Submersions fertilisantes comprenant les travaux



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Système des travaux. —L’idée était excellente,
mais il y avait beaucoup de difficultés dans J’exécu-
lion. Amener à grand frais les eaux de la Durance,
disposer le terrain pour les recevoir et les écouler,
et surtout lutter contre les oppositions des voisins,voilà quels étaient les véritables obstacles à ce pro-
jet. Des dépenses considérables, sans profit dans le
présent, auraient ruiné un simple propriétaire. Une
compagnie seule semblait propre à mener ces travaux
à bonne fin ; mais M. Thomas était négociant et pro-
priétaire ; alors les bénéfices de l’exploitation in-
dustrielle comblèrent les sacrifices de l’exploitation
agricole.

Il se débarrassa d’abord des oppositions des voi-


sins en faisant l’acquisition de leurs propriétés; il
devint ainsi possesseur d’un triangle de 200 hecta-
res de superficie, appuyant sa base au canal Crillon,
ses côtés aux chemins d’Avignon à Carpentras et à
Vedènes, et sa pointe au Pontet.

Un canal, dérivé du canal Crillon, porta les eaux


d’un bout à l’autre de la propriété. Les terres furent
soigneusement épierrées, nivelées et entourées de
bourrelets destinés à retenir les eaux. De profondes
tranchées, souterraines ou à ciel ouvert, furent ou-
vertes pour écouler les eaux, qui sans cela auraient
augmenté l’insalubrité de ces quartiers. Introduites
dans ces nombreux encaissements, elles y déposaient
leur limon, et y formaient en peu de temps une
couche de terre excellente.

Alors la charrue la divisait pour y faire pénétrer


les influences de l’air et de Ja lumière ; enfin de ri-
ches moissons couvraient bientôt ces surfaces, jus-
que-là presque stériles, ou pestilentielles.

L’ensemble de ces opérations donne à l’entreprise


de M. Thomas un très-grand intérêt au point de vue

des travaux analogues qui peuvent être exécutés


avec le même succès dans les localités voisines par
application du même procédé.

Ce procédé, d’après lequel on obtient le colmatage


à eau courante, est à la fois ingénieux et écono-
mique, puisque les mêmes ateliers reçoivent, d’une
manière continue, l’écoulement qui dans le cas con-
traire devrait se répartir sur une superficie triple.

Les encaissements formés par de simple bourrelets


d’environ 0m,40 de hauteur, faits en partie à la
charrue et à très-bas prix, ont généralement de 3 à
4 ares de superficie. Ils auraient pu être plus grands
si l’effet des vents violents dans cette région n’était
pas nuisible au résultat de l’opération. C’est pour
cela que des abris artificiels à obtenir par des
plantations sont une précaution préalable, qu’il est
toujours utile de prendre, quand on veut entrepren-
dre une opération de ce genre, sur une étendue
de terrain considérable.

Rapport du jury du concours régional d’A-
vignon en 4858.
— A un point de vue un peu dif-
férent du nôtre, une appréciation très-favorable des
travaux de M. Thomas se trouve consignée dans un
document officiel. Nous avons cru utile de le citer
en entier.

« La commission gardera un profond souvenir de


sa visite dans la propriété de M. Thomas (domaines
du Paradou et de Roberty), composée de 200 hec-
tares, située au Pontet.

« Trouver réunies, sur le même point, l’industrie


manufacturière et commerciale, dans toute la splen-
deur d’une vaste organisation, et l’agriculture, dans
ce qu’elle peut avoir de plus grand et de plus géné-
reux, est un de ces rares bonheurs auxquels le cœur
d’un agronome ne saurait rester froid.

« En 1815, M. Thomas achète le domaine du Pa-


radou ; en 1821, le château de Roberty; il devient
ainsi propriétaire de 200 hectares de terrains cou-
tigus. Le sol, composé de cailloux roulés, mélangés
d’une terre rougeâtre, de qualité médiocre, reposait
à une profondeur qui varie de 0m,25 à 0m,60 sur
un poudingue argilo-graveleux, imperméable.

