1- L’impact limité des dispositifs financiers au niveau local
Les moyens directs de la politique économique de l’Etat, nécessaires à la mise en œuvre des orientations du Plan sur le territoire local, se limitent à des mesures d’aides financières et à des primes pour les entreprises, mobilisables pour favoriser le développement des activités industrielles ou tertiaires et le renforcement du potentiel économique dans les territoires locaux. Il s’agit essentiellement d’aides financières ponctuelles délivrées par la puissance publique (via les Préfets) à certaines activités économiques dans le cadre de secteurs géographiques nettement identifiés, ayant pour but de corriger les déséquilibres ou de soutenir les orientations politiques de modernisation structurelle et d’aménagement volontaire (décentralisation industrielle et tertiaire, promotion des métropoles d’équilibre...).
Dès les années 1950, le dispositif financier spatialisé des pouvoirs publics combine des mesures autoritaires de restriction du développement industriel en région parisienne (procédure d’agrément) et des mesures incitatives sous forme de subventions, qui permettent d’orienter la localisation et le comportement géographique des entreprises dans l’espace géographique national (Laborie, Langumier, De Roo, 1985).
Si l’agrément en région parisienne contribue potentiellement au renforcement de l’attractivité de la région lyonnaise, la majeure partie des aides financières incitatives disponibles ne concerne cependant pas l’agglomération lyonnaise. Celle-ci n’est en effet pas considérée comme une zone critique d’un point de vue économique, qui serait affectée par le déclin des activités industrielles et classée comme prioritaire à ce titre : les entreprises qui s’y implantent ou s’y développent ne peuvent donc pas prétendre aux subventions publiques, même si elles opèrent des regroupements ou des adaptations de leurs structures productives. Entre 1955 et 1965, les aides financières de l’Etat délivrées par le FDES et les SDR ne concernent que les portions du territoire national frappées par le déclin industriel, les reconversions ou la sous-industrialisation (Laborie, Langumier, De Roo, 1985).
A partir de 1964, le système de primes d’aménagement du territoire se précise, en identifiant deux types d’espaces éligibles au régime d’aides. Toutefois, les zones de développement régional et les zones d’adaptation industrielle, auxquelles correspondent de nouvelles primes spécifiques, ne couvrent pas le périmètre de l’agglomération lyonnaise. Celui-ci correspond en effet à une « zone blanche » sur la carte nationale des aides au développement industriel établie par la DATAR en 1967, interdisant aux entreprises toute possibilité d’obtention d’exonération. Les entreprises qui s’implantent ou s’agrandissent dans la région lyonnaise ne peuvent donc pas bénéficier de la Prime de Développement Régional attribuée par la SDR38. Seules les entreprises industrielles ou tertiaires qui s’installent ou s’étendent dans les secteurs de la ville nouvelle de l’Isle d’Abeau, de la Plaine de l’Ain (Saint Vulbas – Loyettes) et de la région de Vienne (Isère) peuvent bénéficier d’allégements fiscaux39 (voir infra).
En effet, suite au lancement de la politique des métropoles d’équilibre qui vise à faire de Lyon une grande métropole tertiaire, la DATAR instaure une procédure d’agrément pour les créations ou extensions de surfaces industrielles sur le périmètre de l’agglomération lyonnaise de 1967 à 197140, sur le modèle du dispositif parisien. Cette mesure autoritaire est destinée à encourager le mouvement de desserrement des activités et de décentralisation industrielle au niveau local, afin de libérer des surfaces dans la partie centrale de l’agglomération pour permettre l’accueil des activités de service. Parallèlement, une prime à la création ou à la décentralisation tertiaire est instituée à partir de 1967. Ce dispositif, fondé sur les mêmes mesures fiscales et financières que le système d’aides destiné aux implantations industrielles, doit encourager les transferts depuis Paris, les créations ou les extensions dans l’agglomération lyonnaise des services de haut niveau des entreprises (activités tertiaires ou industrielles directionnelles, unités de recherche & développement).
