Sommaire general


La chimie s'invite au musée



Yüklə 208,79 Kb.
səhifə13/15
tarix03.11.2017
ölçüsü208,79 Kb.
#29805
1   ...   7   8   9   10   11   12   13   14   15

La chimie s'invite au musée


S'il est un lieu où l'on ne s'attend pas à voir des chimistes, c'est bien au musée. Et pourtant ! Ils y sont même vraiment les bienvenus. Car si les toiles de maîtres, les statuettes ou les instruments de musique de collection sont plutôt l'apanage des historiens de l'art, voire des archéologues, certains de leurs secrets seraient restés entiers si la chimie ne s'en était pas mêlée. « Une partie de l'histoire des objets et du mode de vie des populations du passé a été imprimée dans les matériaux à l'échelle élémentaire et moléculaire, témoigne Martine Regert, du Centre d'études Préhistoire, Antiquité, Moyen Âge (Centre CNRS Université de Nice). C'est cette information que le chimiste va aller chercher. » Avec des méthodes de plus en plus sophistiquées, la chimie arrive à faire parler les objets du patrimoine, que ce soit sur des pratiques culturelles disparues, sur le savoir-faire d'un artiste ou sur les transformations subies par une œuvre au cours du temps. Des données aussi précieuses pour les scientifiques que pour les restaurateurs et les conservateurs. Premier objectif pour reconstituer l'histoire d'un objet : connaître sa véritable nature. La composition des matériaux inorganiques (Qui, à l'inverse des matériaux organiques, ne sont pas fabriqués par des organismes vivants. Il s'agit par exemple de minéraux ou de métaux), comme le métal ou le verre, peut être étudiée directement sur l'œuvre, sans l'abîmer. Il a par exemple suffi de placer la statuette de la déesse Ishtar, découverte en Mésopotamie en 1863, devant le faisceau d'Aglaé (Accélérateur Grand Louvre d'analyse élémentaire), un accélérateur de particules situé dans les sous-sols du Louvre, pour que les pierres de ses yeux et son nombril livrent leur secret. « Un gemmologue avait des doutes sur la nature de ces incrustations. Après une analyse qui a duré cinq minutes, nous avons obtenu un spectre de rayons X montrant la présence d'oxyde d'aluminium et de chrome. Il s'agissait donc de rubis et non de pâte de verre », raconte Philippe Walter, physico-chimiste et directeur du Laboratoire du Centre de recherche et de restauration des musées de France (LC2RMF) (Laboratoire CNRS Ministère de la Culture et de la Communication). Ce type de méthode peut aussi révéler les impuretés des matériaux, qui sont d'excellents mouchards pour retrouver les gisements d'origine. Pour la déesse Ishtar, des traces de métaux ont permis de découvrir l'origine des rubis : la Birmanie. Et d'en déduire qu'il existait à l'époque, il y a environ 2 000 ans, des échanges de gemmes entre l'Asie du Sud-Est et la Mésopotamie. Même résultats spectaculaires avec les matériaux organiques (cire, résine, parfum…). Avec un inconvénient toutefois : il faut prélever un échantillon et, bien souvent, le détruire. Grâce à des méthodes de chimie analytique basées sur la chromatographie (Technique d'analyse permettant de séparer les différents composés d'un mélange) et la spectrométrie de masse (Technique d'analyse permettant d'identifier des molécules en fonction de leur masse), Martine Regert a ainsi pu identifier des fragments de résine retrouvés sur le site portuaire médiéval de Sharma, au Yémen : « Il s'est avéré que c'était du copal venant d'Afrique de l'Est ou de Madagascar, et non de l'encens comme nous l'imaginions. On a donc mis en évidence l'exploitation d'un nouveau matériau sur ce site mais aussi une nouvelle route d'importation qui va de la côte est-africaine au Yémen. » Et s'il n'est pas encore possible de se passer de prélèvement, l'évolution des techniques permet aujourd'hui d'obtenir des résultats étonnants. Un exemple ? Pascale Richardin, du LC2RMF, et ses collègues ont réussi à voir du sang sur un petit morceau de patine de 1 mm3, prélevé sur des statuettes Dogon… du XIVe siècle ! « En couplant l'imagerie moléculaire par spectrométrie de masse – dont la résolution est micrométrique – et l'imagerie infrarouge par rayonnement synchrotron (Faisceau de lumière dont l'intensité permet