2- La représentation des intérêts économiques locaux de l’agglomération lyonnaise
La période d’intense croissance économique de l’après-guerre en France est caractérisée par une renaissance des organes patronaux locaux et nationaux en France (Martin, 1983). Ce renouveau s’exprime notamment à travers la prise en charge, par les structures représentatives du patronat au niveau local, de nouvelles fonctions et de nouveaux problèmes relatifs à l’intérêt général, en premier lieu celui de l’organisation du développement régional, de l’avenir économique des territoires et de la question de l’adaptation de l’emploi aux nouvelles exigences de la modernisation économique. Ce phénomène coïncide avec la régionalisation des plans de développement économique et social et leur intégration dans les plans d’aménagement du territoire. Il correspond à l’organisation spontanée des acteurs économiques locaux et régionaux, en réponse à la nécessité d’une régulation économique territoriale localisée, qui permette une gestion du marché et des crises conjoncturelles ou structurelles qui déstabilisent les économies régionales au sortir de la guerre.
Dès le début des années 1950, les intérêts économiques lyonnais s’organisent afin de contribuer le plus directement possible au développement économique de la région lyonnaise et d’assurer auprès du pouvoir politique local (municipalités, Conseil Général du Rhône) le rôle de conseiller du prince sur les questions relatives aux affaires économiques locales. Trois organismes développent ainsi des liens institutionnels et structurels très forts, entre eux et avec les responsables politiques lyonnais : la Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon (CCIL), le Comité Interprofessionnel Lyonnais (CIL) et le Comité d’expansion de la région lyonnaise.
Ces structures de représentation des intérêts économiques locaux partagent notamment le même souci de maîtriser la très forte attraction exercée par l’agglomération lyonnaise sur les industries de toute nature, et la volonté d’identifier les activités qui doivent bénéficier en priorité d’une implantation urbaine dans l’agglomération. Ils partagent également l’intérêt moins avoué d’entretenir, voire de renforcer la prospérité des entreprises qu’ils dirigent ou contrôlent, et de limiter le cas échéant l’arrivée d’entreprises extérieures pouvant remettre en question les équilibres sectoriels et les rapports de force existant au niveau local (Coing, 1978). Tous ces enjeux convergent fortement sur la dimension industrielle, qui fonde l’identité économique de Lyon. Pour satisfaire ces objectifs et apparaître comme des interlocuteurs, non seulement crédibles, mais indispensables aux yeux des sphères de décision politiques locale et nationale, les organes patronaux locaux s’associent pour développer leur capacité d’expertise économique.
Les organismes patronaux lyonnais tentent de se positionner comme des partenaires légitimes de l’Etat. Ils essaient de s’accommoder de la domination étatique en matière de régulation économique et du centralisme administratif de l’aménagement du territoire, en participant à la démarche engagée de modernisation structurelle et de développement de l’économie dans l’agglomération lyonnaise. Ils sont ainsi à l’affût des opportunités de légitimation et d’institutionnalisation initiées par le gouvernement pour les organismes associatifs ou consulaires qu’ils contrôlent. Ils fournissent également une expertise économique et territoriale fondatrice pour la définition du contenu de la politique des métropole d’équilibre à Lyon. L’impression d’ensemble qui se dégage de leurs travaux réalisés en collaboration directe avec les services de l’Etat puis avec la COURLY est celle d’une relative osmose, et d’un consensus affirmé autour des enjeux du développement régional et de la gestion de l’essor économique que connaissent les activités industrielles et tertiaires lyonnaises.
La Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon (CCIL)
Lyon est une ville fortement marquée par le poids des entrepreneurs économiques libéraux, dont les intérêts sont organisés et représentés de longue date par une chambre de commerce et d’industrie puissante. La Chambre de Commerce de Lyon, créée en 1702, est l’une des plus anciennes de France. La grande variété sectorielle des entreprises qui en sont membres durant les Trente Glorieuses reflète particulièrement la diversité du tissu économique local et le processus de sédimentation historique par strates d’activités successives dont résulte le capitalisme lyonnais (Jouve, 2001a).
Au début du 20ème siècle, la Chambre de Commerce de Lyon devient un pôle de pouvoir important pour le développement de la ville et de sa région, notamment par son rôle dans l’organisation de grands événements commerciaux et médiatiques comme l’exposition universelle (Gueranger, Jouve, 2003). Elle est particulièrement représentative des grandes branches de l’industrie locale, structurées autour de grandes firmes locales à base familiale (Gillet dans la chimie, Berliet dans la mécanique automobile…). Bien qu’elle assure également la représentation du petit et moyen capital commercial local, qui forme l’essentiel de la structure économique de Lyon hors industrie, ses assemblées sont largement dominées par les représentants issus du monde industriel.
