Université lumière-lyon II


Hypothèses sur l'apprentissage



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1. Hypothèses sur l'apprentissage

Introduction


Cette partie présente notre point de vue sur l'apprentissage. Pour cela, nous précisons les hypothèses sur l'apprentissage que nous adoptons à partir des théories issues de la psychologie. Puis, nous présentons des hypothèses sur l'apprentissage liées aux spécificités du fonctionnement du savoir en physique. Pour finir, nous utiliserons les résultats de travaux en didactique pour bâtir des hypothèses sur les raisonnements des élèves.

1.1 Hypothèses sur l'apprentissage bâties à partir de théories psychologiques.


Le but de cette partie est de faire un rapide tour d'horizon des différentes théories psychologiques sur l'apprentissage, afin de définir les hypothèses de base que nous adoptons. La plupart des approches didactiques sur l'apprentissage se basent sur les travaux des psychologues. C'est pourquoi, nous pensons que ce rapide tour d'horizon, devrait nous permettre de situer notre approche didactique par rapport à ces différents courants.

Rapide aperçu des principaux courants théoriques de la psychologie


Depuis la naissance de la psychologie dans les années 1880 jusqu'à nos jours, de nombreuses théories ont été élaborées, leurs buts étaient de fournir des représentations permettant de comprendre les conduites humaines. Parmi les courants émergeant de l'entre deux guerres, on trouve le béhaviorisme. Pour ce courant, l’apprentissage consiste en une modification du comportement ; l’enjeu est alors d’étudier les modifications des conduites (directement observables) en relation avec des modifications de l’environnement. Ces études se centrent sur la caractérisation des entrées (stimuli) et des sorties (réponses) sans se préoccuper du fonctionnement interne de l'individu. À la même période se développe le courant du gestaltisme connu aussi sous le nom de psychologie de la forme. Ce courant, radicalement opposé au béhaviorisme, "développe l'idée que le tout n'est pas la somme des parties ;" car "ce qu'il y a en plus dans le tout, ce sont les relations entre les parties" (Sorsana 1999, p.17). De plus, il envisage que les activités "intelligentes" consistent seulement en l'appréhension des relations.

Le cognitivisme arrivera plus tard, dans les années 1950. Il "se caractérise par une focalisation sur l'intérieur du système cognitif, sa structure et son fonctionnement. Le postulat majeur d'une telle approche est que si on connaît le système, on pourra dire ce qu'il peut faire et pourquoi il le fait" (Weil-Barais 1993, p. 41). À l'intérieur de ce courant, on peut distinguer deux approches par leur représentation du système cognitif : le cognitivisme computationnel (représentant le système cognitif par des connaissances calculables et des règles de calcul) et le cognitivisme structural (représentant le système cognitif par des structures et des mécanismes de fonctionnement de ces structures).

Le cognitivisme computationnel se centre sur la représentation du flux informationnel qui entre dans le système cognitif et sur le traitement de celle-ci. L'esprit humain est modélisé sous la forme d'un système de traitement de l'information. Ce courant théorique, en adoptant le postulat de base que penser c'est transformer l'information, donnera lieu au développement d'une psychologie dite du "traitement de l'information". Très vite, ce courant fera appel à l'informatique pour modéliser le traitement de l'information, faisant ainsi émerger le courant travaillant sur l'intelligence artificielle (I.A.).

Le cognitivisme structural sera porté par les travaux de Piaget, notamment sur l'épistémologie génétique, dont naîtra le courant du "constructivisme", qui défend l'idée que les connaissances ne sont pas acquises à la naissance, mais construites par l'individu au cours de sa vie. De plus, le structuralisme piagétien repose sur une idée fondamentale : le système cognitif est un système auto-organisé, c'est-à-dire que, étant donné ses caractéristiques initiales, il évolue nécessairement vers des états d'équilibre du fait même qu'il fonctionne. Il s'agit donc de décrire les caractéristiques initiales du système, les mécanismes de fonctionnement et les états d'équilibre.

Vingt ans après naîtra le courant du connexionisme. Il utilise les sciences du cerveau comme modèle de description de l'émergence des compétences cognitives. Le postulat essentiel du connexionisme pose que les états mentaux ne seraient pas descriptibles en termes de connaissances, d'intentions, de buts ou de croyances comme le fait la psychologie cognitive, mais que l'esprit humain pourrait être modélisé par un système constitué de grands réseaux d'entités très simples (appelés "processeurs", "neurones", ou encore "nœuds") interconnectées et opérant en parallèle.

Il faut remonter au début du 20ème siècle avec, notamment les travaux de Vygotski pour voir émerger une définition sociale de la cognition. Ces travaux seront à la base du développement du courant de la psychologie socioculturelle. L’idée centrale de cette approche est que le fonctionnement et le développement des fonctions psychologiques supérieures de l’individu (dont évidemment le maniement des connaissances conceptuelles scientifiques) dérivent des interactions sociales. De ce courant émergera dans les années 1980 la cognition située. Cette approche considère l’apprentissage comme une modification des pratiques sociales, apprendre revient à s’intégrer socialement dans les pratiques d'un milieu professionnel, ce qui nécessite de s’approprier l’héritage culturel, et d'être capable de tenir un discours avec ses pairs.

À la suite de une étude plus détaillée sur les théories psychologiques de l'apprentissage, Weil-Barais (1993, p. 483) précise qu'à "l'heure actuelle, il semble impossible de pouvoir rendre compte par une seule théorie de la multitude de données dont on dispose sur les différentes formes d'apprentissage". C'est pourquoi, nous faisons le choix de sélectionner parmi les différentes théories, les hypothèses sur l'apprentissage qui nous semblent les mieux adaptées pour mener à bien notre étude.