Les Primes de Localisation d’Activités Tertiaires (PLAT) sont des aides essentiellement fiscales : exonération de la taxe professionnelle et réduction des droits de mutation. Elles couvrent en priorité les communes appartenant aux grandes agglomérations urbaines de province, comme Lyon, Marseille, Bordeaux ou Lille, qu’elles soient centrales ou périphériques. Sont visés par ces mesures les sièges sociaux des grandes firmes, les services de direction, de gestion, d’ingénierie, de recherche et développement, d’études ou d’informatique (Poche, Rousier, 1981). Cependant, le nombre de PLAT octroyées dans l’agglomération lyonnaise reste limité, particulièrement dans le périmètre du centre directionnel de la Part Dieu, qui est censé accueillir et regrouper les fonctions de commandement économique de la métropole (voir infra). En outre, le résultat qualitatif des opérations subventionnées dans ce cadre s’avère assez mitigé.
Entre 1967 et 1977, une dizaine de PLAT seulement sont accordées dans l’agglomération lyonnaise : six à Lyon, notamment à la Part Dieu, les autres majoritairement sur les communes de l’Ouest lyonnais (Rillieux, Ecully, Dardilly, Champagne-au-Mont-d’Or, Solaize). Elles portent essentiellement sur des opérations d’extension ou de création de délégations régionales de grandes sociétés bancaires ou d’assurances (UAP, Crédit Lyonnais, BNP, Crédit Agricole, Caisse d’Epargne), qui sont en fait des centres de gestion technique sans réel pouvoir de commandement économique, mais très peu sur l’implantation de sièges sociaux ou de services supérieurs de direction.
Seules deux sociétés industrielles décentralisent leurs fonctions de direction dans l’agglomération : le groupe Rhône-Poulenc, historiquement attaché à Lyon, implante son siège textile à la Part Dieu et sa division phytosanitaire à Vaise ; le centre de recherche Elf-ERAP s’installe à proximité de la raffinerie de Feyzin (Poche, Rousier, 1981). Quelques groupes français et étrangers, notamment informatiques, profitent également du dispositif pour réorganiser leurs activités en France et dans la région, exclusivement dans l’Ouest, verdoyant et attractif, de l’agglomération (Black&Decker, IBM, Hewlett Packard, Philips, SEB, etc.).
Les dirigeants des sociétés qui réalisent ces opérations d’implantation distinguent en effet clairement dans leurs choix stratégiques les opérations effectives de déconcentration d’une partie des activités de gestion et les opérations annoncées de décentralisation directionnelle. Le pouvoir de commandement des grandes banques reste par exemple fortement centralisé sur Paris, tandis que l’agglomération lyonnaise voit la création de centres de gestion régionaux n’ayant que peu de rapport avec les fonctions directionnelles et supérieures attendues (Lojkine, 1974). Les communes de l’Ouest sont particulièrement prisées, car elles conjuguent proximité des foyers de main d’œuvre et cadre de vie de qualité pour les cadres décentralisés depuis Paris.
Il s’agit donc plutôt du renforcement des possibilités de contrôle des centres de décision parisiens des grandes sociétés financières ou industrielles sur leurs délégations régionales implantées à Lyon, ainsi que de l’organisation d’un nouveau maillage commercial ou productif du territoire aux échelles nationale et régionale, mais pas de véritables opérations de décentralisation des sièges sociaux des grandes firmes. Le dispositif des PLAT profite principalement à des sociétés appartenant à des grands groupes industriels, informatiques ou financiers, qui se développent au niveau local en référence à leurs intérêts économiques régionaux, nationaux et internationaux. Il s’avère peu efficace au regard des objectifs fixés par la politique de décentralisation industrielle très ambitieuse de l’Etat (voir infra, Section 3).
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