Son poids dans les affaires économiques lyonnaises se trouve renforcé après la seconde guerre mondiale, lorsqu’elle devient l’un des principaux opérateurs de l’aménagement et de la promotion des zones industrielles de la région. Son positionnement évolue ainsi progressivement du rôle de groupe de pression vers un rôle de « coopérative de développement » au service de l’industrie locale. Elle constitue un partenaire privilégié pour les grandes et moyennes entreprises industrielles locales, en représentant leurs intérêts auprès de la sphères de décision politique et en investissant massivement dans la réalisation de grands équipements collectifs dans l’agglomération lyonnaise.
Les institutions consulaires locales françaises connaissent un important mouvement de rénovation durant les Trente Glorieuses, qui se traduit par la réaffirmation par le pouvoir étatique central de leur responsabilité envers le développement régional appréhendé dans sa globalité. « Elles expriment de manière privilégiée les liens du territoire et de l’économie et elles sont à la fois l’émanation des chefs d’entreprises et l’expression de l’intérêt public » (Coing, 1978). Leur statut juridique reflète ce positionnement très proche d’une mission d’intérêt général reconnue, au service de la régulation économique et de la gestion des grands équipements collectifs. Elles sont en effet placées légalement sous la tutelle financière des Ministères des Finances et de l’Equipement dans les années 1960, se voient attribuer le statut d’établissement public, mais sont indépendantes de l’appareil administratif dans leur organisation50.
Ce positionnement spécifique place la CCIL au dessus des intérêts particuliers mais aussi au service des intérêts économiques, comme une structure institutionnelle potentiellement porteuse d’une politique de service public et d’une mission d’intérêt général, vouée à gérer le bien commun sur le territoire local. Cet aspect est renforcé par une approche territoriale de l’économie située à l’échelle de l’agglomération élargie (département) et non de la commune, en adéquation avec l’instauration d’une dynamique de coopération intercommunale au sein de l’agglomération lyonnaise (voir infra).
A la différence de nombreuses chambres consulaires françaises à l’époque, la CCIL jouit d’un poids politique relativement fort sur la scène décisionnelle locale. Une grande partie des grands capitaines d’industrie qui la contrôlent ont en effet un accès direct auprès des autorités politiques locales par le truchement de leurs relations familiales ou amicales, quand ils ne sont pas élus municipaux eux-mêmes (voir infra). Elle se cantonne toutefois à son rôle d’outil de mise en œuvre directe des intérêts propres au patronat local dans son ensemble, grâce à ses importants moyens financiers et à son statut, et observe une position assez neutre dans le jeu politique local jusqu’au début des années 1970.
La CCIL prend en charge directement une partie des grands équipements collectifs destinés aux industriels de l’agglomération lyonnaise et des grandes infrastructures nécessaires à la modernisation et au développement de l’économie locale. Elle assure par exemple la majeure partie du financement de la construction puis de la gestion du Palais de la Foire (quai Achille Lignon), de l’aérodrome de Bron puis de l’aéroport de Satolas prévu par le schéma de l’OREAM. Elle se charge aussi de l’aménagement et de l’équipement de deux zones industrielles localisées en périphérie de Lyon dans les années 1960 (voir infra). Elle joue également un rôle majeur de soutien financier et moral auprès du Comité d’expansion économique de l’agglomération lyonnaise (hébergement, financement, caution morale…), dont elle est membre fondateur aux côtés du syndicat interprofessionnel lyonnais (voir infra).
La CCIL reste fortement impliquée dans l’accompagnement de la décision publique, malgré la reprise en main des affaires locales par l’Etat au milieu des années 1960. C’est en effet au sein de la CCIL que les agents de l’Etat (DATAR puis OREAM) trouvent leur seul allié objectif du côté du patronat local pour défendre son projet de développement et de planification dans l’agglomération lyonnaise (Jouve, 2003). La CCIL est alors engagée dans un processus de fusion avec la CCI voisine de Tarare, qui la rapproche de l’approche territoriale des services de l’Etat fondée sur l’adoption d’une échelle métropolitaine élargie pour envisager les problèmes de développement urbain de Lyon. Elle participe ainsi notamment à la réalisation d’une enquête auprès des chefs d’entreprises lyonnais dans le cadre des études d’armature urbaine effectuées pour le compte du CGP par la SEDES, qui porte sur les trois principales villes de la région : Lyon, Saint-Etienne et Grenoble (SEDES, 1964a, b et c). Cette enquête identifie les insuffisances et les lacunes de l’ensemble métropolitain en construction en matière d’équipements et de services aux entreprises, en étudiant la fréquence, les motifs et la destination des déplacements des chefs d’entreprises en dehors de leur ville d’implantation. Le rôle de la CCIL dans ce travail se limite cependant à un patronage actif de l’étude, destiné à faciliter et à crédibiliser l’action des enquêteurs auprès des entreprises lyonnaises.