de déterminer très précisément la composition de la matière), nous avons réussi à localiser au même endroit des molécules d'hèmes et des ions de fer, deux éléments qui nous ont donné la certitude que c'était du sang », explique Alain Brunelle, directeur de recherche à l'Institut de chimie des substances naturelles (ICSN) du CNRS. Une première, qui a son importance pour les historiens : elle a confirmé l'usage de sang animal lors de certains rituels Dogon. Autres éléments sur lesquels la chimie mène l'enquête : les pratiques d'un artiste. En examinant par cristallographie les minéraux du retable d'Issenheim, célèbre tableau de Matthias Grünewald conservé à Colmar, des scientifiques, du CNRS notamment (Associant des chercheurs du LC2RMF, de l'Institut Néel et de l'ESRF à Grenoble), ont ainsi démontré que le peintre n'avait pas utilisé le même « blanc de plomb » pour les couches du dessous et celles du dessus. « Les documents historiques racontent qu'au marché de Francfort, au début du xvie siècle, il existait trois sortes de blanc de plomb. Le peintre choisissait donc certainement des pigments extrêmement fins et de bonne qualité pour éclaircir ses couleurs, et des pigments bon marché pour mettre en dessous », retrace Philippe Walter. Passé la question de la création, reste celle des transformations que va subir l'œuvre au fil des siècles. Un point essentiel pour les restaurateurs, une autre population bien aidée par la chimie. « Le discernement entre les parties originales de l'œuvre et les parties altérées ou rajoutées est indispensable pour choisir la façon dont on va la restaurer, témoigne Christiane Naffah, directrice du LC2RMF. Certaines restaurations anciennes nécessitent par exemple d'être retirées parce qu'elles gênent la lisibilité de l'œuvre originale. » En découvrant grâce aux analyses du C2RMF que le manteau de l'intendant des Noces de Cana – le plus grand tableau du Louvre – n'était pas rouge à l'origine, les restaurateurs ont ainsi décidé de révéler la couleur verte choisie par Véronèse. Bref, la connaissance d'une œuvre grâce à la chimie permet d'avoir, comme le souligne Christiane Naffah, « le geste juste ». Mais on ne peut pas toujours réparer les effets du temps. La priorité est alors de stopper son action en conservant l'objet dans les meilleures conditions. Or, le conservateur doit protéger, mais aussi diffuser : « Les œuvres traversent les siècles, supportent mal la lumière, les variations climatiques, les déplacements, mais il faut les montrer à un maximum de personnes pour qu'elles portent leurs discours », explique Christiane Naffah. Une question épineuse quand il s'agit d'un instrument de musique, qui a vocation à être utilisé et non seulement vu. Jean-Philippe Échard, ingénieur chimiste au Musée de la musique, détaché au Centre de recherche sur la conservation des collections (CRCC) (Centre CNRS MNHN Ministère de la Culture et de la Communication), se penche sur les vernis protecteurs des violons – dont des Stradivarius –, mais aussi des luths conservés au musée de la Musique, et tente de déterminer leur résistance aux agressions du temps mais aussi des musiciens. « En vieillissant, la composition du vernis change : les huiles et les résines végétales qui le composent s'oxydent. La chimie analytique permet d'évaluer ce degré d'oxydation et de savoir si le processus de vieillissement est encore actif, explique le chercheur. Nous voulons aussi évaluer l'action de la sueur et donc le risque que l'on prend à faire jouer un instrument. » Qu'on se le dise : les chimistes veillent sur le patrimoine. Tout le patrimoine.

Laurianne Geffroy

Contact

Martine Regert, regert@cepam.cnrs.fr



Philippe Walter, philippe.walter@culture.gouv.fr

Pascale Richardin, pascale.richardin@culture.gouv.fr

Alain Brunelle, alain.brunelle@icsn.cnrs-gif.fr

Christiane Naffah, christiane.naffah@culture.gouv.fr



Jean-Philippe Échard, jpechard@cite-musique.fr

Retour sommaire enquête


Yüklə 208,79 Kb.

Dostları ilə paylaş:
1   ...   7   8   9   10   11   12   13   14   15




Verilənlər bazası müəlliflik hüququ ilə müdafiə olunur ©muhaz.org 2024
rəhbərliyinə müraciət

gir | qeydiyyatdan keç
    Ana səhifə


yükləyin