PREMIERE PERIODE NOVEMBRE 1994 - MARS 1998 RESUME Ce début de la troisième phase de ma vie professionnelle m’avait embarqué dans une entreprise nouvelle, véritable gymnastique intellectuelle particulière, en passant d’un secteur à un autre complètement différent. Issu et venant d’un milieu de techniciens et cartésien, il fallait faire l’effort de s’adapter à un environnement connu pour être assez trivial et quotidiennement sous les feux de la rampe à travers les media. Dès lors, je m’étais engouffré, sans préjugés, dans un monde nouveau, inconnu pour moi, entamant une épopée d’un parcours professionnel d’un autre type. Il était clair dans mon esprit que ne je venais pas dans le secteur de la Jeunesse et des Sports pour faire carrière à l’âge de cinquante trois ans, et que le prestige de la fonction n’était pas ‘’ma tasse de thé’’ et une finalité. Je n’avais pas, non plus, intégré ce secteur pour attendre paisiblement la retraite, car je ne suis pas du genre à rester inactif et sans ressorts. Je ne pouvais faire autrement que de rester dans l’action pour susciter, comme à mon habitude, un véritable esprit d’équipe et de travail sans relâche dans la considération et l’amitié partagées. Aussi, ai-je tenu, dès les premières semaines à sortir pour aller sur le terrain pour connaître, apprécier et évaluer la situation. Par ailleurs, pour ne pas dénaturer notre action, il fallait essayer de faire comprendre, admettre et cesser de considérer le Département de la Jeunesse et des Sports comme un secteur improductif et irrationnel, tout voué à la publicité et aux éclats sensationnels ou aux échecs douloureux des sportifs et du monde associatif. Dès lors, avec les différents ministres qui s’étaient succédé à la tête du Département, j’avais toujours donné mes avis, avec le ton et la force nécessaires, en essayant de convaincre dans un milieu de travail tourbillonnaire et brownien. Comme aux ‘’Mines’’ et à l’Energie’’, mon engagement fut total et profond pour ne pas faire de la figuration, apportant chaque fois ma contribution à l’édifice, et en essayant toujours d’être utile et positif. L’exercice ne fut pas facile, particulièrement dans un milieu versatile et soumis quotidiennement au feu roulant de la critique facile et du dénigrement à travers les médias nationaux. Dans ce contexte, le Ministère fut sollicité de toutes parts pour assurer une réelle tutelle du Sport en général et un contrôlant des fédérations.
Dans un autre contexte, l’organisation du Colloque National sur le sport, après plus de trente ans de léthargie et d’insouciance, avait ambitionné la préparation d’une plateforme pour le prochain millénaire. A la Gestion administrative, il fallait adopter une attitude positive de facilitateur, incitateur et régulateur pour multiplier les potentialités et les richesses humaines. Le nouveau Centre de Jeunesse de Bouznika sera inauguré, début juillet 1996, par le Prince Moulay Rachid. La Marocaine des Jeux et des Sports connaîtra une évolution fulgurante avec la multiplication des produits permettant au FNDS d’engranger des versements démultipliés. En compagnie des responsables des Directions centrales, je m’étais rendu aux installations de jeunesse, de sports et de promotion de la femme. Notre participation aux Jeux Olympiques d’Atlanta de 1986 fut un désastre et avait exigé un examen approfondi des structures, des infrastructures, des mentalités et des habitudes de gestion du sport national. En août 1997, Nawal, championne olympique, auréolée de son passé glorieux, avait été appelée au Département pour lui donner davantage d’éclat. Au cours de cette nouvelle phase de ma vie professionnelle, d’importantes infrastructures sportives, de jeunesse, de promotion de la Femme et de formation des cadres furent réalisées, suivies de l’amorce d’un développement conséquent de l’action sociale pour les agents du Département. Par ailleurs, sans être exhaustives, plusieurs missions furent effectuées, notamment en Europe, au Moyen Orient et en Chine dans le cadre du renforcement de la coopération bilatérale ou pour participer à des conférences et séminaires relatifs à la jeunesse, assister à des manifestations sportives et accompagner l’Equipe Nationale de Football dans ses différentes évolutions et lancer les bases de la réalisation de piscines de proximité indispensables à la relance effective et rapide de la natation nationale.
Un nouveau monde Le lundi 14 novembre 1994, à la sortie du Conseil des Ministres présidé par le Roi Hassan II au Palais de Bouznika, Chérif, Ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat, m’annonça le premier, ma nomination comme Secrétaire Général du Département de la Jeunesse et des Sports.
« Tu es satisfait, maintenant, ô Moulay Driss, justice est rendue à ton ami », lui aurait dit le Roi, au terme de l’examen de ma nomination lors du Conseil. Ce jour là, le téléphone ne cessa pas de sonner à mon domicile à Rabat, et pour de nombreux amis ulcérés par mon éloignement brutal du Ministère de l’Energie et des Mines, ce fut une délivrance, considérant que mon rappel dans un autre département était une manière de réparer une injustice. Pour moi, un nouveau départ avait commencé avec le Ministre Alaoui qui m’avait embarqué dans une nouvelle entreprise commune au service de l’Etat et de la collectivité nationale, véritable gymnastique intellectuelle particulière, en passant d’un secteur à un autre complètement différent. Le mardi 15 novembre 1994, j’avais rejoint le Ministère de la Jeunesse et des Sports, situé au haut de l’avenue Mohammed V, à proximité de la grande mosquée Sunna, accueilli amicalement par le Ministre, satisfait de la suite favorable donnée à sa proposition du mois d’août dernier. Je venais à ‘’la Jeunesse et aux Sports’’, novice, mais sans préjugés, disponible et résolu pour entrer dans un monde nouveau, presque inconnu pour moi, entamant une épopée d’un parcours professionnel d’un autre type, avec la ferme volonté de réussir un nouveau challenge. J’avais retrouvé au Cabinet du Ministre un ancien de ‘’l’Energie et des Mines’’, Zerhouni, qui m’avait rapidement entretenu de l’ambiance de travail au nouveau Département et des grands dossiers de l’heure. « Il faut observer avant de commencer et ne pas oublier que toute chose appelée à être améliorée, a le mérite d’exister », me disait un ami, connu pour sa sagesse et la pertinence de ses jugements. Alors, de nouveau, j’avais d’abord commencé par observer, bénéficiant de la confiance et du soutien renouvelés du Ministre Alaoui. Dans l’après midi, après une entrevue détendue avec le Ministre et l’ancien Secrétaire Général, Guessous, atteint par la limite d’âge, j’avais rencontré les premiers responsables du Département, Ikken, Lamrani, Jouali, Belhoucine, Mounabih et Dakinepour une première prise de contact tout à fait encourageante, car tous m’avaient marqué leur ferme volonté de travailler en bonne intelligence avec moi Parmi ces responsables, je ne connaissais réellement que Lamrani, Directeur des Sports qui avait piloté un en 1974 un voyage de groupe en Union Soviétique auquel j’avais participé avec mon épouse. Le mercredi 16 novembre 1994, j’avais fait la connaissance de mes collaborateurs directs au Secrétariat Général.