Le fonctionnement idéologique particulier de la CCIL, teinté d’apolitisme apparent bien qu’implicitement placé au service des établissements industriels locaux, en fait une structure de représentation des intérêts économiques œuvrant plutôt à la défense des intérêts du patronat local face à la domination économique des grands groupes internationaux de la pétrochimie et de la sidérurgie, qui bénéficient de l’appui de l’Etat par le biais des orientations de la politique nationale d’aménagement du territoire. Bien que ses organes directeurs reflètent un fort déséquilibre entre les petits commerçants et artisans et les industriels au profit de ces derniers51, la CCIL ne semble pas être une organisation au service du grand patronat extra local. Elle représente majoritairement la petite et moyenne industrie lyonnaise dans les années 1960 et 1970 et « tente de sauvegarder l’unité et l’harmonie des différentes fractions du capital qu’elle est censée représenter (…) également de créer des structures juridiques ou financières qui permettent soit de masquer idéologiquement le processus de concentration capitaliste, soit d’en atténuer les effets les plus brutaux » (Lojkine, 1974, p.179).
Elle développe ainsi des services d’assistance aux entreprises pour diffuser les techniques de gestion et de marketing développées au sein des grands groupes industriels et favoriser la formation continue au sein des petites entreprises. A partir de 1962, la CCIL aide les petites et moyennes entreprises locales à s’adapter en développant un argumentaire et des actions en faveur de l’aménagement de zones industrielles, tant dans le tissu urbain que dans les secteurs périurbains. Par ce biais, elle tente de définir les conditions économiques d’une alliance entre les grands groupes extra locaux et les entreprises locales.
La CCIL se trouve parfois en accord avec les orientations prises en matière d’équipement collectif et d’aménagement pour faciliter l’implantation régionale des grands groupes industriels pétrochimiques (Lojkine, 1974). Mais son poids réel dans la prise de décision apparaît très faible par rapport à la capacité de persuasion et d’influence des grands groupes extra-locaux sur la décision publique. Ainsi, la mise en navigabilité du Rhône, la réalisation du barrage-écluse de Pierre-Bénite au Sud de Lyon et l’aménagement de zones industrielles portuaires dans la région sont des enjeux majeurs pour les industriels lyonnais (métallurgie, mécanique lourde, construction de matériel électrique…) dès le début des années 1960, comme en témoignent les travaux de la Commission « Zones Industrielles Portuaires » présidée par P. Berliet au sein de la CCIL. Malgré l’importance que revêt ce projet pour les quelques puissants groupes industriels locaux (Berliet, Les Câbles de Lyon, la CGE, Teppaz, Dell Alsthom…), il ne se concrétise qu’à partir du moment où il converge avec les intérêts du grand capital national et international en cours de constitution, essentiellement représentés dans l’agglomération lyonnaise par le complexe pétrochimique de Feyzin (Lojkine, 1974).
La CCIL reflète donc particulièrement les contradictions existant entre les différentes factions du patronat lyonnais, à savoir le grand capital en cours d’internationalisation d’un côté et le moyen capital industriel local plus « traditionnel » de l’autre (Lojkine, 1974). Jusqu’aux années 1970, ses présidents successifs sont issus des illustres entreprises industrielles lyonnaises (Lumière, Berliet, Mérieux…), mais la situation change avec l’implantation à Lyon d’établissements appartenant à des grands groupes nationaux et internationaux, ainsi qu’avec le rachat des grandes firmes locales par ses mêmes groupes et le déplacement de certains sièges sociaux importants à Paris (CCIL, 1963)52. La CCIL tente de refléter les intérêts du patronat local dans toute sa diversité (PME-PMI, grands groupes), mais elle peine à constituer un lieu de représentation et de négociation entre le petit capital local et les fractions dominantes du grand capital. Elle se trouve ainsi très souvent dans une position de contradiction vis à vis des intérêts portés par la politique étatique dans l’agglomération lyonnaise, et tente de concilier les intérêts du patronat lyonnais avec ceux des firmes multinationales.
