de leurs immeubles pour faire des courses dans le quartier populaire Hay Hassani, à Casablanca, au Maroc.
Les ONG s’indignent toutefois du fait que cette institution prévue par la Constitution de 2011 soit réduite à une « coquille vide ».
Le conseil des droits de l’homme souligne les graves discriminations dont restent victimes les femmes et secoue la société marocaine en réclamant l’instauration de l’égalité en matière d’héritage.
« Le Maroc est un pays qui avance ! ». Le compliment vient d’une « institution » du pays : Driss El Yazami, militant historique des droits de l’homme victime des répressions du Maroc d’Hassan II. Cet homme qui préside depuis 2011 le conseil national des droits de l’homme (CNDH) œuvre à ce titre aux changements de la société marocaine de l’intérieur, aux côtés des autorités.
À ses yeux, le pays connaît des évolutions sociologiques « vertigineuses » : « Les femmes qui avaient encore sept enfants dans les années 1970 n’en ont plus que deux aujourd’hui, 100 % des filles sont désormais scolarisées dans le primaire » souligne-t-il.
Le CNDH propose aujourd’hui une véritable révolution : l’instauration de l’égalité successorale entre les femmes et les hommes, alors qu’en vertu des prescriptions coraniques la femme hérite de la moitié d’une part revenant à un homme. « C’est la première fois dans le monde musulman qu’une institution publique réclame l’égalité en matière d’héritage ! »
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Une question sensible et des réactions violentes
Driss El Yazami revendique d’avoir levé un tabou qui suscite une immense bronca dans la société. « La question est très sensible. Il y a des réactions violentes. Des accusations très graves d’apostasie ont été portées contre le CNDH », admet-il.
Mais d’ajouter : « Le débat s’est imposé. Les questions d’égalité et de parité sont devenues un enjeu permanent. Ce qui est essentiel c’est de pouvoir s’affronter pacifiquement sur des projets de société ».
En l’occurrence, le CNDH croise gentiment le fer avec le gouvernement dirigé par les islamo-conservateurs du parti justice et développement (PJD) qui, à contrecœur et à retardement, est en passe de faire naître l’autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination (Apald).
Le roi lui-même s’était inquiété fin 2014 du manque d’avancée du projet de loi portant création de cette institution, prévue dans la constitution de 2011. Le CNDH a remis le 29 décembre dernier son avis sur le projet, actuellement à l’étude au parlement.
Driss El Yazabi juge toutefois nécessaire « d’améliorer substantiellement le projet ». Car selon lui, celui-ci restreint le rôle de cette autorité indépendante à un simple « conseil consultatif ».
« Le gouvernement a fait de cette autorité une coquille vide »
Les associations féministes et de défense des droits humains, elles, ne décolèrent pas. « Quelle peut être l’indépendance d’une autorité dont douze des seize membres sont nommés par le chef de gouvernement ? En l’occurrence par un chef de gouvernement qui considère les femmes comme des « lustres » et qui a plusieurs ministres polygames », tempête Saïda Drissi, vice-présidente de l’association démocrate des femmes marocaines à Rabat.
En juin 2014, devant le parlement, le premier ministre, Abdelilah Benkirane, avait critiqué « le modèle européen » de société et qualifié les femmes de « lustres » qui éclairent les maisons. « Lorsque la femme est sortie des foyers, ceux-ci sont devenus sombres », avait-il insisté.
« Il faut que l’Apald soit indépendante, qu’elle ait une capacité d’autosaisine, de décision et d’intervention, qu’elle soit dotée d’un pouvoir quasi judiciaire lui permettant de mener des enquêtes, poursuit Saïda Drissi. Le gouvernement a fait de cette autorité une coquille vide. Tel qu’il est, on préfère que le texte ne passe pas ». Tout comme le projet de loi pour lutter contre la violence faite aux femmes avait été retiré en 2013, avant d’être en passe d’être à nouveau exhumé.
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La réalité alarmante des violences physiques
Car si le Maroc avance, Driss el Yazabi ne cache pas « les sérieux blocages » de la société, « l’acceptation sociale des violences faites aux femmes »,« les discriminations » et « les régressions » dont elles sont victimes. Autant de points noirs qui imposent pour le CNDH d’amender le code de la famille et d’instaurer une Apald puissante.
