Par la suite, les différents orateurs avaient analysé le contexte géographique où évoluent les jeunes, le phénomène de l’émigration, du racisme et de la discrimination, insistant sur la nécessité de développer l’intégration et non l’incorporation forcée, l’ouverture du dialogue permanent et franc avec les jeunes, loin des stéréotypes et des ‘’bunkers de facilité’’. Pour ma part, j’avais présenté une communication sur ‘’la Jeunesse marocaine, ouverture sur le monde extérieur’’, en analysant la situation de notre jeunesse dans le contexte socio-économique, avec ses problèmes, ses attentes, ses perspectives, sans occulter nos faiblesses et nos moyens limités. J’avais souligné que le secteur de la Jeunesse est un secteur productif au même titre que les autres activités économiques et que sa valorisation est un préalable majeur à tout développement durable. Parler de jeunesse au Maroc c’est aussi parler d’espoir et de dynamisme pour un monde meilleur, plus ouvert et plus tolérant, de réalisme et de progrès. Les débats très instructifs avaient permis de tirer les conclusions suivantes : - le jeune doit être un citoyen actif et s’inscrire dans un espace de liberté, de démocratie, de solidarité, d’égalité de chance et de tolérance,
- la vie associative devra se développer car c’est une école de civisme et de culture, - la jeunesse doit être protégée contre l’oisiveté, l’ennui, le vice et le besoin, - des mesures immunitaires doivent être prises pour éviter le phénomène de déviation morale et créer un environnement socio-éducatif protégeant contre les courants non conformes à l’éthique, - l’horizon culturel et scientifique doit être élargi, - la valeur humaniste du tourisme des jeunes est indéniable, car « quand les jeunes voyagent c’est le monde qui avance ». Nous avons enregistré à l’occasion du séminaire le rapprochement des délégations palestinienne et israélienne, bon augure pour la compréhension entre les deux peuples occupant et se disputant la même terre. A Barcelone, mon ami Lamrani, Consul général du Maroc, ancien chef de cabinet du Ministre de l’Energie et des Mines, Alaoui, m’avait fait découvrir la capitale catalane, principal centre industriel du pays, riche en art roman, chef lieu de la résistance des Républicains durant la guerre civile, devenue après les Jeux Olympiques de 1984 une grande métropole européenne cosmopolite de la culture et de la communication. La ville est imposante par son charme et son architecture à nulle autre pareille, où de quartier en quartier on passe d’un émerveillement à un autre. ****
L’année 1996 avait démarré sous de bons auspices pour le football national avec la nette victoire du Maroc face à la Tunisie (3 à 1), dans la continuité du succès en 1995 face au Mali, et après le recrutement d’un nouveau coach, Henri Michel, ancien entraîneur de l’Equipe de France. Dans les autres disciplines, en mars et avril 1996, on avait noté la brillante prestation de Marrakech dans le championnat africain de handball, le brillant comportement de nos militaires dans le cross country. L’édition de la Coupe du Trône de football fut remportée par le Raja de Casablanca face à l’Equipe des FAR.
Au Bénin Après un déplacement dans l’Oriental (Oujda, Berkane, Jérada) pour apprécier et constater de visu les insuffisances de nos équipements et l’état défectueux de nos installations, et à la demande expresse d’Ameziane, durant l’Aïd el Kébir, une mission rapide fut effectuée au Bénin (ex Dahomey), en compagnie du Directeur des Sports, Dakine, pour assister à la réunion ordinaire de la Confédération Francophone des Sports (CONFEGES) convoquée pour l’élection d’un nouveau Secrétaire Général. Ancienne colonie de l’Afrique Occidentale française, surnommé ‘’le quartier latin’’ de l’Afrique, le Bénin est devenu une république indépendante en 1960 sous la présidence d’Hubert Maga renversé par un coup d’Etat marxiste en 1972, fomenté et dirigé par le colonel Kérékou. Le Bénin, dont le sud est forestier, est recouvert au nord par les savanes. Le manioc est la base de l’alimentation, les produits d’exportation par le port de Cotonou, sont l’huile de palme, l’arachide, le coton et le café. Dans l’ambiance des forums africains stériles dominés par la rhétorique, le candidat du Sénégal, soutenu par le Maroc, s’était retiré ‘’pour maintenir l’esprit de fraternité africaine’’, ouvrant la voie au candidat ivoirien soutenu par la France, et élu sans opposition. Au cours de notre séjour, nous avons visité à Cotonou, le centre artisanal, les installations sportives, dont un grand stade réalisé par la Chine (analogue au Complexe Moulay Abdellah de Rabat), le Palais des Congrès en pleine effervescence pour les préparatifs de la Conférence nationale regroupant les représentants du pouvoir en place et ceux de l’opposition au régime du Président Kérékou. En Jordanie et au Caire Le mois de mai 1996 fut celui de la préparation du projet de budget 1997 ; les moyens de l’Etat étant limités par suite de période de sécheresse sévère et de régression dans plusieurs activités économiques, il fallait être ferme pour que les maigres crédits alloués à notre Département aillent dans des domaines prioritaires. Au plan social, l’élection d’un nouveau bureau des Œuvres Sociales était de nature à redynamiser et à conforter l’action de notre Département. Ce fut dans ce cadre d’optimisme mesuré, et faisant suite à la réunion de Barcelone de décembre 1995, à l’invitation de l’Université méditerranéenne, j’avais participé en juin 1996 à Amman à la Conférence sur les échanges de jeunes, placée sous le patronage du Prince Héritier Hassan, et avec le concours organisationnel et financier de l’Union Européenne.