« Ce stérile domaine, à surface inégale et plus


élevé que le Rhône qui ne pouvait le modifier par ses
alluvions, était, dans les parties hautes, brûlé par le
vent et la sécheresse ; tandis que ses dépressions, plus
basses que les terres arrosées par la Durance, deve-
naient le réceptacle des eaux de pluie et d’infiltra-
tion , et se trouvaient converties en marais pesti-
lentiels.

« Pour changer ce fâcheux état de choses, M. Tho-


mas perce la couche de poudingue, et fait creuser à
grands frais de vastes canaux, dont la longueur réunie
dépasse 2.500 mètres, et qui portent sur un point
de sa propriété, où elles mettent en jeu un moteur
hydraulique, toutes ces eaux, jusque-là inutiles et
dangereuses. En 1830, il construit le canal qui doit
conduire sur les terres les eaux de la Durance, dérivées
du canal Crillon; et pendant que ce travail s’exécute

il emploie à des travaux d’épierrement et de nivelle-


ment du sol, les femmes, les enfants, les vieillards
et toute cette population pour laquelle il est difficile
de trouver un ouvrage proportionné à ses forces.

« Lorsque le sol est épierré et nivelé, il le divise


en nombreux carrés, tous entourés de bourrelets
destinés à retenir les eaux limoneuses, jusqu’à ce
que, devenues limpides par le dépôt des matières
qu’elles contenaient, elles soient jetées dans des ca-
naux de dégorgement.

« Ces grandes caisses colmatées se couvrentd’abord


d’une forêt de roseaux et se comblent ensuite peu à
peu. — Au bout de quelques années, on y voit des
dépôts d’un noir limon, d’une hauteur de 0m,50 à
0m,60, que la charrue vient diviser, et exposer aux
bienfaisantes influences de l’atmosphère.

« L’agriculture commence alors son œuvre, et nous


avons vu des blés superbes, venus pour la sixième
fois, sans repos, sur cette terre vierge, recouvrant
un sol naguère assez misérable pour que le genêt
épineux n’eût pu y grandir.

« Près de 100 hectares de la terre la plus fertile


ont déjà été ainsi, non pas transformés, mais créés par
M. Thomas, qui finira par changer en une verdoyante
oasis ces garrigues du Pontet, jadis si complètement
dénudées.

« Mais pour atteindre ce résultat, il ne suffira pas


d’amener des eaux limoneuses qui déposent sur ce
sol caillouteux la terre fertilisante qui lui manque.
11 faut encore l’arroser, le défendre contre les vents

furieux, détruisant tout végétal qui veut élever sa


tête de quelques centimètres au-dessus des pierres
qui abritent la base. — M. Thomas l’a compris, et
après avoir établi, en 1854, sur de grands terrasse-
ments, une nouvelle dérivation de la Durance, qui
traverse par de beaux siphons, la route départemen-
tale, le chemin de fer de la Méditerranée, et une
roule impériale, il construisit de nouveaux canaux
d’irrigation sillonnant cet espace dans tous les sens.

« Il les borde, de chaque côté, par trois rangées


de peupliers, habitués à plier sans se rompre, et des-
tinés à protéger les surfaces cultivables contre la furie
du mistral.

« Ceux qui se rappelant ce qu’était, en 1815, le


Pontet, avec sa population de 40 à 50 habitants,
déjà parvenue, aujourd’hui, à 1.200, verront un
jour ces riches localités, ne pourront pas croire
qu’une œuvre d’utilité publique, pour laquelle il
a fallu surmonter tant de difficultés, d’ensemble et
de détail, soit le fait d’un simple citoyen.

«Cette grande entreprise de colmatage n’a pas fait


négliger à M. Thomas l’exploitation purement agri-
cole de son domaine. Les étables, la porcherie sont
établies dans les conditions les plus économiques et
parfaitement appropriées à leur destination. La tenue
des fumiers, des fourrages et des instruments ara-
toires ne laisse également rien à désirer.

