Thèse Lyon 2


- De l’animation territoriale au développement économique décentralisé



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3- De l’animation territoriale au développement économique décentralisé


Au tournant des années 1990 et 2000, la DAEI souffre d’un manque de proximité avec les entreprises, malgré les efforts réalisés dans le sens d’une augmentation des relations directes avec la sphère des entreprises depuis sa création (voir infra, section 3). Il se traduit notamment par une certaine difficulté à adapter les dispositifs d’intervention en faveur du développement économique aux besoins concrets et relativement mouvants des entreprises. La DAEI pâtit également du trop grand éloignement de ses techniciens par rapport aux spécificités contrastées du terrain, essentiellement d’un point de vue plus opérationnel de mise en œuvre de la politique économique communautaire sur le territoire. Ceux-ci éprouvent en effet des difficultés à saisir la pluralité des enjeux locaux, du fait de la grande diversité des contextes économiques et territoriaux existant au sein de l’agglomération. La politique économique communautaire manque aussi de visibilité pour les entreprises qu’elle cible, son caractère relativement dispersé et multi-partenarial ne facilitant pas une perception claire et unifiée des actions.

La solution réside-t-elle dans l’ancrage territorial de l’intervention économique du Grand Lyon ? Cette démarche de territorialisation de la régulation économique exercée par les pouvoirs publics locaux est en effet censée favoriser à la fois la transversalité de l’action publique en faveur du développement économique, une plus grande proximité avec les entreprises dans l’écoute et la réponse à leurs besoins et la présence des services techniques communautaires sur le terrain, c’est-à-dire une certaine décentralisation de la gestion urbaine.

La recherche de la proximité avec les acteurs de terrain (municipalités, organismes consulaires, entreprises, etc.) dans la conduite de l’intervention du Grand Lyon n’est pas forcément une nouveauté, bien qu’elle soit placée au centre de l’action économique communautaire depuis 2002 (voir supra, Section 1). Elle est en effet déjà identifiée comme un des volets de la mise en œuvre de la politique économique communautaire sous la mandature Barre. Il est même possible de faire remonter la volonté plus globale de décentraliser la gestion de l’action publique locale à la mandature de M. Noir.

Dans le cadre des réflexions menées pour la rénovation des pratiques de management des politiques publiques locales, le bilan d’activités de 1991 de la COURLY fait déjà état de la nécessité de « poursuivre les efforts dans le sens de la responsabilisation des équipes de travail les plus proches du terrain et les mieux capables d’atteindre des résultats (…). La décentralisation doit devenir à ce titre notre culture dominante et nous devons à ce titre valoriser le rôle des responsables territoriaux et des responsables de projets »313. Cette injonction au rapprochement des services techniques intercommunaux avec le terrain s’inscrit dans la continuité de l’expérimentation opérationnelle menée à travers la mise en place des missions territoriales (voir supra).

Cependant, la volonté d’accompagner spécifiquement le développement économique local en renforçant la présence des services du Grand Lyon sur le territoire est effectivement un aspect plutôt récent, révélateur des stratégies de repositionnement relatif de l’organisme communautaire au sein du système d’acteurs local de la régulation économique territoriale (voir infra, Section 3). Il est en grande partie destiné à remédier aux difficultés de mise en cohérence des différents champs de politiques urbaines autour de l’enjeu économique, considéré comme central par les responsables politiques.

La réorganisation territorialisée de l’intervention économique

Depuis 2002, la DAEI recentre la conduite de la politique économique communautaire autour la double nécessité de proximité avec le tissu local d’entreprises et d’ancrage de l’intervention dans le territoire métropolitain. Elle met ainsi en application le mot d’ordre politique de la mandature de G. Collomb : « Voir loin, être proche », en conférant une nouvelle dimension territorialisée à l’intervention économique communautaire.