Nos hypothèses de base sur l'apprentissage


Cette partie propose de nous situer par rapport aux travaux de Piaget, de Vygotski, et ceux de la cognition située, en précisant les hypothèses de base que nous adoptons de ces différentes théories.
Hypothèses de base issues des travaux de Jean Piaget (1861-1980)

Les travaux de Piaget (1970) s'intéressent à l'épistémologie génétique, dont le but est "de chercher à dégager les racines des diverses variétés de connaissances dès leurs formes les plus élémentaires et de suivre leur développement " (p. 6). On trouve dans ces travaux, notamment l'idée que les connaissances sont construites par l'individu en s'adaptant à son milieu. Cette adaptation nécessite la modification de certains schèmes, définis comme des invariants au niveau des actions. Piaget décrit cette modification à l'aide de deux mécanismes : l'assimilation et l'accommodation. Pour Piaget, l'adaptation intellectuelle est "une mise en équilibre progressive entre un mécanisme assimilateur et une accommodation complémentaire" et "l'adaptation n'est achevée que lorsqu'elle aboutit à un système stable, c'est-à-dire lorsqu'il y a équilibre entre l'assimilation et l'accommodation" (Piaget 1963, p.13). Sans reprendre la notion de schème, ni les mécanismes d'adaptation, nous adoptons l'hypothèse que l'individu construit ces connaissances en s'adaptant à son milieu et plus particulièrement en interagissant avec les objets du monde matériel.

De plus, Piaget (1972) distingue dans le développement des structures de l'intelligence des individus, quatre stades : sensori-moteur, symbolique, concret et formel. Pour lui, les stades ont un caractère intégratif, ce qui signifie que les structures construites à un niveau donné sont intégrées dans les structures du niveau suivant. Nous adoptons l'hypothèse que les nouvelles connaissances se construisent à partir des connaissances préalables de l'individu, sans pour autant adopter la structuration du développement de l'intelligence en termes de stades.

On reproche notamment à la théorie de Piaget d'être trop centrée sur l'action et de ne pas prendre assez en compte le rôle du langage et des interactions sociales. C'est pourquoi, nous allons adopter d'autres hypothèses issues du courant du socio-constructivisme.

Hypothèses de bases issues de Vygotski (1896-1934)

L’idée centrale de la psychologie socioculturelle est que le fonctionnement et le développement des fonctions psychologiques supérieures de l’individu dérivent des interactions sociales. Ce paradigme considère que l’apprentissage des concepts scientifiques passe par une internalisation au plan intrapsychique par le sujet, d’un discours partagé par d'autres personnes, se situant au plan interpsychique. Nous adoptons cette hypothèse que nous reformulons par une connaissance avant d'être "internalisée" par un individu est externe et partagée par plusieurs personnes.

Pour que cette internalisation ait lieu, l’individu doit être aidé. Selon la vigoureuse formule de Bruner (1985, p. 32) "il n’y a aucune façon, aucune, pour qu’un être humain puisse maîtriser ce monde sans l’aide et l’assistance des autres, parce qu’en fait ce monde c’est les autres". Pour nous, l'internalisation d'une nouvelle connaissance passe forcément par le langage et plus généralement la médiation. Toutefois à cette médiation s'ajoute une autre condition : celui qui aide doit se situer dans une zone où un développement est à la fois possible avec une assistance et impossible sans cette assistance, la Zone Proximale de Développement. Pour nous, la construction de nouvelles connaissances par un individu nécessite qu'elles ne soient pas trop éloignées de ses connaissances initiales.

Dans son travail Vygotski différencie les concepts spontanés, des concepts scientifiques. En effet, pour lui "le développement des concepts scientifiques doit immanquablement prendre appui sur un certain niveau de maturation des concepts spontanés" (Vygotski 1998, p.289-290). Nous adoptons l'hypothèse que l'individu construit ses connaissances scientifiques à partir de ses connaissances quotidiennes. Cependant, nous n'adhérons pas à l'idée, selon laquelle "les concepts scientifiques ne se développent pas du tout comme les concepts quotidiens" (Vygotski 1998, p.276), ni à une hiérarchisation entre les concepts scientifiques qui seraient supérieurs aux concepts spontanés. Nous partons de l'hypothèse qu'il n'y a pas de différence fondamentale dans le développement de ces concepts. C'est pourquoi, dans le cadre de notre travail, nous ne cherchons pas à établir de hiérarchisation entre les concepts.

Pour étudier la relation qu'entretient la pensée avec le langage, Vygotski va choisir comme unité de base le mot, car pour lui "la pensée ne s'exprime pas dans le mot, mais s'y réalise" (Vygotski 1998, p. 493). Pour lui, la signification sert à faire le lien entre la pensée et l'expression verbale. À ce propos, nous adoptons, pour la suite de notre travail, la distinction faite entre sens et signification : le sens "représente l'ensemble de tous les faits psychologiques que ce mot fait apparaître dans notre conscience. Le sens d'un mot est ainsi une formation toujours dynamique, fluctuante, complexe, qui comporte plusieurs zones de stabilité différente. La signification n'est qu'une des zones du sens que le mot acquiert dans un certain contexte verbal, mais c'est la zone la plus stable, la plus unifiée, et la plus précise..." (Vygotski 1998, p. 480). En résumé, Vygotski place le langage au cœur de l'apprentissage et considère que l'étude de la pensée passe par l'analyse de la signification des mots.