«Espérons que la postérité attachera pour toujours


le nom de M. Thomas à cette belle création. Espérons
aussi que ce noble emploi d’une grande fortune

aura plus d’un imitateur. Laisser de pareilles traces


de son passage dans ce monde, n’est-ce pas le but le
plus utile que l’homme de bien puisse assigner à
son existence. »

Résultats constatés par les travaux de col-
matage au domaine du Pontet.
— On a vu par

les détails donnés ci-dessus que l’eau employée dans


les colmatages du Pontet est celle de la Durance,
dérivée du canal Crillon, au moyen de deux prises
fournissant ensemble un débit moyen de 350 litres
par seconde, d’eau continue.

Par suite du mauvais état du canal susdit, l’eau


fournie à cette propriété pendant la première période
de l’opération, l’a été d’une manière irrégulière et
avec de fréquents chômages. M. Thomas estime
que, sans cette circonstance défavorable, le même
travail aurait pn être fait dans un temps moitié
moindre.

Les résultats signalés plus loin, quoique déjà


très-avantageux, restent donc au-dessous de ce
qu’ils auraient pu être. Mais il vaut toujours mieux
opérer ainsi que d’indiquer des chiffres pouvant être
suspectés d’exagération.

Cube de l'atterrissement. — Proportion des limons.
— La surface soumise au colmatage était de 129 hec-
tares, et se composait de dix pièces de terre à peu
près contiguës, mais ayant des niveaux différents.

Voici le tableau indicatif des épaisseurs de l’atter-


rissement déposé sur chacune de ces pièces :

DÉSIGNATION
des pièces de terre.

SURFACES.

ÉPAISSEUR
du colmatage.

CUBE

de terre déposée.


Pièce n° 4



9“,00'

0”,40

36.000“'

n° 2

8 ,00

0 ,20

16.000

— n° 3

24 ,05

0 ,40

96.200

— n° 4

3 ,22

0 ,40

12.880

— n° 5

15,07

0 ,20

30.140

— n° 6

13 ,27

0 ,40

53.080

— n°7

11 ,29

0 ,10

11.290

— n° 8, 9 et 10..

45 ,10

0 ,20

90.200

Totaux

129h,00‘




345.790'“

En divisant le cube des terres d’alluvion par la
superficie totale, on trouve que l’épaisseur moyenne
des dépôts a été de 0m,27.

D’un autre côté, en admettant, pour l’opération


une durée totale de douze années, avec un écoule-
ment continu de 350 litres par seconde, on trouve
que le volume total de l’eau em-

ployée est de 132.451.200mc

Celui des terres déposées étant de. 345.790mc
le rapprochement de ces deux volumes donne
pour la richesse en limons 0,0026

Ce qui concorde aussi exactement que possible


avec les expériences faites de 1858 à 1865, sous la
direction de M. l’ingénieur chargé du service spé-
cial de la Durance, puisqu’elles ont donné une
moyenne de 0m,0025

En ne comptant pas les 9 hectares, colmatés len-


tement avec les tâtonnements que les interruptions ducanal Crillon ont occasionnés, pendant la première
période de l’opération, il reste 120 hectares colmatés
régulièrement, sur une hauteur moyenne de 0m,27,
dans les douze années, qui vont de 1850 à 1862,
soit par chaque campagne 10 hectares.

Le volume d’eau résultant des deux prises, que


nous supposons avoir fonctionné d’une manière
continue pendant ce temps, était, comme on l’a dit
plus haut, de 350 litres par seconde. — Or puisque
l’on a colmaté, de cette manière, 10 hectares par
an à 0m,27, la proportion correspondante pour
l’emploi de 1 mètre cube d’eau continue serait de
28 hectares; et avec 0m,30 de hauteur, de 25 hec-
tares.

Ce résultat dépasse ceux que l’on peut espérer


dans des conditions moins avantageuses, no-
tamment lorsque l’on ne peut procéder au col-
matage que pendant cinq mois, ou 150 jours par
an ; au lieu d’opérer toute l’année, comme l’a fait
M. Thomas.