Cette démarche de réorientation de la stratégie d’intervention économique consiste à croiser les deux grands types d’approche du développement économique développés successivement par les services du Grand Lyon, mais qui ont jusqu’alors été très difficilement conciliables : l’intervention économique par le territoire et l’aménagement de l’espace, largement déployée par la MDE et la DGDU à travers la conduite de projets urbains et d’opérations d’aménagement à vocation économique au cours des années 1990, et l’action économique par les aspects qualitatifs et immatériels, liée à la promotion des filières d’activités prioritaires et au soutien apporté à la création d’entreprises, telle que l’a développée la DAEI depuis 1998. Elle ne supprime pas l’approche par filières privilégiée depuis la relance du plan technopole, mais lui est plutôt associée et la complète.

La territorialisation de la politique économique du Grand Lyon se traduit d’abord par la réorganisation des services de la DAEI selon une double logique transversale et thématique. Elle s’inspire ensuite du principe de décentralisation des services communautaires et d’amélioration des conditions de la coordination opérationnelle entre les différents acteurs impliqués par les projets, mis en place avec les missions territoriales (voir supra). La principale nouveauté induite par la réorganisation des services de la DAEI réside ainsi dans la création de nouveaux postes techniques décentralisés sur le territoire : les animateurs technopolitains et les développeurs économiques. Ils sont chargés de représenter le Grand Lyon au plus près des besoins de entreprises sur le terrain et de développer un système d’intervention communautaire de proximité capable de relayer au niveau local les grandes orientations de l’action définies par les services de la DAEI.

Il ne s’agit toutefois pas d’une véritable décentralisation des services techniques de la DAEI, qui restent dans l’ensemble localisés dans le centre de Lyon et organisés de façon matricielle, mais plutôt de la mise en place d’un dispositif territorialisé d’externalisation d’une partie de leur capacité d’intervention économique de proximité auprès de structures partenaires à vocation économique présentes sur le territoire local (Linossier, 2004b). Les chargés de projet des opérations de requalification des zones industrielles sont ainsi toujours localisés dans l’Hôtel du Grand Lyon et non sur le terrain, même s’ils s’occupent chacun d’un secteur géographique particulier de l’agglomération, comme les responsables du Pôle développement local et de l’animation territoriale de la DAEI qui encadrent l’approche territoriale.

Ce système de sous-traitance territorialisée d’une partie de l’action économique communautaire est organisé grâce à la constitution de pôles de développement économique territorial, sur le principe des « maisons de l’économie » (KPMG, 2003) proposé par l’audit réalisé pour clarifier la répartition des compétences entre les niveaux intercommunal et municipal (voir supra, Section 1). Il s’agit de structures souples et partenariales, assurant la présence du Grand Lyon sur le terrain, par le truchement d’une procédure de financement complexe et d’un dispositif technique en partie externalisé. Le recours à la sous-traitance pour le portage technique et opérationnel du dispositif d’intervention illustre une nouvelle fois la mise en application par la puissance publique des principes de pragmatisme et de flexibilité inspirés du management stratégique des entreprises : organisation des activités en réseau et externalisation des tâches techniques non stratégiques (Veltz, 2002).

Les instances communautaires ont en effet choisi de confier la mission de développement économique local, c’est-à-dire l’animation économique de proximité, à des structures agissant dans le domaine de la régulation économique déjà présentes au niveau local, en leur versant les financements nécessaires à la mise en œuvre des actions et à la gestion du dispositif des pôles de développement économique territorial. Concrètement, le portage technique et financier des postes de développeurs créés dans chaque territoire est externalisé par le Grand Lyon auprès d’organismes économiques reconnus pour leur efficacité et leur bonne connaissance des entreprises locales sur chacun des territoires locaux. Un dispositif analogue est également en projet pour les quartiers d’habitat social concernés par la création de Zones Franches Urbaines (ZFU)314, dont la prise en charge opérationnelle est confiée au Cabinet privé NH Conseil315, spécialisé dans la gestion des entreprises et des collectivités. Ce volet plus social et intégré à la Politique de la Ville de l’action économique communautaire n’est toutefois pas géré pas la DAEI, mais par un service de la DGDU.