Hypothèses de base issues de la cognition située

La théorie de la cognition située considère que les significations sont dans les pratiques sociales avant d'être dans "la tête" des individus. Le sens se construit dans les échanges en référence à des contextes particuliers. Aussi, au plan psychologique, les connaissances sont toujours situées. Le caractère décontextualisé de certaines connaissances, comme les connaissances scientifiques, n'est qu'une exception, et ceci n'est qu'un idéal spécifique à une culture auquel ne parvient qu'une minorité d'individus. Pour ce courant, devenir médecin, c'est rentrer dans une communauté de pratique, ce qui nécessite d'apprendre à tenir un discours "médical" pour pouvoir interagir avec les personnes avec lesquelles on travaille. Ce discours sera différent, s'il est tenu par la même personne dans un hôpital, dans une ambulance ou dans un cabinet médical. Les concepts sont donc des outils linguistiques, et plus exactement discursifs, permettant d'agir concrètement dans des dispositifs bien établis. C'est pourquoi, la signification des concepts n'est pas absolue, mais elle doit être cherchée dans les pratiques sociales qui entourent les concepts. Nous rejoignons complètement l'approche de la cognition située sur ce point.

Jean Lave est une représentante importante du courant de la cognition située. Comme le précise Annick Weil-Barais (1993, p. 513) : "Jean Lave défend l'idée que les connaissances se forment dans des activités ayant une finalité sociale. Elles prennent sens par rapport à la finalité des actions et non pas par rapport aux concepts scientifiques ni par rapport à des organisations conceptuelles extérieures au sujet, élaborées par des communautés d'experts qui en discutent et développent une épistémologie à leur propos". En d'autres termes, Jean Lave invite les psychologues de la cognition à abandonner l'étude du sujet épistémique pour aborder l'étude de l'homme situé socialement et historiquement. Le point de vue de Lave (1988) est qu'il n'existe pas d'invariants conceptuels et que toutes les connaissances sont situées. Pour elle, que les connaissances préalables ne sont pas pertinentes pour étudier la gestion d'une situation par le sujet.

Sans pour autant adopter une position aussi tranchée, nous préférons envisager que le discours est une action située s'adaptant sans cesse au contexte (Roth 1998) et que la même connaissance d'un individu pourra prendre des formes très différentes en fonction des situations. Nous adoptons l'hypothèse que les connaissances sont internalisées par un individu dans les échanges en référence à des contextes particuliers. Cette hypothèse n'empêche pas que les connaissances construites à travers des échanges entre des individus à propos de situations particulières soient réutilisées par un individu dans d'autres situations (jouant ainsi le rôle de connaissances préalables).

Conclusion sur nos hypothèses de base sur l'apprentissage

Voici un résumé des hypothèses de base que nous adoptons pour le reste de notre étude :

- L'individu est le propre architecte de ses connaissances, il doit être actif pour les construire.

- L'individu construit de nouvelles connaissances en interagissant avec les objets du monde matériel.

- L'individu construit de nouvelles connaissances à partir de ses connaissances préalables.

De manière plus spécifique :

-L'individu construit ses connaissances scientifiques à partir de ses connaissances quotidiennes et de ses connaissances scientifiques déjà acquises.

-La construction de nouvelles connaissances par un individu nécessite qu'elles ne soient pas trop éloignées de ses connaissances initiales.

-Une connaissance avant d'être "internalisée" par un individu est externe et partagée par plusieurs personnes (qui ne l'ont pas nécessairement internalisée).

-Cette internalisation passe forcément par le langage et plus largement par une médiation.

De plus,


-Les connaissances sont internalisées par un individu dans les échanges en référence à des contextes particuliers.

Nos hypothèses se basent essentiellement sur les travaux de Vygotski et Piaget. À ce propos, Vergnaud (2000) signale que "la plus grande différence au fond est que Piaget privilégie l'interaction de l'enfant avec le monde des objets physiques et prend comme première référence l'action matérielle sur et avec les objets, tandis que Vygotski privilégie l'interaction de l'enfant avec autrui et prend comme référence le langage" (p.88). De plus, "on ne peut pas opposer radicalement Piaget et Vygotski, sauf peut-être sur le dernier point : celui du langage" (Vergnaud 2000, p.87). Cependant, nous ne rejetons pas l'idée que les actions matérielles avec les objets jouent aussi un rôle important. Nous considérons simplement que le langage occupe une place centrale dans l'apprentissage.


1.2 Éléments sur le fonctionnement du savoir en physique et dans l'enseignement


Dans la partie précédente, nous avons adopté des hypothèses issues de travaux en psychologie. Ces travaux traitent de l'apprentissage en général et ne tiennent pas compte des spécificités liées aux contenus disciplinaires. Notre étude s'intéresse à l'apprentissage de la physique et plus particulièrement à celui des concepts relatifs aux gaz. C'est pourquoi, il nous faut tenir compte d'un certain nombre de spécificités liées à cette discipline. Dans un premier temps, nous nous appuyons sur des aspects épistémologiques en particulier sur la façon dont se construisent les concepts scientifiques, pour ensuite pouvoir tenir compte de certaines particularités de la physique liées à l'activité de modélisation. Dans un second temps, nous étudions le rôle que peut jouer la représentation sémiotique des concepts. Dans un troisième temps, nous aborderons le rôle de la transposition didactique.