Dans l’entreprise dont il s’agit, les chiffres cités


plus haut ont été authentiquement vérifiés. Ils mon-
trent que cette première application privée du colma-
tage dans le département de Vaucluse, a eu lieu dans
des conditions remarquables, au moins quant à son
effet utile.

Plus-values. — Il est notoirement connu que
M. Thomas, par son opération de colmatage, a créé
des terrains d’une qualité égale à celle des meil-
leures terres d’alluvion de cette contrée, dont le prix

dépasse généralement 3.600 fr.




de garrigues, au maximum.

Frais de toute espèce, com-
prenant la location de l’eau, la
rente du sol, les travaux de
canalisation, terrassements,
main-d’œuvre, etc
Valeur primitive des terrains, à l’état
200 fr.

900 fr.
700 fr.

Plus-value nette par hectare. . 2.700 fr.

Sur l’ensemble des 120 hectares, soumis à un


colmatage régulier, le propriétaire du domaine du
Pontet a donc réalisé un bénéfice net de 324.000 fr.

Valeur du mètre cube de terre d'alluvion. — On a
déposé une couche de terre d’une épaisseur moyenne
de m,27, soit 2.700 mètres cubes par hectare. —
Par ce moyen, on a créé une valeur effective de
3.400 fr., ce qui fait ressortir à lf,25 la valeur in-
trinsèque du mètre cube d’atterrissement.

Ces diverses constatations ayant été faites avec


beaucoup d’exactitude, l’amélioration du domaine du
Pontet, par colmatage, est, sans contredit, l’une de
celles qui peuvent fournir le plus de données pra-
tiques, pour les entreprises du même genre, à exé-
cuter avec les eaux de la Durance.

Entreprises analogues. — Le succès obtenu dans
la belle opération de M. Thomas a provoqué des tra-
vaux analogues, de la part de quelques propriétaires
qui, dans le département de Vaucluse et des Bou-ches-de-Rhône, avaient, comme lui, des volumes
d’eau disponibles et des terrains stériles à améliorer,
par le même procédé.

Mais la difficulté de pourvoir aux écoulements des


eaux claires, qui doivent s’effectuer en grands vo-
lumes, et les oppositions, tant des propriétaires rive-
rains que des propriétaires de canaux d’irrigation,
en ont limité l’extension.

Ces colmatages privés représentent, dans les deux


départements susdits, une étendue totale d’environ
140 hectares. — Par la cause indiquée ci-dessus, ils
ne paraissent pas pouvoir s’étendre davantage.

Cela prouve que c’est seulement à l’aide d’un


système d’ensemble, surtout au point de vue des
colateurs généraux, que l’on peut aborder, avec
certitude de succès, une entreprise de ce genre. Et
plus elle aura lieu sur une grande échelle, plus les
résultats seront avantageux.

CHAPITRE XX.

LIMONAGES. — SUBMERSIONS FERTILISANTES.

I.—Observations préliminaires.— Définitions.

Jusqu’à présent nous n’avons envisagé les sub-
mersions d’intérêt agricole qu’à un seul point de
vue, celui du colmatage. Ce cas est celui où l’on a
pour but, soit de procéder par ce moyen au dessè-
chement de marais insalubres, dont les bas-fonds se
trouvent ainsi comblés; soit de créer de toutes
pièces la couche arable qui manquait totalement sur
des landes ou graviers.

Dans la pratique on considère généralement, et


sauf les cas exceptionnels, comme correspondant à
un colmatage complet une couche d’alluvion de
0m,30 à 0m,33 d’épaisseur. On ne l’obtient généra-
lement qu’en deux ou trois ans, parce que de cette
manière l’opération marche plus régulièrement que
si l’on voulait produire sur une superficie trois fois
moindre l’atterrissement complet, en une seule cam-
pagne. Il peut même arriver qu’on ait de l’avantage
à procéder plus lentement encore, c’est-à-dire par
les atterrissements successifs de 0m,05 à0m,06d’épais-
seur et même moins. Mais du moment que l’on a
pour but de créer une couche arable, proprement

dite, quelque durée que l’on adopte, l’opération sera


un colmatage.