Son rôle dans l’aménagement des zones industrielles, dans la réalisation des grands équipements collectifs de l’agglomération et dans l’accompagnement des efforts de modernisation des structures productives lyonnaises (conseils en management, soutien au développement des filières de formation…) peut être cependant considéré comme central durant les Trente Glorieuses, aux côtés des autorités publiques locales et étatiques. La CCIL participe ainsi plus ou directement à la mise en application de la politique économique de l’Etat sur le territoire de l’agglomération lyonnaise, en accompagnant les efforts de planification spatiale, d’aménagement de l’espace et d’amélioration de l’environnement des entreprises menés par les pouvoirs publics.
Le Groupement Interprofessionnel Lyonnais
Le Comité Interprofessionnel Lyonnais (CIL), syndicat patronal local puissant proche du CNPF, est le principal organisme lyonnais de représentation des intérêts des entreprises en dehors de la chambre consulaire. Il est créé en 1945 par R. Phelip et G. Villiers, deux entrepreneurs et notables lyonnais soucieux de remplacer le Comité d’action des syndicats lyonnais, dissout pendant l’occupation allemande par le gouvernement de Vichy. Il rassemble les représentants des différents syndicats de branche locaux, majoritairement industriels, avec pour objet central d’action « l’étude des améliorations dans l’industrie et le commerce lyonnais et l’harmonisation des décisions syndicales dans la solution des problèmes sociaux et économiques »53.
Le CIL change de nom en 1958 pour devenir le Groupement Interprofessionnel Lyonnais (GIL)54, décision qui ne modifie pas vraiment les statuts et les modes d’action de l’organisation, mais qui l’ancre plutôt dans un positionnement capitaliste et libéral : « le groupement est un antidote au collectivisme »55. Le GIL représente un cas exemplaire d’organisation des forces patronales au niveau local pour l’ensemble du patronat français. Il inspire en effet la mise en place du CNPF au niveau national et la structuration des organismes du même type dans le reste du pays (voir supra). Son influence non négligeable sur l’évolution idéologique du patronat français a ainsi des répercussions notables sur la conduite de la régulation économique par le gouvernement central.
G. Villiers, président du GIL jusqu’à 1953, participe aux assemblées générales jusqu’au milieu des années 1960 pour informer le patronat lyonnais sur la situation économique nationale, l’avancement de la politique économique étatique et les enjeux liés à l’expansion et au développement des entreprises dans le contexte de construction européenne et d’ouverture des frontières. Il constitue le relais privilégié entre les intérêts économiques lyonnais et le gouvernement français, ainsi qu’entre le syndicat interprofessionnel local et son équivalent au niveau national. Son engagement au sein du CNPF pour l’instauration d’une économie libérale, en faveur du Marché Commun et pour l’acceptation du défi d’ouverture internationale par les entreprises s’inscrit dans la position idéologique dominante et traditionnelle du patronat et de la bourgeoisie lyonnaises, marquée par l’héritage spirituel d’E. Aynard56 et de J.-B. Say57. Ce courant de la pensée économique et politique centré sur le libéralisme, d’abord minoritaire au niveau national, s’impose progressivement sous l’influence de G. Villiers et de ses disciples, pour s’affirmer comme la position dominante du CNPF dès la fin des années 1960 : l’Etat doit rester dans son rôle d’arbitre, mais laisser les organismes patronaux s’occuper de la régulation économique.
Le paysage économique de l’agglomération lyonnaise est essentiellement industriel au début des années 1960, le GIL reflète donc particulièrement cette domination de l’industrie et de ses intérêts propres sur les affaires économiques locales. Le secteur tertiaire, en pleine phase de développement au niveau national et encouragé à se développer à Lyon dans le cadre de la Politique des métropoles d’équilibre, n’est ainsi pratiquement pas organisé et représenté au sein du GIL, hormis dans le domaine des activités financières pour lequel existe un Syndicat des agents de change hérité du glorieux passé bancaire de Lyon (Sauzay, 1998). Quelques banques lyonnaises sont représentées au sein du GIL, mais la plupart ont vu leur siège social partir pour Paris. Les actions mises en œuvre par le GIL sont ainsi fortement conditionnées par l’hégémonie industrielle dans l’agglomération lyonnaise et un certain déni pour les activités tertiaires de la part du patronat industriel, du moins jusqu’au milieu des années 1970. Dès le départ majoritaire au sein des instances consulaires, le GIL impose ainsi sa vision dominante des intérêts industriels à la CCIL.