Après l’ouverture solennelle par le Roi Hussein, dans le grand amphithéâtre de l’Université de Jordanie, les travaux s’étaient poursuivis dans le splendide cadre de l’Hôtel Philadelphia. La Princesse Rahma, fille du Prince Héritier Hassan, avait honoré de sa présence les réunions et les débats. A cette occasion, j’avais présenté deux documents portant sur les grands axes de la politique marocaine en matière de promotion de la jeunesse, et sur le concept des jeunes dans leur environnement associatif, tout en mettant l’accent sur leur implication et leur participation aux activités conditionnant leur promotion et leur épanouissement. Au terme des travaux, des recommandations, en net retrait par rapport aux espoirs nés des rencontres de Barcelone, furent adoptées en vue de promouvoir les échanges de jeunes, encourager le processus de paix et le dialogue entre les peuples du Moyen Orient. Les Européens, en sourdine, avaient essentiellement supporté le dialogue israélo-palestinien, sans fournir d’effort financier promis de longue date. « L’Europe ne peut pas tout financer, que les autres fassent un effort ; à bon entendeur salut », avait dit un représentant de l’Union Européenne, pour signifier que les pays méditerranéens devraient désormais compter sur eux-mêmes. Durant notre séjour, au cours duquel j’eus le grand le plaisir de rencontrer mes anciens amis de l’Arab Mining Company (ARMICO), Amman nous était apparu en pleine mutation, ayant tiré profit de la crise du Golfe et de l’embargo imposé à l’Irak approvisionné exclusivement à travers l’autoroute Aqaba-Bagdad. Après la Conférence, des sorties à Jerash et Kanzamane, nous avaient donné l’occasion de visiter les anciennes ruines romaines. A Pétra, ville de l’Arabie ancienne, à 70 km au sud de la Mer Morte, ancien centre caravanier et commercial, nous avons découvert la capitale des Nabatéens, avec son architecture rupestre hellénistico romaine dans un environnement lunaire, unique au monde. A Wadi Ram, proche du port d’Aqaba sur la Mer Rouge, nous avons goûté le ‘’minsaf’’ (plat à base de viande et de riz arrosé de lait) avec le personnel de la garnison chargée de contrôler les mouvements et les trafics de tous genres dans une région frontalière proche de l’Arabie Saoudite. Après Amman, j’avais rejoint de nuit Le Caire où mon épouse m’avait devancé. Avant d’arriver à l’Hôtel Hilton Ramsès, il fallait traverser la ville bloquée par la circulation inextricable à la sortie d’un match de football ayant opposé les deux équipes cairotes de Zamaleck et Al Ahli. Le lendemain matin, Abdellatif Tabet, ami de famille, ingénieur agronome marocain à la mission de la FAO au Caire, me guida dans la découverte des points d’intérêt proches de l’Université Al Azhar et de la grande Mosquée Mohamed Ali. L’après midi, en compagnie de mon épouse, nous avons déambulé dans l’immense Musée du Caire où plus de 5.000 ans d’histoire sont tracés avec menus détails, allant des plus anciennes aux plus récentes dynasties. Toutankhamon, Ramsès I, Ramsès II, Ramsès III, Aménophis, Méneptah, Touthmôsis, Sethi, étaient là devant nous, vivants dans leur immobilité de pierre et de métal datant de plusieurs millénaires. Trois heures furent insuffisantes pour survoler 5.000 ans d’histoire et se faire une idée de cette fabuleuse concentration de vestiges au pays des Pharaons. Le soir, avec Tabet et son épouse, nous avons dîné à bord d’un bateau mouche et vogué sur le Nil, bercés par la musique d’un orchestre à bord et les évolutions lancinantes d’une danseuse du ventre d’origine australienne ! Au 3è jour, nous avons visité la mosquée du Khédive Mohamed Ali, réplique de la Sainte Sophie à Istanbul, proche du lieu de massacre des derniers Mamelucks, représentants du Sultan de Constantinople. La disparition brutale des Mamelucks avait laissé le champ libre à Mohamed Ali et à ses descendants pour régner jusqu’en juillet 1952, date de l’abdication et de l’exil forcés de Farouk, suivis de la montée en puissance du Mouvement des Officiers Libres de Naguib et Nasser et la proclamation de la république. Du haut de la colline, on apprécie mieux l’immensité de la ville du Caire, baignée de soleil, de poussière et enveloppée densément par la pollution. Le Caire est une gigantesque métropole dont la population augmente de plusieurs millions d’habitants dans la journée par suite de l’afflux des cadres et des ouvriers venus des banlieues extérieures en train, en voiture, à bicyclette et même à pied sur plusieurs kilomètres. La ville est connue pour les marchés de rue où se mêlent les bruits de la circulation et les cris des vendeurs. Nous sommes passés ensuite au quartier de Khan Khalili, vieux de six siècles, poumon populaire du Caire et centre commercial imposant et attachant. A Khan Khalili on trouve de tout : épices, parfums, or, argenterie, tapisseries, cuivres, maroquinerie, verrerie ancienne et moderne, céramiques, reproduction de pièces de musée, vases anciens, papyrus, etc. A la terrasse du ‘’Fichaoui’’, l’un des lieux les plus réputés et les plus prisés du Caire, nous avons siroté le café et tiré quelques bouffées de l’incontournable ‘’chicha’’, non loin du célèbre café ‘’Naguib Mahfoud’’, lieu de cénacle de l’intelligentsia égyptienne. Le secteur d’Al Azhar et de Khan Khalili est l’âme du Caire, le lieu où s’exprime le mieux la bonhomie égyptienne malgré la dureté des conditions de vie d’un peuple gai, attachant et cultivé. L’après midi, nous avons été aux Pyramides, impressionnantes de grandeur et de majesté, dans un environnement désertique où trône le Sphinx géant. Vu l’heure tardive, nous eûmes tout juste le temps d’approcher une entrée de la pyramide de Chéops et d’admirer la vallée du Nil, au milieu d’un désert brûlant. Après nous être rafraîchis à l’Hôtel Mena House, tout près du Sphinx, ayant abrité les premiers pourparlers israélo-égyptiens après Camp David, nous avons rejoint le Hilton Ramsès, au coucher du soleil, à travers la ville grouillante de monde et drapée de poussière, parmi les calèches, les bus crachant leurs fumées âcres et les vieilles gambardes. Le soir, nous avons dîné avec les Tabet au ‘’Marriott’’, ancien palais, aux décors féeriques et aux richesses insoupçonnées, édifié en hommage à l’Impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, venue en 1869 inaugurer le Canal de Suez. Au dernier jour, nous avons effectué ‘’une virée’’ dans l’ancienne ville, d’un autre âge, aux rues jonchées d’immondices. Par la suite, nous avons visité une station du nouveau métro construit par les Français pour décongestionner le trafic intense du Caire. Le soir, au Hilton Ramsès, j’avais rencontré le Ministre Ameziane et son chef de cabinet, Benali, en route vers Beyrouth pour participer à la réunion interministérielle sur l’organisation des prochains Jeux Panarabes. Le lendemain 10 juin, après une longue et harassante attente à l’aéroport international, nous avons quitté le Caire pour Casablanca. ***