La structure de portage peut ainsi être un syndicat intercommunal, une association d’entreprises et/ou d’acteurs institutionnels (Pôle de Compétence en Urbanisme à Vaulx-en-Velin), un comité de bassin d’emploi, une antenne de la CCIL, ou une grande école publique (INSA de Lyon à la Doua, ENS Sciences à Gerland) dans le cas des sites technopolitains316. Il s’agit pour la DAEI du Grand Lyon de se décharger du portage technique et opérationnel du dispositif d’intervention, en s’appuyant sur le réseau d’acteurs partenaires de la politique économique communautaire et présents sur le terrain. Des contrats territoriaux, adaptés aux potentialités organisationnelles locales, sont signés au cas par cas entre le Grand Lyon, les communes de la Conférence des Maires concernée et la structure de portage, qui fixent les modalités de l’intervention économique et la répartition des rôles entre les différents partenaires impliqués pour chaque territoire (voir carte n°7).

Ce système de contractualisation partenariale de la gestion du développement économique territorial est d’abord expérimenté sur quelques territoires de l’agglomération à la fin du mandat de R. Barre, avant d’être généralisé à l’ensemble. Il se met en place à partir d’initiatives de développement économique émergeant de façon spontanée au niveau local et que la DAEI du Grand Lyon tente d’intégrer dans sa stratégie d’action, alors que des prémices de territorialisation de l’intervention se font sentir en son sein avec la création des postes d’animateurs territoriaux dans le cadre du Plan Technopole.

Depuis 1998, le Grand Lyon abonde au financement du Syndicat de communes Territoire – Saône – Mont d’Or pour qu’il s’occupe de la gestion de la pépinière d’entreprises et du développement économique du Val de Saône, en collaboration avec l’association d’entreprises locale. Avant la réorganisation des compétences entre municipalités et Grand Lyon de 2002, les communes du secteur abondent également au financement du dispositif (réhabilitation du bâtiment accueillant la pépinière, salaire du permanent de la CCIL présent sur le site). En 2001, un nouveau contrat territorial est signé avec l’antenne de la CCIL du Plateau Nord, afin de lui confier la gestion du développement économique de PERICA : le Grand Lyon finance un poste de chargé d’animation économique sur la zone industrielle317.

Le cas de l’association Techlid qui regroupe les communes concernées par la gestion du technopôle Nord-ouest318 est quant à lui un peu particulier, sa création remontant aux années 1980 et au lancement du premier Plan Technopole de l’agglomération lyonnaise. Le Grand Lyon s’implique dans la conduite du développement économique sur ce territoire à partir de la relance du Plan Technopole en 1998, en signant avec Techlid une Charte d’aménagement et de développement économique. Le projet territorial et la nouvelle organisation sont mis en place au sein de l’Espace EDEL-Ouest319 entre 1999 et 2001, en collaboration étroite avec les associations d’entreprises locales et l’antenne de la CCIL (Touré, 2003).

Ces conventions de partenariat à base territoriale sont donc mises en place à l’origine pour faciliter la réalisation de projets de développement économique en grande partie portés par les acteurs locaux, collectivités locales et groupements d’entreprises. Le Grand Lyon se contente d’abonder au portage financier des structures de portage et des opérations de mise en œuvre des actions, sans avoir de véritable stratégie de territorialisation de sa politique économique. Dans le technopôle Nord-ouest, la mission d’animation technopolitaine est assurée par Techlid, tandis que les autres animateurs territoriaux mis en place en 1999 pour s’occuper des technopôles de Gerland, de la Doua et de Porte des Alpes font partie des services centraux de la DAEI et sont localisés dans l’Hôtel communautaire. La généralisation de cette démarche de territorialisation de l’action économique du Grand Lyon après 2002 s’accompagne toutefois de modifications, concernant le portage des postes d’animateurs et l’augmentation du rôle directif de la DAEI sur la gestion des projets de développement économique territorial (voir infra).