Un regard épistémique sur la formation des concepts


Dans le but de mieux cerner certaines spécificités du fonctionnement des sciences, il apparaît particulièrement intéressant de regarder comment est envisagée la formation des concepts scientifiques. Pour cela, nous nous sommes basés sur les travaux du philosophe Allemand Ernst, datant de 1910, proposant des éléments pour une théorie du concept. Son travail est parti de l'étude de la logique formelle en philosophie des mathématiques, pour ensuite s'élargir à des concepts de la physique et de la chimie, relevant de la "connaissance de la réalité" (Cassirer 1977, p.8). L'étude de ces concepts va l'amener à faire la distinction entre les concepts catégoriels, qui sont " la résultante de processus d'abstraction, c'est-à-dire (de) l'extraction d'une composante identique ou, au moins, semblable, extraite d'une pluralité de perceptions homogènes."(Cassirer 1977, p.225) et les concepts relationnels, qui sont définis par les relations qu'ils entretiennent avec d'autres concepts. En d'autres termes comme le signale Weil-Barais (1993, p. 441), le concept catégoriel revient à adopter une approche empiriste des concepts. Ainsi, le concept de CHIEN se forme après avoir rencontré de nombreux individus de cette espèce que l'entourage désigne par le mot "chien". Ce qui revient à envisager la formation du concept comme d'une association entre un ensemble d'attributs et un mot. Or cette approche se révèle inadaptée pour décrire des concepts relationnels mathématiques ou scientifiques. En effet, le concept d'ÉNERGIE en physique est un concept unificateur permettant de rendre compte d'un nombre considérable d'interactions mettant en jeu des phénoménologies diverses (mécaniques, électriques, lumineuses, thermiques...). L'énergie n'a de sens que reliée à d'autres grandeurs physiques, c'est en ce sens qu'il s'agit d'un concept relationnel. À partir de cette distinction, Cassirer proposera de développer une psychologie des relations. En partant de cette approche envisageant les concepts en termes de relations, nous proposons d'étendre ce point de vue, en considérant l'apprentissage comme l'établissement de nouveaux liens. Ces liens peuvent, bien entendu, être de natures différentes. En effet, il est possible d'envisager la formation d'un nouveau lien entre des concepts de la physique, mais aussi entre des mots ou encore entre un concept et une situation matérielle. Notons que cette position n'exclut pas les évolutions mettant en jeu la généralisation d'une notion, car là aussi de nouveaux liens entre le concept et son champ d'application sont en jeu.

En conclusion, nous partons du point de vue de Cassirer sur la formation des concepts scientifiques et nous l'élargissons en considérant qu'apprendre revient à établir des liens. Ces liens peuvent être de nature très différente et il nous importe autant que possible de pouvoir les spécifier.


L'activité de modélisation dans la construction des connaissances en physique


Après avoir envisagé la formation des concepts scientifiques à travers leurs aspects relationnels, nous proposons maintenant de nous intéresser plus spécifiquement à la construction des connaissances en physique par le biais de l'activité de modélisation. Un des buts de la physique est d'essayer de rendre compte du fonctionnement du monde qui nous entoure. Pour cela, les physiciens construisent des modèles permettant de décrire, voire de prédire, un certain nombre de phénomènes. Une importante recherche, menée au sein du LIREST (laboratoire didactique des sciences et techniques), a été effectuée sur l'utilisation de la modélisation dans l'enseignement (Martinand et al. 1992 & 1994). Cette recherche soulève la question du rôle de la modélisation dans l'apprentissage des élèves. En partant entre autres de travaux en épistémologie (Bunge 1973, Bachelard 1979, Giere 1988) sur l'activité de modélisation, Tiberghien (2000) propose des hypothèses sur la construction des connaissances en physiques. En effet, pour elle, cette construction passe par la mise en relation du monde des théories et des modèles avec le monde des objets et des événements. De plus, elle distinguera à l'intérieur du monde des théories et des modèles, les connaissances qui sont issues de la physique et celles provenant de la vie quotidienne (Figure 1.1).

Figure 1.1 : Les liens entre le monde des objets/événements et celui des théories/modèles (Tiberghien & Vince à paraître 2004).

Cette approche permet d'envisager l'hypothèse que faire établir des liens entre le monde des objets/événements et celui des théories/modèles favorise la construction des connaissances physiques par les élèves et bien sûr des liens internes à chacun de ces mondes (Tiberghien 2000). Nous ajoutons que l'établissement de ces liens nécessite de faire la distinction entre ce qui relève du modèle et ce qui appartient au monde des objets et des événements. Il est important de préciser que le monde des objets et événements n'est pas la réalité mais ce que perçoit l'individu de cette réalité. Cette perception n'est accessible au chercheur qu'à travers les verbalisations des individus à propos des objets et des événements. Un autre aspect de ce travail est d'envisager un fonctionnement différent entre les théories de la physique et celles qui sont développées dans le quotidien.

Les registres sémiotiques


Le développement des théories en physique s'appuie en grande partie sur les mathématiques, ce qui nécessite d'envisager des spécificités dans l'apprentissage provenant de l'activité mathématique elle-même. Une des spécificités de cette discipline est de faire appel à différents systèmes sémiotiques (langage naturel, langues symboliques, graphes, figures géométriques...) pour représenter les concepts. Selon Duval (1995), les systèmes sémiotiques servant à la représentation de connaissances doivent permettrent d'accomplir trois activités cognitives inhérentes à toute représentation. "Tout d'abord, constituer une trace ou un assemblage de traces perceptibles, qui soient identifiables comme une représentation de quelque chose dans un système déterminé. Ensuite, transformer les représentations par les seules règles propres au système de façon à obtenir d'autres représentations pouvant constituer un apport de connaissance par rapport aux représentations initiales. Enfin, convertir les représentations produites dans un système en représentations d'un autre système de telle façon que ces dernières permettent d'expliciter d'autres significations relatives à ce qui est représenté." (p. 21). Tout système sémiotique permettant ces trois activités est appelé registre de représentation sémiotique ou plus simplement registre sémiotique.

