Le temps de lire cette phrase, votre moelle osseuse aura produit plusieurs millions de cellules sanguines. C’est le phénomène d’hématopoïèse, une machinerie stakhanoviste doublée d’une complexité inouïe, qui met en jeu des milliers d’acteurs: gènes, protéines, hormones... D’où la difficulté pour les biologistes de comprendre les dérèglements de l’hématopoïèse, qui donnent lieu notamment à des leucémies ou à des anémies chroniques (insuffisance de globules rouges). Pour les aider à y voir plus clair, Vitaly Volpert, mathématicien à l’Institut Camille-Jordan (Unité CNRS / Université Lyon 1 / École centrale de Lyon / Insa Lyon), à Villeurbanne, et ses collègues développent des modèles combinant deux approches mathématiques: les cellules de la moelle osseuse sont représentées comme de petites sphères au milieu de la matrice extracellulaire, considérée, elle, comme un milieu continu où les molécules peuvent diffuser et influencer les cellules. Ainsi, ils ont déjà montré que de multiples dysfonctionnements, qui peuvent en outre être très différents d’un individu à un autre, naissaient d’un même déséquilibre de ce système complexe, ce qui expliquerait la difficulté rencontrée parfois par les médecins pour poser un diagnostic précis. «Nous sommes dans la phase de compréhension de ce qu’il se passe, souligne Vitaly Volpert. À long terme, nous espérons que le modèle aidera à soigner les maladies et à élaborer un traitement personnalisé pour chaque patient. »