Les développeurs économiques et les animateurs technopolitains ne figurent pas dans l’organigramme du Grand Lyon, afin de respecter le double objectif politique communautaire de ne pas augmenter la masse salariale interne et de favoriser la mise en œuvre du principe de partenariat au sein du système d’acteurs local de la régulation économique territoriale (voir infra, Section 3). L’audit de la répartition des compétences entre communes et intercommunalité préconise pourtant leur appartenance directe à l’organisme communautaire (KPMG, 2003). Ils sont mis à disposition du Grand Lyon par leur organisme ou leur collectivité locale de rattachement pour assurer l’animation du pôle de développement économique territorial au sein de chaque Conférence des Maires et sont placés sous la direction technique de la DAEI320. Ils assurent ainsi le relais de la politique économique communautaire sur le territoire, gèrent l’interface entre les différents acteurs en présence (entreprises, collectivités, associations, CCIL…), absorbant aussi à l’occasion les conflits d’intérêt ou de légitimité survenant entre ces mêmes acteurs (Linossier, 2004c).



Carte n°7 : Le dispositif d’accueil et d’animation économique territorialisé du Grand Lyon

Source : www.entreprendre.grandlyon.com

Si le découpage des périmètres d’intervention économique est globalement calé sur celui des Conférences des Maires (voir carte n°8), il fait aussi l’objet d’adaptations pragmatiques ponctuelles, en fonction des configurations particulières du système d’acteurs ou de la spécificité du tissu économique au niveau local. Certaines Conférences sont ainsi regroupées autour d’une seul Pôle de développement économique territorial, tandis que d’autres sont au contraire subdivisées pour permettre la création d’un périmètre d’intervention supplémentaire situé à cheval sur deux Conférences (Vallée de la Chimie). Cette flexibilité des découpages opérationnels est destinée à faciliter la prise en compte des différents contextes économiques locaux dans la nouvelle démarche d’animation territorialisée du développement économique du Grand Lyon. Les périmètres des sites technopolitains et des zones franches urbaines sont plus restreints spatialement, puisque généralement définis à l’échelle d’une zone d’activité ou d’un quartier d’habitat social (géographie prioritaire de la Politique de la Ville) : ils ne posent donc pas de problème pour organiser la gestion des dispositifs.

Carte n°8 : Les conférences des maires du Grand Lyon

Zone hachurée : Couloir de la Chimie.



Source : www.entreprendre.grandlyon.com

Cependant, si la définition des territoires de développement économique ne pose pas de grande difficulté sur les communes de la périphérie, il n’en va pas de même dans le secteur central de la métropole. Pour la Conférence du centre (Lyon et Villeurbanne), la réflexion se poursuit pour adapter le dispositif à la complexité spécifique de cette portion du territoire communautaire, marquée par la grande variété des sites et des contextes économiques locaux. Il est possible de greffer le dispositif des pôles de développement économique sur celui des missions territoriales existant à Lyon, celles-ci constituant justement des structures intermédiaires territorialisées chargées de faciliter et de coordonner la mise en œuvre des actions au niveau local. Cela nécessite toutefois d’élargir leurs périmètres d’intervention respectifs, afin d’assurer une couverture totale du territoire central. Les missions territoriales s’inscrivent en effet dans des périmètres restreints de projet urbain correspondant à des quartiers. Porte des Alpes est la seule qui couvre un vaste territoire à cheval sur deux communes et peut donc servir de modèle éventuel à l’adaptation de ce dispositif dans la zone centrale.

Il reste enfin à régler la question de l’application du dispositif sur la commune de Villeurbanne, dont les services économiques municipaux agissent de manière relativement autonome par rapport aux services communautaires et municipaux lyonnais, particulièrement dans le champ de l’économie. La mise en place de la territorialisation de la politique économique du Grand Lyon est ainsi aussi freinée sur certaines Conférences, tant en périphérie que dans le centre, par l’absence ou l’inadaptation des structures à vocation économique mobilisables pour en assurer le portage (associations d’entreprises à vocation municipale trop limitées spatialement, structures communales trop limitées dans leurs thématiques d’intervention, conflits de légitimité avec les antennes de la CCIL…). Pour la Conférence du Centre, l’internalisation du portage du dispositif par les services du Grand Lyon est même envisagée en dernier recours, afin de contourner les difficultés de réorganisation des missions territoriales, voire de négociation sur le partage des tâches et du territoire avec les puissants services économiques municipaux de Lyon et de Villeurbanne ou avec ceux de la CCIL (voir infra, Section 3).