En physique, il est fréquent qu'un concept soit représenté dans des registres sémiotiques différents. Ceci conduit à prendre particulièrement en compte trois phénomènes étroitement liés (Duval 1995) :

- la diversification des registres de représentation sémiotique, c'est-à-dire la nécessité de distinguer les différents systèmes de représentation (le langage naturel, le langage symbolique, les schémas, les figures géométriques, les graphes cartésiens, les tableaux...), car ils posent chacun des questions d’apprentissage spécifiques ;

- la différenciation entre représentant et représenté. Cette distinction est généralement associée à la compréhension de ce qu’une représentation représente. Cette distinction peut permettre d'associer à un représenté d’autres représentations. Ceci semble n'être jamais acquis d'emblée quel que soit le registre de représentation et quel que soit le stade de développement.

- la coordination entre les différents registres sémiotiques, c'est-à-dire la connaissance de règles de correspondance entre les systèmes mobilisés et utilisés ensemble. Un obstacle majeur à une mise en place spontanée de cette coordination est l’importance des phénomènes de non-congruence entre les représentations produites dans des systèmes différents.

Chaque registre permet de mettre en oeuvre des aspects différents d'un même concept et la compréhension d'un concept passe par la mise en relation des différents registres sémiotiques qui le représentent. Par exemple pour le concept de force, on aura (figure 1.2) :

Figure 1.2 : Représentations d'un même concept dans des registres sémiotiques différents

Chacun de ces registres met en évidence des propriétés différentes du concept de force. Par exemple, la représentation vectorielle permet de préciser la direction et le sens de la force. La description en langue formelle de la force à l'aide de la formule F = m.a montre l'aspect relationnel de ce concept avec d'autre grandeur physique. La langue naturelle peut faire apparaître la distinction entre ce qui relève du modèle (la force) et ce qui relève des objets et des événements (l'action exercée sur une balle).

Ces différents exemples nous amènent à considérer que la compréhension d'un concept physique nécessite, d'une part d'être capable de représenter un concept dans différents registres sémiotiques et d'autre part de pouvoir mettre en relation les différentes représentations de ce concept.


La transposition didactique


Nous adoptons la distinction faite par Chevallard (1991) entre la connaissance, qui se place du point de vue d'un individu, et le savoir, qui se place du point de vue d'une institution. À ce propos, Chevallard précise qu'un savoir n'existe pas "in vacuo" dans un vide social : tout savoir apparaît, à un moment donné, dans une société donnée, comme ancré dans une ou des institutions. Pour qu'un savoir puisse "vivre" dans une institution, il faut qu'il se soumette à un certain nombre de contraintes que lui impose cette institution. Parmi ces contraintes, il y a la manipulation transpositive qui permet à un savoir de passer d'une institution à une autre. Chaque fois qu'un savoir est transposé, il subit un certain nombre de transformations afin qu'il puisse s'adapter à "sa" nouvelle institution. Le savoir scientifique ne peut pas être enseigné tel quel aux élèves et toute la difficulté de l'enseignement réside dans la transformation d'un savoir pour le rendre "enseignable". Pour cela, il doit d'abord être transposé de l'institution productrice de ce savoir à une institution transpositive qui va transformer l'objet de savoir en objet à enseigner. Ensuite il doit être transposé dans une institution d'enseignement, qui transformera l'objet à enseigner en objet enseigné. Comme le précise Perrin-Glorian (1999) : si la théorie anthropologique "permet de pointer la conformité ou non aux rapports institutionnels de rapports personnels à des objets de savoir, puisqu'elle les distingue, elle n'a pas de moyen de décrire les conditions de leur émergence pour un sujet de l'institution en position d'élève" (P. 289). En clair, la faiblesse de cette théorie est qu'elle évite toute référence à une théorie de l'apprentissage (Rouchier 1996, cité par Perrin-Glorian 1999). Compte tenu du fait que notre étude se centre sur l'apprentissage des élèves, nous n'utilisons pas l'ensemble de la théorie anthropologique pour mener à bien cette étude. Cependant, nous reprenons un certain nombre d'éléments de cette théorie pour décrire la construction de la séquence d'enseignement sur les gaz, notamment les notions de savoir savant, savoir à enseigner et savoir enseigné.

En conclusion, voici les hypothèses que nous adoptons à propos du fonctionnement du savoir en physique. La plupart des concepts scientifiques se forment par une mise en relation avec d'autres concepts. C'est pourquoi, la nature relationnelle de ces concepts nous conduit à envisager l'apprentissage en termes de lien. Ces liens peuvent être de différentes natures. Compte tenu du fonctionnement spécifique de la modélisation, nous considérons que la mise en relation du monde des théories et des modèles avec celui des objets et des événements est nécessaire pour l'apprentissage de la physique. De plus, la représentation d'un même concept dans des registres sémiotiques différents nous conduit à poser que l'établissement de liens entre ces différents registres est nécessaire à l'apprentissage de ce concept. Pour finir, un savoir scientifique nécessite un certain nombre de transpositions avant de devenir "enseignable" et l'apprentissage d'un concept sera conditionné par ces transpositions. Toute la difficulté de l'enseignement réside dans la transformation des concepts afin de faciliter leur apprentissage par les élèves.


1.3 Hypothèses sur les raisonnements des élèves


Nous présentons dans un premier temps des résultats sur les élèves qui ne se limitent pas à un domaine particulier de la physique, pour dans un second temps, nous centrer sur les connaissances initiales des élèves sur les gaz.