Au retour du Moyen Orient, il fallait se consacrer à la mise au point définitive du projet de budget 1997, et à suivre avec la Direction des Sports l’organisation des différentes activités sportives de fin d’année (tournois, coupes du Trône, remises de diplômes, etc.). Malheureusement, la violence était réapparue sur les stades à l’occasion de ces activités, jetant le trouble et la désolation au sein de la famille sportive incapable d’assurer son autorité pour une remise au pas des ‘’choses du sport’’. Il était temps de repenser le sport national pour mieux négocier le virage historique à l’orée du troisième millénaire, et ce devait être le souci et le crédo de tous ceux qui avaient en charge les destinées de cette activité importante de notre société, évitant l’indécision tout en luttant contre la chienlit. En juillet, notre activité s’était focalisée sur les Jeux Olympiques d’Atlanta et l’organisation de la campagne des Colonies de vacances quelque peu animée par le mouvement associatif désireux de placer ses pions dans les différents centres.. Au plan de la promotion des activités féminines, nos excellentes relations avec le FNUAP, s’étaient encore raffermies davantage à travers nos interventions combinées et concertées en faveur du monde rural et des provinces excentrées. Au plan des œuvres sociales, l’entrée en fonction du Centre de Bellevue à l’Agdal, avait pallié les insuffisances sans pour autant susciter l’enthousiasme. Ainsi, un arrangement fut conclu avec la Fédération d’Athlétisme, permettant au Département de récupérer le Centre de Bellevue à l’Agdal pour le transformer en Centre des Œuvres Sociales, en contrepartie d’une mise à disposition du Centre d’Accueil de la Jeunesse d’Ifrane pour la préparation des athlètes en altitude. Cette opération suscita les réactions agressives des associations de jeunesse, criant à la braderie du patrimoine du Ministère au profit de la Fédération d’Athlétisme, oubliant que les actions des fédérations et des associations sportives et de jeunesse sont le prolongement naturel de celles du Département.
Des détracteurs opposés à toute avancée du Département dans le domaine social, colportaient des médisances sur la gestion du Centre objet d’un contrat de location régulier avec un professionnel de l’hôtellerie et de la restauration. Entouré d’un halo de suspicion, ce Centre n’arrivera jamais à jouer le rôle qui lui était promis et finira par être jeté lui aussi en désuétude. A Azrou, pour mettre fin aux jacasseries, les dispositions furent prises pour accélérer la construction en cours d’un nouveau centre d’accueil pouvant recevoir des groupes de trente personnes, suivie du reconditionnement de l’antenne des colonies de vacances du secteur du Moyen Atlas (Ras El Ma, Kharzouza, Bensmim).
Au mois d’août 1996, l’opération de déménagement vers le nouveau siège du Ministère au haut de l’avenue Ibn Sina à l’Agdal ayant été perturbée par certains agents quant à la répartition et la distribution des bureaux, il fut décidé d’autorité de maintenir tous les récalcitrants à l’ancien bâtiment de l’avenue Mohammed V.
En fait, les perturbateurs, n’étaient rien d’autres que ceux qui ne voulaient pas s’intégrer aux opérations de réforme de l’Administration et s’inscrire dans un cadre de progrès et de discipline. Durant mon absence pour congé annuel, après m’avoir informé au préalable, Ameziane procéda à un changement limité et important avec l’éloignement du Directeur des Affaires Générales, Jouali, et sa relève par Arazam, Directeur du Complexe Mohammed V à Casablanca, lui-même remplacé par Fouad Medkouri, son adjoint, responsable de la piscine olympique. Ce mouvement avait détendu l’atmosphère au sein de l’administration centrale et régionale où Jouali avait toujours bénéficié de puissants relais dans l’affectation et le transfert des crédits budgétaires entre le siège et les services extérieurs. Avec Arazam, homme pondéré, connu pour sa probité, son intégrité morale et intellectuelle, nos relations furent empreintes de clarté, de transparence et d’amitié, et le demeureront même après mon départ du Ministère en juin 2000. Désastre aux Jeux Olympiques d’Atlanta de 1996 A la veille de son départ pour Atlanta, la délégation aux Jeux Olympiques fut reçue au Palais de Skhirat par le Roi Hassan II qui avait prodigué ses conseils et exhorté les athlètes à représenter dignement le Maroc au plan des performances sportives et du comportement individuel et collectif. Le Ministre Ameziane, le Général Benslimane et Haj Médiouri furent chargés par le Roi d’assister à l’ouverture des Jeux, pour marquer la sollicitude de tout un peuple pour ses athlètes. L’ambiance générale était à l’optimisme et l’on attendait, non sans scepticisme, les exploits de nos représentants. Après l’ouverture grandiose des Jeux, alors que je devais assurer le relais à Atlanta, le Ministre était resté sur place pour superviser l’ensemble des opérations et réitérer l’intérêt de l’Etat pour ce grand ‘’moussem’’ sportif. Au fil des jours, d’Atlanta, malheureusement, et les faits étaient têtus, les performances ne furent pas flatteuses pour notre sport. La désillusion s’était installée dans le camp marocain avec la chute de Guerrouj en finale du 1.500m et les piètres résultats dans toutes les autres disciplines. Ainsi, Atlanta fut un véritable cauchemar pour notre sport. Le Maroc était de nouveau rentré dans les rangs, car quand on habitue les gens au bonheur des médailles d’or, il y a un électrochoc et la désillusion quand la moisson est maigre ou manque d’éclat. On ne participe plus aux Jeux Olympiques pour faire de la figuration, mais pour gagner, se distinguer, briller et glaner des médailles. Depuis 1984, les médailles d’or d’Aouita et Nawal avaient caché la forêt et donné l’illusion d’un sport marocain en marche vers d’autres succès plus éclatants. Les médailles d’or de Boutayeb à Séoul et de Skah à Barcelone, avaient continué à voiler la face aux gens sur la situation réelle et l’indigence manifeste des autres disciplines sportives. Atlanta avait sonné le glas de nos ambitions et des affirmations saugrenues et irresponsables quant à nos possibilités de remporter plusieurs médailles. Mais quel était le responsable de notre débâcle ? Les regards inquisiteurs s’étaient tournés évidemment vers le Ministère, livré en pâture à l’opinion publique, bouc émissaire responsable de la mauvaise préparation physique, tactique et psychologique des athlètes. Dans notre pays, le Ministère, pourvoyeur de fonds, est en général considéré comme le seul responsable des échecs, les succès sont toujours le fait des individualités ou accessoirement des fédérations. « Les médailles remportées avant sont le fait des athlètes eux-mêmes, le Ministère et les Fédérations n’y sont pour rien », entendait-on