Le 17 novembre au matin, j’avais assisté à l’entrevue entre le Ministre et le représentant d’Israël au Maroc venu s’enquérir de la possibilité de transférer un joueur du Wydad de Casablanca au club de football de Haïfa. L’après midi, le Ministre m’installa dans mes nouvelles fonctions, à l’occasion d’une grande cérémonie à l’amphithéâtre au rez-de-chaussée, où à la fin des années cinquante, en tant qu’étudiant, j’assistais avec des amis à des projections de films classiques de premier choix. « Que vient faire un ingénieur des mines à la Jeunesse et aux Sports, c’est encore un protégé et un pistonné du Ministre qui vient passer paisiblement les quelques années avant le départ à la retraite », pensaient certains en sourdine. Je n’avais accordé aucun crédit à ce genre de litote, m’engageant, dès les premiers instants, à connaître les personnels et inaugurer des relations fécondes avec les fonctionnaires, élément déterminant et majeur de la réussite ou de l’échec du début de mon action au Département. Je fais partie de ceux qui ne fondent pas leur opinion ou leur jugement sans avoir expérimenté l’entourage, car cela pourrait être inconsistant. Issu et venant d’un milieu cartésien de techniciens, aux tournures d’esprit sans finasserie, il fallait faire l’effort de s’adapter à un environnement différent, « tout fait de non dits, de dérobades, et connu pour être assez trivial». Aussi, ai-je tenu dès les premières semaines, après des briefings avec l’ensemble des Directeurs, à sortir souvent du cadre étriqué de mon bureau pour aller sur le terrain, même le weekend, pour connaître et évaluer la situation aux plans des délégations régionales, des installations sportives, des maisons de jeunes, des foyers féminins, des centres d’observation et de rééducation et des structures de formation des cadres. Successivement, dans une première phase, je m’étais déplacé dans les centres de Rabat, Salé, Témara, Bouznika, Benslimane, Aïn Atig, Casablanca, El Jadida, Kenitra, Tanger, Tétouan, Larache, Asilah, Khemisset, Oulmès, Fès, Séfrou, Meknès, Immouzzer des Kandar, El Hajeb et Marrakech, où partout en novice, j’avais été surpris et étonné par la faiblesse des structures de gestion et l’indigence des moyens matériels en service. Quelques semaines plus tard, suivant les orientations du Ministre Alaoui, je m’étais attelé à la tâche, en menant de front la coordination des travaux des Directions, la préparation du budget 1995 et un essai de restructuration des services du Ministère. « Il vous faut du courage et de l’abnégation pour secouer le cocotier, au sein d’un Département connu pour son insouciance, son esprit de clans, et où l’ordre, la discipline, la clarté et la rigueur gênent certains responsables habitués au petit trot et à l’irresponsabilité. Les mauvaises habitudes ne se perdent pas facilement, et il est difficile de mettre en place une organisation dotée d’un esprit d’équipe», me dit un ami peu convaincu de l’impact de mon initiative d’aller souvent sur le terrain, au contact des réalités. Je ne pouvais faire autrement que de rester quotidiennement dans l’action pour inhiber ma curiosité et susciter un véritable esprit d’équipe, n’étant pas du genre, pour mes débuts, à être porté dans les fonds baptismaux par un groupe incertain. Il me faudrait foncer en essayant de maîtriser les dossiers et créer une équipe soudée, s’accrochant davantage aux valeurs de notre secteur. Je m’étais efforcé d’être près des réalités pour mieux connaître et comprendre la situation en prévalence, en effectuant même pendant le Ramadan, des visites nocturnes aux maisons de jeunes de Rabat et des environs, en assistant au départ du Marathon de Marrakech, au tournoi de football à la salle Ibn Yacine à l’Agdal, et en présidant à Kenitra la cérémonie des départs à la retraite de plusieurs fonctionnaires en présence des responsables du Département. Toutes ‘’ces gesticulations’’ étaient suivies et scrutées de très près par beaucoup d’adeptes de l’inaction qui attendaient probablement des faux pas quasi certains pour eux, oubliant que j’observais d’abord, avant de commencer, sans prendre la moindre décision sortant du cadre des orientations du Ministre Alaoui. Ainsi, après les différentes missions de proximité et la période d’observation de plus d’un mois, j’avais essayé de lancer des actions dynamiques malgré les sarcasmes des détracteurs de tous bords, qui avaient dû déchanter en se rendant compte de l’engagement d’une entreprise concertée avec le Ministre et non d’opérations démagogiques personnelles et ponctuelles. A l’occasion de mes déplacements, j’avais remarqué, que souvent les agents du Département étaient surpris, étonnés, heureux et reconnaissants de voir le Secrétaire Général leur rendre visite aux fins fonds des villes, des villages et des campagnes pour s’enquérir de leurs problèmes, et leur marquer sa détermination à œuvrer pour leur trouver les solutions adéquates, et de bonne foi. « Enfin les gens de Rabat commencent à s’intéresser réellement à nous, c’est un miracle qui s’opère. Vous allez être inscrit dans le livre des records des visites du plus grand nombre d’installations et de centres du Ministère », m’avait fait remarquer un participant assidu de mes déplacements récurrents et sans pause, au grand dam, sournois quelques fois, de certains responsables qui préféraient ne pas être mis à contribution ou dérangés les fins de semaines. Parallèlement à toutes ces actions, avec l’assentiment du Ministre Alaoui, l’examen des vrais problèmes de gestion du Département fut entamé avec la mise en place des comités spécifiques, chargés notamment