Les raisonnements des élèves en termes de causalité


Un grand nombre de résultats issus de disciplines aussi variées que l'histoire des sciences (Kuhn 1971), la psychologie (Piaget 1974) ou encore la didactique des sciences (Tiberghien 1980 ; Anderson 1986 ; Viennot 1993) montre que la plupart du temps les individus raisonnent en utilisant la causalité. Ainsi, ils expliquent les phénomènes en identifiant une cause qui est associée à un effet : la pierre bouge (effet) parce qu'on l'a lancée (cause). Devant l'ampleur de l'utilisation de la causalité par les élèves pour interpréter les phénomènes du monde qui nous entourent, certains didacticiens (Viennot 1996, Tiberghien à paraître) insistent sur la nécessité de prendre en compte la causalité dans l'apprentissage des sciences. Nous proposons de dresser une typologie rapide des différentes causalités, en nous basant entre autres sur l'ouvrage "les théories de la causalité" de Bunge, Halbwachs, Kuhn, Piaget & Rosenfeld (1971).
Causalité simple

La causalité simple (Bunge 1971) comme son nom l'indique, représente la causalité sous sa forme la plus simple. Elle se définit par la phrase : à une cause donnée est associée un effet donné. Ce type de raisonnement est très fréquemment utilisé dans la vie quotidienne et se retrouve même en science. En effet, comme le précise Halbwachs (1971, p. 51) : "la causalité s'introduit dans la science en raison de son pouvoir d'explication au plan épistémique".

De plus, "il est une circonstance qui se rencontre si fréquemment qu'on peut se demander si on n'atteint pas là une règle générale, c'est la connexion de réciprocité des relations causales". (Halbwachs 1971, p. 72). C'est-à-dire que dans le cas d'une causalité simple (AA') à un moment donné et sous certaines conditions, il vient toujours un moment où l'on peut observer des phénomènes correspondant à la relation inverse (A'A) (idem, p.72).


Deux fonctionnements de la causalité simple

De plus comme le signale Tiberghien (à paraître) on retrouve fréquemment chez les élèves deux fonctionnements de la causalité simple :

- la causalité matérielle d'Aristote présentée par Kuhn (1971) : le matériau ou plus généralement ce qui est "interne" à l’objet est la cause des propriétés ou des actions de l’objet. Par exemple, lorsqu'on tape dans un punching-ball rempli de plumes, il monte plus haut qu'un punching-ball rempli de sable ; les plumes qui constituent le punching-ball étant la cause.



- le raisonnement plus-plus décrit par diSessa (1987) : "plus d'effort implique plus de résultat" (p. 12). Par exemple, plus on va lancer une pierre fort et plus elle va aller loin.
Pluralité au sein des rapports causaux

Comme le précise Bunge (1971) il peut y avoir une pluralité au sein des rapports causaux, c'est-à-dire qu'à une cause est associée plusieurs effets ou qu'à un effet sont associées plusieurs causes. Cette pluralité est fréquente en physique, par exemple l'endroit (effet) où va tomber une pierre que l'on a lancée dépend de plusieurs causes : l'action initiale exercée sur la pierre, les frottements avec l'air, l'attraction terrestre... Cependant, une grande partie des élèves interprète les phénomènes à l'aide de la causalité simple (Tiberghien 1980, Anderson 1986, Viennot 1993). En effet, il est très rare de rencontrer des raisonnements envisageant une pluralité des causes ou des effets, et cela même chez les enseignants (Givry 2003).
Causalité linéaire

Prenons le cas d'une pile (A) dans un circuit (qui fait circuler du courant dans des fils (B)), qui font eux-même tourner un moteur (C) faisant du vent (D). Cette succession d'événements peut être décrite par la chaîne causale : ABCD. Et bien, la causalité linéaire peut être considérée comme une chaîne causale dont chaque maillon est constitué par une relation de causalité simple. (Halbwachs 1971, p. 54).
Causalité retardée ou simultanée

La compréhension de raisonnements, utilisant une chaîne de causalité linéaire passe par l'analyse de chacune des relations de causalité simple qui la composent. Il est particulièrement intéressant de regarder le lien entre la causalité simple et son déroulement dans le temps. Halbwachs (1971, p.55-56) précise que la causalité simple se caractérise par une "relation d'ordre" entre la cause qui précède l'effet. Cependant cette relation d'ordre doit être distinguée de l'ordre temporel. En effet, pour lui il y a des moments où la cause et l'effet se déroulent simultanément (causalité simultanée) et des moments où la cause se produit avant l'effet (causalité retardée). Ces deux définitions de la causalité proviennent d'une réflexion d'Halbwachs sur le fonctionnement de la physique. Il est intéressant de voir que cette distinction est particulièrement adaptée pour rendre compte de certaines difficultés des élèves. Comme le montre Viennot (1993), le temps est une variable privilégiée pour les élèves et il n'est pas rare de les voir séquentialiser dans le temps des événements qui se déroulent simultanément. Par exemple, ils interpréteront à l'aide de la formule PV = nRT, le fait qu'un ballon contenant de l'air se gonfle, en expliquant que dans un premier temps la température augmente, ce qui va entraîner une augmentation de la pression, qui aura pour conséquence de faire augmenter le volume du ballon, alors que du point de vue de la physique ces trois grandeurs varient simultanément. Nous pensons que les élèves auront tendance à utiliser la causalité retardée, là où la physique utilisera la causalité simultanée, particulièrement pour les relations mettant en jeu plusieurs variables comme F=ma, U=RI, PV=nRT...

En conclusion, cette partie montre l'importance de la causalité dans les raisonnements des individus. La causalité peut prendre des formes assez différentes (simple, linéaire, retardée...) et il est important de savoir utiliser la bonne pour interpréter correctement les situations. En effet, il apparaît que les élèves utilisent couramment la causalité retardée, là où la physique utilise la causalité simultanée. Nous faisons le choix d'adopter l'hypothèse que la plupart des élèves raisonnent en utilisant la causalité simple.


