2.Etat de l’art sur les applications multi-représentations et l'intégration de BDG
L’objectif de cette partie est d’avoir une approche générique des applications multi représentations et des différents niveaux d’intégration de BDG possibles afin de situer cette thèse par rapport aux travaux existants. On décrira donc les applications nécessitant une BDG multi-représentation dans le chapitre 2.1, puis on rappellera les travaux réalisés en terme d’intégration de BDG dans le chapitre 2.2. Ces travaux seront regroupés en fonction du niveau de l’intégration. Finalement, les processus permettant d’intégrer les instances des BDG (l’appariement) seront exposés (2.3).
2.1Nouvelles applications multi-représentations
Sept types d’applications multi-représentations [Devogele 97] sont décrits :
-
les trois premiers types répondent aux besoins des utilisateurs : cartographie électronique multi-représentation (2.1.1), analyse multi-représentation (2.1.2) et navigation multi représentation (2.1.3).
-
les quatre suivants sont plus spécifiques aux producteurs de bases de données géographiques : contrôle de cohérence (2.1.4), dérivation de bases de données ayant une représentation hétérogène (2.1.5), propagation des mises à jour (2.1.6) et serveur de données multi-représentation (2.1.7).
2.1.1Cartographie électronique multi-représentation
Sur une carte papier, le volume d'information et l’emprise de la carte sont directement conditionnés par l'échelle qui est fixe. Le nombre de thèmes et leur degré de détail sont donc limités pour produire une carte lisible. Si l’utilisateur veut disposer de plusieurs représentations d'une même zone, il lui faut obligatoirement plusieurs cartes et faire lui-même le rapprochement entre ces cartes.
Ces contraintes sont liées au support papier et doivent être dépassées par les cartes électroniques. Ainsi, plusieurs représentations des mêmes données à des échelles différentes et selon différents thèmes, à des époques distinctes doivent pouvoir être affichées. L’échelle et les thèmes sélectionnés par le système ne doivent donc pas être fixés. Le choix se fera en fonction de critères de sélection cartographique [Devogele 97]. Ces critères sont :
-
les circonstances d’utilisation : pour la marine, la classe « feu de navigation » sera sélectionnée uniquement pour la navigation de nuit.
-
la densité d’information de la zone : un automobiliste utilisera en ville une carte au 1 : 10 000 et une carte au 1 : 100 000 en campagne.
-
la catégorie de l’usager : l'échelle d'une carte pour un piéton doit être plus grande que celle pour un automobiliste.
-
l’intérêt de la zone : les militaires [Michel 96] ont besoin d'informations détaillées sur la zone de conflits pour la gestion de la tactique et du terrain et d’informations moins détaillées sur une zone plus large pour la gestion de la logistique et des déplacements.
-
la date désirée : pour des raisons juridiques, des représentations à des dates différentes doivent être gérées.
-
la distance entre les objets à visualiser : pour des cartes routières, l'échelle et les thèmes sélectionnés peuvent aussi varier durant l’application.
Si nous utilisons une représentation autour du point A et que nous voulons nous déplacer vers le point B éloigné (figure 2), la démarche intuitive [Furmas et Bederson 95] est de changer de représentation pour disposer d’une représentation moins détaillée sur laquelle les points A et B apparaissent ensemble à l’écran (fenêtre Marne-la-Vallée). Puis de revenir sur la première représentation autour de B (fenêtre Zoom Intelligent(2)), afin de disposer à nouveau d'une représentation ayant un niveau de détail suffisant. Cette méthode est plus naturelle et plus rapide que de garder la même représentation et de se déplacer pas à pas vers B.
figure 2 : Déplacement vers un point éloigné en utilisant plusieurs représentations
Plusieurs cartes électroniques multi-représentations sont déjà disponibles, mais privilégient seulement certains critères de sélection cartographiques (Annexe 7.2.1).
2.1.2Analyse multi-représentation
Plusieurs représentations s’avèrent nécessaires pour des traitements plus complexes tels que l’analyse d’impact ou la simulation de phénomènes [Devogele 97]. De plus, ces analyses multi-représentations concernent des domaines variés tels que l’environnement, le transport, l’urbanisme ou encore le géo marketing. Deux réalisations significatives sont maintenant détaillées : un projet de gestion des feux de forêt et une application de gestion de la flore.