des volets budget, informatique, documentation, réalisation du nouveau siège à l’Agdal et extension du Centre National des Sports Moulay Rachid à la Mamora avec l’achèvement de la piscine olympique et la rénovation et la réhabilitation de la piste d’athlétisme. Au fur et à mesure de nos réunions, j’avais constaté l’immensité de la tâche à accomplir et l’énormité du retard enregistré aux plans de l’allocation et de l’utilisation des crédits budgétaires, de l’informatique, de la gestion des ressources humaines, des œuvres sociales, etc. Pour essayer de pallier rapidement ces insuffisances, des mises au point avaient visé une plus grande implication à tous les niveaux de responsabilité pour opérer un saut qualitatif dans le management de nos affaires, car le personnel avait un besoin urgent de sentir une présence réelle, un contrôle amical et non tatillon, et un intérêt réel à ses problèmes et à ses préoccupations quotidiennes. Au fil du temps, j’avais tenu, chaque fois que l’occasion s’était présentée, à assurer, notamment les Directeurs, que ma venue ne visait nullement à les dépouiller de leurs prérogatives ou à saper leur autorité, mais à apprendre d’eux, pour les comprendre d’abord, les aider ensuite, pour enfin les conforter dans leurs responsabilités, en conformité avec les orientations du Ministre. Certains avaient tenté de faire de la diversion en voulant se créer des domaines réservés, mais très vite, ils s’étaient rendu compte que leur attitude ne menait à rien de constructif, et que nous devrions tous ensemble s’inscrire dans un cadre de travail en synergie et en équipe. Réellement, en dehors de toute autre considération, le souci primordial pour moi fut de construire un climat fondé sur la confiance, d’instaurer un respect mutuel, et de faire vivre une relation de qualité spontanée, avec un style de communication ouvert et rassurant pour tous. Toutefois, j’avais insisté, de manière récurrente, à ce qu'une attention particulière fût accordée aux doléances du personnel, et que les modestes moyens du Ministère fussent utilisés et gérés rationnellement, dans la clarté et la transparence à tous les niveaux de la gouvernance. Dans un premier temps, un effort fut engagé pour améliorer les conditions de travail du personnel en ''relookant'' le bâtiment du Ministère pour lui donner un aspect moins miséreux et délabré, et en réorganisant les moyens de transport et de déplacement du personnel du siège. Je découvrais chaque jour d’autres problèmes épineux et d’autres sensibilités en recevant des personnes de tous bords de Rabat et des services extérieurs. Pour certains, l’arrivée d’un nouveau Secrétaire Général était une occasion propice pour se défouler sur le prédécesseur, en croyant exorciser le mal. « Depuis plus de vingt cinq ans que je travaille dans ce Ministère, je n’ai jamais pénétré dans ce bureau, ni approché le Secrétaire Général », me dit un vieux fonctionnaire, venu me rendre une visite de courtoisie. J’avais toujours écouté et enregistré, sans dénigrer ou faire croire que j’étais venu avec un élan salvateur, tout en veillant scrupuleusement, selon les directives du Ministre, à ouvrir la porte de mon bureau à tout le monde, sans exclusive, et pour répondre positivement à toutes les demandes de rendez-vous.
De prime abord, après quelques semaines de contacts, il m’avait semblé que les grandes manifestations sportives nationales et internationales des dernières années avaient marginalisé la gestion des affaires intrinsèques du Département, la majorité du personnel s’étant senti blessé dans sa chair, ignoré et frustré. Aussi, fut-il de mon devoir d’essayer de redresser la barre, d’expliquer la portée de la nouvelle approche des problèmes prônée par le Ministre Alaoui, et d’apporter, sans lésiner, mon humble contribution. Dans le secteur du sport Fin novembre 1994, dans une grande ambiance festive, au stade Mohamed V à Casablanca, j’avais assisté à la finale de la Coupe du Trône de football au cours de laquelle de nombreux sportifs, toutes catégories, et des dirigeants émérites furent décorés par le Roi Hassan II. Quelques jours après, à Mohammedia, j’avais présidé le Grand Prix du Tir en vol, regroupant des sportifs d’élite en provenance de pays européens. Pour rester fidèle à mes principes, au grand dam des organisateurs, j’avais refusé de tirer les pigeons, déplorant par là que le Maroc et le Portugal fussent les seuls pays où l’on pouvait encore tirer des volatiles vivants. Par la suite, mes nombreux contacts formels et informels avec le Comité National Olympique présidé par le Général Benslimane et administré par le Colonel Zekri et Faddoul Benzeroual, et les différentes fédérations sportives m’avaient placé dans l’orbite de la mouvance sportive et de ses problèmes. Ainsi, j’avais suivi les activités du Comité Provisoire de la Fédération Royale de Football dirigé par le Général Benslimane, appelé à opérer une véritable restructuration et l’organisation du football national, suite à la mauvaise prestation de l’Equipe Nationale au Mondial 1994 aux Etats-Unis.
Un entraîneur brésilien, Nunes, recruté à grands frais et fracas, ne fera pas oublier les mauvais résultats, en dépit du lancement d’une campagne de recherche de nouveaux talents, plus disciplinés et marqués par le sceau de l’esprit d’équipe. Nunes ne tardera pas à partir, sans atteindre aucun des objectifs pour lesquels il avait été engagé. Au plan de l’athlétisme piloté par Haj Médiouri, un effort fut engagé et poursuivi pour dénicher et préparer d’autres élites à travers l’organisation de manifestations à caractère régional et national.
