Mémoire d’étude – Janvier 2007


L’évolution des services de référence dans un environnement concurrentiel



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L’évolution des services de référence dans un environnement concurrentiel

1.Référence traditionnelle contre référence à distance : une concurrence interne ?

1.1.Référence en ligne : une légitimité (déjà) controversée


Si la nécessité d’un service de référence traditionnel est communément admise, l’existence d’une offre virtuelle ne fait pas encore l’unanimité. Une liste exhaustive des objections à la mise en place d’un service de référence en ligne a été dressée par Claire Nguyen34 : coût élevé du fait de l’achat de logiciels spécialisés, crainte d’un surcroît de travail auquel le personnel ne pourrait faire face sans renforts, difficulté à maîtriser de nouveaux outils informatiques, risque de fournir des réponses de qualité inégale, refus d’une déshumanisation des rapports entre le bibliothécaire et l’usager, problèmes techniques prévisibles, soucis d’ordre juridique (problème des réponses comprenant des extraits de ressources payantes comme les revues électroniques). Ces réticences, dans l’ensemble fondées, méritent d’être prises au sérieux.

La charge avait été sonnée dès 2002 par Steve Mc Kinzie et Jonathan D. Lauer dans un article qui dénonçait la « fascination [des bibliothécaires] pour les derniers gadgets à la mode. »35 Passé les politesses d’usage sur l’intérêt représenté par le travail de référence à distance, ils se livraient à un éreintage en règle de ces services et concluaient à la supériorité des « méthodes de consultation traditionnelles – sur le tas, sur place, en interne, et interactives dans tous les sens du terme. » La force de leur critique résidait dans la comparaison systématique entre services physique et virtuel : lenteur des entretiens par chat, surcharge de travail sans rapport direct avec la fonction de référence, incitation à l’adoption d’une attitude consumériste et perte de contact avec les usagers, tout concourait à faire des virtual reference desks les appendices superflus et inutilement médiatisés des authentiques services de référence.

Les réactions à ces propos véhéments ne se firent pas attendre et de nombreux auteurs, parmi lesquels des noms faisant autorité dans la profession, apportèrent leur contribution au débat36. D’une façon générale, les bibliothécaires qui s’exprimèrent alors prirent la défense des services à distance, sans toutefois faire preuve d'admiration béate devant les derniers jouets technologiques ni craindre (ou souhaiter) la disparition des services de référence en présentiel. Il ne s’agissait pour eux que d’un nouvel instrument mis à disposition pour améliorer les prestations traditionnellement fournies par leurs établissements.

Les arguments des différents intervenants plaidant la cause des services de référence à distance pourraient se résumer ainsi :



  • Fondés sur l'accessibilité à distance, les services de référence virtuels permettent un gain de rapidité pour les usagers qui n'ont plus à se déplacer pour être desservis. Leur mise en place accompagne naturellement une offre de formation à distance de plus en plus développée.

  • Contrairement aux préjugés, un service à distance peut être créateur de lien social car il permet à des usagers de faire des demandes qu'ils n'oseraient pas faire autrement en raison de leur timidité, du caractère jugé insignifiant de certaines questions, de la peur de déranger37... Plus encore, certains publics empêchés (personnes âgées, handicapés, actifs travaillant durant les heures d’ouverture de la bibliothèque, etc.), à condition d’avoir Internet, peuvent accéder à des services jusque là hors de portée.

  • La qualité du service rendu à distance n’est pas inférieure à celle des prestations en présentiel : il est possible de connaître un usager que l'on ne voit pas grâce à un formulaire approprié, dûment renseigné pour dresser un profil personnalisé utile au calibrage des réponses. La référence en ligne permet aussi d'orienter les réponses vers des personnes ayant une expertise plus importante que celles de permanence à un moment donné à la banque de prêt. La réponse par courriel laisse le temps à la réflexion qui peut parfois faire défaut dans une situation de face à face. « la non-spontanéité apparemment regrettable de la consultation par mél est donc justement, à mon sens, un de ses points forts. » (contribution de Robert Tiess)

  • Il n’y a donc pas concurrence mais complémentarité entre service de référence classique et service en ligne : l'apparition d'un nouvel outil ne chasse pas le plus ancien s'il est encore efficace. Il y a accumulation des offres et non substitution ou disparition38.