Dans le domaine professionnel, le GIL concentre son action sur l’organisation et le renforcement des syndicats de branches locaux58, nécessaires pour faciliter les travaux d’expertise qui accompagnent le processus de planification régionale lancé par l’Etat, et pour organiser au niveau local un dispositif de formation professionnelle adapté aux nouveaux besoins des entreprises. Le GIL s’intéresse notamment à la formation des cadres et dirigeants d’entreprises aux nouvelles méthodes de gestion technique et à leurs applications dans l’industrie, grâce au Comité Régional de Productivité de Lyon créé en 1955 et à l’Institut de perfectionnement dans les méthodes de contrôle de gestion qui en dépend (automatisation, procédés productifs intégrés). Il soutient aussi la formation des élites économiques locales avec le Centre lyonnais de formation pour les chefs d’entreprises, l’Institut d’études économiques pour chefs d’entreprises et le CLEGE59, qui complètent le dispositif de formation des experts comptables organisé autour de l’Institut du Droit du Travail, de l’Institut de Préparation des Affaires et de l’Ecole supérieure de commerce de Lyon. Il encourage enfin la formation des ouvriers, techniciens et ingénieurs des industries chimique et métallurgique, en collaboration avec l’ALESTE60, le CNAM61, l’Ecole Centrale de Lyon, l’Ecole de Chimie de Lyon, l’AFPIC62, les chambres syndicales de la chimie et de la métallurgie lyonnaises, les universités et les représentants de l’administration publique.
Au niveau politique, l’action du GIL s’inscrit dans l’affirmation du rôle dominant des acteurs économiques dans l’animation de l’économie locale comme dans la conduite des politiques de régulation économique et d’aménagement du territoire. Le GIL constitue ainsi un élément structurant très important pour le patronal local et la représentation des intérêts économiques locaux auprès des instances politiques de l’agglomération lyonnaise, même s’il n’apparaît pas forcément directement dans le débat public. Le plus souvent en effet, l’intervention du GIL dans les affaires publiques relatives à l’économie se fait par l’intermédiaire d’organismes institutionnels reconnus d’intérêt général, tels la CCIL ou le Comité d’expansion lyonnais, qui agissent pour son compte comme des porte-parole officiels des intérêts patronaux auprès des sphères de décision publiques locale et centrale.
Il participe ainsi activement aux études d’implantations industrielles dans les années 1950 et 1960, mais regrette le manque de concertation de la part du Ministère de la Construction dans l’élaboration des plans masse des secteurs de rénovation urbaine à Lyon, puis dans l’élaboration des documents de planification urbaine63. Il souhaite la disparition rapide de la méfiance systématique des autorités centrales à l’égard des organismes provinciaux : « Nous sommes tous attachés à une certaine forme de régionalisme (…), à obtenir pour notre région un développement harmonieux. Cela s’accompagne dans notre esprit d’une certaine décentralisation des responsabilités à l’échelon régional »64. Le GIL rejoint en cela les plaintes et les revendications récurrentes des autorités politiques lyonnaises vis-à-vis de l’Etat central, même si les motivations patronales plaident plutôt en faveur d’un retrait de la puissance publique de la gestion des affaires économiques, au profit des seuls représentants des intérêts économiques.
Le patronat local se considère ainsi dans les années 1950 et 1960 comme le principal responsable de l’expansion économique et sociale de la région lyonnaise, grâce à son rôle pivot dans la coordination des efforts du secteur privé et dans la coopération active avec les pouvoirs publics locaux et nationaux sur les questions d’aménagement et de développement économique (GIL, 1963). De façon générale, les organismes patronaux locaux ont comme principale logique d’action l’occupation systématique des terrains institutionnels et idéologiques, cette omniprésence leur permettant de contrôler les lieux de pouvoir éventuel et d’empêcher le cas échéant le développement de stratégies opposées aux leurs. Ce fonctionnement est ainsi plus motivé par une attitude défensive que par une quelconque volonté de faire passer par le biais des institutions locales des projets ou des enjeux positifs pour les forces économiques (Coing, 1978).
A Lyon, les membres du patronat sont dans leur grande majorité très proches des élites politiques municipales et départementales, bénéficiant ainsi d’un accès direct aux sphères du pouvoir et de la bienveillance des élus locaux quant à la bonne santé de leurs affaires (voir infra). Ils jouissent également d’une forte légitimité dans l’organisation des structures de formation professionnelle de branche dans l’agglomération, comme dans l’accompagnement des efforts d’équipement et d’aménagement économiques de l’agglomération, grâce au rôle moteur et fédérateur d’intérêts du GIL.
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