On conçoit aisément que si l’utilisation agricole


des eaux courantes, dans la saison d’hiver, ne devait
avoir lieu que dans Tunique but de créer un sol ar-
tificiel, sur des landes ou des marais, le champ de
l’opération se trouverait excessivement circonscrit.

Cependant il n’en est pas ainsi ; car ce mode d’em-


ploi des eaux s’applique, avec non moins d’avantage,
et sur des étendues illimitées, à l’amélioration de
toutes sortes de terrains, quelle que soit leur fécon-
dité naturelle. Il n’a plus alors pour but principal
d’y opérer un véritable remblai, comme cela a
lieu dans le cas du colmatage ; mais de fournir un
ensemble de principes fertilisants, incessamment
consommés par les récoltes. En un mot il ne s’agit
plus que d’un procédé spécial d’amendement.

Quand les eaux employées à celte destination sont


habituellement troubles et laissent sur le sol, après
le retrait, une faible couche de limon, l’opération
porte le nom de limonage. Mais l’exhaussement
qu’elle produit peut n’être pas appréciable; ses
avantages n’en sont pas moins très-marqués. En un
mot, comme dans un sujet aussi important, il est
bon de tout préciser, nous pensons que la bonifica-
tion agricole à définir, sous le nom de limonage,
doit comprendre les submersions, ne laissant sur le
sol que quelques millimètres d’atterrissement; sans
qu’on attache d’ailleurs d’importance à l'exhausse-
ment proprement dit.

Si l’on croyait qu’au-dessous de cette limite les


eaux d’hiver n’ont plus rien à fournir à l’agriculture,
ce serait une grande erreur ; puisque c’est au con-
traire, ici même, que les progrès à réaliser peu-
vent atteindre à une extension presque illimitée.

En effet, les eaux courantes ne sont pas seulement


bienfaisantes pour le sol par le dépôt des matières
terreuses ou limoneuses dont elles se dépouillent à
son profit, par le seul fait du repos ou d’une simple
diminution de leur vitesse. Au point de vue agricole,
elles sont encore riches d’une foule d’autres sub-
stances, qui bien que n’y existant, en quelque sorte,
qu’à l’état latent, n’en sont pas moins précieuses
pour la végétation.

En résumé nous classons comme submersions fer-


tilisantes
toutes celles qui peuvent exercer une in-
fluence favorable sur les récoltes en fournissant, soit
au sol, soit aux végétaux eux-mêmes, des principes
autres que les limons proprement dits.

Quelques détails préalables sont nécessaires pour


bien mettre en évidence les avantages de cette opé-
ration. Nous parlerons ensuite des nombreuses et
utiles applications qu’il est possible d’en faire.

II. — Avantages généraux.

Un sol, quelque riche qu’il soit, s’épuise rapide-
ment par la succession des récoltes qu’on en relire.
En effet cette masse énorme de matières organiques
et de sels minéraux, que représente la récolte d’un
hectare, cultivé en céréales, oléifères, prairies artifi-

cielles, etc., n’est empruntée que pour une faible


partie aux éléments atmosphériques, la proportion
la plus forte est toujours fournie par le sol. Si celui-
ci est naturellement très-riche, de ces divers élé-
ments nécessaires à la végétation, on peut y faire
sans lui rien rendre une série plus ou moins longue
de récoltes. Mais finalement, ainsi que l’expérience
l’a trop souvent démontré, notamment sur les ma-
rais desséchés, on arrive toujours plus ou moins
vite à l’épuisement absolu. Et alors ce n’est plus
qu’à l’aide de fortes dépenses et d’un temps consi-
dérable que l’on peut porter remède à cette situa-
tion : et toujours les nouveaux propriétaires sont
appelés à supporter les conséquences de l’incurie
ou de la cupidité de leurs prédécesseurs.