souvent après l’échec. Dés lors, après le retour des Etats-Unis d’Ameziane avant la fin des Jeux, la presse, notamment partisane, s’était déchaînée contre lui pour crier à l’incurie et à l’incapacité à gérer la situation de catastrophe. Sans verser dans la polémique stérile avec les média, et pour marquer notre sympathie attristée, nous avons tenu à accueillir à l’aéroport Mohammed V la délégation à son retour des Etats-Unis. Le spectacle, à l’arrivée de l’avion de New York, était désolant et affligeant ; les athlètes et le staff d’accompagnement étaient comme des zombies rasant les murs. Dans cette situation peu reluisante pour notre athlétisme, les gens attendaient des réformes urgentes, profondes et douloureuses pour que notre pays retrouve le rang qu’il n’aurait dû jamais quitter. Loin des turpitudes et des calculs malsains, il fallait un examen approfondi des structures, des infrastructures, des mentalités et des habitudes de gestion du sport national, et aussi des réalisations concrètes d’infrastructures de bon niveau. ****
Au cours de l’été 1996, en période électorale, les activités sportives avaient occupé le devant de la campagne des candidats, tous d’accord pour souligner la faiblesse et l’insuffisance de nos infrastructures sportives nationales et de proximité, et le mauvais souvenir laissé par notre participation aux Jeux Olympiques d’Atlanta. La morosité ambiante ne fut atténuée que grâce aux succès des Lions de l’Atlas sur la Sierra Leone (4 à 0), du Kawkab de Marrakech en Coupe d’Afrique des Clubs Champions face à l’Etoile du Sahel de Tunisie, et à la bonne tenue du Tournoi Hassan II de football remporté de haute lutte par la Croatie. Par la suite, le jeune Guerrouj, remis de sa ‘’déconfiture’’ d’Atlanta, avait établi deux records du monde (1.500m et le mile), suivi du bon comportement des Lions de l’Atlas face à l’Egypte et au redoutable Ghana, et pour la première fois de la victoire du jeune Marocain, Arazi, au Grand Prix Hassan II de tennis. Parallèlement, furent signées des conventions entre la Fédération d’Athlétisme, les Collectivités Locales et les Départements intéressés, puis entre notre Département et l’Université Al Akhawayn, ouvrant une ère de coopération en matière de sport avec ces grandes institutions. Nos rapports avec l’Union Européenne s’étaient consolidés avec la décision de réaliser des infrastructures sommaires dans plusieurs petites localités. Une commission ad hoc fut instituée pour arrêter les termes de référence et suivre l’état d’avancement des actions de coopération, en amicale coordination avec Giovanni, adjoint du Chef de la Mission de la Communauté Européenne à Rabat.
Avec les Lions de l’Atlas Pour marquer l’intérêt du Département pour la promotion du football national, le Ministère avait tenu à être associé aux importants déplacements de l’Equipe Nationale, à la soutenir et à être présent avec elle, chaque fois que de besoin. Ainsi, répondant à la demande du Président de la Fédération de Football, le Général Benslimane, j’avais participé en 1997 aux déplacements de l’Equipe Nationale au Gabon, en Sierra Leone, en Ethiopie, comptant pour les éliminatoires de la Coupe du Monde 1998 et de la Coupe d’Afrique des Nations et au Brésil pour une rencontre amicale avec l’équipe ‘’auro verde’’. Enfin, en 2000, j’avais accompagné l’Equipe Nationale qualifiée pour les épreuves finales de la Coupe d’Afrique des Nations à Lagos au Nigeria. Au Gabon « C’est une très bonne idée que vous alliez sur place à Libreville, vous réconforterez l’Equipe Nationale et vous aurez l’occasion de rencontrer les autorités sportives gabonaises », me dit le Général Benslimane, Président de la Fédération de Football, quelques jours avant le voyage. Le vendredi 4 avril 1997 à 7H30, nous avons décollé de l’aéroport civil de Salé, à bord d’un Hercules C130 des Forces Royales Air. A bord, le service fut parfait et l’ambiance à l’optimisme raisonné, à l’image de Moufid, Secrétaire Général de la Fédération et de l’entraîneur Henri Michel, peu disert durant tout le vol, du staff technique, des joueurs très décontractés et même euphoriques et quelques représentants de la presse. A partir de la cabine de pilotage, nous avons suivi le survol du Sous, des provinces sahariennes, de la mine de fer de Zouerate, des espaces désertiques mauritaniens, du Sénégal, de la Guinée et de la Côte d’Ivoire, avant d’arriver à Libreville à 17H30, après un vol calme et sans escale de 10 heures. L’Ambassadeur du Maroc, Ghali Tazi, ses collaborateurs et quelques officiels gabonais étaient là pour nous accueillir, avant de rejoindre l’Hôtel Méridien Okoumé, lieu de notre séjour, laissant le soin au capitaine Lakhal, omniprésent, de régler les formalités. Après notre installation rapide, nous sommes allés au dîner offert par l’Ambassadeur en sa résidence, auquel furent également conviés le Secrétaire Général du Ministère gabonais de la Jeunesse et des Sports et le Président de la Fédération gabonaise de Football. L’épouse de l’Ambassadeur, parente d'Alaoui, ex-ministre de l’Energie et des Mines et de la Jeunesse et des Sports, fut aux petits soins pour tout le monde. Après dîner, avec Moufid et le Colonel Moussamim (du Cabinet du Général Benslimane), nous avons marché le long de la corniche proche de l’hôtel, dans une atmosphère suffocante et humide. Le lendemain, après le petit déjeuner, nous avons assisté au ’’décrassage’’ des joueurs mené par Henri Michel, plus décontracté que la veille. Par la suite, nous avons effectué un tour de ville, accompagnés d’un cadre de l’ONCF en mission dans le cadre de la coopération entre les chemins de fer des deux pays, en longeant l’immense Ambassade de France, le Palais présidentiel, le quartier résidentiel et le centre commercial ceinturé de bidonvilles. « Vous êtes Algériens », nous dit une vendeuse d’un magasin d’artisanat. « Non, nous sommes des gens calmes et agréables », répondit Moufid. « Alors du pays du bon Dieu », rétorqua la vendeuse avec beaucoup de malice. Après le déjeuner à l’hôtel, nous avons accompagné l’Equipe Nationale à l’entraînement sur le terrain du match, accueillis par des centaines de jeunes venus scruter le comportement des joueurs marocains. « Nous allons gagner par 1 à 0, sur penalty, car l’Azengo, l’équipe du Gabon, est forte », n’avaient pas cessé de fredonner ces jeunes déchaînés, mais sans le moindre débordement et sans agressivité. A l’hôtel, on nous annonça la victoire de l’équipe junior sur son homologue sud africaine, en finale de la coupe d’Afrique, bon présage pour le match de demain. Le soir, pour fêter cette victoire, le Colonel Moussamim invita les membres de la délégation au restaurant ‘’Papa Union’’, connu pour servir des fruits de mer, fréquenté par la nombreuse colonie d’expatriés au Gabon. A côté de nous, des militaires français et leurs familles dînaient tranquillement.