Les avantages ainsi énumérés sont difficilement contestables et convainquent de l’utilité d’un service de renseignement à distance. S’il y a concurrence entre les deux types de service, elle se situe non pas au plan des principes, où leur coexistence est de plus en plus nécessaire, mais au niveau des moyens. Sachant que ceux dont dispose une bibliothèque ne sont pas extensibles, la mise en place effective d’un service à distance présuppose une réflexion quant à l’envergure qu’on souhaiterait lui voir prendre. Même si elle est parfois exagérée, la crainte éprouvée par les bibliothécaires de se voir débordés par la demande est légitime. Or, l’afflux de questions dépend moins de l’existence d’un service que de la communication visant à le faire connaître et de la politique présidant à sa mise en œuvre. A qui s’adresse-t-on ? Quelles questions accepte-t-on ? Quelle forme doivent prendre nos réponses ? sont autant d’interrogations déterminant la fréquentation d’un service de renseignement à distance et par conséquent l’importance des moyens à lui allouer. Mettre sur pied un service de référence à distance, ou le faire évoluer, exige des moyens humains et financiers, éventuellement une restructuration du service préexistant. Le problème est de savoir si le jeu en vaut la chandelle. Y a-t-il « retour sur investissement » ? Si l'on met en rapport les efforts consentis pour la mise en place puis le fonctionnement d’un tel service avec le nombre de questions reçues chaque mois, on risque d'être déçu. Tout ça pour ça ? Mais l'impact ou le succès d'un tel service se mesure-t-il seulement à l'aune du nombre d'actions pour lesquelles il a été sollicité ? Il est des effets bénéfiques plus difficilement quantifiables comme l’image de la bibliothèque ou sa visibilité au sein de l’université. On pourrait dire cyniquement que, même si le nombre de questions est inférieur à celui escompté, un service de renseignement à distance reste une entreprise de communication efficace dont on peut tirer argument dès lors qu’il s’agit de négocier l’attribution de crédits.

1.2.Des pratiques différentes ?


Le renseignement, au même titre que la formation documentaire ou le prêt/retour, relève des services au public et, en tant que tel, se caractérise d’abord par le contact avec l’usager. Située au cœur de la fonction de référence, cette relation se trouve profondément modifiée par l’utilisation d’Internet, la communication se faisant indirecte et, le plus souvent, en différé. Or, si les bibliothécaires ont derrière eux une longue tradition de contact avec les utilisateurs, leur expérience dans le traitement virtuel des questions/réponses est le plus souvent réduite. Cette lacune dans leur culture professionnelle n’a rien d’exceptionnel compte tenu de l’extrême nouveauté des formes de communication liées à Internet et de l’invention, sous nos yeux, d’un type inédit d’interactions sociales. Dans quelle mesure l’entretien de référence voit-il son processus modifié par l’utilisation d’Internet39 ?

La RUSA (Reference and User Service Association), section de l'ALA, (American Library Association), a produit un bref document se présentant comme un guide à l'usage des bibliothécaires préposés aux renseignements et donnant des conseils relatifs au comportement à adopter face aux usagers40. Ecrit en 2004, il fait suite à une première version datée de 1996 et prend en compte l'émergence des services de référence à distance. Les auteurs dressent une liste de recommandations actualisées et adaptées au type de service concerné. Chaque « règle » de comportement se trouve ainsi déclinée en trois versions : générale (valable pour tout échange), en présentiel (pour les transactions en face-à-face), à distance (propres aux services de référence virtuels qui ignorent les indices visuels et non-verbalisés). Les recommandations, présentées sous forme de « check-list » pratique et immédiatement utilisable, sont regroupées en cinq rubriques :



  • Accessibilité/visibilité : insistance sur la signalétique afin de rendre immédiatement identifiables et intelligibles les services proposés. Certains conseils sont difficiles à mettre en oeuvre (les consignes de mobilité et d'intervention active auprès des usagers).

  • Intérêt : dont il faut témoigner. Insister sur la fonction phatique du langage pour établir et maintenir un contact.

  • Ecouter/interroger : identification des besoins par un travail de reformulation, de clarification des questions.

  • Recherche : accompagner l’usager quand cela est possible.

  • Suivi : s'enquérir auprès des usagers de leur degré de satisfaction.

A la lecture de l’article dans son intégralité, on est frappé de constater que la majorité des consignes est commune aux deux types d'entretien. Dans l’esprit des auteurs, la pratique du renseignement ne change pas de nature profonde selon la médiation. L'outil technologique ne vient pas remettre en cause les procédures à suivre ; il demande seulement une adaptation et la mise en place de moyens spécifiques.