Avantages et limites du développement économique territorialisé

La mission des développeurs économiques et des animateurs territoriaux consiste à transposer la politique économique du Grand Lyon à l’échelle des territoires et à faire émerger ou à soutenir les initiatives et projets de développement locaux. Ils accompagnent les entreprises et les communes dans leur développement interne et dans la gestion des problèmes collectifs d’aménagement de l’espace urbain et d’amélioration de l’environnement des entreprises, en assurant l’interface stratégique entre les services centraux communautaires et les acteurs de terrain. Ils contribuent donc directement au renforcement des relations de proximité entre les pouvoirs publics qui conduisent la politique de développement économique dans l’agglomération, et les principales cibles de cette politique que sont les entreprises. Plus largement, ils facilitent les contacts entre acteurs économiques et partenaires institutionnels divers de la régulation économique territoriale.

Les développeurs assurent ainsi la liaison entre les besoins économiques du territoire et les services techniques du Grand Lyon ou des autres partenaires de la régulation économique. Ce sont les véritables nœuds du réseau d’acteurs de l’action publique en faveur du développement local, les charnières ou « chevilles ouvrières » chargées de faciliter la transversalité, la coordination et la mise en cohérence de l’intervention territorialisée. Ils constituent une interface pragmatique et nécessaire pour renforcer la visibilité et l’efficacité de la politique économique du Grand Lyon dans l’agglomération. Ils permettent en effet de mettre en application de façon très concrète les objectifs d’intégration fonctionnelle et de coordination des politiques publiques locales, à la fois au sein de l’action économique des différents services de la DAEI et au sein de l’action globale de l’ensemble des services techniques communautaires. Leur mission vise à favoriser, à terme, le rapprochement des logiques d’aménagement spatial, d’urbanisme et de planification urbaine avec les logiques de la régulation économique territoriale.

Cependant, la principale difficulté pour les développeurs est d’arriver à se positionner en « VRP » des grands instruments économiques ou urbanistiques développés par le Grand Lyon et ses partenaires, alors qu’ils n’en maîtrisent pas toujours les aspects techniques ou organisationnels. Une autre difficulté est d’agir au service du développement territorial et des entreprises, mais dans le respect de la libre concurrence et du marché : ils ne peuvent pas agir tels des consultants en économie, mais seulement détecter les besoins, mettre en relation et mobiliser les acteurs publics et privés autour de projets de développement, ce qui limite assez fortement leur champ d’action pour satisfaire les entreprises.

Le travail collectif et transversal entre les développeurs et les autres services du Grand Lyon nécessite encore un profond changement des mentalités, de la culture et des habitudes techniques, tant du côté de l’aménagement que du côté du développement économique. Par exemple, la DAF doit penser à interpeller le développeur quand une entreprise manifeste de l’intérêt pour une localisation, et les urbanistes territoriaux de la DGDU doivent intégrer les développeurs dans l’exercice de la planification ou la conduite des opérations d’aménagement. A l’inverse, les développeurs doivent penser à recourir aux services techniques ou aux outils de développement économiques transversaux mis en place par le Grand Lyon et ses partenaires pour répondre aux demandes des entreprises ou des communes. Ils ont aussi très souvent une vision très économique et managériale, mais une assez faible sensibilité aux questions relatives à l’aménagement de l’espace, à l’urbanisme ou à la planification. Les propositions de l’audit concernant la réorganisation de la compétence économique dans l’agglomération (KPMG, 2003) vont d’ailleurs dans ce sens : la territorialisation doit permettre la concertation entre l’échelle locale et les services centralisés du Grand Lyon, notamment avec la DGDU, les services de la voirie et de la propreté pour la gestion des zones d’activités.