Au plan du cyclisme, du handball et des sports automobiles, la remise en cause des dirigeants et de leurs politiques désastreuses, était porteuse d’espoir pour une meilleure vision du sport et une représentation plus honorable de notre pays. Particulièrement pour le cyclisme, suite aux agissements occultes d’anciens responsables de la Fédération dissoute, désireux de revenir sur la scène malgré les irrégularités constatées dans leur gestion, le Ministère et le Comité Olympique, intraitables, avaient tenu à poursuivre l’action d’assainissement dans le cadre du Comité Provisoire et à préparer la tenue d’une assemblée générale ordinaire pour élire de nouveaux dirigeants. Dans ce contexte, le Ministère fut sollicité de toutes parts pour assurer une réelle tutelle du Sport en général, en contrôlant les fédérations et en suscitant des audits de gestion pour promouvoir une politique d’objectifs réalistes, dans un cadre de partenariat et de synergie entre l’ensemble des intervenants sportifs. Par ailleurs, au cours du mois de Ramadan, mandaté par le Ministre, accompagné des responsables de la Direction des Sports, nous avons tenu à Fès une réunion de travail avec le Wali, Drief, pour essayer de relancer la construction du nouveau stade de football, suspendue depuis plusieurs années par insuffisance de crédits. « Il faut mettre fin à la gestion cahoteuse du dossier du Complexe sportif de Fès », nous dit le Wali, à l’ouverture de la réunion dans son bureau, en présence des représentants locaux, dont Saïd Belkhayat membre du Comité Olympique et notabilité connue de la ville. Le Wali ignorait peut-être que le retard des travaux du Complexe de Fès n’incombait pas à notre Département toujours fidèle à ses engagements pour la part de financement qui lui revenait, mais plutôt à la Commune urbaine de Fès et aux différents services placés sous la tutelle du Ministère de l’Intérieur. Effectivement, le Ministère chargé des sports avait inscrit régulièrement chaque année des crédits dans ses budgets d’investissement, et que de ce fait, aucun reproche ne devrait lui être adressé. L’achèvement du Complexe devrait être pris en charge par la municipalité de Fès et la Direction Générale des Collectivités Locales, conformément à la convention signée par les administrations concernées lors de la décision de réaliser l’infrastructure sportive à la fin des années quatre vingt. Malgré notre bonne disposition pour débloquer exceptionnellement des crédits lors des exercices budgétaires futurs, nous nous étions quittés sans espoir pour l’achèvement rapide du Complexe, chaque partie devant en référer à son Ministre. Le Ministre Alaoui, informé de la situation, marqua son désappointement pour La situation de statu quo, et s’en tiendra aux seuls engagements conventionnels du Département chargé des Sports. Malheureusement le complexe sportif de Fès exigera beaucoup de temps et d’argent pour le transcender les problèmes, car la ville de Fès n’avait pas voulu ‘’mettre la main à la poche’’ pour achever une réalisation faisant partie des infrastructures à l’appui des candidatures du Maroc au Mondial 2006 et 2010. Dans un autre contexte, l’organisation du Colloque National sur le sport, après plus de trente ans de léthargie et d’insouciance, avait ambitionné la préparation d’une véritable plateforme de débats et d’analyse, en considérant les aspects négatifs du passé, sans adopter une position de dénigrement systématique, mais plutôt en lançant les bases d’une plateforme pour le prochain millénaire. Certains esprits chagrins avaient prédit un échec total de l’initiative avant même qu’elle ne commençât. Pour marquer l’implication du Ministère, j’avais présidé au Centre des Sports Prince Moulay Rachid la première journée de réflexion sur le sport national en remplacement du Colloque reporté à une date ultérieure pour des raisons essentiellement financières. Ce fut, pour les sportifs de toutes les disciplines et pour la presse sportive animée par Najib Salmi, une journée de défoulement, durant laquelle j’avais tenu à assister à tous les exposés et à observer une neutralité totale pour favoriser les débats d’idées et tirer les conclusions idoines. D’une façon générale, après cette rencontre, le redressement du sport national, toutes disciplines confondues, s’imposait pour éviter que la loi sur le sport et l’éducation physique ne se heurtât dans son application à des problèmes frappant de caducité certaines de ses dispositions datant de 1986, par suite de l’indécision d’aller de l’avant avec fermeté. Avec le Ministre, nous avions considéré qu’il valait mieux organiser cette manifestation que de laisser traîner les problèmes, car en période de chienlit, l’indécision est un poison lent qui engendre l’inertie pouvant se transformer en habitude délétère, néfaste pour le sport national qui avait un besoin urgent de salut et de voie de sortie.
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Au cours du mois de décembre 1994, une mission fut effectuée en Algérie, en compagnie de Benali et de Mounabih, respectivement Chef de la Division du Sport d’Elite à la Direction des Sports et Chef de la Division de la Coopération, pour représenter le Ministre Alaoui à la réunion des Ministres de la Jeunesse et des Sports de l’UMA. Les réunions avaient porté sur les moyens à mettre en œuvre pour développer la coopération entre les cinq pays de l’Union. Des recommandations de coopération en matière de sport et de jeunesse furent adoptées, mais encore une fois, elles ne seront pas suivies d’effet. Notre séjour à Alger, logés au Palais des Hôtes, fut ponctué par des visites à la Casbah dans un état de délabrement avancé, au Mémorial des Chouhadas et à la Corniche le long de la Méditerranée. La situation à Alger nous avait semblé chaotique. Les magasins pauvrement achalandés, proposaient essentiellement des dattes ‘’deglat nour’’ de Biskra. L’Algérie se cherchait dans la tourmente qui l’avait terriblement secouée durant des années de guerre civile.