2.1.2.1Gestion des feux de forêt
Yuan et Albrecht [Yuan et Albrecht 95] ont pu, à partir de l'interview d'experts en gestion de feux de forêt, discerner trois catégories de vues spatio-temporelles nécessaires à un système de gestion des feux de forêt (avec des échelles différentes et des unités de temps différentes) :
-
la vue de gestion des risques de feux : cette vue permet la prévention des risques des départs de feux de forêt à une petite échelle (entre le 1 : 250 000 et le 1 : 1 000 000) pour une journée donnée en fonction du climat et de son évolution.
-
la vue de gestion des feux en cours : cette vue est utilisée pour deux types de problèmes : pour le suivi des feux en cours, dans une même forêt, et pour la gestion des sinistres engendrés par les feux. Elle localise à un instant t (avec une granularité variant entre la seconde et l’heure) les zones de départ de feux, les zones brûlées, et les zones en feux, à une grande échelle (entre le 1 : 5 000 et le 1 : 25 000). Elle permet de gérer aussi l’intensité du feu, le parcours emprunté par les feux et le taux de forêt brûlée.
-
la vue de gestion des anciens feux : cette vue permet de gérer les traces laissées par les feux sur une longue période (entre la décade et le siècle) à une échelle moyenne (entre le 1 : 25 000 et le 1 : 250 000).
Ces trois vues nécessaires pour un système de gestion des feux de forêt, doivent être reliées pour favoriser la transmission des informations recueillies au niveau d'une vue et utilisées par une autre. Par exemple, les nouveaux feux enregistrés dans la vue de gestion des feux en cours doivent être signalés à la vue gestion des anciens feux. De même, les cicatrices laissées par les feux sont utilisées par la vue gestion des risques de feux, une zone brûlée constitue en effet un pare-feu.
2.1.2.2Gestion de la flore menacée
La forêt primitive de l’est de l'île de Mauï (Hawaii) possède une flore rare qui est menacée par la colonisation de plantes importées du continent, ayant un développement rapide. R. Myers [Myers 97] a donc réalisé une étude multi-échelle sur l'extension des plantes étrangères dans la forêt primitive de l’est de l'île de Mauï. L’utilisation de plusieurs représentations est motivée par le fait que les différentes caractéristiques du paysage intervenant dans l’analyse sont détectables à des échelles différentes :
-
échelle du contexte : type d’habitat, occupation du sol, routes et autres informations topographiques, sur une zone de 4047 Ha.
-
échelle du sujet : les différents types de canope (couvert de la forêt) sur une zone de 30 Ha.
-
échelle des détails : le nombre et la qualité de chaque essence inventoriée et la présence d'animaux sur une zone de 5m x 50m.
Beaucoup d’autres analyses multi-représentations ont été ou sont en cours de réalisation (Annexe 7.2.2).
2.1.3Navigation multi-représentation
Dans le domaine du transport, pour les applications d’aide à la navigation (calcul d’itinéraire, navigation embarquée,…), une méthode de raisonnement avec différents niveaux de détails, de résolution, de précision, est une bonne démarche [Mark 89] [Timpf et al. 92] [Car et Frank 94] [Langou et Mainguenaud 94].
Par exemple, trois niveaux de détail peuvent être employés :
-
le réseau de communication entre les villes principales,
-
le réseau routier principal,
-
le réseau routier détaillé.
Il faut noter que ces réseaux doivent être reliés de manière hiérarchique : ainsi selon [Langou et Mainguenaud 94], un nœud ou une arête d’un réseau peut être composé d’un ensemble de nœuds et d’arêtes d’un réseau de niveau d’abstraction plus fin.
figure 3 : Navigation multi-représentation
2.1.4Contrôle de cohérence
Le contrôle de cohérence est l’une des classes d’applications requise par les producteurs de BDG. Actuellement, ces derniers ont défini et saisi plusieurs bases de données géographiques. Chaque base répond à un problème spécifique et contient une unique représentation du monde réel. Chaque phénomène du monde réel est représenté une fois et une seule dans la BDG. Ces bases sont appelées mono représentations.
figure 4 : Contrôle qualité
Le regroupement des différentes représentations dans une seule base peut contribuer au contrôle qualité3. En effet, les incohérences vont pouvoir être détectées et corrigées en comparant les valeurs des instances provenant des différentes bases. Par exemple, dans la figure 4, la sémantique et la géométrie de deux tronçons homologues sont comparées.
Par la suite, la concomitance des différentes représentations va faciliter le maintien de la cohérence (assurance qualité4).
Une information qualité [David 97] (précision géométrique, précision sémantique…) peut être obtenue aisément pour les représentations les moins détaillées par confrontation de ces représentations avec la représentation la plus détaillée. Plusieurs contrôles de cohérence ont déjà été réalisés (annexe 7.2.3).