L’organisation territorialisée du développement économique dans l’agglomération présente aussi certaines limites d’un point de vue plus politique, qui renvoient à la tentation hégémonique et dominatrice du Grand Lyon au sein du système d’acteurs local de la régulation économique territoriale. Les élus communautaires et les services centraux de la DAEI tiennent en effet à conserver le pilotage politique du dispositif d’animation territoriale et l’encadrement technique global de la mission des développeurs. Ils reproduisent en cela l’approche technocratique et fortement centralisée développée par l’Etat français durant les Trente Glorieuses (Béhar, 2000), la logique décisionnelle descendante primant encore largement sur la logique ascendante de projet dans l’organisation de la territorialisation de la politique économique du Grand Lyon.

Le système de suivi du dispositif territorialisé est ainsi organisé selon une double hiérarchie, technique et politique :



  • Entre les comités techniques locaux (rassemblant les représentants des services municipaux, ceux de l’antenne de la CCIL et des autres organismes, associatifs notamment, impliqués dans le suivi opérationnel sur chaque territoire) et les services centraux de la DAEI (coordination des différentes actions dans le cadre de la conduite de la politique économique à l’échelle communautaire) ;

  • Entre les comités de pilotage locaux (élus municipaux et responsables des structures partenaires) et le niveau central de validation politique (élus communautaires et responsables de la DAEI), qui monopolise le volet décisionnel de la régulation économique territoriale à travers le contrôle des tableaux de bords et des programmes d’intervention.

Les pôles de développement locaux sont intégrés dans le dispositif global d’intervention économique du Grand Lyon comme des espaces d’action collective, sorte de guichets uniques territoriaux censés permettre la coordination de la régulation économique locale dans une logique descendante (mise en application de la politique économique communautaire sur le territoire local), mais aussi l’émergence de projets communs selon une démarche plutôt ascendante. Ce dernier aspect tarde cependant à se concrétiser, en raison du manque de motivation des élus municipaux ou des associations locales, qui se trouvent quelque peu écrasés par la domination politique et technocratique du Grand Lyon.

La territorialisation de la politique économique ne permet pas encore une totale implication des maires des communes dans la définition de la stratégie de développement local. Elle est d’autant plus freinée que l’instauration de la TPU au niveau communautaire diminue assez fortement l’intérêt d’accueillir des activités économiques sur leur territoire pour les municipalités. Le renouvellement des documents réglementaires de planification urbaine à travers l’élaboration du SCOT et du PLU de l’agglomération lyonnaise est en revanche censé offrir une occasion de mobiliser les responsables politiques locaux. Si le contenu du second n’est qu’une reprise du POS de 2001 annulé pour vice de procédure, le premier constitue une bonne opportunité pour favoriser l’émergence de véritables projets de développement économique territorial.

Une réflexion stratégique sur les Plans de Développement Territorial (PDT) est en effet lancée par l’Agence d’urbanisme dans le cadre de l’élaboration du PADD du SCOT. Ils doivent permettre de mettre en cohérence les différents volets des politiques urbaines et d’associer les acteurs publics de chaque Conférence à la définition du projet de développement (Agence d’urbanisme, 2005). Toutefois, les diagnostics économiques de chaque territoire sont réalisés de façon centralisée par l’OPALE : ce sont les techniciens spécialisés de l’Agence d’urbanisme de l’agglomération qui assurent la veille cartographique et statistique de l’économie à l’échelle des Conférences pour le compte du Grand Lyon, ce qui ne va pas forcément dans le sens d’une plus grande implication des acteurs locaux.

Le Grand Lyon s’appuie donc sur la mission d’interface des développeurs et animateurs pour imposer ses choix d’action économique aux territoires locaux et sa domination politique à ses partenaires institutionnels : il recherche avant tout le leadership décisionnel en matière de régulation économique territoriale (voir infra, section 3). Les développeurs jouent ainsi le rôle d’amortisseur, de « tampon » absorbant les tensions et conflits entre les municipalités, la CCIL et le Grand Lyon. Toutefois, le technocratisme centralisé du Grand Lyon s’inscrit en porte-à-faux avec le recours au pragmatisme libéral et la double recherche de flexibilité et de transversalité dans l’intervention économique, qui justifient pourtant la mission des développeurs, inspirée de la gestion stratégique des entreprises (Bouinot et Bermils, 1995) et des principes d’action définis par l’ARADEL321 pour mieux coller aux attentes des entreprises.