Tard le soir, à l’hôtel, se déroulait un grand mariage gabonais, avec défilé de belles toilettes et musique à fond. Dimanche, jour fatidique, les joueurs étaient calmes, Henri Michel, quant à lui, était dans un état second et sourd à toutes les questions. « Il va entrer en transes, c’est son habitude », me dit le Colonel Moussamim. L’Ambassadeur Tazi était venu nous guider dans la visite de la corniche, du port minéralier et à containers et de l’embarquement des grumes tirées par remorqueur. La forte présence française à Libreville et au Gabon en général, était patente à travers les sociétés OPTORG (agroalimentaire), DELMAS (transport et fret) et COMILOG (minerais de manganèse et d’uranium). Après un rafraîchissement au club Tropicana donnant sur l’Atlantique, à proximité de la base aéronavale de l’armée française équipée d’avions Transal et d’hélicoptères Puma, nous sommes retournés à l’hôtel où des escouades de soldats américains se préparaient à une éventuelle intervention au Zaïre pour évacuer leurs concitoyens en cas d’aggravation de la situation au pays de Mobutu. Après un rapide déjeuner avec l’Ambassadeur, nous avons rejoint le stade Bongo à 15H30 après la traversée laborieuse des multiples barrages des forces de l’ordre et de sécurité. A notre arrivée au stade, déjà plein à craquer, nous fûmes reçus très cordialement au salon VIP par le Ministre des Sports et ses collaborateurs. Le match commença à l’heure prévue, sous un soleil torride, les joueurs marocains ayant déjà mouillé leur maillot en apparaissant sur la pelouse en très bon état, accueillis par un public débonnaire, sans la moindre animosité. « Le match n’est pas transmis au Maroc, il faut trouver une solution, tout le peuple marocain est derrière son poste radio ou sa télévision », nous signala le représentant de la Télévision marocaine, en présence du Ministre, quelque peu gêné, et qui demanda immédiatement des explications au Président de la Fédération de football confondu en explications vaseuses. On nous promit de passer par le canal parisien pour assurer la retransmission, mais en définitive, seules quelques phases du match furent suivies au Maroc dans de très mauvaises conditions. L’Equipe Nationale admirable de talent, de battant et de courage, disputa tous les ballons et dès la 15 è minute, le Maroc menait par 2 à 0, créant l’effroi dans les tribunes et un silence de mort sur le stade. Le Ministre et les officiels gabonais devenus muets, entrevoyaient déjà un désastre pour leur équipe nationale, et certains avaient disparu furtivement. ‘’Manolo’’, supporter de l’Equipe Nationale, venu spécialement de Casablanca armé de son immense tambour, et le groupuscule de Marocains sur les gradins, avaient animé la galerie, pendant que nos joueurs médusaient la foule par leurs exploits pour terminer le premier half sur le score de 4 à 0, après un fabuleux exploit personnel du joueur Bahja. « Les Marocains jouent bien, ils méritent largement de gagner », entendait-on sportivement autour de nous. A la pause, au salon VIP, les discussions avec le Ministre furent orientées vers d’autres sujets d’intérêt pour ne pas le gêner ou l’offusquer. A la reprise, l’Equipe Nationale continua à dominer outrageusement et à la 58 è minute, alors qu’un coup franc était accordé à l’équipe hôte, des projectiles commencèrent à fuser sur les joueurs gabonais, suivis des huées du public. Le service d’ordre étant débordé, l’armée régulière était venue en renfort pour faire évacuer dans le désordre les gradins à coup de bombes lacrymogènes. L’arbitre arrêta le match, et de Rabat, on nous intima l’ordre de rester au stade. A la demande du Ministre gabonais, nous avons rejoint le salon d’honneur après avoir pris des nouvelles de nos joueurs acclamés par des nuées de jeunes. En quittant les lieux sous escorte, nous avons remarqué quelques dégâts aux alentours du stade où patrouillaient des automitrailleuses, alors que des terrasses et des rues, montaient les applaudissements et les youyous des femmes pour saluer sportivement la victoire marocaine. « C’est notre équipe qui ne vaut rien », nous dit le chauffeur qui nous ramenait à l’hôtel où l’Equipe Nationale fut chaleureusement et sportivement accueillie par le personnel de la réception. Très rapidement, nous avons tous quitté ‘’le Méridien’’ pour rejoindre la résidence de l’Ambassadeur où un grand dîner fêta l’exploit de l’Equipe Nationale. A 23H, dans l’euphorie d’une victoire sans appel, l’Hercule C130 décolla de Libreville pour arriver à l’aéroport de Salé le lundi à 8H du matin, après un vol calme de 10 heures, accueillis par une foule nombreuse et heureuse après le succès éclatant de la veille. ****
Il faut rappeler que le Gabon est une ancienne colonie française de l’Afrique équatoriale, d’une superficie de 267.000 km², un peu plus de 1,5 millions d’habitants, indépendant en 1960, avec comme premier président de la république, Léon Mba auquel a succédé Omar Bongo Odimba en 1967. Les principales villes sont Libreville, Port Gentil et Franceville. Les ressources naturelles sont essentiellement le pétrole (110.000 barils/jour) les bois précieux (dont soixante essences commercialisables sont tirées de la forêt qui couvre 20 millions d’hectares), les minerais convoités par les sociétés étrangères (notamment, le manganèse de Moanda exploité depuis les années 1960 par la COMILOG, le minerai de fer dont les prodigieuses réserves sont localisées dans la province de l’Ogooué Ivindo au nord-est du pays). En Sierra Leone Ce fut un plaisir renouvelé d’accompagner l’Equipe Nationale pour disputer