A bien peu d’exceptions près, les eaux de toutes


les rivières, principalement dans la saison d’hiver,
sont naturellement chargées des principes les plus
essentiels à la végétation. Nous ne parlons plus ici
des limons proprement dits ; puisqu’il est de toute
évidence que ces terres vierges, classées partout hors
ligne sous le nom d’alluvions, étant déposées sur
des espaces stériles, les transformeront peu à peu en
des sols de première qualité, propres à toutes les
cultures.

Ce dont nous voulons parler spécialement aujour-


d’hui, c’est de ce que l’on pourrait appeler la ri-
chesse latente des eaux d’hiver ; de celle dont l’exis-
tence n’est révélée par aucun caractère extérieur. En
effet ces eaux, lors même qu’elles restent limpides,

peuvent tenir en dissolution des sels minéraux.


Alors elles sont chimiquement impures ; et c’est pré-
cisément ce qui explique leur richesse, au point de
vue agricole; puisque les eaux de pluie ou de neige
ne pourraient jamais produire les mêmes effets.
Mais au surplus, dans la saison dont il s’agit, c’est-
à-dire du milieu d’octobre au milieu d’avril, presque
toujours les eaux courantes sont à la fois limoneuses
et saturées de principes minéraux ; de manière que
leur emploi réalise deux avantages à la fois.

D’après l’examen des couches géologiques exté-


rieures d’une contrée, on peut toujours savoir au
moins approximativement de quels sels minéraux
seront chargées les eaux courantes qui traversent la
partie inférieure de son bassin.

A l’exception d’un très-petit nombre de sub-


stances, telles que les argiles pures, les sulfates cal-
caires ou magnésiens, les oxydes de fer, etc., presque
toutes les couches minérales peuvent céder aux eaux
courantes des principes favorables à la végétation.

Parmi celles-ci nous citerons comme les plus ré-


pandues : les bi-carbonates de chaux, les carbonates
de potasse, divers phosphates solubles, enfin tous
les sels ammoniacaux. Ces sels peuvent être dissous
en quantités notables dans les eaux courantes sans
leur faire perdre leur limpidité. Mais leur dépôt
s’opère toujours dans un certain temps avec la plus
grande facilité. Indépendamment des sels minéraux,
les eaux courantes renferment encore généralement
des matières organiques; telles que l’air atmosphé-

rique, l’acide carbonique, des gaz ammoniacaux, de


l’humus et autres matières azotées; et surtout des
semences végétales, dont la présence s’est révélée
dans quelques circonstances, par des résultats ines-
pérés.

Enfin il y a sous ce rapport des eaux exception-


nellement riches, par la présence de certaines ma-
tières spéciales et ayant sur la végétation une action
des plus puissantes; de telle sorte que ces eaux,
même à l’état de limpidité, ont une certaine analogie
avec un engrais liquide.

C’est ainsi que l’on peut s’expliquer l’utilité de-


puis longtemps reconnue des submersions d’hiver
qui dans certaines localités, arrivent naturellement,
se répandent sur les prairies ou sur les terres arables,
et se retirent ensuite d’elles-mêmes, laissant con-
stamment ces terres enrichies des divers éléments qui
viennent d’être désignés.

Mais dans beaucoup d’autres contrées et sous tous


les climats on peut à l’aide de dérivations et de tra-
vaux généralement très-simples, assurer à de vastes
étendues de terrains pauvres, épuisés ou naturelle-
ment improductifs, ce précieux moyen d’amende-
ment, qui, à peu d’exceptions près, en décuplerait
la valeur.

Il est donc d’un grand intérêt de connaître l’en-


semble des conditions à remplir, pour l’obtention
d’un si important résultat ; et c’est pourquoi nous
résumons ici les principales :

En ce qui concerne les ressources disponibles, les

débits des cours d’eau durant les six mois d’hiver
représentent généralement de 20 à 100 fois celui
qui correspond à leur régime d’été ; saison pendant
laquelle les débits sont absorbés par les usines.