Conclusion de chapitre


L’intégration fonctionnelle des politiques urbaines au travers de la territorialisation de l’action publique permet donc au Grand Lyon de contrôler de plus en plus la mise en œuvre de la régulation économique territoriale dans l’agglomération lyonnaise. Face à l’incapacité technique et juridique de ses services d’agir en faveur du développement économique autrement qu’à la marge du fonctionnement de l’économie, l’autorité publique communautaire s’appuie sur la mise en application des approches stratégiques de l’action publique au travers de la démarche de projet urbain. L’aménagement spatial et l’urbanisme sont ainsi placés au service du développement économique dans les années 1980, selon une logique de valorisation urbaine et de marketing territorial relativement nouvelle par rapport à l’utilisation de ces mêmes domaines d’action à des fins de développement économique durant les Trente Glorieuses (voir supra, 2ème Partie, Section 1).

De 1985 à 1995 environ, la politique de développement économique locale déployée par l’organisme communautaire consiste essentiellement à aménager le territoire de l’agglomération lyonnaise et à l’équiper, selon une logique nouvelle de renforcement de l’attractivité territoriale et de création d’avantages comparatifs vis-à-vis des entreprises. La gestion pragmatique et flexible de l’action publique par le biais du projet urbain et des missions territoriales s’appuie sur la réorganisation des services techniques communautaires et l’approfondissement de leur savoir-faire opérationnel. Cette période correspond à une première étape, un premier niveau dans l’intégration fonctionnelle des politiques urbaines à des fins de régulation économique territoriale. Méthodologiquement, la production de surfaces d’activités, qui représente encore la majeure partie de l’intervention économique locale, est territorialisée à travers le développement d’une forme d’aménagement urbain adaptée aux impératifs d’attractivité concurrentielle et en cohérence avec l’enjeu économique.

Cependant, la volonté de mettre en place les ingrédients d’une véritable politique économique s’affirme à partir des années 1990, après l’attribution d’une compétence officielle au niveau intercommunal en la matière. Les services économiques communautaires sont en effet tentés de reproduire une forme de régulation économique territoriale plus stratégique et qualitative, sur le modèle de la politique sectorielle étatique des années de croissance (voir supra, 2ème Partie, Section 1). La DAEI s’ouvre ainsi largement à une approche du développement économique par filières, plus immatérielle et qualitative, mais beaucoup moins reliée à la dimension spatiale. Pour le Grand Lyon, l’enjeu est notamment de se positionner par rapport aux instances régionales et aux différentes agences spécialisées de l’Etat, qui sont très actives dans le champ du soutien à l’innovation et aux activités technologiques, de plus en plus porteur pour le développement économique (voir supra, 1ère partie, Section 1). La politique économique se trouve ainsi passablement coupée du champ de l’aménagement et de l’urbanisme, donc très peu territorialisée, alors que la vision managériale et purement stratégique devient prépondérante au sein des services économiques communautaires.

Face au constat d’échec relatif de ce type d’approche du développement économique au début des années 2000, la politique de régulation du Grand Lyon connaît finalement un nouveau revirement. Un nouveau dispositif territorialisé de gestion de la politique économique communautaire est mis en place. Il permet de recréer du lien entre les volets spatiaux assez classiques du développement économique – intervention à la marge du fonctionnement de l’économie mais qui reste le principal et le plus efficace levier d’action de la puissance publique au niveau local – et les volets plus qualitatifs de la logique stratégique et immatérielle des filières. Une organisation recourant à la sous-traitance permet en outre au Grand Lyon de pallier les carences de compétences de la DAEI et d’imposer son leadership au sein du système d’acteurs de la régulation économique territoriale (voir infra, Section 3).


Conclusion de section


Dans la métropole lyonnaise, la territorialisation de la régulation économique s’opère donc selon deux phases chronologiques distinctes, non seulement sur le plan politique (voir supra, section 1), mais aussi sur le plan technique du développement des modalités de mise en œuvre et des savoir-faire nécessaires.