un match entrant dans le cadre de la Coupe d’Afrique des Nations, et de découvrir un nouvel Etat d’Afrique, de 72.000 km², au climat tropical, chaud et humide. Les ressources naturelles sont l’agriculture (palmiers à huile, agrumes, café, cacao) et l’industrie extractive (diamants, fer, chrome, bauxite, titane). Ancienne colonie britannique, indépendant en 1971, le pays dont Siatka Stevens fut le premier président de la république, était miné par la guerre civile. Le départ eut lieu le 24 avril 1997 à 7H30 de l’aéroport de Rabat Salé, à bord d’un Hercules C 130 des Forces Royales Air, avec le même groupe qu’au Gabon. Nous sommes arrivés à Freetown en début d’après midi, sous un soleil de plomb, après un vol de 6H15, accueillis dans le désordre dans un aéroport situé dans une île au large de la ville. Après les formalités d’usage, à bord d’hélicoptères pilotés par des Russes nous avons gagné l’Hôtel Mammy Yoko, seul établissement de classe, situé de l’autre côté de la lagune. Le lendemain 25 avril, sous un ciel gris, une chaleur suffocante, en compagnie de Moufid et du Colonel Moussamim, nous avons découvert le centre commercial dominé par des guinéens « venus faire de l’argent pendant la période sèche » et le down town délabré et poussiéreux. A Freetown où vit le tiers de la population du pays, des milliers de familles, chassées par la guerre civile dans le Sud, s’entassaient dans des masures en tôle. Au centre ville, des groupes de jeunes nous faisaient le signe de 4 à 0, annonçant une véritable raclée pour notre Equipe Nationale. Après déjeuner, nous avons participé à la prière du vendredi dans une petite mosquée à proximité de l’hôtel où le sermon fut lu en arabe puis en anglais. En début d’après midi, nous avons accompagné l’Equipe Nationale pour un galop d’entraînement suivi par plusieurs centaines de jeunes, dont des Marocains de la troisième génération parlant seulement le dialecte local ou l’anglais. Nous avons été ensuite au quartier des diamantaires, lieu des tractations avec les producteurs venus de la brousse, pour tâter le pouls de la cité. « Revenez dans trois jours, j’aurai de la marchandise pour vous », nous dit d’un air hautain un marchand arborant un boubou rutilant, pour nous éloigner. Le lendemain 25 avril, jour du match, la constitution de l’équipe étant dévoilée par Henri Michel, on avait perçu la déception sur les visages de joueurs écartés. Après déjeuner, sous un temps orageux, chaud et lourd, nous avons rejoint le stade sous bonne escorte, à travers la ville vidée de ses habitants partis au stade. « Vous serez battus par 4 à 0 », criaient des milliers de jeunes au passage de notre convoi, alors que des policiers nous faisaient le même signe de victoire. Dans un désordre indescriptible, nous avons accompagné le Vice- Président de la République et le Ministre des Finances aux tribunes. La présentation des équipes et des hymnes nationaux fut un raté total en raison de la précipitation des organisateurs. Le premier quart d’heure du match fut pénible pour l’Equipe Nationale dominée outrageusement, les Sierra Léonins voulant marquer d’entrée de jeu. Mais notre défense tint bon et ne rompit pas ; les coéquipiers de Naybet reprirent de l’assurance en faisant montre de leur expérience et de leur talent pour dominer le match et inscrire par Bassir un superbe but avant la fin du premier half. A la pause, le Vice Président de la République reconnut sportivement la supériorité de l’Equipe Nationale. La deuxième mi-temps n’ayant apporté rien de nouveau, ce fut sur le score étriqué de 1 à 0 que se termina la partie, sous les applaudissements d’un nombreux public remarquablement fair play. L’avion décolla de Freetown le 27 avril à 1H30, et à bord ce fut de nouveau l’euphorie, alors qu’Henri Michel jusque là réservé, s’était déchaîné en ingurgitant plusieurs rasades de whisky. Vers 8H50, nous avons fait une escale symbolique à Laâyoune, avant d’atterrir à l’aéroport de Rabat-Salé, accueillis par le Général Benslimane et tout le staff de la Fédération de football. En Ethiopie Répondant pour la troisième fois au souhait du Président de la Fédération de Football, j’avais accompagné l’Equipe Nationale lors de son déplacement à Addis Abéba du 7 au 14 juillet, pour rencontrer son homologue éthiopienne dans le cadre des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des Nations. L’Ethiopie un des seuls pays africains à n’avoir pas été colonisé, en dehors de l’éphémère occupation italienne en 1935/1936, est une zone de montagnes et d’élevage, où l’on cultive le coton, le maïs, le tabac, le dourah (millet), le café… La population hétérogène, comprend des Abyssins chrétiens coptes, des Somalis, des Danakils et des Gallas essentiellement musulmans. L’histoire récente a enregistré le règne de Haïlé Sélassié de 1930 à 1974, date à laquelle il fut renversé puis assassiné par des militaires marxistes menés par Haïlé Mariam (le Négus rouge), après des purges sanglantes. Fédérée à l’Erythrée (ancienne colonie italienne) en 1952, l’Ethiopie est revenue à sa situation ancienne après la sécession de celle-ci, entraînant son enclavement par rapport à la Mer Rouge et à l’Océan Indien. ***