« Le taux d’activité des femmes qui était de 29 % - contre 75 % pour les hommes - a reculé de plus de 5 % ces dernières années. C’est une manifestation révélatrice des discriminations », insiste-t-il. Le conseil économique, social et environnemental du Maroc avait également relevé la « réalité alarmante » de ce recul dans son rapport sur les discriminations à l’égard des femmes dans la vie économique, paru fin 2014.
Et le CNDH avait de son côté estimé que « la violence constitue un puissant instrument de contrôle social sur le corps des femmes et sur leur liberté de mouvement » dans son rapport sur « l’état de l’égalité et de la parité au Maroc » publié à l’automne dernier. Une enquête a ainsi montré qu’une femme vêtue d’une tenue moderne courte est deux fois plus victime de violences physiques dans l’espace public qu’une femme voilée portant une tenue longue.
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L’état de l’égalité hommes-femmes au Maroc
Dans son rapport publié le 20 octobre 2015, le conseil national des droits de l’homme du Maroc relève les avancées significatives de ces dernières années qui « place le Maroc dans une situation très avancée par rapport aux pays arabes ». Ainsi le code de la famille a supprimé le devoir d’obéissance de la femme à son mari et instauré la coresponsabilité des époux.
En dépit d’une législation qui se veut plus restrictive, le CNDH signale la poursuite des mariages polygames autorisés dans près de la moitié des cas par les juges et un quasi-doublement de la part des mariages de mineurs – à plus de 99 % des filles – autorisés par les juges, passés de 7 % en 2004 à 12 % en 2013.
Le Maroc est classé au 126 e rang mondial pour l’indice de développement humain et au 117e rang pour l’indice d’inégalité de genre par le Programme des Nations unies pour le développement.
Le Forum économique mondial a classé le Maroc au 139e rang sur 145 pays dans son rapport 2015 sur la parité.
Marie Verdier
L’Opinion -
Allemagne : les six leçons des agressions de Cologne
Luc de Barochez , à Francfort
12 Janvier 2016 à 15h40
http://www.lopinion.fr/edition/international/allemagne-six-lecons-agressions-cologne-94493?utm_source=Email&utm_medium=18h&utm_campaign=160112&utm_term=
Deux semaines après la dramatique nuit de la Saint Sylvestre à Cologne et dans d’autres villes d’Allemagne, les réfugiés continuent d’arriver, malgré l’hiver, au rythme d’environ 3000 par jour. A ce rythme, le nombre de demandeurs d’asile accueillis en Allemagne en 2015 (officiellement 1,1 million) risque fort d’être dépassé en 2016. Au Proche-Orient, les causes du Grand exode sont loin de se tarir. Cette perspective rend d’autant plus urgent le besoin de tirer les leçons des agressions de Cologne. Elles sont au moins six.
1/Le sentiment de sécurité des citoyens est primordial. Si l’Etat manque à son rôle premier, qui est de garantir la liberté et la sécurité de ses ressortissants, la panique gagne et le politique perd toute marge de manœuvre. Les Allemands avaient dans leur grande majorité accepté avec équanimité l’afflux des demandeurs d’asile de Syrie et d’ailleurs. L’ambiance a basculé dès que l’impression s’est répandue que ce n’était plus seulement les dépenses publiques, le marché du travail ou l’accès au logement qui risquaient d’en pâtir, mais aussi la sécurité physique des Allemandes. C’est pourquoi la première faute commise le soir du 31 décembre, après celle des malfaiteurs eux-mêmes, est à mettre au compte de la police. Le renseignement a failli, car les agressions ont été sans doute orchestrées via les réseaux sociaux et les applications de messagerie instantanée. L’exécution a failli, puisque les renforts nécessaires n’ont pas été demandés et que même ceux qui ont été offerts ont été refusés. La communication a failli, puisque les forces de l’ordre, au petit matin, ont décrit une nuit « globalement calme » sur le parvis de la plus grande cathédrale gothique d’Europe, alors que plus de 500 victimes se sont déclarées depuis. Il faut noter cependant que des conséquences personnelles ont été tirées sans tarder avec la mise à la retraite anticipée du chef de la police locale, Wolfgang Albers. La France, malgré la gravité des attentats de janvier et novembre 2015 et les failles sécuritaires ainsi révélées, ne peut pas en dire autant.