2.1.5Dérivation de bases de données ayant une représentation hétérogène
Les BD géographiques multi-représentations permettent de dériver des représentations spécifiques ayant des critères de sélection cartographiques variables suivant la zone. Cette représentation dérivée est dite hétérogène.
figure 5 : Exemple de base de données ayant une échelle hétérogène,
dérivée à partir d’une BDG multi-représentation
Par exemple, dans la figure 5, une base de données ayant une représentation hétérogène a été dérivée (fenêtre Marne-la-Vallée (échelle hétérogène)), elle est constituée de données détaillées (fenêtre Marne-la-Vallée (grande échelle)) et de données peu détaillées (fenêtre Marne-la-Vallée (petite échelle)).
GEOROUTE [IGN 96 c] est un exemple de BD routières ayant une échelle hétérogène. Elle gère des données détaillées ( 1 : 10 000) pour les zones urbaines (agglomérations de plus de 100 000 habitants) et reprend les données de la BD CARTO ( 1 : 100 000) pour les autres zones. Cette base a été obtenue en remplaçant les données des zones urbaines la BD CARTO par de nouvelles données détaillées équivalentes.
2.1.6Propagation des mises à jour
La gestion de plusieurs BDG indépendantes représentant le même espace exige une mise à jour en parallèle de chaque BDG, lors de la prise en compte d’une modification. Ce parallélisme entraîne des risques d’incohérences et un coût de mise à jour global considérable. La présence de toutes les représentations, dans une seule BD multi-représentation permettrait de diminuer les coûts et le temps nécessaire à la mise à jour, de garder les bases cohérentes et donc de mettre à jour plus souvent. Dans cet objectif, il faut définir un processus de propagation des mises à jour de la représentation la plus détaillée, qui sera mise à jour manuellement, vers les représentations les moins détaillées, qui seront mises à jour semi-automatiquement [Kilpeläinen 95] [Kemppainen 94] (figure 6).
figure 6 : Propagation des mises à jour
Une mise à jour ne peut être propagée sans s’assurer qu’elle ne crée pas de perte d’information ou d’incohérence (superposition d’une route et d’une maison, suppression de relation, …). La propagation des mises à jour demande donc une étude approfondie et fait l’objet d’une nouvelle action de recherche à l’IGN.
2.1.7Serveur de données multi-représentation
Pour les producteurs de données géographiques, les BD multi-représentations sont les bases les plus appropriées pour servir de serveur de données et pour gérer l’ensemble de leurs données [Sleath et Perry 96]. En effet, elles améliorent la qualité des représentations géographiques, en confrontant les différentes représentations, permettent un maintien de la cohérence, facilitent la mise à jour et autorisent la dérivation de BD hétérogènes.
Cet emploi des BD multi-représentations comme serveur de données, doit dépasser le cadre des producteurs de données géographiques. Effectivement, les SIG s’insèrent de plus en plus au cœur du système global d’information des utilisateurs de données géographiques (collectivité territoriale, gestionnaire de réseau, administration, …) et sont exploités par plusieurs utilisateurs, pour plusieurs applications [U.S. Government 94].
Or, d’après [Boudon 93], les informations géographiques, sont recueillies dans une logique d’autarcie, c’est-à-dire pour les besoins propres de l’institution, voire d’un service. Cette autarcie entraîne des saisies inutiles, une qualité médiocre des données et une mauvaise gestion des mises à jour. Pour éviter ces trois problèmes, Boudon propose de fédérer des informations de différentes provenances pour qu’un grand nombre d’utilisateurs puisse s’en servir. Ce SIG serait constitué à partir des meilleures sources d’information afin d’obtenir les représentations nécessaires pour l’ensemble des utilisateurs. De plus, pour chaque donnée, un unique propriétaire serait chargé d’assurer la fiabilité et de gérer les mises à jour.
2.1.8Conclusion sur les nouvelles applications multi-représentations
Nous avons donc constaté qu’un grand nombre d’applications nouvelles peuvent tirer profit des BD multi-représentations. Effectivement, ces bases autorisent des applications qui sont coûteuses ou impossibles pour des BD mono-représentations. Elles rendent aussi plus naturelle la visualisation de données géographiques, en proposant à l’utilisateur, à chaque instant, la représentation la plus appropriée à son application. Les BD multi-représentations permettent de plus une meilleure manipulation des données issues des différentes représentations. Ainsi, l’analyse conjointe d’un ensemble de phénomènes corrélés, ce qui peut difficilement être décrit dans la même représentation, et une navigation sans perte d’information entre ces représentations sont rendues possibles.
Dostları ilə paylaş: |