Nous sommes partis de l’aéroport de Rabat Salé le 7 juillet 1997 à 8H35, à bord d’un Boeing 707 des Forces Royales Air, salués par le Général Benslimane et des membres de la Fédération de Football. Après le survol des Baléares, de Malte, de l’Italie du Sud, de la Grèce, du Désert Occidental égyptien et du Soudan, nous sommes arrivés à Addis Abéba à 18H35, après un vol de 7H (décalage horaire 3H). Nous fûmes accueillis par l’Ambassadeur Nassif, arrivé tout récemment dans la capitale éthiopienne pour réinstaller l’Ambassade du Maroc et renouer les contacts rompus depuis le départ du Maroc de l’OUA après l’admission anachronique de la République Sahraouie. Le lendemain 8 juillet, le staff et l’Equipe Nationale avaient déménagé à l’Hôtel Hilton, en plein quartier résidentiel, de classe internationale, fréquenté par les diplomates et les nombreux représentants de l’Organisation de l’Unité Africaine. L’équipage de l’avion et les autres accompagnateurs de l’Equipe Nationale, notamment les médias, étaient restés à l’Hôtel Président. Nous avons circulé à maintes reprises à travers Addis Abéba, ville très étendue, capitale d’où tout rayonne vers les provinces, constituée de plusieurs pôles de peuplement autour de grands bâtiments d’aspect stalinien, rappelant les années du régime marxiste et sanguinaire de Haïlé Mariam exilé au Zimbabwe, après avoir été renversé par ses compagnons d’armes. L’après midi, après les palabres avec les Ethiopiens pour disposer d’un terrain convenable, l’Equipe Nationale s’était entraînée pour s’acclimater à l’altitude des Hauts Plateaux (2.200m). Le soir, avec Moufid, le Colonel Moussamim et l’Ambassadeur, nous avons dîné dans un restaurant chinois envahi par les expatriés. Le 9 juillet au matin, nous avons visité les locaux de l’Ambassade en cours d’aménagement, propriété d’un Ethiopien installé en Allemagne. Dans l’après midi, l’Equipe Nationale s’était entraînée au stade de la Ethiopian Airlines, seul terrain répondant aux normes où l’accès fut pénible avec le retour de l’étranger du Premier Ministre, Zenaoui. Le soir, l’Ambassadeur avait donné une grande réception en l’honneur de la délégation, en sa résidence en plein aménagement. Le 10 juillet, de bon matin, avec Moufid, nous nous sommes baignés dans la piscine de l’Hôtel Hilton chauffée par les fumerolles volcaniques, avant d’effectuer un long tour de ville en passant par l’avenue Winston Churchill. Comme les jours précédents, l’Equipe Nationale effectua son deuxième entraînement sur le terrain de l'Ethiopian Airlines. Après dîner, nous sommes allés écouter de la musique éthiopienne dans une case envahie par les touristes. Le vendredi, 11 juillet, après une mise au point sur l’organisation du match avec le commissaire kenyan et l’arbitre zambien, nous avons, en groupe, prié à la mosquée de la Communauté Economique Africaine, non loin du siège de l’OUA. L’après midi fut consacrée à une balade en ville avec l’Equipe Nationale, assaillie de toutes parts par des nuées d’enfants criant « Hajji, Hajji ». Le 12 juillet, une réunion technique eut lieu au stade pour une dernière mise au point sur le déroulement du match. Le 13 juillet, nous avons visité certains points d’intérêt (Complexe de l’OUA, quartiers commerçants, abords du Palais du Négus Haïlé Sélassié). Le 14 juillet, jour du match, Henri Michel, comme à son habitude, était soucieux, tendu et imperméable, avant d’arriver dans un stade comble, dans une ambiance bon enfant et sans le moindre signe d’agressivité ou de xénophobie. Malgré l’altitude oppressante, l’Equipe Nationale se comporta admirablement bien pour remporter, de haute lutte, le match sur le score étriqué de 1 à 0. Le public nombreux avait fait preuve d’un fair play remarquable, en applaudissant l’Equipe Nationale à la fin de la partie. Immédiatement, nous avons rejoint l’hôtel pour repartir sans attendre sur Djeddah, puis à La Mekke accomplir la ‘’Omra’’, guidés par le personnel du Consulat Général du Maroc. Nous sommes rentrés à Rabat le 15 juillet après midi, après un vol parfait. Au Brésil En octobre 1997, j’avais accompagné l’Equipe Nationale à Belém do Parà, capitale de l’Etat du Parana, dans le nord du Brésil, pour un match amical de démonstration contre l’équipe du Brésil avec toutes ses vedettes. Nous sommes partis de bon matin de l’aéroport de Salé, à bord d’un Boeing 707 des Forces Royales Air. Après avoir survolé le Sénégal, l’archipel volcanique du Cap-Vert, l’Atlantique, Salvador de Bahia, Recife, nous sommes arrivés en fin de journée à l’aéroport militaire de Belém, accueilli par l’Ambassadeur du Maroc venu spécialement de Brasilia, capitale fédérale du Brésil. Installés en plein centre ville dans le meilleur hôtel de la place, nous eûmes le loisir de découvrir Belém à la population très métissée, gaie et hospitalière, ville créée en 1616 à l’embouchure de l’Amazone pour la conquête du ‘’désert vert’’. Belém était conçue au départ comme une porte d’entrée de l’Amazonie, ouvrant sur des chemins s’enfonçant au plus profond de la jungle. Belém do Parà fut le lieu de transit des 2.000 Portugais Mazaganistes déplacés par la couronne portugaise de Mazagan (El Jadida) avant sa reconquête par les troupes marocaines en 1769, sous le règne du sultan Moulay Mohamed. De Belém do Parà, après une escale de six mois à Lisbonne, la communauté des déportés ira créer entre 1770 et 1778 la Nouvelle Mezagào au bord du fleuve Amazone, à l’intérieur des terres. La nouvelle cité « ambitionnait, après avoir lutté contre les Maures, de civiliser les Indiens et de reconstruire sous les tropiques une ville pour perpétuer le souvenir d’une Europe perdue ». Aujourd’hui, la Mazagan brésilienne (devenue Nova Mazagào, puis Mazaganopolis et Mazagào Velho au 19è siècle), survit difficilement dans l’univers inhospitalier et insalubre de l’Amazonie, où les seules fêtes rituelles jouées par d’anciens esclaves, des indiens ou métis, rappellent les anecdotes du « vécu de leurs maîtres au Maroc ».