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Par ailleurs, une action de coopération avec la Chine Populaire fut engagée pour réaliser à Marrakech, Fès et Kenitra des piscines, relativement sommaires, mais indispensables à la relance de la natation nationale. Ces ouvrages de proximité, financés par le reliquat du crédit chinois pour la construction du Complexe Moulay Abdellah à Rabat dans les années quatre vingt, visaient à permettre à la natation marocaine de sortir de la déliquescence et de la morosité ambiante, de retrouver sa place d’antan. Dans le secteur de la Jeunesse Dans un autre contexte, l’organisation du Colloque National sur le sport, après plus de trente ans de léthargie et d’insouciance, avait ambitionné la préparation d’une véritable plateforme de débats et d’analyse, en considérant les aspects négatifs du passé, sans adopter une position de dénigrement systématique, mais plutôt en lançant les bases d’une plateforme pour le prochain millénaire. J’eus de longues discussions avec le Directeur, Issa Ikken, homme de grande culture et de grande vision, poète et peintre à ses heures, pour essayer de transcender les problèmes, effacer les incompréhensions et favoriser l’émergence d’un esprit tourné vers le prochain millénaire. Après nos nombreuses séances de clarification, nous étions tombés d’accord tous les deux pour souligner que : - en fait, la Jeunesse travaille en profondeur, son objectif s’inscrivant dans la durée pour favoriser le développement humain, contrairement au Sport qui fait la Une des médias tous les jours en devenant une véritable industrie dominée par la publicité et les affaires commerciales, - le nombre des maisons de jeunes (252) était insignifiant par rapport aux besoins réels de notre jeunesse avide, en plus des activités culturelles traditionnelles, de se projeter dans le prochain millénaire, à travers les nouvelles technologies de l’information et du savoir, - l’encadrement, le fonctionnement et l’équipement des centres de jeunesse perturbés par l’insuffisance des crédits alloués par l’Etat, pourraient être améliorés sensiblement en faisant appel au concours des collectivités locales dans la construction et l’aménagement de nouvelles maisons de jeunes, à charge pour le Ministère chargé de la Jeunesse de fournir l’encadrement et de piloter la gestion courante et quotidienne, - il urgeait d’affecter des lauréats de l’IRFC aux maisons de jeunes dans les régions excentrées, de susciter des actions de coopération internationale et d’encourager les opérations génératrices de ressources d’autofinancement pour pallier les insuffisances de nos crédits budgétaires, - les colonies de vacances et les voyages de jeunes, creusets où se fondent et disparaissent les particularismes régionaux ou locaux, continueront à jouer un rôle par l’occupation beaucoup plus large des jeunes en période estivale, après la création et l’équipement de nouveaux centres, - les Centres d’Observation et de Rééducation (COR) doivent assumer leur rôle éminemment social pour le suivi des délinquants mineurs, - un projet de loi devant régir les relations avec les différents intervenants dans le secteur (mouvement associatif et société civile) devrait être élaboré en synergie avec eux, malgré un consensus difficile à obtenir. Malheureusement, malgré notre engagement à améliorer la situation, le nombre de maisons de jeunes restera en deçà des prévisions, faute de moyens humains et matériels suffisants et adéquats pour leur réalisation par les Collectivité locales et pour leur gestion ordinaire par les services du Ministère. Nous serons toujours loin de l’adage « une maison de jeunes par commune ». Quant aux colonies de vacances, les réunions annuelles de la commission ad hoc se dérouleront, après le départ du Ministre Alaoui, dans une ambiance politisée par l’arrivée sur la scène des associations d’obédience droitière, venues brouiller les cartes des groupements de gauche. Ces derniers, éternels détracteurs du Département, habitués à imposer leurs points de vue et leurs conditions, dans le cadre d’un mouvement brownien amplifié par des demandes insensées d’occupation des centres d’estivage en montagne ou en bordure de mer, avaient fini par boycotter une période estivale. Le champ associatif continuera à être formaté sur la base de pratiques se barricadant dans le chantage nihiliste, excipant d’une légitimité supérieure à celle du Département dans l’affectation des bourses de colonies de vacances et d’affectation des camps. Au Département, nous avons tenu à être le plus loin possible des spéculations pour montrer l’utilité sociale et nationale des colonies de vacances, en essayant de convaincre les diverses associations que les affectation des places dans les camps ne devraient pas avoir un caractère partisan ou politique. Pour mieux apprécier la situation, j’avais effectué, régulièrement chaque été, une longue tournée des centres de colonies de vacances à Jebha, Asla, Asilah, Larache, Arkman à proximité de Nador, à Saïdia, Haouzia près d’Azemmour, Tamaris, la Corniche Aïn Diab, Zenata, Bouznika et Harhoura, Ras el Ma, Bensmim, Kharzouza dans le Moyen Atlas, relevant au passage les nombreuses et importantes lacunes dans l’équipement et l’entretien ordinaires des centres d’estivage visités. « Colonies de vacances pour tous ou voyages de jeunes pour tous » était un adage encore lointain, tant qu’on n’aura pas amélioré l’état général et la sécurité des centres, les conditions de séjour, combattu les négligences et le laisser aller. Il faut se rendre à l’évidence que rien de palpable ne sera engrangé, tant qu’on n’opère pas en synergie avec le milieu associatif, dans un environnement de clarté et de responsabilité partagée. Ce faisant, L’Etat devrait par ailleurs allouer des crédits suffisants pour faire face aux nécessités de notre temps, pérenniser ce qui avait été déjà fait et satisfaire une demande des associations, de plus en plus exigeantes. Au plan de la rééducation, les COR subiront un meilleur sort en veillant à combattre sans répit l’indigence des moyens financiers et la faiblesse du niveau de l’encadrement des jeunes délinquants, les progrès de la scolarisation n’étant pas assez probants pour s’attendre à une régression du phénomène de la délinquance. Au niveau législatif, le projet de loi sur les activités de jeunesse continuera à entretenir, sans fin, la polémique entre le Département et le mouvement associatif peu