C’est donc en hiver, seulement, que les eaux,


alors abondantes, peuvent être employées sur une
large échelle dans l’intérêt de l’agriculture sans sou-
lever ni contestations, ni procès.

Mais on va voir plus loin que des considérations


d’un autre ordre démontrent la nécessité de n’effec-
tuer qu’en hiver les submersions et limonages.

Ce qui se rapporte à la qualité des eaux est peut-


être la considération la moins importante, attendu
qu’en laissant en dehors de toute application les cas
exceptionnels, d’ailleurs très-rares, que nous avons
signalés plus haut, on peut dire qu’à quelques
nuances près, dans le chiffre des plus-values, toutes
les eaux de rivières ou de ruisseaux sont fertilisantes;
dans quelque terrain qu’elles coulent et sur quelque
sol qu’on les répande.

Par un séjour plus ou moins prolongé sur les


prairies, ou, pour mieux dire, sur tous les terrains,
temps dont on peut fixer approximativement la durée
entre 8 et 15 jours, les eaux stagnantes se dépouillent
au profit du sol de ces principes solubles si nécessaires
à la végétation (1). Et ainsi que nous venons de le

(1) Le dépôt des matières limoneuses, utilisées dans le colmatage pro-


prement dit, n’exige généralement qu’une durée de 36 à 48 heures. —
Mais on conçoit aisément que pour obtenir le précipité des matières dis-
soutes, il faut un temps beaucoup plus long.

dire, même en présence de compositions chimiques


très-diffèrentes, ces résultats agricoles ne diffèrent
jamais que du plus au moins. Mais il y a toujours
un effet utile très-marqué, puisque son évaluation
moyenne basée sur l’équivalent en fumier de ferme
ne varie qu’entre 15 et 30 tonnes à l’hectare, soit en
argent au prix moyen de 7 fr. la tonne, pour le fu-
mier transporté et répandu, de 105 à 210 fr. par
hectare.

Nous nous bornons ici à ces simples indications


sommaires, qui sont déjà de nature à faire com-
prendre l’importance de l’opération dont il s’agit ;
sur laquelle nous nous proposons de fournir ulté-
rieurement de plus amples détails.

Mais avant d’aller plus loin il est nécessaire de


faire connaître quelques autres conditions essen-
tielles, sans lesquelles les avantages dont il s’agit ne
peuvent être obtenus.

1° Il faut que les eaux n’envahissent le sol à bo-


nifier qu’avec de faibles vitesses, de manière à ne
transporter au plus que des limons fertilisants, mais
non des sables, graviers ou galets, et à n’y causer au-
cun ravinement ou affouillement qui en enlèverait la
couche végétale. 2° Le sol en question ne doit pré-
senter que des pentes douces à l’aide desquelles
la submersion puisse se retirer en temps utile vers
un colateur général d’un niveau assez bas pour que
le sol puisse être complètement égoutté. La vitesse de
ce dernier écoulement doit être elle-même très-mo-
dérée.

L’époque de la mise à sec des terrains submergés


est variable avec le climat et la nature des récoltes.
On peut la fixer approximativement du 1er au 15 avril.

3° Une troisième condition est enfin nécessaire:


pour que l’effet utile dont il s’agit soit obtenu sans
dommages pour la salubrité publique, c’est que les
superficies soumises à des submersions non limo-
neuses, ne présentent ni dépression ni bas-fonds.
Autrement l’eau, qui ne pourrait trouver d’écoule-
ment, se croupirait et dégagerait pendant l’été des
miasmes, produisant les fièvres paludéennes.

Enfin une dernière observation, l’une des plus


essentielles pour bien définir la nature des submer-
sions dont il s’agit, c’est qu’elles ne peuvent avoir
lieu que dans la saison d’hiver, soit, en moyenne, du
15 octobre au 15 avril de chaque année.