La première phase, consécutive à la Décentralisation puis à la loi ATR, permet à l’instance communautaire de développer des capacités d’expertise sur les questions économiques (en interne et au sein de l’Agence d’urbanisme) et des compétences en matière de planification stratégique, de conduite de politiques urbaines, d’aménagement de l’espace et de gestion des services et équipements publics locaux. L’émergence d’une politique de développement économique pilotée par le Grand Lyon s’accompagne ainsi de l’acculturation progressive des services et des élus communautaires aux méthodes de gestion de l’action inspirées des techniques du management stratégique (Bouinot, Bermils, 1995). Celles-ci sont déclinées à travers des démarches de projet et par l’intégration fonctionnelle des politiques d’aménagement urbain et de développement économique, au service du développement global de la métropole et de son positionnement dans le jeu de la concurrence économique internationale.

La deuxième phase de territorialisation de la politique économique communautaire, plus récente, répond quant à elle au besoin de consolidation de la capacité d’intervention et du leadership politique du Grand Lyon dans la régulation économique métropolitaine. Elle s’inscrit dans une dynamique nouvelle de recherche d’un « entre-deux » territorial (Girault, Antheaume, Maharaj, 2002), permettant de dépasser les limites fonctionnelles et opérationnelles des découpages institutionnels existants : pluralité des organismes compétents et légitimes à intervenir dans la régulation économique métropolitaine, pluralité et contradiction éventuelle des enjeux de développement à l’échelle de la métropole et à l’échelle des territoires locaux qui la composent, difficulté des services du Grand Lyon à mettre en cohérence les différentes approches – spatiales et stratégiques – de l’action économique.

Ce processus d’innovation territoriale est ainsi destiné à renforcer la capacité d’intervention économique de l’organisme communautaire et son contrôle sur le système d’action collective. Il repose sur la mise en application opérationnelle du partenariat public/privé et des principes de l’action collective, à partir de l’invention d’une nouvelle maille territoriale à vocation essentiellement opérationnelle pour le moment, située entre le niveau communautaire et les communes, au plus proche des entreprises et des acteurs économiques. Le pragmatisme et la flexibilité sont au cœur du dispositif.

Ce qui se joue avec l’adoption et la mise en application de la méthode stratégique au cœur de l’action publique en faveur de l’économie, notamment par le biais de la planification urbaine, de l’aménagement de l’espace et de l’urbanisme – avec un rôle très important joué par des expériences pilotes comme celle de l’élaboration du SDAL ou de la conduite de projets urbains au travers des missions territoriales –, c’est donc l’intégration de la culture managériale et des modes de faire des entreprises par la puissance publique locale. Le recours à la sous-traitance, l’externalisation des tâches techniques ou de l’expertise économique nécessitant des compétences spécifiques auprès d’organismes extérieurs satellisés par le Grand Lyon participent aussi de cette recherche de flexibilité et de pragmatisme au sein de l’action publique en faveur du développement économique. La nouvelle territorialisation de l’action de la DAEI cherche ainsi à dépasser les fluctuations d’orientation et de contenus de l’action économique en intégrant ses différents volets et acteurs par le territoire.

Cette section montre donc une certaine victoire des conceptions méthodologiques libérales sur la gestion de la régulation économique territoriale, qui place l’enjeu économique au-dessus des autres champs de politiques publiques : « (…) le planning stratégique correspond à une rhétorique pratique visant à rendre acceptables, concevables de nouvelles modalités de l’action publique urbaine » (Padioleau, Demesteere, 1992, p.32). La démarche stratégique apparaît comme une méthode pour gérer, voire enclencher et faire accepter le changement dans les modes de faire de l’action publique. Il renvoie à la complexité du développement urbain dès lors que celui-ci se veut plus global et placé sous la domination de l’impératif économique, c’est-à-dire au service de l’intérêt des entreprises.

L’adoption de la démarche stratégique permet en outre de faire accepter l’idée de la participation active et plus ou moins directe des acteurs économiques dans la conduite de la régulation économique territoriale, voire le principe d’une intégration pure et simple de leurs intérêts par la puissance publique en charge de la politique de développement économique au niveau local (voir infra, Section 3).


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