enclin à collaborer avec l’Administration et désireux d’imposer son point de vue. Aux Affaires Féminines En étroite coordination avec le Chef de Division, Mrabet,notre souci majeur était de maintenir et de renforcer notre coopération avec le Fonds des Nations Unies (FNUAP) dans la réalisation des programmes inhérents à la promotion des femmes et des jeunes filles, notamment en milieux rural et périurbain, en créant des petites entreprises gérées de manière autonome. Le Ministère avait, par ailleurs, construit des garderies coopératives dans lesquelles il prenait en charge une partie du budget, le groupe de femmes se constituant en comité de gestion pour assurer le fonctionnement par leurs cotisations intrinsèques. Au niveau du monde rural et des provinces excentrées, nos excellentes relations avec le Directeur du FNUAP (Nations Unies), Benzine, furent déterminantes dans la réalisation de nombreux projets en matière de support aux activités de formation professionnelle des femmes et des jeunes filles et de lutte contre le fléau de l’analphabétisme féminin. Avec Benzine, d’origine algérienne, nous avons effectué les visites de nos centres à Rabat, Fès et Marrakech pour apprécier la situation et lancer les bases de programmes plus ambitieux. A la Gestion administrative Le Département, connu pour disposer d’un effectif pléthorique de l’ordre de 6.500 personnes, mal distribué, mal utilisé et mal réparti à travers le territoire national, souffrait d’une gestion administrative chaotique, d’un déficit de communication et de transparence, doublé d’une faiblesse rédhibitoire au plan des équipements informatiques. Cependant, sans se voiler la face et se gargariser au premier résultat positif, il fallait s’intéresser aux causes profondes du marasme et du malaise ambiant parmi le personnel, en adoptant une attitude positive de facilitateur, incitateur et régulateur pour multiplier les potentialités et les richesses humaines. Ce fut dans ce cadre qu’un important travail de proximité et de clarification avait été engagé dans un milieu et un environnement où le doute et la peur avaient toujours bloqué toute avancée. Tant pis pour ceux qui n’avaient pas voulu suivre le mouvement imprimé, car ils finiront par être lâchés en chemin, sans espoir de rattrapage. Par ailleurs, une action fut lancée relativement aux biens fonciers du Département en collectant les informations pour établir une première ébauche d’un Atlas de zoning des installations sportives, de jeunesse, des foyers féminins et autres, à travers l’ensemble du territoire national. Nous fûmes étonnés de découvrir l’existence d’un grand patrimoine inconnu jusqu’alors, et de constater que sa valeur avoisinait plusieurs milliards de dirhams. L’indigence de nos crédits budgétaires ne permettait pas une exploitation et un équipement rationnels de ce patrimoine exposé aux affres de l’abandon. Au cours des visites au nouveau siège du Ministère de l’Agdal, à la piscine olympique et à la piste d’athlétisme du Centre Moulay Rachid à la Mamora, au Complexe Prince Moulay Abdellah à Rabat et au Complexe Mohammed V à Casablanca, étaient apparus les déficiences dans l’allocation de nos ressources budgétaires, les retards dans la construction du bâtiment et des installations, en raison des retards de paiement aux entreprises et d’avaries techniques non constatées par les responsables du suivi des projets. Des réunions, souvent houleuses avec les architectes et le Ministère de l’Equipement, maître d’ouvrage délégué, furent tenues pour fixer les responsabilités et sensibiliser les intervenants quant à la nécessité de respecter les prévisions. Evidemment, certains crurent bon d’utiliser des moyens dilatoires pour retarder les travaux et montrer « qu’ils sont indispensables pour mener à bien les projets». L’amorce de ces bouleversements des méthodes de travail, avait malheureusement manqué des fois de cohérence et de détermination dans l’action, laissant le champ libre à la constitution de niches d’influence, à la critique et aux spéculations de toutes sortes, donnant l’impression ‘’que nous tournons en rond’’. ***
En janvier 1995, à la Délégation de Casablanca, une réunion avec les délégués du Ministère de la Région Centre inaugura des actions de sensibilisation de nos services extérieurs. Pour la première fois dans les annales du Ministère, dans un cadre convivial et amical, les services centraux et extérieurs furent associés dans une réflexion commune sur les problèmes de leur secteur. Le Ministère avait besoin de travailler avec une autre culture et de s’adresser à ses délégués avec d’autres moyens en les mobilisant et en les motivant pour qu’ils participent à la croisade commune contre l’immobilisme et l’irresponsabilité, et pour ne pas être de simples relais entre la décision centrale à Rabat et les citoyens. Le succès apparent enregistré par cette action nous avait encouragés à l’étendre aux autres régions et à programmer un échéancier des réunions pour mener des actions de communication et de sensibilisation. Le Centre de Bouznika En février 1995, le Ministre Alaoui me chargea de suivre le dossier de réalisation de ce nouveau centre de colonie de vacances en relation avec la société d’aménagement CAPRI, représentée par Lazrak et El Maghrabi. « Tu connais les gens du Groupe ONA, alors tu peux piloter le projet et résoudre les éventuels problèmes », me dit-il Je connaissais parfaitement Lazrak, ancien responsable du pôle immobilier de l’ONA qui deviendra par la suite un richissime et très averti homme d’affaires à travers son groupe ‘’Alliance’’. CAPRI, après l’accord des Domaines de l’Etat, sans en avertir le Ministère de la Jeunesse et des Sports, avait décidé de réaliser un important projet balnéaire dénommé ‘’Bouznika Bay’’ sur une superficie de 142 hectares. Cet immense projet englobait les deux centres d’estivage du Ministère d’une superficie de 14 hectares, comprenant le ‘’Camp national’’ sur la rive droite de l’Oued Bouznika, constitué de tentes en mauvais état, et le ‘’Camp international’’ construit en dur sur la presqu'île nord, dans une situation également déplorable et indigne de notre Département. Les deux centres précités, d’une capacité globale de 400 places, dont 300 sous la tente, ne répondaient plus aux besoins légitimes exprimés par le mouvement associatif et aux nécessités d’accueillir des groupes de jeunes étrangers qui se plaignaient souvent des mauvaises conditions d’hébergement