Les auteurs s’attachent également à définir les critères permettant de mesurer la réussite ou l’échec d’une transaction. Renvoyant à des enquêtes menées aux Etats-Unis, ils soulignent le caractère déterminant de la perception par l'usager, largement fondée sur l'attitude du bibliothécaire et cela, au-delà du service effectivement rendu. Mais comment cette attitude, idéalement faite d’écoute et d’ouverture d’esprit, peut-elle se manifester dans un environnement numérique ? La réponse apportée lors du 71ème congrès de l’IFLA41 manque de clarté, même si ses intentions sont honorables : en défendant l’idée que les « services virtuels [doivent être évalués] avec les mêmes critères que ceux utilisés pour les services en face à face », Kirsti Nilsen réaffirme l’unicité de la fonction de référence mais elle fait l’impasse sur les raisons qui poussent les usagers à préférer le classique bureau de renseignement au service en ligne. Le même article montre en effet que le taux de satisfaction des étudiants de diverses universités canadiennes passe de 75% pour les services sur place à 62,5% pour le chat et 52% pour les transactions par courrier électronique. L’auteur suggère une piste pour expliquer un tel écart sans pour autant considérer qu’il s’agit d’un facteur déterminant : peu de transactions en ligne donnent lieu à un entretien de référence, et l’on sait l’importance accordée à cette notion dans la littérature professionnelle anglo-saxonne. L’insatisfaction constatée serait-elle due à un défaut dans la procédure suivie (sans doute pour des raisons de temps), d’où résulterait des réponses de qualité médiocre ou inadaptées à la demande ? Ou s’agirait-il plutôt d’une absence de convivialité, l’usager ayant l’impression d’une réponse mécanique, valable pour le tout-venant et qui ne lui serait pas adressée en propre ?

1.3.De la bibliothèque hybride au tout numérique42


L’évolution, déjà bien avancée, vers la bibliothèque hybride devrait couper court aux atermoiements concernant la création de services de référence virtuels.

Jens Thorhauge, à partir d’un problème très spécifique (l’élaboration d’une offre destinée aux populations étrangères), livre une définition complète de la bibliothèque hybride, caractérisée non seulement par l’introduction des nouvelles technologies de l’information mais aussi par le développement de services variés43. Cette consubstantialité s’inscrit dans une optique plus nordique (britannique et scandinave) que latine : l’auteur, qui plaide pour la mise en place dans un cadre numérique de services culturels autant que sociaux, fait preuve d’un grand optimisme en prêtant aux bibliothèques des vertus intégratrices qu’en France on attribue davantage à l’Ecole… Une vision qui, en dépit d’un certain irénisme, a le mérite de tirer les conséquences de l’hybridité des bibliothèques en ne limitant pas la numérisation et l’Internet à de simples apports technologiques mais, au contraire, en y voyant le moyen d’élargir la gamme des services, que ceux-ci soient la transposition d’une offre existant physiquement ou qu’ils soient créés pour l’occasion. Cette prise de position reflète un point de vue largement partagé dans la profession : le rejet d’une conception techniciste qui réduirait les bibliothèques à des bases de données. La littérature insiste fréquemment sur la nécessité de se réapproprier les notions de bibliothèque hybride ou numérique, trop souvent envisagées sous leur seul aspect technique, en les soustrayant à la mainmise des informaticiens : « Computer scientists seem to have taken the old fashioned circulating collection and applied technology that allows multiple simultaneous users access to existing online collections. The computer scientists who discuss and conduct research and write about digital libraries are on a noble mission, but too often they ignore the foundations of librarianship, the broad range of services, human factors, and the environment of the effective information ecology that is the library. »44


La part jouée par la documentation numérique et les services afférents se manifeste différemment selon les types de bibliothèques. L’écran se prêtant moins à une lecture-détente qu’à une consultation ponctuelle dans le cadre d’une recherche, sans parler des possibilités offertes par le copier/coller, on pourrait imaginer que les bibliothèques municipales accusent un certain retard dans le mouvement de numérisation des documents. Curieusement, ce sont pourtant les établissements de lecture publique qui, en France, sont moteurs en ce domaine. La Bibliothèque municipale de Lyon est particulièrement en pointe puisque après avoir développé le Guichet du Savoir, premier service de renseignement en ligne véritablement couronné de succès, elle se lance dans la numérisation massive de ses fonds anciens. La popularité de ces grands projets, destinés à un large public et portés par une communication efficace, ne doit cependant pas faire oublier que la consultation à distance des revues électroniques demeure l’apanage des bibliothèques universitaires. Celles-ci n’en restent pas moins à la traîne des initiatives les plus ambitieuses et les plus médiatisées.

Peut-on imaginer une bibliothèque intégralement numérique, c’est-à-dire dépourvue de toute existence physique ? Il paraît en tout cas impossible qu’une telle évolution affecte l’ensemble des bibliothèques : ce serait faire bon marché du besoin éprouvé par de nombreux usagers d’un lieu pour travailler. L’évidence d’une telle remarque contraste pourtant avec la place infime faite dans la littérature à cet aspect de la question. En offrant un espace de travail, la bibliothèque remplit une fonction essentielle qui, de surcroît, échappe au double mouvement de dématérialisation/délocalisation qui affecte, au moins potentiellement, les services. Pourquoi ce quasi-silence des publications professionnelles ? Peut-être parce que faire office de surveillant d'une salle d'étude (à l’instar des CDI de l’enseignement secondaire) n'est pas une tâche gratifiante et n'entre pas dans les missions les plus nobles du métier. Il n'empêche qu’il s’agit là d’une des raisons les plus fortes pour expliquer la fréquentation des bibliothèques... Les bureaux de renseignement ont encore de beaux jours devant eux.



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