Les conceptions des élèves sur les gaz


L'approche socio-constructiviste considère que les connaissances initiales jouent un rôle important dans la construction de nouvelles connaissances. C'est pourquoi, l'étude de l'apprentissage des concepts relatifs aux gaz par des élèves de seconde nécessite de connaître leurs connaissances préalables sur ce sujet. Dans ce but, nous proposons de faire, dans un premier temps, un tour d'horizon des travaux didactiques sur les conceptions des élèves sur les gaz ; dans un second temps, nous proposons des hypothèses sur les raisonnements des élèves de seconde sur les gaz. Ces hypothèses sont susceptibles d'être modifiées au cours de notre travail, notamment à la suite de l'analyse des réponses des élèves.
1-Rapide tour d'horizon des travaux didactiques sur les conceptions des élèves sur les gaz

Pour présenter ce tour d'horizon, nous avons regroupé les résultats en fonction d'un certain nombre de thèmes. Nous avons fait le choix de ne pas trop expliciter les conceptions, car nous reviendrons sur certaines plus en détail dans le reste de cette recherche.

Matérialité du gaz

La plupart des élèves de 6ème savent que l'air est présent dans un bocal ouvert et qu'il occupe tout l'espace dont il dispose (Séré 1985). Cependant, pour ces élèves, l'air ne semble exister que lorsqu'il est en mouvement (Séré 1985), ce résultat est retrouvé chez de jeunes élèves italiens âgés de 6-7 ans par Borghi et al. (1988). De plus, on constate une certaine difficulté pour les élèves à considérer l'air comme étant de la matière (Plé 1997).



Masse d'un gaz

Un des principaux aspects de la matérialité des gaz est qu'ils possèdent une masse. Cependant, pour la plupart des élèves âgés de 11 à 13 ans l'air ne pèse pas et une petite partie d'entre eux considère qu'il allège les objets (Séré 1985). Ces résultats sont retrouvés pour des élèves israéliens du même âge (Stavy 1988). Cependant, les réponses des élèves varient en fonction du type de situations proposées par la question. Cette étude montre aussi que des élèves plus âgés (14-15 ans) vont considérer que l'air a une masse. (Stavy 1988).



Quantité de gaz

Un travail sur des élèves de CM2 montre que la quantité de gaz n'est pas conservée dans la plupart des situations faisant intervenir la compression, la dilatation, le transvasement (Weil-Barais, Séré & Landier 1986). Une autre étude effectuée sur des élèves de 6ème-5ème montre que, pour un petit nombre d'entre eux, l'air se faufile partout, même à travers les parois des objets. Cependant, à la suite de l'enseignement sur les gaz, la conservation de la quantité d'air semble être acquise pour les situations de compression et de transvasement. En revanche ce n'est pas le cas pour les situations où la température varie (Séré 1985). D'autres travaux menés sur des élèves de 4ème montrent que très peu d'entre eux tiennent compte de la conservation de la quantité pour décrire une compression (Chomat, Larcher, Méheut 1988)



L'action du gaz

Pour le physicien, les gaz agissent sur tous les objets avec lesquels ils sont en contact. Ceci est loin d'être une évidence pour les élèves de 6ème-5ème. En effet, ils considèrent que les gaz n'agissent que lorsqu'ils sont en mouvement, et cela aussi bien pour des gaz se trouvant dans une enceinte fermée (par exemple une seringue) que "libre" (par exemple l'air atmosphérique) (Séré 1985). Il semble que pour les élèves anglais âgés 17-18 ans, l'air enfermé dans une pipette remplie d'eau a des propriétés différentes de celles de l'air libre (De Berg 1992). De plus, selon une autre étude Anglaise sur les effets de l'air atmosphérique, il apparaît que pour la plupart des élèves âgés respectivement de 12, 14 et 16 ans, l'air atmosphérique n'agit pas dans la plupart des situations proposées (Clough et Driver 1986). Ces résultats rejoignent ceux de Séré (1985) montrant que pour la plupart des élèves l'air immobile n'agit pas et l'air en mouvement agit. De plus, les élèves considèrent qu'un gaz qui est "simplement" enfermé dans une enceinte n'agit pas. En effet, ils envisagent que le gaz ne peut agir que si l'on exerce une action dessus, particulièrement si on le compresse ou si on le chauffe. De plus, pour la plupart des élèves interrogés dans cette étude, les gaz dans une enceinte n'exercent de forces que dans une seule direction :

-lorsque le gaz est compressé, il agit particulièrement dans la direction du mouvement du piston ou de la force exercée,

-lorsque le gaz est chauffé, les élèves utilisent la connaissance quotidienne "l'air chaud monte", ce qui favorise l'action du gaz dans la direction verticale ascendante, ou encore celle qui s'éloigne le plus du point où l'on chauffe (Séré 1985).