dans « des chalets inadaptés et pouilleux». Le Ministère, tout en ne s’opposant pas à la création d’un nouveau centre balnéaire, avait voulu réactiver le projet étudié par l’équipe de Ikken, Directeur de la Jeunesse, quelque années auparavant dans le cadre d’une nouvelle vision des infrastructures des colonies de vacances. Dans ce cadre, il avait exigé et obtenu de CAPRI la réalisation d’un nouveau complexe de 14 hectares, propriété du Ministère, comprenant toutes les installations nécessaires pour accueillir plus de 1.000 jeunes estivants, notamment, des pavillons d’hébergement, des restaurants, des salles de conférences, des piscines, des logements pour le personnel de gestion, et des locaux administratifs. Le nouveau centre devrait comprendre aussi des blocs de chalets destinés à l’hébergement, en périodes de congé, des familles des fonctionnaires du Département, et plus tard des installations sportives de proximité. A plusieurs reprises avec El Maghrabi, nous avons sur les lieux, examiné et amendé les plans architecturaux pour répondre à nos réels besoins, et avec le nouveau Directeur de la Jeunesse, El Mounabih, nous nous rendions sur le chantier pour suivre l’évolution des travaux et le respect par CAPRI de nos conditions. Nous avons, par ailleurs, demandé à ce que le nouveau centre soit opérationnel dès juin 1996 pour couper court aux revendications et sarcasmes des associations opposées à tout projet de développement à Bouznika. 1996 fut une année très pluvieuse, et malgré cela, le chantier mené par une équipe de 700 personnes, avançait sans encombre, à une cadence exceptionnellement élevée, et dans un terrain marécageux. Le nouveau centre, moderne, bien agencé, réalisé dans le respect scrupuleux des délais (en moins d’un an), fut entièrement équipé par CAPRI après mes interventions personnelles auprès du PDG de l’ONA, Filali, qui accepta de débloquer un crédit supplémentaire de 3 millions de dirhams. Le Centre de Bouznika, résultat de la parfaite coordination des actions de notre Département et de la société CAPRI, sera inauguré, solennellement et en grande pompe, début juillet 1996, par le Prince Moulay Rachid. * Au démarrage de la saison estivale de 1996, des pelotons de jeunes estivants étaient venus investir le centre flambant neuf, sans commune mesure avec les autres centres de jeunesse au Maroc. Cette nouvelle donne avait mis fin aux jacasseries et aux critiques acerbes et sans retenue d’une frange du mouvement associatif, et d’une kyrielle de contempteurs, en mal de dénigrement, oubliant une réalité sur laquelle elles avaient très peu de prise. La Commission ad hoc de la Chambre des Représentants était venue constater sur les lieux l’édification d’un complexe unique en son genre au Maroc, appelé à devenir le fleuron du Ministère et à recevoir dignement les groupes de jeunes nationaux et étrangers et toutes les grandes manifestations de jeunesse. Le Centre, par la suite, deviendra effectivement le point de ralliement des réunions, des congrès partisans, des séminaires et des journées d’étude de tous ceux qui l’avaient dénigré prématurément et sans raison valable. Au Palais Mnebhi à Marrakech L’ancien Palais Mnebhi,édifié à la fin du 19è siècle par le vizir Mnebhi, du temps du sultan Moulay Abdelaziz, avait accueilli des personnages importants, dont le ‘’partisan français, Mitterrand’’ de passage durant la Seconde Guerre Mondiale. En 1952, il fut mis à la disposition de l’Administration chargée de la Jeunesse pour y installer un foyer d’étudiants transformé par la suite en délégation préfectorale du Ministère de la Jeunesse et des Sports, sans que personne de Rabat ne souciât de l’état des lieux. A l’occasion de la visite du siège de ladite délégation en Médina à Marrakech, je fus étonné de l’état de délabrement avancé de l’ancien palais où le responsable de la délégation s’était ‘’réfugié’’ dans l’un des anciens salons de réception, avec son plafond de bois sculpté, le reste des locaux étant abandonnés et en décrépitude. Dans cette situation peu reluisante, sans crédits du Département, j’avais noué des contacts avec plusieurs mécènes pour essayer d’aménager le Palais et lui faire retrouver sa splendeur d’antan, d’autant plus que sa situation en plein cœur de la Médina, près de l’Ecole Benyoussef, lui donnait des atouts de véritable musée. Au final, le Ministère ne pouvant mettre ‘’la main à la poche’’ pour restaurer ce monument, et avec la bienveillance du Gouverneur de la préfecture de Marrakech Médina, Moulay El Mamoun, l’Association des ‘’Amis du Musée de Marrakech’’, animée par le mécène Omar Benjelloun, fut retenue pour reconditionner le bâtiment Un protocole fut conclu avec la Direction des Domaines de l’Etat, moyennant le versement d’un loyer, et sur notre insistance, la réfection de la maison de jeunes existante et la construction des bureaux pour abriter la délégation préfectorale en Médina, près de la place de Jemaâ El Fna. Des travaux de rénovation pour un montant d’environ 20 millions de dirhams, financés par des apports propres de Benjelloun et des contributions de donateurs internationaux, furent rapidement entrepris et dureront plusieurs mois pour transformer de fond en comble la bâtisse délabrée et sans âme. Seuls furent gardés intacts les merveilleux plafonds en bois sculpté. L’ouverture concomitante du musée et de la maison de jeunes, présidée par le Ministre, Ameziane, en présence des autorités locales et du monde de la culture, interviendra conformément au planning, mettant un terme, encore une fois, à la campagne de désinformation orchestrée par des détracteurs réfractaires à toute avancée dans la remise en état d’un haut lieu de l’histoire marocaine. Le vieux Palais, complètement transformé et méconnaissable, deviendra un centre culturel et un point de visite recommandé aux nombreux touristes de passage dans la ville ocre. Au Pari Sportif Le Pari Sportif, communément appelé ‘’Toto Foot’’, était une filiale à 90% de la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG), les 10% étant la propriété du Trésor. Ses modestes résultats financiers étaient, de par la loi, versés au Fonds National de Développement du Sport (FNDS) qui les affectait, à travers le Ministère de la Jeunesse et des Sports, aux financements des fédérations et à la participation marocaine aux manifestations sportives régionales, continentales et internationales. Après accord de la Caisse de Dépôt et de Gestion, propriétaire