**** Le match, dans une ambiance de fête colorée, fut palpitant et agréable, et se termina fort logiquement sur le score de 2 à 0 en faveur des Brésiliens, tenus en respect durant plus de 80 minutes par une Equipe Nationale de grande classe, qui s’inclina sur deux éclairs du feu follet Denilson en fin de partie. Après le match, un grand feu d’artifice avait illuminé la ville pour fêter la venue de l’équipe brésilienne et de son invitée marocaine. Le lendemain, une tournée en bateau nous avait menés à travers la jungle interminable, impénétrable et mystérieuse, où les seuls signes de vie étaient marqués par les villages en huttes des tribus indiennes au bord du fleuve. Nous sommes rentrés au pays, accueillis à l’aéroport de Rabat Salé, par le Général Benslimane et une foule nombreuse venue saluer nos valeureux footballeurs, qui n’avaient pas démérité face aux ‘’magiciens brésiliens’’ du football. Au Nigeria En février 2000, j’avais accompagné l’Equipe Nationale à Lagos au Nigeria, dans le cadre de la phase finale de la coupe d’Afrique des Nations. La prestation de l’Equipe Nationale fut médiocre malgré ses brillantes individualités, et les moyens matériels déployés. Son élimination prématurée, après le match nul contre la Tunisie (1à 1) et la défaite face au Nigéria (2 à 0), avait plongé de nouveau le football national dans la désolation et le désagrément. Henri Michel, longtemps adulé, décoré du Wissam alaouite, pressenti pour la nationalité marocaine après le Mondial français de 1998, avait baissé les bras en démissionnant après un innommable lynchage médiatique, et remplacé par un nouvel entraîneur, le franco-polonais Kasperjack. Ce dernier, annoncé avec fracas comme un sauveur, se révéla incapable de redresser la situation, et fut contraint lui aussi de ‘’plier bagages’’. Malgré les exploits de l’Equipe Olympique à Tunis et au Caire, ayant donné un peu de baume au cœur, la débâcle de Lagos ne sera pas oubliée de sitôt.
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Il convient de signaler que Lagos occupée par les Anglais en 1851, est une mégapole de 17 millions d’habitants où régnaient l’insécurité, les coupures d’électricité, l’insouciance et le désordre. Le Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique, grand producteur de pétrole, comprend : au Sud, une zone couverte par la forêt vierge, produisant du cacao, de l’huile de palme, du caoutchouc naturel (hévéas), et au Nord, une zone couverte de savanes et d’élevage bovin. Après la fusion du Nord et du Sud en 1914, plus une partie du Cameroun, l’ensemble fut érigé en protectorat du Nigeria. Indépendant en 1960 et devenu république en 1963, le pays est secoué par des coups d’Etat militaires récurrents et des massacres inter ethniques et inter religieux (entre les Haoussas, cultivateurs et commerçants musulmans au Nord, les Ibos, agriculteurs animistes des plateaux de l’Est, et les Yorouba, agriculteurs, commerçants et artisans chrétiens au Sud). Le retour au pouvoir de Obasonjo, après la mort du dictateur, Sani Bacha, avait ramené une stabilité relative dans ce géant africain, riche en hydrocarbures, mais toujours miné par la corruption, l’insécurité, et où cohabitent difficilement musulmans du Nord, chrétiens et animistes. A Lagos, j’eus le grand plaisir de rencontrer le premier secrétaire et chargé d’affaires de l’Ambassade du Maroc, Saadaoui, fils d’un de mes anciens camarades au Collège de Ksar-es-Souk du début des années cinquante. Saadaoui fut un merveilleux guide pour découvrir la ville trépidante et aux mille facettes de l’immense capitale du Nigéria.
Une championne olympique
Au Département Précédant l’arrivée d’une nouvelle équipe gouvernementale constituée de ministres essentiellement technocrates, des missions furent effectuées successivement en Belgique, au Liban et en Grèce. En Belgique, à Bruxelles, en mai 1997, dans le cadre de la coopération avec la communauté flamande, nous avons examiné, durant une semaine pleine, avec nos partenaires les possibilités de promouvoir et de développer nos relations aux plans de la jeunesse et des sports. Notre programme de séjour fut merveilleusement bien organisé, alliant l’utile à l’agréable dans une ambiance quotidienne empreinte de chaleur et de considération. Dans les charmantes villes d’Anvers, Genk et Bruges, des visites furent organisées dans les centres de vacances, des maisons de jeunes, des centres sportifs de proximité remarquablement équipés et organisés. Notre séjour s’était achevé après la signature d’un protocole d’accord suivie d’une splendide réception chez l’Ambassadeur du Maroc, Rachad Bouhlal. Je reviendrai à Bruxelles en février 1998 pour évaluer l’état d’avancement de notre coopération avec la communauté flamande et faire le point avec l’Ambassadeur Bouhlal. La situation s’annonçait encourageante et prometteuse. Au Liban, en juillet 1997,à la demande expresse du Ministre Ameziane, nous avons avec le Directeur des Sports, Dakine, assisté à Beyrouth aux Jeux Panarabes, Après avoir transité par Paris, nous sommes arrivés à destination à 20H, sous un temps chaud, après un vol de 4H, accueillis par Horane, chef de la Division du sport d’élite à la Direction des Sports, sur place depuis quelques jours. Après l’aéroport, nous avons traversé un véritable champ de bataille avec d’immenses champs de ruines, des zones d’immeubles défoncés ou criblés de balles, des câbles électriques arrachées ou par terre, dans une ville peu illuminée, en situation post guerre civile. Nous avons dîné tranquillement au restaurant japonais de l’hôtel El Hamra, fréquenté par la jeunesse dorée libanaise. Le 19 juillet, après avoir changé d’hôtel pour rejoindre le staff de la délégation marocaine, nous avons rejoint Jounieh, faubourg de Beyrouth, lieu des épreuves de tennis où le Maroc était représenté par une jeune équipe de filles très enthousiastes, dont Bahia Mouhtassine.