Répartition du gaz

Les gaz n'ont pas de forme propre, et adoptent la forme du récipient qui les contient. Ils ont la propriété d'être expansibles, ce qui signifie qu'ils se répartissent de manière homogène dans le récipient qui les contient. La plupart des élèves de 6ème-5ème interrogés par Séré (1985) considèrent que si l'on met un petit peu d'air dans une grande boîte vide d'air, il va occuper toute la boîte. Cependant, ces mêmes élèves ne réinvestissent pas cette propriété d'expansibilité dans les situations de chauffage. Une autre étude réalisée sur des étudiants de DEUG à l'université montre que la plupart d'entre eux considèrent que deux gaz mis dans la même enceinte ne se mélangent pas et chacun occupe une partie du volume (Barlet & Plouin 1997). D'autres travaux réalisés aux État-Unis sur plus de 600 élèves allant du niveau grade 2 (7-8ans) jusqu'à l'université, montre que jusqu'au grade 12 (c'est-à-dire juste avant l'université), la plupart des élèves représentent l'air comme n'étant pas réparti de manière homogène (c'est-à-dire répartie à un endroit spécifique) lorsque l'on vide une bouteille d'air à moitié (Benson, Wittrock & Baur 1993). De plus, cette étude montre que l'air est dessiné comme un ensemble continu par la plupart des élèves de grade 10 (16-17ans) et qu'il faut attendre le grade 11 (17-18ans) pour que la majorité utilise une représentation particulaire de l'air. Une étude plus récente menée au Venezuela, montre que les trois quarts des étudiants interrogés pensent que la répartition d'un gaz que l'on refroidit ne sera pas homogène (Niaz 2000). D'autres travaux que nous ne détaillerons pas retrouvent ce type de répartition localisée des gaz (Novick et Nussbaum 1978 ; Chomat, Larcher & Méheut 1988 ; Noh et Scharmann 1997). En conclusion, nous retiendrons que la plupart des élèves ne considèrent pas que les gaz se répartissent de manière homogène.



Aspect particulaire des gaz

Le modèle microscopique du gaz est particulièrement utile pour rendre compte du comportement des gaz. Cependant, plusieurs travaux illustrent les difficultés qu'éprouvent les élèves à réinvestir ce modèle (Novick et Nusbaum 1981, Chomat, Larcher & Méheut 1988, Séré & Moppert 1989) et il semble que les élèves de quatrième font appel plus facilement aux molécules dans leurs dessins que dans leurs explications (Barboux, Chomat, Larcher Méheut 1987). D'autres travaux menés aux États-Unis sur des élèves de différentes classes allant du grade 4 jusqu'à l'université (Benson, Wittrock & Baur 1993), montrent que ce n'est qu'à partir du grade 11 (17-18ans) que plus de la moitié des élèves utilise des représentations microscopiques de l'air. De nombreux travaux semblent montrer que les élèves attribuent des propriétés macroscopiques à des objets microscopiques, par exemple les molécules d'un gaz gonflent quand on le chauffe. (Novick & Nussbaum 1978, Brook, Briggs & Driver 1984, Gabel, Samuel & Hunn 1987, Séré & Moppert 1989, Méheut & Chomat 1990, Méheut 1994). Un petit nombre de travaux se sont intéressés à l'utilisation de simulation dynamique pour décrire le modèle microscopique des gaz. Ces travaux montrent que les élèves de 4ème ont du mal à percevoir les chocs des molécules sur les parois et qu'un certain nombre relie la variation de la pression à la densité des molécules (Méheut 1996).



Approche systémique

Beaucoup d'élèves ont des difficultés pour raisonner en termes de différence de pression. En effet, il semble qu'ils ne prennent en compte qu'un seul système (Séré 1985, Clought & Driver 1986, Méheut 1990, de Berg 1992). Ceci a pour conséquence que les élèves attribuent au vide la propriété d'agir et notamment d'aspirer les objets comme une ventouse, ou un liquide avec une paille (Séré 1985, Clought & Driver 1986, Rollnick & Rutherford 1990).


2-Hypothèses sur les raisonnements des élèves en Seconde

Les travaux sur les conceptions que nous avons présentés, concernent des élèves de pays et de niveau différents. À partir de ces travaux, nous avons élaboré les hypothèses suivantes sur les raisonnements des élèves de seconde à propos des gaz :

- Pour la plupart des élèves de seconde les gaz existent même lorsqu'ils sont immobiles.

- La plupart des élèves de seconde considère que le gaz n'a pas de masse et une petite partie considère que le gaz allège les objets qui les contient.

- Pour la plupart des élèves de seconde la quantité d'un gaz n'est pas conservée dans les situations de chauffage.

- La plupart des élèves de seconde considère qu'un gaz enfermé dans une enceinte n'agit que lorsqu'une action extérieure est exercée dessus

- La plupart des élèves de seconde considère que l'action du gaz se fait dans une direction privilégiée (vers le haut quand on le chauffe et dans la direction du mouvement lorsqu'on le compresse).

- Pour la plupart des élèves de seconde les gaz ne se répartissent pas de manière homogène dans une enceinte.

- La plupart des élèves de seconde n'utilise pas un modèle microscopique.

- La plupart des élèves de seconde attribue des propriétés macroscopiques aux molécules.

- La plupart des élèves de seconde ne raisonne pas en comparant plusieurs systèmes et n'utilise pas la différence de pression pour interpréter les situations.


Conclusion


Dans cette partie, nous avons précisé les hypothèses sur l'apprentissage que nous avons adoptées pour mener à bien notre étude. Tout d'abord, en nous basant sur les différents travaux psychologiques sur l'apprentissage, nous avons adopté un certain nombre d'hypothèses se situant dans le courant du socio-constructivisme. Ensuite, en nous appuyant sur certaines considérations à propos du fonctionnement du savoir en physique, nous avons décidé d'envisager l'apprentissage en termes de lien. Ceci nous a permis de faire émerger deux hypothèses d'apprentissage de la physique. La première porte sur la nécessité d'établir des relations entre le monde des théories/modèles et le monde des objets/événements et la seconde sur celle d'établir des liens entre les différents registres sémiotiques qui représentent un concept. Pour finir, nous avons regardé des travaux didactiques sur les raisonnements des élèves. Ces travaux nous ont permis d'adopter l'hypothèse que les élèves raisonnent essentiellement à l'aide de la causalité et qu'ils utilisent un certain nombre de raisonnements particuliers sur le comportement des gaz.

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