2/La statistique ethnique est utile. Le débat politique s’est focalisé sur le point de savoir si certains malfaiteurs étaient des réfugiés, et s’ils faisaient partie de la vague de 2015. La police a reconnu que le millier de jeunes abondamment alcoolisés sur le parvis étaient dans leur grande majorité d’origine « nord-africaine ou arabe ». Sur les 19 suspects depuis identifiés par la police, neuf résident illégalement en Allemagne et dix sont des demandeurs d’asile, dont neuf arrivés en 2015. La majorité est d’origine marocaine ou algérienne. En Allemagne, de telles statistiques sont usuelles. D’une part, la population ne comprendrait pas que sur une affaire aussi grave, on ne lui donne pas les informations les plus détaillées possible ; d’autre part, il est évident que de puissants déterminants culturels, fruits d’une société patriarcale rigide déstabilisée par les bouleversements sociaux, le chômage de masse et la misère sexuelle, sont à l’œuvre dans les agressions et les crimes (deux viols ont été enregistrés) du 31 décembre. « Le monde arabe hait les femmes », expliquait l’écrivaine égyptienne Mona Eltahawy en 2012. Ce n’est pas là le moindre des défis que va devoir relever l’Allemagne : inculquer aux réfugiés, qui sont aux trois quarts des hommes de moins de 30 ans, des codes de comportement d’une société européenne ouverte.
3/L’occultation est contre-productive. La colère de la population a été d’autant plus forte que la police a cherché à dissimuler la gravité des événements, pour des raisons qui tiennent, d’une part, au refus « politiquement correct » d’incriminer une communauté particulière et d’autre part, à l’habitude qu’avaient certains Länder de ne jamais communiquer autour des crimes et délits sexuels, par souci pour la dignité des victimes. C’est bien fini. En l’occurrence, la préoccupation du « politiquement correct » n’a fait qu’ébranler un peu plus la confiance dans les pouvoirs publics, dès que l’ampleur des troubles a été connue. Une autre forme de dédramatisation a été le fait de féministes qui se sont emparées du sujet pour expliquer que le sexisme était universel et que des crimes sexuels étaient aussi commis par des Allemands, à la fête de la bière de Munich par exemple. L’argument est tombé à plat dans une société d’abord préoccupée par les réfugiés, que beaucoup de citoyens avaient mis un point d’honneur à accueillir chaleureusement.
4/L’asile ne doit pas être confondu avec l’immigration. L’Allemagne vieillissante a besoin d’une démographie plus dynamique que seule, à court terme, une immigration importante peut lui offrir. Mais au lieu de la gérer de manière proactive, elle subit passivement l’arrivée de réfugiés dont la formation ou la culture ne correspondent pas forcément à ses besoins. Comme l’a souligné l’ancien président du tribunal constitutionnel, Hans-Jürgen Papier, le 12 janvier dans le Handelsblatt, « la politique d’asile souffre depuis longtemps du fait qu’on a négligé de distinguer entre d’une part une protection individuelle contre la persécution, et d’autre part la gestion d’une politique migratoire pour les réfugiés économiques. »
5/L’intégration est la clé du succès. L’histoire contemporaine allemande montre qu’il n’y a pas de raison de désespérer. L’Institut de criminologie de Hanovre qui étudie le comportement des immigrés originaires de Turquie ou d’ex-Yougoslavie indique que les chiffres de délinquance sont en recul constant dans ces communautés, notamment, pour les Turcs, pour les cas de violence familiale (« crimes d’honneur »). C’est une question de temps, de formation mais surtout d’intégration au marché du travail.
6/Le gouvernement va avoir du mal à remonter la pente. Angela Merkel avait pressenti l’an dernier que la crise des réfugiés déterminerait l’ensemble de son bilan à la tête de l’Allemagne. C’est encore plus vrai depuis le 1er janvier. La vigueur avec laquelle la chancelière a réagi montre qu’elle a compris le danger. Le Bundestag doit débattre dès cette semaine d’une nouvelle législation permettant d’expulser les demandeurs d’asile condamnés, même avec sursis, ou étant présents illégalement, ce qui peut concerner des milliers de personnes. Les sondages n’ont pas montré – pour l’instant – de recul significatif d’Angela Merkel ou de la CDU depuis le 1er janvier. Mais le parti populiste Alternative pour l’Allemagne (AfD) est orienté à la hausse depuis des mois. Et surtout, l’influence européenne de la chancelière est affectée par son cavalier seul sur le sujet. Contrairement aux années précédentes, elle a renoncé à se rendre à Davos la semaine prochaine. Même si elle a démenti tout lien avec la crise des réfugiés, cela montre que la scène intérieure sera sa priorité en 2016.
Bloomberg -
IMMIGRATION
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