Il y a pour cela une raison fondamentale qui se


rattache à une question de température. En effet si
le colmatage s’opère toujours sur des espaces stériles
ou du moins exempts de toute récolte, il n’en est
pas de même ni pour le limonage, ni surtout pour la
simple submersion d’intérêt agricole. Cette dernière
a presque toujours lieu sur des prairies, herbages,
plantations, etc., dont on veut activer la végétation
et améliorer le rendement.

Il y a lieu dès lors de savoir dans quelles limites


on peut opérer, sur telles ou telles récoltes, tant en
ce qui concerne la durée des submersions que la tem-
pérature des eaux. On comprend de suite qu’en été,
avec des eaux d’une température de 15° à 18°, quand

la végétation est active et le soleil absorbant, la


moindre durée d’une submersion complète sur l’en-
semble des plantes agricoles usuelles telles que les
graminées-céréales, blés, maïs, orges, seigles, etc.,
ou sur les plantes diverses telles que les oléifères
betteraves, pommes deterre, navets, etc., suffirait
pour pourrir les tiges ou les racines, pour les sou-
mettre dans tous les cas à une forte macération qui
en amènerait toujours la perte.

Des observations faites avec soin dans la vallée de


la Saône, pendant les dernières inondations ont
montré que quand celles-ci arrivent en été, les ré-
coltes sont toujours excessivement menacées. — At-
tendu qu’avec des eaux à la température susdite, telle
qu’elles l’ont généralement en été ou en automne,
les semences en terre et toutes les plantes délicates
périssent presque immédiatement.

Les observations à cet égard ont porté sur des


seigles, maïs, colzas et navettes, tubercules, sarra-
sins, etc., submergés à partir de la deuxième quin-
zaine d’avril, et l’on a ainsi reconnu que la plupart
de ces plantes délicates ne peuvent pas résister à la
plus petite durée d’une submersion, en eaux à 15°;
tandis qu’avec des eaux de 0° à 5° les blés, même
peu avancés, y résistent 5 jours; les orges et avoines
4 jours; les betteraves 10 jours, etc.

C’est donc seulement pendant l’hiver, quand les


eaux sont les plus froides, que les submersions sont
à la fois fertilisantes et entièrement inoffensives,
pour la plupart des plantes agricoles ; au premier

rang desquelles on doit placer les prairies ou herba-


ges qui peuvent profiter, sur la plus large échelle,
de ce moyen d’amendement.

La durée ou l’interruption des submersions doit


d’ailleurs toujours être réglée de manière à ne pas
sortir des limites convenables pour telle ou telle na-
ture de récoltes. Mais nous aurons l’occasion de re-
venir encore sur ce sujet, si important.

Au surplus, pour les cultivateurs, auxquels on ne


peut imposer d’entrer dans des considérations scien-
tifiques, il existe un mode de constatation positif, et
ne laissant rien à désirer. C’est que d’après ses effets
immédiats sur la récolte toute submersion fertilisante
a son équivalent en engrais de ferme, et par con-
séquent en argent.

Voilà ce qui nous a été démontré d’une manière


irréfutable, par l’étude spéciale de la question dont
il s’agit, sur les herbages de la Normandie. Ils n’ob-
tiennent que par des submersions fertilisantes, et
exclusivement en hiver, la conservation de leur
haute valeur.

On trouve la preuve de ce fait dans le chapitre


suivant.

XII. — Applications diverses.

Il existe dans toutes les parties du globe des loca-
lités réunissant ces conditions topographiques, et
pour lesquelles les submersion périodiques, pour
la plupart naturelles, représentent l’unique moyen

d’entretenir la fertilité du sol; qui dans ces conditions


a toujours une grande valeur.

On pourrait multiplier presque à l’infini, les exem-


ples de ce mode d’amendement naturel probablement
aussi ancien que la charrue.

Avant d’entrer avec quelques détails dans l’exa-


men de ce qui se passe, à cet égard dans les princi-
paux départements de la Normandie, nous citerons
d’abord, sommairement, les applications existantes
dans quelques autres localités; parce que les résul-
tats en sont extrêmement remarquables.

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