et gestionnaire de la Société, un nouveau responsable, Fadel Drissi, professeur à l’ISCAE, ancien dirigeant au groupe de presse Maroc Soir, fut nommé par le Ministre Alaoui pour donner plus de vigueur aux interventions du Pari Sportif, jugées frileuses et peu productives pour le sport national. Grâce aux actions de réforme engagées en concertation étroite avec le Ministère, à une gestion plus saine, à des actions de promotion commerciale plus percutantes, et à l’introduction progressive de produits plus attractifs comme les loteries instantanées, les Conseils d’Administration successifs de la Société enregistreront des résultats positifs et de plus en plus significatifs pour le FNDS. L’évolution institutionnelle de la Société Toto Foot interviendra après la signature d’une convention avec la CDG ramenant sa participation au capital au niveau de 10%, les 90% étant cédés gratuitement au Ministère des Finances qui les rétrocédera immédiatement au Ministère de la Jeunesse et des Sports. Plus tard, Toto Foot deviendra ‘’La Marocaine des Jeux et des Sports’’, présidée par le Ministre chargé des sports, avec des administrateurs issus de La Primature, des Finances, de la CDG. La Marocaine des Jeux et des Sports, sous l’impulsion de Drissi, connaîtra une évolution fulgurante avec la multiplication des produits permettant au FNDS d’engranger des versements démultipliés et de renforcer sensiblement les subventions allouées aux Fédérations sportives nationales, notamment la Fédération Royale Marocaine de Football et le Comité National Olympique (CNOM). ***
Le Ministre Alaoui, malgré l’incertitude gouvernementale, avait continué à suivre de près les événements et à me marquer à chaque occasion sa sympathie, sa sollicitude et surtout sa confiance, atout et appui considérables me permettant de persévérer dans l’effort de comprendre un milieu hors du commun. Avoir la confiance du Ministre Alaoui et disposer des outils du changement au Département, étaient pour moi un honneur, m’obligeant à une totale implication et un engagement permanent dans la construction d’un ordre nouveau, au-delà des épreuves, des entourloupettes et des déceptions. Ainsi sans prétention de vouloir chambouler les fondements d’une administration poussive, je pense, après quatre mois d’observation et contacts fréquents, avoir traversé le mur de l’ignorance des hommes et des lieux pour pouvoir naviguer dans des eaux moins troubles, et apporter ma modeste contribution à une meilleure gouvernance au sein du Département. Début mars 1995, un gouvernement à majorité politique était mis en place, et Ahmed Ameziane, membre du parti du Mouvement Populaire, ancien cadre du Département, originaire de la région minière de Béni Tadjit, prit la relève de Alaoui nommé Ministre de la Communication et Porte parole du Gouvernement. Ameziane ne m’était pas inconnu, car, alors que j’étais Directeur des Mines, il était intercéder en faveur des artisans mineurs de sa région dans la commercialisation de leurs productions de calamine (carbonate de zinc). De ce fait, et conseillé par Alaoui, j’étais disposé à l’aider pour réussir sa mission dans un département qu’il connaissait fort bien pour y avoir exercé en tant qu’enseignant à l’Institut Royal de Formation des Cadres (IRFC).
Dans le tourbillon Dès que le nouveau Ministre, Ameziane, fût installé, une nuée de courtisans et d’anciens amis étaient venus quémander des avantages, se placer dans la course aux postes et tenter, sournoisement, de balayer et gangréner l’essentiel des acquis dans la gestion rapprochée du Département durant la période Alaoui. De véritables fantômes étaient ressortis des oubliettes comme par enchantement pour se placer sur les devants de la scène. Au sein du Ministère, les moindres gestes étaient épiés et décortiqués, le déficit de coordination pour un début, était amplifié sans discernement, comme pour dresser un fossé entre le nouveau Ministre et le Secrétaire Général. Tout pouvait être galvaudé et remis en cause, exigeant de moi, personnellement, une maîtrise quotidienne des émotions et des attitudes à adopter vis-à-vis d’Ameziane, certes affable, mais à l’esprit de décision quelque peu timoré. Pour ma part, tout en marquant mes distances pour n’indisposer personne, j’avais continué à donner mes avis, avec le ton et la force nécessaires, essayant de convaincre dans un milieu de travail tourbillonnaire, peu transparent et exposé à la subjectivité et aux médisances gratuites. Malgré des tentatives de perturbation de la part de certains responsables, érigés en nouveaux proches du Ministre, le programme de réunions des services centraux et extérieurs s’était poursuivi à Tanger, Agadir et Ifrane, avec toujours le même esprit de renforcer la coordination et la complémentarité des interventions des différentes composantes du Département pour s’affranchir d’un système où tout le monde semblait n’avoir rien à faire de précis, et s’esquivait devant la moindre responsabilité. Dans un autre contexte, des fauteurs de troubles étaient là pour médire et dénigrait une circulaire d’organisation des activités des Services extérieurs élaborée du temps du Ministre Alaoui, axée essentiellement sur le respect des circuits de transmission des documents administratifs entre Rabat et les délégations provinciales et préfectorales. Dès lors, et plus tard, par souci de ne pas indisposer ou offusquer Ameziane qui pourrait considérer que les sorties du Secrétaire Général éclipsaient ou faisaient de l’ombre à son action propre, j’avais décidé d’annuler la dernière réunion des services centraux et extérieurs programmée à Laâyoune, au grand désappointement des autorités provinciales du chef-lieu des provinces du Sud qui avaient engagé les préparatifs de cette réunion de proximité. Cependant, comme par le passé, tout en assumant mes responsabilités, en attendant que l’euphorie malveillante du démarrage s’estompât, et que le nouveau ministre prît réellement conscience de la situation qui prévalait, j’avais continué à me rendre dans les centres relevant du Département. En compagnie des fois des responsables des Directions centrales, je m’étais rendu aux installations de jeunesse, de sports et de promotion de la femme, dans les centres excentrés à Safi, Essaouira, Sebt Gzoula, Chemaïa, Agadir, Aït Melloul, Inezgane, Tiznit, Taroudant, Ouarzazate, Agdz, Zagora, Tinerhir,Tinejdad, Goulmima, Errachidia, Erfoud, Rissani, Aoufous, Midelt, Itzer, Azrou, Oujda.